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Numérisation : 3 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/05899

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Numérisation : 3 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/05899

1ère Chambre

ARRÊT N°116/2023

N° RG 20/05899 – N° Portalis DBVL-V-B7E-RD7K

Mme [C] [G] [M] épouse [N]

M. [R] [E] [N]

C/

M. [Y] [U] [W] [X]

Mme [A] [P] [D] épouse [X]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 janvier 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 mai 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 14 mars 2023 à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Madame [C] [G] [M] épouse [N]

née le 14 Novembre 1959 à [Localité 7] (94)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Carole ROBARD de la SELARL POLYTHETIS, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Monsieur [R] [E] [N]

né le 30 Juillet 1964 à [Localité 6] (60)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Carole ROBARD de la SELARL POLYTHETIS, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

INTIMÉS :

Monsieur [Y] [U] [W] [X]

né le 18 Juin 1986 à [Localité 9] (78)

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Sandrine MARTIN-SOL de lza SELARL MARTIN-SOL, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES

Madame [A] [P] [D] épouse [X]

née le 24 Octobre 1990 à [Localité 8] (92)

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Sandrine MARTIN-SOL de la SELARL MARTIN-SOL, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES

EXPOSÉ DU LITIGE

Les époux [X] ont souhaité acheter la maison de Mme [C] [M] épouse [N], située sur la commune de [Localité 2] (Eure).

Par acte notarié du 21 octobre 2017, une promesse unilatérale de vente a été régularisée entre les parties moyennant un prix de 256.000 euros. Il était stipulé le versement par le bénéficiaire de la promesse d’une indemnité d’immobilisation à hauteur de 25.600 euros.

Le 14 novembre 2017, les époux [X] ont versé la somme de 22.800 euros à titre d’indemnité d’immobilisation entre les mains du notaire.

Prévue le 2 février 2018, la réitération de la vente par acte authentique était reportée à la suite d’un dégât des eaux constaté lors du dernier état des lieux réalisé le jour même.

Les parties ont fait procéder à des expertises amiables par leurs assureurs respectifs sur l’origine et l’étendue de ce dégât des eaux, en faisant chiffrer les travaux réparatoires.

Par courrier recommandé en date du 5 mars 2018, les époux [X] ont fait savoir aux époux [N] qu’ils refusaient définitivement de signer l’acte authentique au regard de l’ampleur des dégâts constatés. Ils ont sollicité le remboursement des sommes versées au titre de l’indemnité d’immobilisatíon.

Par courrier recommandé en date du 26 mars 2018, les époux [N] ont répondu qu’ils acceptaient le renoncement à l’acquisition de la maison, tout en contestant l’importance des désordres. Ils se sont opposés à la restitution de l’indemnité d’immobilisation aux époux [X].

Les démarches amiables postérieures n’ont pas permis aux parties de s’entendre sur le sort de l’indemnité d’immobilisation.

Par acte d’huissier en date du 17 janvier 2019, Mme [A] [X] née [D] et M. [Y] [X] ont fait assigner Mme [C] [N] née [M] et M. [R] [N] devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire aux fins d’obtenir notamment la déconsignation à leur profit de la somme de 12.800 € correspondant au montant de l’indemnité d’immobi1isation séquestrée entre les mains du notaire, outre la réparation des préjudices subis.

Par jugement du 5 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a :

-Débouté Mme [C] [N] née [M] et M. [R] [N]de l’ensemble de leurs demandes ;

-Dit que la somme de 12.800 € séquestrée au titre de l’indemnité d’immobilisation entre les mains de Me [B], notaire à [Localité 5], devra être déconsignée et restituée à Mme [A] [X] née [D] et M. [Y] [X] ;

-Ordonné en conséquence sa restitution au pro’t de Mme [A] [X] née [D] et M. [Y] [X] ;

-Condamné Mme [C] [N] née [M] et M. [R] [N] à payer à Mme [A] [X] née [D] et M. [Y] [X], ensemble, les intérêts légaux calculés sur la somme de 12.800 € à compter du 17 janvier 2019, ce jusqu’à la date de restitution de la totalité de ce montant par Me [B] ;

-Débouté Mme [A] [X] née [D] et M. [Y] [X] de leurs demandes de dommages-intérêts ;

-Condamné Mme [C] [N] née [M] et M. [R] [N] aux entiers dépens de l’instance ;

-Condamné Mme [C] [N] née [M] et M. [R] [N] à payer à Mme [A] [X] née [D] et M. [Y] [X], ensemble, la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Le tribunal a considéré que les stipulations contractuelles relatives à l’indemnité d’immobilisation contractuelle étaient inopérantes pour permettre la restitution de l’indemnité d’immobilisation litigieuse. En revanche, il a fait application de la clause relative au sinistre pendant la promesse de vente et a considéré que le dégât des eaux survenu pendant la validité de la promesse de vente était de nature à porter atteinte de manière significative à la valeur du bien, justifiant le désistement des acquéreurs et le remboursement de toutes les sommes avancées.

Selon déclaration du 1er décembre 2020, les époux [N] ont interjeté appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire en date du 5 novembre 2020.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 5 janvier 2023 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, M. et Mme [N] demandent à la cour de :

-Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire le 5 novembre 2020, sauf en ce qu’il a :

*débouté M. et Mme [X] de leurs demandes de dommages et intérêts,

*débouté M. et Mme [X] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

-Dire que la somme de 12.800 € séquestrée entre les mains du notaire sera déconsignée au profit de Mme [N] ;

-Autoriser en conséquence Maître [O] [B] à verser la somme consignée à Mme [N] ;

-Condamner M. et Mme [X] à verser à Mme [N] la somme de 12.800 € pour solde de l’indemnité d’immobilisation, outre intérêts au taux légal à compter de la lettre recommandée du 26 mars 2018 ;

-Condamner M. et Mme [X] à verser à M. et Mme [N] la somme de 2.000 € chacun au titre de leur préjudice moral ;

-Condamner M. et Mme [X] à verser à M. et Mme [N] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

-Condamner M. et Mme [X] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 2 janvier 2023 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, M. et Mme [X] demandent à la cour de :

A titre principal

-Dire et juger que la déclaration d’appel des époux [N] est dépourvue d’effet dévolutif, faute de chef de jugement critiqué ;

-Constater que la cour n’est pas valablement saisie ;

-Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire le 5 novembre 2020, excepté en ce qu’il a débouté les époux [X] de leurs demandes de dommages et intérêts et condamné les époux [N] à payer aux époux [X] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

-Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire en date du 05 novembre 2021, excepté en ce qu’il a débouté les époux [X] de leurs demandes de dommages et intérêts et condamné les époux [N] à payer aux époux [X] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Sur l’appel incident,

-Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire le 5 novembre 2020 en ce qu’il a débouté les époux [X] de leurs demandes de dommages et intérêts et condamné les époux [N] à payer aux époux [X] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant de nouveau :

-Condamner M. et Mme [N] à régler à M. et Mme [X] une somme de 27 000 € à titre d’indemnisation des préjudices subis;

-Condamner M. et Mme [N], à payer à M. et Mme [X] la somme de 13 842,63 € conformément aux dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et ce au titre de la 1ère instance ;

Et y ajoutant :

-Condamner en cause d’appel M. et Mme [N] à régler à M. et Mme [X] la somme de 6 000 € conformément aux dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens lesquels comprendront notamment les frais liés à la sommation interpellative.

MOTIVATION DE LA COUR

1°/ Sur l’effet dévolutif de l’appel

Aux termes de leurs écritures, les époux [X] soutiennent que la déclaration d’appel de M. et Mme [N] ne mentionne pas les chefs expressément critiqués du jugement ni l’objet de l’appel de sorte que l’effet dévolutif de l’appel n’a pas opéré.

L’article 562 du Code de procédure civile énonce que : «L’appel défère à la cour la connaissance des chefs du jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent », et que « la dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible ».

Le décret n°2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire a notamment modifié les dispositions de l’article 901 du code de procédure civile, en y ajoutant, au premier alinéa, les mots « comportant le cas échéant une annexe ».

L’article 901 du Code de procédure civile dans sa rédaction applicable à compter du 27 février 2022, applicable au litige, dispose donc que : « la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;

2° L’indication de la décision attaquée ;

3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle ».

Un arrêté du 25 février 2022, pris en application de l’article 1411 du code de procédure civile, a modifié l’article 3 de l’arrêté technique du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, lequel dispose désormais que :

« Le message de données relatif à l’envoi d’un acte de procédure remis par la voie électronique est constitué d’un fichier au format XML destiné à faire l’objet d’un traitement automatisé par une application informatique du destinataire » (al. 1er non modifié).

«Lorsque ce fichier est une déclaration d’appel, il comprend obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l’article 901 du code de procédure civile. En cas de contradiction, ces mentions prévalent sur celles mentionnées dans le document fichier au format PDF visé à l’article 4 » ( al.2 nouveau).

L’ arrêté du 25 février 2022 précité a également modifié l’article 4 du même arrêté du 20 mai 2020, lequel précise désormais que :

«Lorsqu’un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document.

Ce document est communiqué sous la forme d’un fichier séparé du fichier visé à l’article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique ».

Le décret et l’arrêté du 25 février 2022 susvisés, qui valident la pratique consistant à joindre une annexe à l’acte de déclaration d’appel proprement dit, s’appliquent aux instances en cours, c’est-à-dire aux instances introduites par des actes d’appel qui lui sont nécessairement antérieurs, ce qui est le cas de la présente instance.

En cas de renvoi à un document annexe, il est impératif que la déclaration d’appel (sous fichier XML) renvoie expressément à l’annexe contenant la liste des chefs critiqués du jugement. A défaut, l’annexe ne peut être considérée comme faisant corps avec la déclaration d’appel.

En l’espèce, la déclaration d’appel du 1er décembre 2020 adressée par M. et Mme [N] indique : «Appel total (voir annexe à la déclaration)». Elle ne vise aucun élément du dispositif du jugement dont appel. En revanche, elle renvoie expressément à une annexe.

Le document joint en PDF intitulé ‘annexe à la déclaration d’appel’ est quant à lui ainsi rédigé :

‘ Conformément aux dispositions de l’article 901-4° du Code de procédure civile, issu du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, il est précisé que l’appel porte sur les chefs du jugement suivants :

-Déboute Madame [C] [N] née [M] et Monsieur [R] [N] de l’ensemble de leurs demandes ;

-Dit que la somme de 12.800 € séquestrée au titre de l’indemnité d’immobilisation entre les mains de Me [B], notaire à [Localité 5], devra être déconsignée et restituée à Madame [A] [X] née [D] et Monsieur [Y] [X] ;

-Ordonne en conséquence sa restitution au pro’t de Madame [A] [X] née [D] et Monsieur [Y] [X] ;

-Condamne Madame [C] [N] née [M] et Monsieur [R] [N] à payer à Madame [A] [X] née [D] et Monsieur [Y] [X], ensemble, les intérêts légaux calculés sur la somme de 12.800 € à compter du 17 janvier 2019, ce jusqu’à la date de restitution de la totalité de ce montant par Me [B] ;

-Déboute Madame [A] [X] née [D] et Monsieur [Y] [X] de leurs demandes de dommages-intérêts ;

-Condamne Madame [C] [N] née [M] et Monsieur [R] [N] aux entiers dépens de l’instance ;

-Condamne Madame [C] [N] née [M] et Monsieur [R] [N] à payer à Madame [A] [X] née [D] et Monsieur [Y] [X], ensemble, la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

-Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire. »

Contrairement à ce que soutiennent les époux [X], il n’existe pas de contradiction entre la déclaration d’appel au format XML qui vise un ‘appel total’ et l’annexe puisque c’est bien la totalité des chefs du jugement qui sont critiqués (y compris la disposition ayant débouté les époux [X] de leurs demandes de dommages et intérêts).

Il est donc constaté que cette déclaration d’appel, qui renvoie expressément à une annexe non contradictoire, est conforme aux prescriptions telles que modifiées par l’arrêté du 25 février 2022, applicables aux instances en cours. Elle remplit les conditions pour opérer l’effet dévolutif.

Par conséquent, la cour est bien saisie de la déclaration d’appel du 1er décembre 2020, qui fait corps avec son annexe.

Enfin, l’article 901 alinéa 1er précise que la déclaration d’appel doit notamment comporter les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 du Code de procédure civile et ce à peine de nullité.

En l’espèce, la déclaration d’appel ne précise pas expressément si l’objet de l’appel tend à la réformation ou à l’annulation du jugement.

Toutefois, dans la mesure où l’annexe faisant corps avec la déclaration d’appel se réfère expressément à l’article 901 4° et détaille les chefs du jugement critiqués, il est clair que l’appel tend à la réformation du jugement.

Les époux [X] n’établissent aucun grief résultant de cette omission dés lors que l’objet du litige (à savoir le périmètre de l’appel) leur était parfaitement connu.

Par ailleurs, il ne résulte pas de la jurisprudence citée par les intimés (notamment Civ 2ème, 29 septembre 2022, n°21-23.456, inapplicable en l’espèce) que la solution dégagée par la Cour de cassation, consistant à priver d’effet dévolutif la déclaration d’appel qui ne mentionnerait pas les chefs du jugement critiqués, devrait être étendue au cas où la déclaration d’appel ne préciserait pas expressément que l’appel tend à la réformation du jugement dès lors que les chefs critiqués du jugement sont ici expressément énoncés.

Au total, le moyen tiré de l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel doit être rejeté.

2°/ Sur le sort de l’indemnité d’immobi1isation

a. Sur l’affectation de l’indemnité d’immobilisation séquestrée

Selon les dispositions de l’article 1103 du Code civil, « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

Pour solliciter la déconsignation et l’affectation de la somme de 12.800 euros versée entre les mains du notaire à titre d’indemnité d’immobilisation, les époux [X] se fondent sur la clause relative au sinistre pendant la validité de la promesse (page 32) .

Cette clause précise qu’en cas de sinistre « de nature soit à rendre les biens inutilisables  soit à porter une atteinte significative à leur valeur », le bénéficiaire aura la faculté de renoncer purement et simplement à la vente et de se voir immédiatement remboursé de toutes sommes avancées par lui le cas échéant.

Il est constant qu’ un sinistre est intervenu le 2 février 2018, pendant la durée de validité de la promesse unilatérale de vente, à savoir un important dégât des eaux, affectant plusieurs pièces de la maison.

Cette clause qui vise indistinctement le remboursement à l’acquéreur de «  toutes sommes avancées par lui », doit inclure la restitution de l’indemnité d’immobilisation.

Il en résulte que les époux [X] peuvent se prévaloir de cette clause spécifique « en cas de sinistre », indépendamment des stipulations contractuelles relatives au sort de l’indemnité d’immobilisation en cas de non réalisation de la vente figurant en page 12 de la promesse.

Il convient de préciser qu’en l’espèce les promettants ont expressément accepté la renonciation des bénéficiaires de sorte que le litige est circonscrit au sort de l’indemnité d’immobilisation.

Il importe donc peu de s’attacher aux motivations des époux [X] pour décider de renoncer à leur acquisition, la solution du litige impliquant seulement d’apprécier l’ampleur du sinistre.

Ainsi, pour obtenir la restitution de l’indemnité d’immobilisation, les époux [X] doivent alternativement démontrer que le sinistre a rendu le bien qu’ils envisageaient d’acquérir « inutilisable » ou qu’il a porté « une atteinte significative » à sa valeur.

A cet égard, les époux [X] versent aux débats le rapport d’expertise privée établi le 1er mars 2018 par M. [R] [F], architecte DPLG, dont il ressort que le dégât des eaux a affecté plusieurs pièces de la maison :

*Dans la chambre 2 (au rez-de-chaussée) :

-Un phénomène de décollement d’une bande calicot au plafond, témoin d’une infiltration ;

-La présence de traces symptomatiques d’un phénomène d’infiltration sur le nu de la cloison ;

– Traces d’imprégnation d’humidité dans l’angle et cloquage de la peinture sur plaques ;

-Écartement de la jonction en coupe d’onglet de deux linéaires de plinthes, résultant d’une déformation de l’assemblage suite à l’évaporation d’une humidité résiduelle absorbée par la plinthe ;

*Dans le couloir du rez-de-chaussée : un phénomène de décollement d’une bande calicot au plafond, témoin d’une infiltration ;

*Dans le séjour :

-Marque d’un début de décollement d’une bande calicot, démontrant également l’altération de cette zone de l’habitation ;

-Présence de traces d’imprégnation humide des plaques de plâtre ;

*Dans la salle d’eau (étage) :

-Le carrelage en pose droite souffre d’un décollement généralisé, résultante indiscutable d’une importante infiltration d’eau qui par évaporation est venu décoller le carrelage de son support ;

*Dans la chambre 3: traces d’humidité visible à l’interface du conduit de cheminée et du plafond de la chambre, attestant que la souche de cheminée souffre d’un défaut de raccordement étanche avec le complexe de couverture ;

*Dans la chambre 4 : traces évidentes de coulure d’humidité ayant taché le revêtement mural ;

* Dans les combles perdus :

– En ligne d’approche du faîtage, retrait sur toute une frange située sous le premier rang de tuile du pare-vapeur ;

-Présence de mousse injectée récemment à l’interface du premier et deuxième rang de tuile comblant un interstice de pureautage (intervention de fortune) ;

L’expert indique qu’il ne peut conclure définitivement sur les causes de ces infiltrations et émet l’hypothèse que celles-ci proviennent de la salle de bain située à l’étage ou des combles supérieurs.

Contrairement à ce que soutiennent les époux [N], l’organisation par les époux [X] d’une expertise ne leur a pas été cachée. La visite de M. [F] a été effectuée en présence de l’agent immobilier, Mme [L], laquelle a confirmé dans la sommation interpellative qui lui a été adressée, avoir obtenu l’accord de Mme [N].

Il est par ailleurs admis que si la juridiction ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion des parties, elle ne peut toutefois fonder exclusivement sa décision sur un rapport d’expertise amiable non contradictoire.

En l’occurrence, il n’y a pas lieu d’écarter le rapport de M. [F], qui ne fait que corroborer les dégâts relatés par les époux [X] dans leur courrier adressé au notaire le 6 février 2018, auquel étaient annexées de nombreuses photographies objectivant les infiltrations et l’humidité affectant la chambre 2 (RDC), le couloir (RDC), le séjour, la salle de bain de l’étage, la chambre 3 à l’étage.

Du reste, les pièces produites par les époux [N] eux-même (rapport d’expertise Macif, devis et facture des travaux de reprise de l’entreprise MCRI) corroborent l’existence des désordres allégués dans la chambre bleue ( n°2), le séjour, le couloir et la salle de bain de l’étage.

Il ressort ainsi du rapport d’expertise de l’assureur des vendeurs ( Macif) que les désordres constatés sont dus à des infiltrations par la toiture lors de fortes précipitations, avec une migration de l’eau au travers de l’ouvrage, altérant les embellissements dans plusieurs pièces de l’habitation.

En revanche, la cour ne peut tirer que peu d’enseignements du rapport d’expertise privé produit par les époux [N] dans la mesure où celui-ci a été établi 15 mois suivant le sinistre et après que Mme [N] ait procédé aux travaux de reprise, de sorte que, fort logiquement , l’expert indique ne plus voir de traces d’infiltrations.

Il est dès lors incontestable au vu des photographies produites, du rapport de M. [F], du rapport d’expertise Macif ainsi que des devis et factures de travaux de l’entreprise MCRI, que la chambre n°2 (RDC) , le séjour et la salle de bain de l’étage ne pouvaient être ni aménagées ni utilisées par les acquéreurs sans travaux de reprise préalables.

Le couloir nécessitait également une réfection des murs et plafonds mais il ne s’agit pas d’une pièce de vie.

L’ampleur des désordres dans les chambres 3 et 4 n’est pas suffisamment établie et ne permet pas de retenir le caractère inutilisable de ces pièces.

Les désordres affectant la salle de bain du RDC (frisette au plafond déformée) sont sans rapport avec le sinistre, l’agent immobilier ayant confirmé dans la sommation interpellative que ce « gondolement existait lors de la mise en vente de la maison ». Ces désordres étant antérieurs à la vente, apparents et connus des époux [X], ces derniers ne peuvent s’en prévaloir dans le cadre de l’application de la clause de sinistre.

Il est observé que la maison est équipée de 4 chambres et de deux salles de bain. Ainsi, même en retenant l’ampleur des dommages telle qu’alléguée par les époux [X], force est de constater que la cuisine, la chambre n°1, la salle à manger et la salle de bain du rez-de-chaussée sont des pièces qui n’ont pas été affectées par le sinistre, ce qui suffit à considérer que pour ce couple avec un enfant à naître, la maison demeurait habitable.

Au surplus, il ressort des pièces produites, notamment les rapports d’expertise [F] et Macif, que les dommages n’ont porté atteinte qu’aux embellissements sans affecter la structure de l’immeuble, ce qu’a confirmé l’expert [T] à la suite d’une visite effectuée plusieurs mois après le sinistre. Il est observé que les seules réserves structurelles émises par les deux experts [F] et [T] sont relatives à l’absence de calcul de charge pour le plancher bois des combles (dans une maison Phenix à structure métallique), ce qui est sans rapport avec le sinistre.

Il n’est donc pas démontré que le bien était devenu inutilisable à la suite du sinistre.

Au surplus, les époux [N] versent aux débats un devis de reprise de l’intérieur de la maison à hauteur de 6.495,54 euros et la facture correspondante, moins onéreuse (3.009,01 euros) ainsi qu’une facture de réparation de la toiture (replacement des tuiles) à hauteur de 627 euros.

Rien ne permet de considérer que ces devis seraient complaisants, d’autant qu’ils coïncident avec l’estimation des travaux telle que l’avait retenue l’expert de la Macif.

En toute hypothèse, Mme [N] ayant déclaré le sinistre à son assurance, la prise en charge des travaux de reprise était couverte, au moins en partie.

Même en considérant que les devis/factures produits seraient sous-estimés par rapport au coût réel de réfection des pièces abîmées (il est vrai que le devis ne semble inclure que la main d”uvre et non la fourniture du carrelage ou du parquet) et que la cour retenait un coût de réfection à hauteur de 15.000 euros (soit plus du double), il n’en resterait pas moins que le coût de réparation du sinistre ne représenterait même pas 3% du prix de vente, ce qui ne peut s’analyser en une atteinte significative à la valeur du bien.

Enfin, contrairement à ce que soutiennent les époux [X], l’atteinte à la valeur significative de l’ouvrage ne saurait résulter ni des incertitudes qui subsistaient lors de la renonciation quant aux causes du sinistre ni sur le caractère éventuellement évolutif des désordres ou la découverte ultérieure de désordres cachés par les revêtements de sols ou de murs.

En l’occurrence, tant l’artisan intervenu à la demande des époux [N] que leur expert Macif ont déterminé que les désordres avaient pour origine des infiltrations en toiture. Cette origine a également été identifiée par l’expert [F] lequel a préconisé la remise en place des tuiles, ce que les époux [N] ont effectué ( facture MCRI du 28 mars 2018). Il est observé qu’aucun des professionnels intervenus n’a préconisé une réfection complète de la toiture.

Les conclusions hypothétiques de l’expert [F] relatives à une potentielle autre cause des fuites ( notamment par les canalisations) ou à l’ampleur non immédiatement apparente des désordres, dès lors qu’elles ne sont objectivées par aucune preuve, ne sauraient suffire pour conclure que le sinistre a porté une atteinte significative à la valeur du bien.

Au total, aucune des deux conditions d’application de la clause contractuelle revendiquée par les époux [X] n’est réunie. M. et Mme [X] ne peuvent donc obtenir la restitution de la somme de 12.800 euros déjà versée au titre de la clause d’immobilisation.

La somme de 12.800 euros séquestrée entre les mains du notaire sera déconsignée au profit de Mme [N].

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

b. Sur le solde de l’indemnité d’immobilisation

Aux termes de l’avant contrat qu’elles ont régularisé le 21 octobre 2017 les parties ont convenu du versement d’une indemnité d’immobilisation d’un montant forfaitaire de 25.600 euros dont une partie devait être réglée par le bénéficiaire de la promesse, à peine de caducité, dans les 10 jours de la promesse et l’autre partie, dans les huit jours au plus tard de l’expiration de celle-ci.

Il est constant qu’après une prorogation, la promesse expirait le 2 février 2018.

Par ailleurs, la promesse unilatérale de vente stipule en page 14 : « Quant au surplus de l’indemnité d’immobilisation, soit la somme de 12.800 €, le bénéficiaire s’oblige à le verser au promettant au plus tard dans le délai de huit jours à l’expiration du délai de réalisation de la promesse de vente, pour le cas où, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées, le bénéficiaire ne signerait pas l’acte de vente de son seul fait. »

Au regard du sort de la partie de l’indemnité d’immobilisation d’ores et déjà versée, du caractère forfaitaire de l’indemnité d’immobilisation stipulée au contrat et de la renonciation des époux [X] sans que celle-ci soit imputable à une faute des promettants, il y a lieu de faire droit à la demande de Mme [N] tendant à la condamnation de M. et Mme [X] à lui verser la somme de 12.800 euros au titre du solde de l’indemnité d’immobilisation.

Le contrat prévoit que « la partie qui soulève une difficulté jugée sans fondement peut être condamnée envers l’autre à des intérêts de retard, à des dommages et intérêts et au remboursement de ses frais de justice ».

Cette somme sera donc assortie des intérêts de retard au taux légal à compter de l’arrêt dans la mesure où la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 26 mars 2018 ne comporte aucune mise en demeure d’avoir à la régler.

2°/ Sur la demande de dommages-intérêts

a. Sur la demande formée par les époux [X]

M. et Mme [X] réclament la somme de 27.000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de l’opposition de Mme [N] quant au sort de l’indemnité d’immobi1isation.

Compte tenu de la solution apportée au litige, cette demande indemnitaire ne peut qu’être rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.

b. Sur la demande formée par les époux [N]

M. et Mme [N] réclament la somme de 2.000 euros chacun au titre de leur préjudice moral. Ils invoquent une perte de chance de vendre leur bien plus rapidement d’une part, et s’être heurtés à des accusations infondées et à la mauvaise foi des époux [X] d’autre part.

L’indemnité d’immobi1isation a été stipulée par les parties précisément pour compenser l’immobilisation du bien et elle a un caractère forfaitaire.

En outre, les époux [N] avaient intérêt à rechercher les causes du dégât des eaux. Ils ont eu des travaux à effectuer avant de remettre leur bien sur le marché, ce indépendamment de toute faute des époux [X].

A cet égard, il est observé que lors de sa visite du 11 juin 2019, M. [T] a constaté le caractère récent des travaux de reprise et que le bien a été vendu dès le 2 septembre 2019.

Aucun préjudice lié à une quelconque perte de chance n’est établi.

Par ailleurs, dans ce litige strictement patrimonial, aucun préjudice moral n’est caractérisé.

Les époux [N] seront déboutés de leur demande indemnitaire.

3°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné M. et Mme [N] aux dépens et à payer à M. et Mme [X] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Succombant en appel, M. et Mme [X] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Chaque partie sera déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit que l’effet dévolutif de l’appel a opéré ;

Infirme le jugement rendu le 5 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Sant-Nazaire sauf en ce qu’il a débouté M. [Y] [X] et Mme [A] [D] épouse [X] de leur demande de dommages-intérêts ;

Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés et y ajoutant :

Ordonne la déconsignation de la somme de 12.800 euros séquestrée entre les mains de Me [B], notaire à [Localité 5], au profit de Mme [C] [M] épouse [N] ;

Condamne solidairement M. [Y] [X] et Mme [A] [D] épouse [X] à payer à Mme [C] [M] épouse [N] la somme de 12.800 euros au titre du solde de l’indemnité d’immobilisation, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt ;

Déboute Mme [C] [M] épouse [N] et M. [R] [N] de leur demande de dommages-intérêts ;

Déboute Mme [C] [M] épouse [N] et M. [R] [N] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute M. [Y] [X] et Mme [A] [D] épouse [X] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne M. [Y] [X] et Mme [A] [D] épouse [X] aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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