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Numérisation : 15 mars 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/00821

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Numérisation : 15 mars 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/00821

Arrêt n° 118

du 15/03/2023

N° RG 22/00821

IF/ACH

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 15 mars 2023

APPELANT :

d’un jugement rendu le 31 mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS, section Activités Diverses (n° F 20/00657)

Monsieur [O] [S]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Maître Pascal GUERIN, avocat au barreau de REIMS

INTIMÉE :

La S.A. [4] SANTE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par la SCP ACG & ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 janvier 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseillère, et Madame Isabelle FALEUR, conseillère, chargées du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 15 mars 2023.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseillère faisant fonction de président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseillère

Madame Isabelle FALEUR, conseillère

GREFFIER lors des débats :

Madame Maureen LANGLET, greffière placée

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseillère faisant fonction de président et Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Monsieur [O] [S] a été embauché en contrat à durée indéterminée à compter du 11 octobre 1999 par la SA POLYCLINIQUE DE [4] devenue la SA [4] SANTE, en qualité d’ouvrier d’entretien services généraux pour un horaire hebdomadaire de travail de 39 heures moyennant une rémunération mensuelle brute de 6922 francs.

À compter du 1er mai 2002, sa classification dans la convention collective unique de la fédération hospitalière privée du 18 avril 2002 a évolué vers celle d’employé Agent d’entretien, coefficient 180.

Par courrier du 29 octobre 2018, son employeur l’a informé de son souhait de l’affecter sur le site de [Localité 5] [Localité 3] à compter du 7 novembre 2018, sans remise en cause de son statut, de sa rémunération ou de son amplitude de travail.

Monsieur [O] [S] a refusé cette affectation le 5 novembre 2018.

La SA [4] SANTE lui a proposé une nouvelle affectation, à compter du 8 novembre 2018, au sein de la polyclinique [4] en qualité d’agent hôtelier, pour s’occuper de la lingerie, du courrier et de la distribution des produits d’entretien, sans remise en cause de son statut ni de sa rémunération.

Le 5 février 2019, Monsieur [O] [S] a fait l’objet d’un blâme et le 17 juillet 2019, il a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire.

Monsieur [O] [S] a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 7 février 2020, sans dispense d’exécution du préavis, son employeur lui reprochant d’avoir consommé, dans la lingerie, le 15 janvier 2020 entre 10h et 10h30, de la nourriture destinée à des patients hospitalisés.

Par requête reçue au greffe le 22 décembre 2020, Monsieur [O] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Reims pour contester son licenciement.

Par jugement du 31 mars 2022, le conseil de prud’hommes de Reims a :

– déclaré Monsieur [O] [S] mal fondé en l’ensemble de ses demandes et l’en a débouté;

– a débouté les parties de toutes autres et plus ample demandes;

– laissé les dépens à la charge de Monsieur [O] [S].

Monsieur [O] [S] a régulièrement interjeté appel le 11 avril 2022 pour voir infirmer le jugement de première instance en ce qu’il l’a déclaré mal fondé en l’ensemble de ses demandes et l’a débouté de toutes ses demandes.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur [O] [S] demande à la cour, sur le fondement des articles L 1331-1 et suivants, L 1232-1 et suivants du code du travail :

DE JUGER que la SA [4] SANTE ne justifie pas de la réalité des faits reprochés ayant justifié les sanctions de blâme et de mise à pied,

D’ANNULER la sanction de blâme du 5 février 2019,

D’ANNULER la mise à pied disciplinaire du 11 juillet 2019,

DE JUGER que l’employeur à modifier unilatéralement son contrat de travail,

DE JUGER que l’employeur n’établit pas la réalité des griefs qu’il lui reproche,

DE JUGER que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

DE CONDAMNER la SA [4] SANTE à lui payer les sommes suivantes :

– 27’927,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif (16 mois);

– 232,22 euros à titre de salaires impayés pendant la mise à pied outre 23,22 euros de congés payés afférents.

DE JUGER que ces condamnations produiront intérêts au taux légal à compter de l’arrêt pour les demandes indemnitaires,

D’ORDONNER à la SA [4] SANTE de lui remettre le dernier bulletin de paye, l’attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes à la décision sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification de l’arrêt,

DE CONDAMNER la SA [4] SANTE à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DE CONDAMNER la SA [4] SANTE aux entiers dépens de l’instance.

Au soutien de ses demandes Monsieur [O] [S] souligne qu’il n’a jamais formellement donné son accord à la modification de son contrat de travail, qu’il a occupé seul un poste qui était auparavant tenu par deux personnes et qu’il n’a pas reçu de formation.

Il expose que les sanctions disciplinaires dont il a fait l’objet doivent être annulées dans la mesure où les faits qui lui sont reprochés ne sont ni étayés ni vérifiables et que l’employeur ne justifie pas avoir eu connaissance des faits qu’il lui reproche dans les deux mois qui précèdent les sanctions.

Il fait valoir que le seul fait qui lui est reproché ne justifie pas un licenciement après 20 ans de service, que la direction autorise la consommation des aliments retournés par les services et que le lieu dans lequel il a pris un repas n’est pas une lingerie dans laquelle des règles particulières d’hygiène doivent s’appliquer.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 7 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SA [4] SANTE demande à la cour :

A titre principal,

DE CONFIRMER le jugement du conseil de prud’hommes de Reims en date du 31 mars 2022 en ce qu’il a déclaré Monsieur [O] [S] mal fondé en l’ensemble de ses demandes et l’en a débouté,

D’INFIRMER le jugement en ce qu’il a débouté les parties de toutes autres et plus amples demandes,

DE CONDAMNER Monsieur [O] [S] à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

DE CONDAMNER Monsieur [O] [S] aux entiers dépens.

En tout état de cause,

DE JUGER qu’il n’y a eu aucune modification du contrat de travail,

DE JUGER que les sanctions disciplinaires sont justifiées et fondées,

DE DEBOUTER Monsieur [O] [S] de sa demande de rappel de salaire au titre de sa mise à pied disciplinaire,

DE JUGER que le licenciement de Monsieur [O] [S] est justifié par une cause réelle et sérieuse,

DE DEBOUTER Monsieur [O] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DE DEBOUTER Monsieur [O] [S] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnités de congés payés afférents,

DE DEBOUTER Monsieur [O] [S] de sa demande de remise des documents sociaux sous astreinte,

DE DEBOUTER Monsieur [O] [S] de ses demandes, fins, et prétentions de ces chefs.

A titre subsidiaire,

DE FIXER le montant de l’indemnité due au titre de l’article L 1235-3 du code du travail à la somme de 4402,29 euros,

DE JUGER que les éventuelles condamnations sont prononcées sous déduction des cotisations et contributions sociales et salariales et prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu auquel elles sont légalement assujetties.

La SA [4] SANTE fait valoir qu’elle n’a imposé aucune modification du contrat de travail à son salarié et qu’elle a seulement été contrainte, compte tenu de sa propre réorganisation, de modifier ses conditions de travail tout en prenant en compte ses souhaits puisqu’il a refusé une première proposition.

Elle expose que les sanctions disciplinaires dont Monsieur [O] [S] a fait l’objet sont justifiées dès lors qu’il a reçu la formation adéquate et qu’il n’a pas assumé le poste de plusieurs personnes contrairement à ses allégations, que la direction a engagé les procédures disciplinaires dans le mois qui a suivi la transmission d’information faite par la responsable hiérarchique de Monsieur [O] [S], Madame [G] [P].

La SA [4] SANTE ajoute que les faits qui sont la cause des sanctions disciplinaires sont parfaitement précis et détaillés.

En ce qui concerne le licenciement de Monsieur [O] [S], la SA [4] SANTE soutient qu’il lui a été rappelé à plusieurs reprises qu’il était interdit de manger dans la lingerie, que cette interdiction est mentionnée dans le règlement intérieur et que, le 15 janvier 2020, entre 10 heures et 10h30, Monsieur [O] [S] a été surpris par la directrice des soins en train de consommer dans la lingerie, sur la table de tri de linge propre, un repas destiné aux patients hospitalisés..

MOTIFS

Sur la modification du contrat de travail.

La modification du contrat de travail n’obéit pas au même régime juridique que le simple changement des conditions de travail. Le changement des conditions de travail est décidé par l’employeur et il est opposable au salarié, tandis que la modification du contrat de travail échappe au pouvoir unilatéral de l’employeur et ne peut intervenir qu’avec l’accord du salarié.

La modification du contrat de travail s’entend de celle qui concerne un élément essentiel du contrat : le lien de subordination juridique, les fonctions, la rémunération. La fonction est un élément essentiel du contrat de travail dans la mesure où le salarié est engagé pour occuper un emploi déterminé ou un poste d’une catégorie d’emploi déterminée.

Le contrat de travail ne peut être modifié qu’avec l’accord exprès du salarié, lequel ne peut résulter de son silence ou de la poursuite par lui du travail.

En revanche, l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer les conditions de travail d’un salarié et la circonstance que la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu’il exécutait antérieurement, dès l’instant qu’elle correspond à sa qualification, ne caractérise pas une modification du contrat de travail .

Le contrat de travail en date du 11 octobre 1999, produit aux débats, établit que Monsieur [O] [S] a été engagé en qualité d’ouvrier d’entretien, filière des services généraux, position 1 niveau 1 coefficient 179. Il stipule qu’il devra se conformer aux horaires de travail de l’établissement, qui pourront être modifiés en fonction des nécessités de service et que, dans l’intérêt du service, il pourra être décidé de toute affectation ne modifiant ni la position ni le niveau mentionné au contrat.

À compter du 1er mai 2002, la classification de Monsieur [O] [S], dans la convention collective unique de la fédération hospitalière privée du 18 avril 2002, a évolué vers celle d’employé agent d’entretien, coefficient 180.

A la suite du transfert d’une partie des activités de la clinique de [4] sur le site de [Localité 3] au mois de mai 2018 et de la mise en place d’un compacteur de déchets, la SA [4] SANTE a réorganisé la gestion des déchets.

C’est dans ce contexte qu’elle a proposé à Monsieur [O] [S], agent logistique collecte des déchets, une nouvelle affectation sur le site de [Localité 3].

Monsieur [O] [S] ayant refusé cette affectation, la SA [4] SANTE lui a proposé le poste d’agent hôtelier en charge de la gestion du linge, des stocks de produits d’entretien et du courrier, sur le site de la clinique de [4], poste qu’il a commencé à occuper à compter de courant novembre 2018.

Contrairement à ce que soutient Monsieur [O] [S], son affectation au poste d’agent hôtelier n’a pas entraîné de modifications contractuelles puisque les attributions correspondaient à la même classification et à la même qualification professionnelle.

En effet le poste d’agent logistique collecte des déchets qu’il occupait antérieurement et le poste d’agent logistique lingerie, produits d’entretien, courrier qu’il a occupé à compter de courant novembre 2018 relevaient des mêmes classifications et coefficients. De même, la rémunération de Monsieur [O] [S] n’a pas été modifiée.

La comparaison des fiches de poste permet par ailleurs de vérifier que les fonctions de Monsieur [O] [S], avant et après sa réaffectation au poste d’agent hôtelier, impliquaient le même type de tâches et les mêmes compétences.

En effet en tant qu’agent logistique collecte des déchets il devait : réceptionner les déchets et vérifier la bonne affectation dans les contenants, gérer et suivre la rotation des bennes, nettoyer et entretenir les équipements du site, tenir les documents de l’activité, collecter des sacs en extérieur de la clinique.

En tant qu’agent hôtelier lingerie, produits d’entretien, courrier, il devait : réceptionner et contrôler la livraison du linge, nettoyer les casiers et porte- sacs des tenues professionnelles, rendre compte des anomalies rencontrées dans la distribution et les stocks de linge, anticiper les éventuelles carences en linge, réceptionner et organiser le stockage des produits commandés.

Dans le cadre de son poste d’agent hôtelier, il devait en outre utiliser un logiciel de gestion du linge et des produits d’entretien.

L’utilisation d’un tel logiciel dans le cadre de la numérisation du monde du travail n’est pas en inadéquation avec la qualification d’employé de Monsieur [O] [S].

Par ailleurs la SA [4] SANTE justifie lui avoir dispensé la formation nécessaire.

Elle produit, à cet effet, la fiche détaillée de ses missions, heure par heure, qui lui a été remise, ainsi que les attestations de Madame [G] [P], sa supérieure hiérarchique et de Madame [T] [Y], salariée en contrat à durée déterminée, qui justifient qu’il a été formé du 8 novembre 2018 au 23 novembre 2018 par cette dernière sous la supervision et l’assistance de sa supérieure hiérarchique.

La SA [4] SANTE produit également le compte rendu d’entretien préalable à sanction disciplinaire en date du 20 juin 2019 qui établit que Monsieur [O] [S] a refusé d’être formé au logiciel de gestion du linge.

Contrairement à ce que soutient Monsieur [O] [S], la SA [4] SANTE n’a pas modifié son contrat de travail mais seulement ses conditions de travail.

Son accord exprès n’était donc pas nécessaire.

Sur l’annulation des sanctions disciplinaires.

L’article L1332-4 du code du travail dispose qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

L’article L6321-1 du code du travail impose à l’employeur d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques.

Comme indiqué ci-dessus, la SA [4] SANTE justifie avoir formé Monsieur [O] [S] dans le cadre de son affectation en qualité d’agent hôtelier.

Dès sa prise de poste, sa supérieure hiérarchique, Madame [G] [P], lui a transmis une liste des tâches détaillées qu’il devait effectuer.

La SA [4] SANTE justifie également, en produisant les contrats de travail et un tableau récapitulatif des salariés successifs qui ont occupé, depuis 2016, les fonctions de gestion de la lingerie, du courrier et des produits d’entretien, que compte tenu de la réorganisation des sites de [Localité 5] et de [Localité 3], Monsieur [O] [S] n’a pas assumé le poste de plusieurs personnes en sa qualité d’agent hôtelier chargé de la lingerie du courrier et des produits d’entretien.

* sur le blâme du 5 février 2019.

Il est établi par les mails produits aux débats que :

– 14 décembre 2018, Madame [G] [P], supérieure hiérarchique de Monsieur [O] [S] a alerté la direction des ressources humaines sur les difficultés qu’elle rencontrait avec lui, indiquant qu’il refusait d’exécuter ses missions et de respecter les règles d’hygiène applicables dans la Polyclinique, qu’elle était contrainte d’effectuer certaines tâches à sa place telles que les envois de mails pour les changements de taille de tenues du personnel, les commandes et livraisons de produits d’entretien ou bien encore les livraisons de linge en service.

Elle a également alerté sa hiérarchie sur le refus de Monsieur [O] [S] de suivre les règles de sécurité : il laissait souvent le local de dotation ouvert, ce qu’elle avait elle-même constaté la veille via la videosurveillance, et il donnait les clés du local aux agents des services hospitaliers.

Enfin, elle indiquait que Monsieur [S] prenait son repas en service (plateau restant) tous les jours.

– le 19 décembre, Madame [G] [P] a signalé à Monsieur [C], le directeur des Ressources Humaines que la veille Monsieur [O] [S] avait donné au bloc opératoire des attèles mal rincées. Elle a joint des photographies.

Le 7 janvier 2019, soit moins d’un mois après la découverte des faits fautifs, Monsieur [S] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 15 janvier suivant.

Par courrier du 5 février 2019, il a reçu un blâme pour avoir :

– de manière récurrente, refusé de se conformer aux directives énoncées par sa supérieure hiérarchique Madame [G] [P] : relève des dotations de linge avant huit heures alors qu’elles ne devaient pas l’être avant 8h45, refus de faire les commandes de tenues de travail ou les changements de taille du personnel ainsi que les commandes de produits d’entretien, absence de mise en copie de Madame [P] lors des commandes de linge, absence de transmission d’information lorsque survenait un problème technique,

– à plusieurs reprises, donné les clés du local de dotation au personnel de bionettoyage, augmentant le risque de vol et ne permettant pas un suivi optimal des stocks,

– refus de prendre son téléphone sans fil afin de rester joignable à tout moment,

– défiance et désinvolture dans son comportement, ses propos et son attitude vis-à-vis de la hiérarchie.

C’est par une juste appréciation des faits que le Conseil de Prud’hommes a jugé que les attestations et mails de Madame [P], ainsi que l’attestation de Madame [Y] démontraient suffisamment les indications et formations données à Monsieur [S], et la lassitude de Mme [P] face à la volonté de celui-ci de ne pas exécuter les tâches confiées conformément aux instructions reçues.

Si tous les faits fautifs ne sont pas précisément datés, la cour est en mesure de vérifier qu’ils ne sont pas prescrits dès lors qu’ils relevaient du comportement quotidien de Monsieur [O] [S].

Ainsi, la sanction de blâme n’était pas disproportionnée face à l’attitude de Monsieur [S].

* mise à pied disciplinaire du 11 juillet 2019

Il est établi par les mails produits aux débats que :

– le 23 mai 2019, Madame [G] [P] a de nouveau alerté la direction des difficultés qu’elle rencontrait avec Monsieur [S], en ces termes :

– « Non-respect des dotations de linge (vérifié en service par moi-même le 22/05, malgré plusieurs rappels, tableau en PJ),

– Couettes polaires dans tous les services = non prévues dans les dotations et donc pas de stock suffisant chez le prestataire = rupture,

– Distribution des tenues de bloc « propre » et ramassage des tenues « sale » en même temps = Non-respect des normes d’hygiènes RABC = voir feuille en PJ (il a noté « et descente du linge par le même temps »),

– Manque de tenue de travail = plus de ramassage de tenues au vestiaire du -2, mis en place par [O] lui-même (ce qui explique les manques que nous avons connu) = voir feuille en PJ ( il a noté, « je ne le faisais pas ») et lorsque je lui ai demandé de le reprendre, il m’a répondu qu’il avait demandé au personnel de le faire,

– Casiers de tenues pas fermés malgré plusieurs rappels, rangement des tenues sans respecter les normes d’hygiènes, soit mettre les tenues livrées sous les tenues déjà en casier.

– Ce jour, sac de blouses des médecins par ramassé donc pas parti au lavage chez le prestataire,

– Pas de saisies dans le logiciel Anett, (mission rayée sur la feuille en PJ par ses soins, voir feuille en PJ),

– Demande du 22/05 des urgences concernant le linge du week-end, réponse : ‘vous avez la clef de la lingerie, allez vous servir’.

– Ne porte pas de tenues de travail malgré plusieurs rappel (blouse), pas en adéquation avec son poste,

– Non-respect des dotations de produits d’entretien (vérifié en service par moi-même le 23/05, malgré plusieurs rappels, tableau en PJ),

– A rassemblé 3 services en 1 pour la distribution de produits (noté par ses soins sur la feuille de dotation en PJ),

– Fait faire les distributions des produits par les ASH à sa place.

– le 11 juin 2019, Madame [G] [P] a informé la Direction, en joignant des photographies, que la lingerie était dans un état déplorable « pas de rangement, pas de nettoyage de surface, cafetière, évier’ vêtement personnel qui « traine » sur les chariots… pas de retrait de vêtements (juste empilés sur les étagères, pas de photo car j’ai rangé avant)’. ».

Le jour même, Monsieur [O] [S] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 20 juin suivant.

À l’occasion de cet entretien, qui s’est tenu en présence des responsables des ressources humaines, Monsieur [O] [S], assisté d’un représentant du personnel, a admis qu’il laissait le personnel de nettoyage se servir dans les stocks, qu’il n’allait pas chercher le linge sale dans les vestiaires, qu’il ne respectait pas les mesures d’hygiène, pour gagner du temps, qu’il avait mal géré la gestion du linge pendant l’absence d'[G] [P].

Monsieur [S] a été mis à pied à titre disciplinaire du 6 au 8 août 2019 en raison:

– de son refus récurrent de se conformer aux directives énoncées par sa supérieure hiérarchique,

– de l’ouverture du local de produits d’entretien aux personnels de bionettoyage afin qu’ils puissent s’approvisionner alors même qu’il était le garant des stocks et qu’il avait la responsabilité en tant que dépositaire des clés du local ;

– de son refus de respecter les règles d’hygiène ;

– de la modification du sens du circuit pour le linge sale sans l’avoir fait valider préalablement au responsable hiérarchique,

– de son refus d’utiliser un vestiaire à sa disposition pour se changer

– de son refus de se former à l’utilisation du logiciel de gestion du linge ;

– du non-respect des dotations en linge et en produits d’entretien, engendrant un surstockage dans les services ;

Ainsi que l’a justement observé le premier juge, les faits à l’origine de la mise à pied disciplinaire de Monsieur [O] [S], ont été reconnus pour certains par le salarié dans le cadre de son entretien préalable et sont établis par les nombreux courriels circonstanciés de signalement à la direction.

Si tous les faits fautifs ne sont pas précisément datés, la cour est en mesure de vérifier qu’ils ne sont pas prescrits dès lors qu’ils relevaient du comportement quotidien de Monsieur [O] [S].

Ils justifient la sanction de mise à pied qui apparaît proportionnée, sans sévérité excessive s’agissant d’une seconde sanction.

Sur le bien-fondé du licenciement.

L’article L1232-1 du Code du travail prévoit que : « Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. »

Aux termes de l’article L.1235-1 du Code du travail, les juges forment leur conviction au vu des éléments de preuve fournis par les parties.

La charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas sur l’employeur.

Il incombe toutefois à celui-ci d’alléguer les faits précis sur lesquels il a fondé sa décision.

Le 15 janvier 2020 entre 10h et 10h30, Madame [I] [K], directrice des soins, qui accompagnait une nouvelle salariée à la lingerie pour faire ses essayages de tenues, a surpris Monsieur [O] [S] en train de manger, sur la table de tri du linge propre, un repas ‘tonus’ et le contenu d’un sachet repas destiné au patient de la chambre 350 pour le jour même, repas qui ont ensuite été signalés manquants par le service concerné.

Si la SA [4] SANTE ne justifie pas que le Règlement Intérieur qui interdit au personnlel de prendre ses repas dans les locaux affectés au travail a été porté à la connaissance de Monsieur [O] [S] , il résulte du compte rendu d’entretien préalable à sanction disciplinaire en date du 23 janvier 2020 que ce dernier, assisté par Madame [L] [N], représentante du personnel, a admis qu’il avait pris ce repas directement sur les chariots destinés à être emmenés dans les services et qu’il avait déjà été rappelé à l’ordre plusieurs fois oralement sur le fait qu’il ne devait pas manger dans la lingerie.

Madame [L] [N] dans son attestation en date du 15 février 2021 témoigne des aveux de Monsieur [O] [S].

La SA [4] SANTE produit également des photographies prises le jour même, qui montrent la prise des repas en question, ainsi que le mail de Madame [I] [K] envoyé à la Direction.

Contrairement à ce qu’affirme Monsieur [O] [S], les faits qui lui sont reprochés par son employeur ne sont pas minimes, s’agissant d’un vol et de la consommation de produits alimentaires dans un local non destiné à cet effet, nonobstant plusieurs rappels à l’ordre de sa direction à ce sujet.

C’est donc à juste titre que le premier juge a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [O] [S] de l’ensemble de ses demandes.

Sur les autres demandes.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

Monsieur [O] [S] justifie qu’il travaille en intérim et que ses revenus ne dépassent pas 1000 euros par mois.

En conséquence, il y a lieu de laisser à la SA [4] SANTE la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel et le jugement de première instance sera confirmé de ce chef.

Monsieur [O] [S], qui succombe en appel, est condamné aux dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Reims en date du 31 mars 2022 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

LAISSE à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles d’appel,

CONDAMNE Monsieur [O] [S] aux dépens de la procédure d’appel.

La Greffière La Conseillère

 


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