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Numérisation : 17 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01317

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Numérisation : 17 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01317

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 MAI 2023

N° RG 21/01317

N° Portalis DBV3-V-B7F-UPKU

AFFAIRE :

[N] [G] épouse [I]

C/

Etablissement Public POLE EMPLOI

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 6 avril 2021 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de

Section : E

N° RG : F19/00244

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Claire RICARD

Me Blandine DAVID

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX-SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, dont la mise àa disposition a été fixée au 19 avril 2023, prorogée au 10 mai 2023, puis prorogée au 17 mai 2023, dans l’affaire entre :

Madame [N] [G] épouse [I]

née le 19 décembre 1972 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Marc SPORTES de la SELARL S.P.A.D.A, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0023 et Me Claire RICARD, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622

APPELANTE

****************

Etablissement Public POLE EMPLOI

LE CINETIC 1 à 5

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Marie-Laure TREDAN de la SCP FRANCIS LEFEBVRE, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN701 et Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM’S AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R110

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [I] a été engagée par l’association Assedic des Yvelines en qualité d’agent surnuméraire de la fonction ‘Allocataires’ par contrat de travail à durée déterminée à compter du 1er mars 1999 puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2000.

Après avoir occupé différents postes en qualité d’employée puis de cadre au sein de l’Assedic devenue ensuite l’établissement public à caractère administratif Pôle emploi, la salariée a exercé à compter du 1er janvier 2017 les fonctions de directrice de l’agence Pôle emploi des [Localité 4] à l’emploi générique d’encadrant hautement qualifié de la fonction Allocataires, au coefficient 325 échelon 1.

L’établissement public Pôle emploi est spécialisé dans l’indemnisation des demandeurs d’emploi éligibles à l’allocation d’aide au retour à l’emploi ou à l’allocation de solidarité spécifique et l’accompagnement au retour à l’emploi. L’effectif de l’établissement était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Il applique la convention collective nationale du travail du personnel des institutions de l’assurance chômage.

La salariée percevait une rémunération brute mensuelle de 4 329,28 euros.

Par lettre du 27 mars 2019, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 9 mai 2019.

Le 1er avril 2019, l’employeur a notifié à la salariée une mise à pied conservatoire.

A compter du 1er avril 2019, la salariée a été placée en arrêt de travail qui a été prolongé à plusieurs reprises.

Elle a été licenciée par lettre du 28 mai 2019 pour faute grave dans les termes suivants:

« Je fais suite à votre entretien préalable du 9 mai 2019 avec Monsieur [U] [O], Directeur Adjoint en charge de la Performance Sociale et pour lequel vous étiez assistée par Monsieur [R] [S], délégué syndical.

Lors de cet entretien, il vous a été exposé les faits qui vous sont reprochés. Vous vous êtes exprimée et vous avez exposé vos arguments.

Toutefois, les éléments que vous avez portés à notre connaissance ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Le délai de réflexion légal étant écoulé, je vous notifie la sanction de licenciement pour faute grave pour les motifs suivants ; agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et la dignité d’agents de Pôle emploi, d’altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel.

En effet, suite à une lettre ouverte du collectif de l’agence des [Localité 4] de décembre 2017 dans lequel il exprime son mal-être, nous sommes intervenus en mobilisant un cabinet de prévention des risques psychosociaux afin d’identifier les difficultés existantes. Sur la base de leur analyse, la Direction Régionale vous a préconisé un accompagnement individuel que vous avez toujours refusé, malgré les multiples propositions (la dernière datant de janvier 2019).

Malgré le renouvellement de l’équipe locale de direction (ELD), nous avons constaté une nouvelle dégradation de la situation à compter du second semestre de l’année 2018, ce qui a contraint votre hiérarchie à provoquer un échange avec l’équipe locale de direction, qui a eu lieu le 10 décembre 2018 puis à vous proposer, le 18 janvier 2019, un coaching individuel ainsi qu’un coaching d’équipe que vous avez refusés, pour le premier catégoriquement et pour le second en indiquant souhaiter différer votre réponse et leur indiquant que vous reviendriez vers eux, ce qui n’a pas été le cas.

Votre hiérarchie, à l’occasion de cette rencontre, a insisté auprès de vous sur le mal-être exprimé par l’équipe locale de direction placée sous votre responsabilité ainsi que sur les répercussions sur la vie de l’agence induites par cette situation, et réaffirmé la nécessité de retrouver un mode de fonctionnement apaisé, permettant à chacun d’exercer les fonctions lui étant dévolues.

Or il est apparu que malgré cet entretien, qui avait pour objet de pallier les difficultés constatées, vous n’avez aucunement modifié votre posture managériale, ce qui a conduit, en février 2019, la directrice adjointe de l’agence ainsi que l’ensemble des responsables d’équipe à formaliser leur souffrance au travail dans différents témoignages.

Il ressort de ceux-ci que votre méthode managériale entraîne, pour l’équipe locale de direction ainsi que pour une part importante des agents, une dégradation manifeste des conditions de travail, des problèmes de santé, des crises de pleurs ainsi que la peur de venir travailler en agence.

Cette interpellation, consécutive aux signalements antérieurs concernant des difficultés de même nature, comme l’examen des situations dénoncées, ont fait apparaître de graves dysfonctionnements et carences dans l’exercice de vos fonctions.

A cet égard, nous vous rappelons qu’en votre qualité de directrice d’agence, vous devez notamment responsabiliser vos équipes et permettre à chacun d’exercer ses fonctions avec le degré d’autonomie y étant inhérent, savoir exercer votre autorité avec mesure, équité et discernement, et savoir écouter et agir avec bienveillance.

Or il est en particulier établi que vous avez tenu les propos profondément déplacés suivants aux collaborateurs placés sous votre autorité :

– vous avez à plusieurs reprises comparé Mme [C] à « [X] » (le poisson qui perd la mémoire dans le dessin animé« Le monde de Nemo »), pour exprimer le reproche que vous lui faisiez de ne pas appliquer des consignes;

– vous avez traité Mme [A] de « boulet » devant des conseillers de l’agence ;

– vous avez par ailleurs fait une réflexion à Mme [C] lorsque celle-ci n’a pas voulu boire d’alcool, lors d’un moment de convivialité: « Tu ne crois pas à ses conneries», faisant ainsi référence ainsi à sa pratique religieuse.

Dans le même sens, vous avez pris différentes mesures qui ont conduit à la mise à l’écart de collaborateurs qui en ont ressenti un profond sentiment d’isolement. Nous citerons en particulier les faits suivants :

* Mme [C] (l’une des responsables d’équipe) a expliqué que depuis le mois d’août 2018, elle n’a bénéficié d’aucun entretien d’activité avec vous ;

* Mme [Y], directrice adjointe, a expliqué que faute de réponse de votre part, concernant ses propositions (ESA, ELD performance), elle rencontrait des difficultés pour remplir sa mission de management des responsables d’équipe et de pilotage ;

* Mme [C] évoque également une réunion relative à la feuille de route de l’agence qui s’est tenue le 4 décembre 2018, durant laquelle il n’a pas été possible de faire un brainstorming sur la charte du service entreprise et au cours de laquelle vous avez considéré que la relecture de cette charte était une perte de temps;

* Mme [A] (une autre responsable d’équipe) explique qu’alors qu’elle était en charge de la formation au sein de l’agence et qu’elle devait faire des interventions, vous lui avez dit que cela ne relevait pas d’elle.

L’ensemble des membres de l’équipe de direction s’accorde encore à considérer que vous avez pour habitude de les mettre publiquement, en réunion, ou devant certains membres de leurs équipes en difficulté, soit explicitement, soit par une attitude consistant, pour reprendre les termes de l’un d’entre eux en « soupirs excédés, haussements d’épaule et regards méprisants ».

En dernier lieu, alors même que lors d’une réunion de l’équipe de direction du 19 mars 2019 vous aviez initié un tour de table en demandant aux uns et aux autres de s’exprimer sur les difficultés que chacun pouvait rencontrer, vous avez réagi à la remarque de l’une des responsables d’équipe évoquant son état de fatigue en lui proposant de lui « apporter des vitamines » puis en poussant la plaisanterie, deux jours plus tard, en lui téléphonant pour lui proposer de venir chercher lesdites vitamines dans son bureau.

Au cours de l’entretien, vous n’avez pas su apporter d’explications quant à votre comportement et n’avez pas reconnu la nécessité de modifier vos méthodes de management malgré la dégradation des conditions de travail d’agents de l’agence des [Localité 4] et malgré les conséquences sur leur santé.

Je considère que votre comportement s’analyse en des manquements, graves et répétés, à vos obligations managériales, professionnelles et contractuelles ainsi qu’aux dispositions du règlement intérieur en vigueur au sein de Pôle emploi, ce qui justifie pleinement la mesure de licenciement prise à votre encontre.

Bien que les faits susvisés justifient votre licenciement pour faute grave, nous avons décidé de vous accorder le bénéfice de votre préavis et de votre indemnité de licenciement afin de tenir compte de votre situation personnelle.

Votre licenciement prend effet immédiatement, dès l’envoi de cette lettre, et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date. ».

Le 23 septembre 2019, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Poissy aux fins de constater la harcèlement moral qu’elle a subi, dire que Pôle emploi a manqué à son obligation de ne pas faire subir de harcèlement moral, contester son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.

Par jugement du 6 avril 2021, le conseil de prud’hommes de Poissy (section encadrement) a :

– dit que Mme [N] [G] épouse [I] n’a pas subi de harcèlement moral,

– dit que Pôle Emploi n’a pas manqué à son obligation de ne pas faire subir de harcèlement moral à Mme [I],

– dit et jugé que le licenciement de Mme [I] repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

– constaté que le contrat de travail de Mme [I] a été rompu pendant une période où il était suspendu suite à un arrêt de travail non consécutif à un accident de travail en date du 1er avril 2019, puisque non reconnu par la sécurité sociale,

– débouté Mme [I] de sa demande de nullité du licenciement,

– fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l’article R 1454-28 du code du travail à la somme de 4 329,28 euros bruts,

– débouté Mme [I] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné Mme [I] à verser à Pôle Emploi la somme de :

. 1 euro symbolique au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [I] aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d’exécution éventuels.

Par déclaration adressée au greffe le 4 mai 2023, Mme [I] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 17 janvier 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [I] demande à la cour de :

– la recevoir en son appel, ainsi qu’en ses demandes, fins, conclusions et prétentions et l’y déclarer bien fondée,

– débouter Pôle Emploi de sa demande de voir la cour d’appel de céans se déclarer « non saisie» par la déclaration d’appel,

– infirmer les dispositions du jugement rendu le 6 avril 2021 (RG n° F 19/00244) par lesquelles le conseil de prud’hommes de Poissy, section de l’encadrement, a :

. débouté Mme [I] de ses demandes tendant à voir :

* vu le harcèlement moral qu’elle a subi sur son lieu de travail,

* dire que Pôle Emploi, ès qualité d’employeur, a manqué à son obligation de ne pas lui faire subir de harcèlement moral,

* mettre à néant le licenciement pour faute grave notifié par Pôle Emploi, ès qualité d’employeur, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 mai 2019, ce licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* vu la rupture de son contrat de travail intervenue pendant une période où il était suspendu du fait de l’arrêt de travail consécutif à l’accident du travail dont elle a été victime le 1er avril 2019,

* prononcer la nullité de la rupture de son contrat de travail,

* condamner Pôle Emploi, ès qualité d’employeur, à lui verser les sommes suivantes :

.210 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

.100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à raison du manquement à l’obligation légale de sécurité (obligation de ne pas faire subir de harcèlement moral ‘ cf. article L. 1152-1 du code du travail),

.30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à raison des circonstances vexatoires du licenciement,

.7 522,08 euros à titre de rappel du salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire, c’est-à-dire la période du 1er avril 2019 au 28 mai 2019,

.752,20 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente audit rappel de salaire,

* ordonner à Pôle Emploi, ès qualité d’employeur, de lui remettre les documents sociaux de fin de contrat conformes au jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification dudit jugement,

* assortir les condamnations pécuniaires à prononcer des intérêts au taux légal à compter de la présente saisine, avec capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du code civil,

* assortir le jugement à intervenir de l’exécution provisoire conformément à l’article 515 du code de procédure civile,

* condamner Pôle Emploi, ès qualité d’employeur, à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamner Pôle Emploi, ès qualité d’employeur, aux entiers dépens de l’instance,

. dit que Mme [I] n’a pas subi de harcèlement moral,

. dit que Pôle Emploi n’a pas manqué à son obligation de ne pas lui faire subir de harcèlement moral,

. dit et jugé que le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

. constaté que son contrat de travail a été rompu pendant une période où il était suspendu suite à un arrêt de travail non consécutif à un accident de travail en date du 1er avril 2019, puisque non reconnu par la sécurité sociale,

. l’a déboutée de sa demande de nullité du licenciement,

. l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes,

. l’a condamnée à verser à Pôle Emploi la somme de 1 euro symbolique au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. l’a condamnée aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d’exécution éventuels,

et, statuant à nouveau,

– condamner Pôle Emploi, ès qualité d’employeur, à lui verser les sommes suivantes :

. 210 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

. 100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à raison du manquement à l’obligation légale de sécurité (obligation de ne pas faire subir de harcèlement moral ‘ cf. article L. 1152-1 du code du travail),

. 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à raison des circonstances vexatoires du licenciement,

. 7 522,08 euros à titre de rappel du salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire, c’est-à-dire la période du 1er avril 2019 au 28 mai 2019,

. 752,20 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente audit rappel de salaire,

– ordonner à Pôle Emploi, ès qualité d’employeur, de lui remettre les documents sociaux de fin de contrat conformes à l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification dudit arrêt,

– assortir les condamnations pécuniaires à prononcer des intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2019, date de saisine du conseil de prud’hommes de Poissy, avec capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du code civil,

– débouter Pôle Emploi de l’ensemble de ses demandes, fins, conclusions, prétentions et moyens,

– condamner Pôle Emploi, ès qualité d’employeur, à lui payer à la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Pôle Emploi, ès qualité d’employeur, aux entiers dépens de l’instance.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l’établissement public Pôle Emploi demande à la cour de :

à titre principal,

– constater l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel formée le 4 mai 2021 par Mme [I],

– dire que, par conséquent, la cour d’appel de Versailles n’est saisie d’aucune demande de la part de l’appelante,

à titre subsidiaire, si la cour estime que la déclaration d’appel a produit un effet dévolutif,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Poissy le 6 avril 2021 (RG n° F 19/00244) en ce qu’il a :

. dit que Mme [I] n’a pas subi de harcèlement moral,

. dit qu’il n’a pas manqué à son obligation de ne pas faire subir de harcèlement moral à Mme [I],

. constaté que le contrat de travail de Mme [I] a été rompu pendant une période où il était suspendu suite à un arrêt de travail non consécutif à un accident de travail en date du 1 er avril 2019, puisque non reconnu par la sécurité sociale,

. débouté Mme [I] de sa demande de nullité du licenciement,

. débouté Mme [I] de l’ensemble de ses demandes,

. condamné Mme [I] à lui verser la somme de :

* 1 euro symbolique au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. condamné Mme [I] aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d’exécution éventuels,

en toute hypothèse,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Poissy le 6 avril 2021 (RG n° F 19/00244) en ce qu’il a :

. dit et jugé que le licenciement de Mme [I] repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

statuant à nouveau et y ajoutant,

– confirmer que le licenciement de Mme [I] repose sur une faute grave,

– débouter Mme [I] de l’intégralité de ses demandes, fins, écrits et conclusions en tant qu’elles ne sont pas fondées,

– condamner Mme [I] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [I] aux entiers dépens de l’instance.

MOTIFS

Sur la caducité de la déclaration d’appel

L’employeur soutient que la déclaration d’appel formée par la salariée ne comporte pas l’énoncé des chefs de jugement critiqués et précise uniquement qu’un document annexé en fait mention. Il ajoute que le dispositif du jugement, dont appel, est composé d’un nombre de caractères inférieur (soit 1 400 espaces) à celui que peut contenir le fichier des données au format xml constitutif de la déclaration d’appel ( soit 4 080 caractères) de sorte que la salariée ne s’est pas heurtée à une impossibilité technique d’énoncer dans la déclaration d’appel les chefs de jugement critiqués et qu’elle ne caractérise pas davantage la force majeure l’empêchant d’adresser ses demandes dans la déclaration d’appel envoyée par voie électronique au greffe.

La salariée réplique que la description de l’objet de l’appel excédait les capacités de mémoire du fichier RPVA, plus de 4080 caractères, et qu’il s’agissait donc d’un cas de force majeure qui rend recevable l’annexe de la déclaration d’appel qui elle-même comportait l’intégralité des chefs du jugement critiqués, précisant que l’annexe qui est jointe forme un tout indivisible et respecte les dispositions de l’article 901 du code de procédure civile.

* *

Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Selon les dispositions de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, la déclaration d’appel est faite par acte comportant le cas échéant une annexe contenant (…) les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité (…).

Il résulte de la combinaison des articles 562 et 901, 4°, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, ainsi que des articles 748-1 et 930-1 du même code, que la déclaration d’appel, dans laquelle doit figurer l’énonciation des chefs critiqués du jugement, est un acte de procédure se suffisant à lui seul ; que, cependant, en cas d’empêchement d’ordre technique, l’appelant peut compléter la déclaration d’appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer (2e Civ., 13 janvier 2022, pourvoi n° 20-17.516, publié).

L’arrêté du 25 février 2022, modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication électronique, précise en son article 4 que lorsqu’un document doit être joint à un acte, le dit acte renvoie expressément à ce document.

Par avis du 8 juillet 2022 (n° 22-70.005) la Cour de cassation a notamment dit que:

– le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l’arrêté du 25 férier 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à lacommunication par voie électronique en matière civile devant la cour d’appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d’appel qui ont été formées antérieurement à l’entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu’elles n’ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n’a pas fait l’objet d’un déféré dans le délai requis, ou par l’arrêt d’une cour d’appel statuant sur déféré,

– une déclaration d’appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l’acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l’absence d’empêchement technique.

En l’espèce, la déclaration d’appel transmise par voie électronique le 4 mai 2021 mentionne en objet de l’appel : ‘ En application des dispositions de l’article 542 du CPC Le document annexé à la présente déclaration d’appel indique les chefs de jugement critiqués’.

L’annexe adressée également par voie électronique le 4 mai 2021 liste les chefs du jugements critiqués.

Dès lors, la déclaration d’appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs du jugement critiqués et à laquelle elle renvoie expressément, constitue l’acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 dans sa nouvelle rédaction et ce, même sans qu’il soit nécessaire de vérifier s’il existait un empêchement technique et donc de calculer le nombre de caractères de la liste des demandes formées par la salariée dans l’annexe.

Par conséquent, l’acte d’appel de la salariée a opéré effet dévolutif et la cour est saisie de ses différentes demandes.

Sur le harcèlement moral

L’article L. 1152-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L. 1154-1 , lorsque survient un litige relatif à l’application de l’article L. 1152-1 le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il revient donc au salarié d’établir la matérialité des faits, à charge pour le juge d’apprécier si ces faits, pris en leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral. Dans la négative, le harcèlement moral ne peut être reconnu. Dans l’affirmative, il revient à l’employeur de prouver que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au titre du harcèlement moral allégué, la salariée invoque des agissements répétés de la part de ses supérieurs hiérarchiques et de la direction de Pôle emploi à compter de sa nomination à la tête de l’agence Pôle emploi ‘ [Localité 4]’, entre le 20 mars 2017 au 1er avril 2019, et qui ont eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, l’employeur ayant ainsi manqué à son obligation de sécurité.

Depuis le 20 mars 2017, la salariée occupe les fonctions de directrice de l’agence Pôle emploi des [Localité 4].

1- sur les agissements répétés de l’employeur

– sur le profond mal-être qui persistait déjà depuis plusieurs années

La salariée vise en pièce 72, un courriel du responsable du pôle pédagogique de Pôle emploi qui lui indique le 21 mars 2017 que son collaborateur a reçu M. [J], salarié, en entretien et que ce collaborateur a ressenti que M. [J] exprimait ‘ une grande fragilité (avec précaution, le terme ‘ burn out’ a été utilisé). Il aurait fait part d’un porte-feuille important, d’événements assez rudes dans le passé…’.

La salariée invoque également des pièces communiquées par l’employeur dont il ressort que:

– ‘ l’agence a connu il y a quelques années des tentatives de suicide ‘ (pièces n° 6 et 37 : résumé des doléances des agents des [Localité 4] dans un courriel du 13 décembre 2017 transmis par l’IDF APE [Localité 4] à M. [L], directeur sécurité et qualité de vie au travail),

– ‘ les directrices d’agence se sont succédées au sein des [Localité 4]. D’après certains agents, les relations auraient été difficiles avec les deux directrices précédentes et notamment avec la directrice précédente qui serait allée jusqu’à ne pas saluer les agents en cas de contrariété. Plusieurs personnes ont mentionné l’histoire d’une tentative de suicide par défenestration qui continue à être présente à l’esprit de certains.’. ( pièce n° 7: analyse du cabinet Présence Conseil suite à son intervention le 19 décembre 2017.).

Ces seuls éléments qui consistent en des témoignages indirects non corroborés par des informations précises et datées, ne sont pas suffisants pour établir le profond mal-être allégué par la salariée depuis plusieurs années dans l’agence des [Localité 4] comprenant un effectif de 55 salariés en mars 2019.

Le fait n’est pas établi.

– sur les locaux en décrépitude

La salariée produit des courriels relatifs à des interventions ou des réparations effectuées à l’agence des [Localité 4] – réparation du système de climatisation, livraison de nouveaux convecteurs électriques, changement de fenêtres, changement du distributeur de boisson, changement d’une porte pour qu’elle comporte un hublot – dont il ressort une diligence de l’employeur à apporter une réponse rapide aux problèmes locaux signalés en 2017 et 2018 et qui, sans autres éléments, ne démontre pas une décrépitude des locaux.

Au surplus, la liste des interventions techniques sur l’agence des [Localité 4] entre 2017 et 2019 ne constitue pas la preuve de la défaillance des (systèmes des) locaux mais s’analyse en une maintenance régulière des locaux.

Le fait n’est pas établi.

– sur les difficultés liées à l’organisation du travail, dont une situation permanente de sous-effectif induisant une surcharge de travail

Le courriel de la salariée du 5 juillet 2017 adressé à M. [M], directeur territorial délégué [Localité 6], sollicitant le recrutement de salariés en contrat à durée déterminée en remplacement de cinq conseillers, le document du cabinet Présence Conseil de février 2019 présentant la synthèse des ressources et contraintes de l’agence des [Localité 4] , le courriel de Mme [K] le 17 mai 2019, adjointe au maire, adressé au maire des [Localité 4], démontrent l’existence d’une situation de sous-effectifs ponctuelle et la surcharge de travail notamment en fin d’année 2017 résultant de ‘ l’intensification des erreurs liée à la dématérialisation et le travail en urgence.’ (cabinet Présence Conseil).

Le document intitulé ‘ temps d’échange avec le collectif des [Localité 4]’ réalisé le 29 mars 2018 par M. [L], directeur sécurité et qualité de vie au travail, mentionne également qu’il résulte du retour des entretiens à l’agence des [Localité 4] que’ l’intensité et la charge de travail [génèrent] une insatisfaction sur le travail réalisé’ et que les attentes consistent notamment à ‘avoir des moyens ou organisations pour valoriser un travail de qualité.’.

La salariée vise également les pièces communiquées par l’employeur dont il ressort un manque d’effectif ‘en indemnisation’ en fin d’année 2017 (pièces précitées n° 6 et 37), une augmentation de la charge de travail résultant notamment de la dématérialisation, pointée dès la fin de l’année par le cabinet Présence Conseil, et qui a perduré comme indiqué précédemment.

En revanche, la salariée n’établit pas avoir dénoncé cette situation, puisque les pièces produites sont celles communiquées par M. [L] à la suite d’un questionnaire distribué dans l’agence des [Localité 4], et dans le cadre de l’intervention, depuis 2017, du cabinet Présence Conseil.

Le sous- effectif pour le traitement de ‘l’indemnisation’ est seulement établi s’agissant de la fin d’année 2017 ainsi que, à la suite de la mise en place de la dématérialisation des dossiers, la surcharge de travail dénoncée par les agents de l’agence des [Localité 4], sans toutefois qu’il soit possible de déterminer son impact sur l’ensemble du personnel de l’agence et en particulier sur la salariée elle-même.

Le caractère permanent du sous-effectif de l’agence n’étant pas établi, ‘les difficultés liées à l’organisation du travail, dont une situation permanente de sous-effectif induisant une surcharge de travail’ ne sont pas établies.

– sur l’absence d’appui de la part de l’employeur dans le cadre de la gestion de la ‘crise sociale’

Par courriel du 13 décembre 2017, des personnels de l’agence des [Localité 4] ont adressé à M. [L] un document intitulé ‘ Doléances des agents des [Localité 4]’ qui signale une situation de mal-être, de souffrance au travail à la suite d’une dégradation depuis plusieurs mois du climat social en raison notamment d’un management de la directrice vécu comme ‘ autoritaire’ et ‘ abusant de son pouvoir’ voire ‘méprisant’, l’organisation du travail était caractérisée par un manque de communication, un manque d’organisation, un manque d’équité et de transparence.

A la suite de ce signalement, Pôle emploi a mis en place un dispositif de suivi de cette situation notamment par l’intervention du cabinet Présence Conseil sur le site pendant plusieurs années.

La salariée, particulièrement visée par les agents de l’établissement, n’a pas fait l’objet de reproches de l’employeur et ce dernier a pris acte de cette crise sociale en diligentant des actions rapides, apportant un fort soutien à la salariée, qui ne s’est pas retrouvée seule à gérer ces difficultés.

Si la salariée estime ensuite que les actions menées par le cabinet Présence Conseil n’ont pas été efficaces, cette circonstance n’est pas à reprocher directement à l’employeur.

Pas davantage, la salariée ne peut invoquer sa solitude ‘pendant la gestion de la crise sociale’ ni ‘avoir été livrée à elle-même’, les éléments précédant contredisant cette analyse. Elle ne démontre également pas qu’elle n’a pas disposé d’appui psychologique, de ressources matérielles et humaines suffisantes alors qu’elle a notamment rencontré un psychologue dans le cadre de la crise sociale et qu’un coaching en management lui a été proposé, ce qu’elle a refusé.

Enfin, la salariée a bénéficié de formation durant toute la relation contractuelle, dont des formations sur la management depuis 2011.

Les faits ne sont donc pas établis.

– ‘sur la gestion de l’agence par la salariée en ‘pleine crise sociale’ sur un territoire socialement défavorisé tout en étant astreinte à des objectifs de résultats irréalisables et la pression permanente subie’

Comme indiqué précédemment, la gestion de la ‘ crise sociale’ a certes été assurée par la salariée, en sa qualité de directrice de l’agence, mais surtout par la direction de Pôle emploi et le cabinet Présence Conseil.

La situation défavorisée du secteur des [Localité 4] est un élément objectif dont l’employeur n’est pas responsable et la salariée ne justifie pas d’une situation locale particulièrement sinistrée en 2017 et 2018 par rapport aux années précédentes.

S’agissant des objectifs de l’agence, il convient de relever que les salariés ont fait mention dans leurs doléances en décembre 2017 des attentes de l’employeur, qui privilégie ‘ les remontées de chiffres et indices’, dans le cadre de la dématérialisation et la numérisation des documents, que ces agents ont estimé mal gérée.

Il ressort de l’analyse réalisée par le cabinet Présence Conseil que les agents dénoncent notamment une perte de sens au travail, une insuffisance de moyen et il est fait mention de la ‘pression des chiffres qui s’exprime par la recherche des demandeurs d’emploi pour remplir les prestations au lieu d’adapter les prestations aux besoins des demandeurs d’emploi’.

Un ensemble d’éléments est donc à l’origine de cette crise portant sur la modification du travail et ses conséquences ainsi que sur la gestion de l’agence par la hiérarchie et il n’est pas reproché à l’employeur d’avoir fixé des objectifs qui ne sont pas réalisables.

Enfin, l’établissement public à caractère administratif Pôle emploi a organisé une concertation nationale entre le 15 janvier 2018 et le 23 février 2018, et le document de service réalisé par l’agence des [Localité 4] ne vise pas de surcharge excessive de travail ni une forte désorganisation, dans ses propositions d’amélioration.

S’agissant de sa propre situation, la salariée n’établit pas l’existence d’une pression permanente en raison de la ‘pleine crise sociale’ ni d’une surcharge personnelle résultant de la tenue de deux postes en 2018, le sien et celui de son adjointe recrutée en juin 2018, la durée de la vacance de poste n’étant pas précisée, et la salariée n’indiquant pas cette difficulté lors de son évaluation le 6 avril 2018, précisant notamment qu’elle ne rencontrait ‘ pas de difficultés particulières dans l’équilibre vie personnelle / vie professionnelle.’.

Certes, Mme [K], adjointe au maire, témoigne avoir été ‘ frappée par le stress et le sentiment de pression ressenti par la salariée’ lors d’une rencontre en septembre 2018 et avoir constaté les difficultés éprouvées par la salariée ‘liées au manque d’effectifs et à la charge de travail ainsi qu’au public reçu par Pôle emploi…ce stress perdurant lors des rencontres postérieures, la salariée ayant à coeur de bien remplir les objectifs assignés par l’employeur’.

Toutefois, ce témoignage, rédigé dans des termes généraux, émane d’une personne ne travaillant pas au quotidien avec la salariée et qui n’est pas corroboré par celui de M. [P] invoqué également par la salariée.

En effet, M. [P], directeur de l’association la Gerbe, témoigne que la salariée s’est totalement investie dans la campagne ‘ Plein Emploi’ en septembre 2017 mais que ce projet ‘ suscitait de la peur de surcharge voire de la jalousie par les directions territoriales et régionales’, cette attestation, qui décrit des faits de façon peu précise, relate l’investissement professionnel de la salariée mais non sa propre surcharge ou la pression de l’employeur.

Pas davantage, Mme [T], directrice d’une association, qui connaissait la salariée depuis 2017 et qui témoigne l’avoir rencontrée en février et mars 2019 et avoir ‘ découvert une femme stressée, minée, sous pression’ n’apporte des éléments circonstanciée sur la surcharge professionnelle de la salariée et la pression présumée de l’employeur.

La fiche d’entretien de la salariée pour l’année 2017 n’établit pas la pression liée à la performance et elle fait mention de la période de crise vécue au dernier trimestre 2017, l’employeur reconnaissant que la salariée a été contrainte de se concentrer sur la gestion des difficultés interpersonnelles, ce qui n’a pas favorisé sa performance globale.

Toutefois, il est indiqué qu’un accompagnement managérial est en cours et l’employeur conclut de manière positive, sans menaces ou injonction pour l’avenir envers la salariée, laquelle ne précise pas que les objectifs ne sont pas réalisables, ce qu’elle ne fera d’ailleurs pas pendant toute la relation contractuelle.

Enfin, aucun objectif chiffré n’est mentionné dans l’entretien d’évaluation et la salariée ne produit aucun document relatif à ces objectifs, à savoir s’ils sont nationaux, ou fixés pour sa seule agence, et la cour n’est pas en mesure de comprendre en quoi ils consistent.

Par ailleurs, les décisions considérées par la salariée comme ‘une mise en difficulté par sa hiérarchie’ s’analysent davantage en l’usage du pouvoir de direction de l’employeur, à savoir le choix définitif du directeur adjoint de l’agence, au recrutement duquel il a associé Mme [I], la visite annoncée de membres de la hiérarchie à l’agence en novembre 2018, et la tenue d’une réunion ,le 10 décembre 2018, avec des personnels de l’agence en dehors de sa présence, à la suite de dénonciations à son encontre par ses collaborateurs, dont un retour a ensuite été organisé en janvier 2018 avec la salariée.

La salariée ne justifie pas que cette visite du 10 décembre 2018 par la direction de l’association a suscité ‘l’incompréhension de certains agents’ et elle ne peut pas reprocher aux personnels qui ont effectué les signalements à leur hiérarchie concernant le management de leur directrice de ne pas les lui avoir également adressés en copie.

Elle n’établit pas davantage avoir alerté sa hiérarchie de cette situation après le 10 décembre 2018 qu’elle décrit comme ‘inconfortable, générant du stress et des insomnies’

Une conseillère a procédé à un signalement auprès de la salariée en février 2019 à propos du comportement d’autres conseillers de l’agence des [Localité 4] et aucune pièce produite n’établit que la salariée a également été exclue ensuite des échanges de courriels avec sa hiérarchie.

Le fait de proposer un coaching à la salariée en janvier 2019 ne consiste pas davantage en un acte de pression ou ‘ une mesure vexatoire’ de l’employeur quand bien même la salariée estime être intervenue bien avant janvier 2019 dans ‘ la gestion de la crise sociale’, étant rappelé, comme indiqué précédemment, que ses interventions dans cette crise étaient consécutives à des actions nationales ou à l’alerte données par des salariés en décembre 2017 justifiant l’intervention du cabinet Présence Conseil.

Les informations relatives au précédent poste de directrice qu’elle a occupé à l’agence de [Localité 3] sont également sans conséquence sur l’analyse des faits invoqués de harcèlement moral puisque sans lien avec la situation de la salariée depuis son arrivée aux [Localité 4].

En conséquence, la salariée a certes continué à gérer l’agence en 2018 pendant la crise sociale mais elle n’établit pas la pression permanente de l’employeur alléguée ni la fixation d’objectifs irréalisables.

Seul le fait que la salariée a géré l’agence des [Localité 4] pendant la ‘ crise sociale’ est avéré.

– Sur son évolution professionnelle compromise pour la première fois en vingt ans de service

La salariée invoque à ce titre la circonstance que son entretien s’est tenu en février 2019, sans formalisation par écrit, alors que celui de l’année précédente s’était tenu en avril 2018 pour l’année 2017. Toutefois, ce seul fait n’est pas de nature a établir que ‘son évolution professionnelle a été compromise pour la première fois depuis vingt ans’. Ce fait n’est donc pas établi.

2- ‘sur la dégradation des conditions de travail de la salariée du 20 mars 2017 au 1er avril 2019 susceptibles de porter atteinte à ses droits, sa dignitié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel’ ( cf page 55 des conclusions de la salariée)

Les faits relatifs aux locaux professionnels, à la solitude de la salariée ‘pendant la gestion de la crise sociale’, à la gestion ‘ compliquée’ de l’année 2017, la ‘ mise en difficulté dans ses rapports avec ses collaborateurs’ ont été précédemment abordés mais la salariée ne justifie pas d’une dégradation de ses propres conditions de travail alors qu’elle-même produit des pièces établissant qu’elle a été soutenue par l’employeur lors de la crise sociale apparue en 2017.

S’il ressort également l’existence d’une surcharge de travail pour certains salariés de l’agence en raison de la modification de l’organisation quotidienne du travail et d’une certaine vacance de poste, dont l’étendue n’est pas clairement précisée, l’ensemble est intervenu dans un contexte de difficultés managériales dont la salariée serait également l’instigatrice à la lecture des doléances des agents. En tout état de cause, cette surcharge de travail pesant sur la salariée n’est pas rapportée .

Comme indiqué précédemment, la salariée n’établit pas davantage qu’elle a été mise en difficulté par l’employeur dans ses rapports avec ses collaborateurs et que ‘ son autorité a été sapée’.

En complément de ce qui a été précédemment retenu à propos de l’avenir de la salariée, cette dernière développe de nouveaux arguments.

A ce titre, la salariée n’établit pas que son avenir professionnel était compromis en ce qu’elle ne pouvait pas prétendre à un avancement si elle ne parvenait pas à atteindre les objectifs fixés et encore moins qu’elle a été privée de promotion, la salariée étant seulement en poste dans l’agence des [Localité 4] depuis deux années lors de la rupture, et ne justifiant pas d’un refus de promotion ni d’ailleurs avoir sollicité une promotion qui lui aurait été refusée.

En revanche, il est établi que la salariée n’a pas fait l’objet d’un examen systématique en 2018 par son supérieur hiérarchique dans le cadre de la promotion annuelle à l’issue d’un délai de trois années depuis son dernier changement d’échelon effectif de manière rétroactive au 1er janvier 2015, en application de l’article 20 de la convention collective, de sorte qu’elle est restée au coefficient 325 du premier échelon alors que l’annexe I de l’avenant du 6 juillet 1994 relatif à la convention collective prévoit que le coefficient maximal s’élève à 350 au second échelon.

Sur le plan médical, la salariée invoque une dégradation de sa santé mentale et physique et verse aux débats un courriel du 1er avril 2019 indiquant qu’elle a fait l’objet d’un malaise sur son lieu de travail ‘ suite à une mauvaise nouvelle’ et qu’elle été prise de tremblements et d’une crise de larmes, faits survenus le jour de la notification de sa mise à pied à titre conservatoire.

La salariée a ensuite été en arrêt de travail pour ‘ stress post traumatique’ et la CPAM n’a pas reconnu le caractère d’accident du travail à l’arrêt de la salariée.

Le docteur [D] certifie le 29 août 2019 qu’elle présente ‘ un état dépressif réactionnel à sa situation professionnelle justifiant le recours aux médications et aux soins psychothérapeutiques complémentaires depuis le 1er avril 2019 ‘.

Toutefois, aucun de ces éléments n’est contemporain des faits allégués au titre du harcèlement moral qu’elle situe du 20 mars 2017 au 1er avril 2019.

En définitive, sont établis les faits suivants :

– la salariée a continué à gérer l’agence en 2018 pendant la crise sociale mais elle a été aidée par l’employeur pour gérer cette situation

– la salariée n’a pas fait l’objet d’un examen systématique en 2018 par son supérieur hiérarchique de l’évolution de son coefficient.

Ces deux éléments ne laissent pas supposer pas, alors que les éléments médicaux établissent la dégradation de la santé de la salariée qu’au moment de sa mise à pied et après la rupture, l’existence d’un harcèlement moral, même en tenant compte des éléments médicaux, dès lors que ceux-ci n’établissent une dégradation de la santé de la salariée qu’au moment de sa mise à pied et après la rupture.

Le harcèlement moral n’est donc pas établi.

Par voie de confirmation du jugement, il convient de rejeter la demande de dommages-intérêts pour ‘le préjudice subi du manquement à l’obligation légale de sécurité – obligation de ne pas faire subir du harcèlement moral cf article L.1152-1 du code du travail’.

Dès lors qu’il est jugé que le harcèlement moral n’est pas établi, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à voir dire le licenciement nul de ce chef, la cour interprétant ces conclusions et leur dispositif comme formant bien une demande de nullité du licenciement au titre du harcèlement moral.

Sur la rupture

La salariée se prévaut de la prescription des faits reprochés dans la lettre de licenciement dont la procédure n’a pas été engagée dans le délai restreint et dont la preuve des faits n’est pas rapportée. La salariée ajoute que l’employeur ne saurait invoquer une quelconque faute grave à son encontre alors qu’il lui a accordé le bénéfice du préavis et de l’indemnité de licenciement. L’employeur réplique que la preuve des faits reprochés à la salariée est rapportée, que les faits ne sont pas prescrits à la lecture de la chronologie des événements et que le bénéfice du préavis et de l’indemnité de licenciement n’a été qu’une mesure de clémence, compte tenu de la situation personnelle de la salariée, ne remettant pas en cause le caractère grave de ses agissements.

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Sur la prescription des faits fautifs

Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Si les poursuites disciplinaires sont engagées plus de deux mois après la connaissance des faits par l’employeur, la prescription est acquise et le licenciement se trouve dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse (Soc., 5 juillet 2017, pourvoi n° 16-15.475).

Cependant les dispositions de l’article L.1332-4 du code du travail ne font pas obstacle à la prise en considération d’un fait antérieur de plus de deux mois dans la mesure où le comportement fautif du salarié s’est poursuivi ou s’est réitéré dans les deux mois précédant l’engagement de la procédure de licenciement et s’il s’agit de faits de même nature (Soc. 9 avril 2014, pourvoi n° 12-23.870).

Au cas présent, les griefs reprochés à la salariée correspondent à des faits relatifs à son mode de management inapproprié dont les derniers sont intervenus le 19 février puis le 26 mars 2019.

Ces griefs sont de même nature que ceux précédemment reprochés à la salariée dans ses relations avec ses proches collaborateurs, lesquels ont été remplacés en 2018, de sorte que l’employeur a estimé à juste titre tout au long de l’année 2018 que la situation s’est apaisée.

Toutefois, les mêmes faits ont été de nouveaux dénoncés par des collaborateurs entre le 19 février et le 26 mars 2019 et ils ne sont donc pas prescrits, l’engagement de la procédure ayant été effectué le 27 mars 2019.

Sur l’absence d’engagement de la procédure dans un délai restreint

La salariée soutient que l’employeur a engagé la procédure de licenciement seize mois après la dénonciation en décembre 2017 des agents, ou quatre mois après l’audit réalisé le 10 décembre 2018 à l’agence des [Localité 4].

Toutefois, les derniers faits reprochés à la salariée étant datés des 19 février et 26 mars 2019, dont la cour a précédemment retenu qu’ils n’étaient pas prescrits, la procédure lancée dès le lendemain 27 mars 2019 a bien été engagée dans un délai restreint.

Sur le bien- fondé du licenciement

Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L’article L.1235-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pèse sur l’employeur.

La pratique par le salarié d’un mode de management de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés constitue une faute rendant impossible son maintien dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis. (Soc., 8 févr. 2023, n° 21-11.535, publié).

Au cas présent, sont reprochés à la salariée des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et la dignité d’agents de Pôle emploi, d’altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel.

Il ressort de la chronologie des faits que le management de la salariée a été dénoncé en fin d’année 2017 à l’employeur par des collaborateurs entraînant une réaction immédiate de ce dernier qui a décidé de mettre en place l’intervention du cabinet Présence Conseil et de psychologues, les trois managers qui accompagnent la directrice étant tous alors en arrêt maladie.

Ce cabinet relève que ‘l’agence connaît depuis de nombreux mois une dégradation de son climat social, une ambiance lourde. De nombreux arrêts maladie, des agents qui partent ou cherchent à partir dans une autre agence ou même Pôle emploi. Deux causes sont mises en avant par les agents pour expliquer cet état de tension globale : le management et l’organisation du travail’.

Le cabinet précise notamment que le management de la directrice est vécu comme ‘ autoritaire, abusant de son pouvoir, voire méprisant et négligeant face aux dysfonctionnements récurrents’.

Comme indiqué précédemment, le cabinet Présence Conseil est intervenu auprès des agents ainsi que trois psychologues, la salariée ayant bénéficié également de cet accompagnement.

En avril 2018, l’employeur n’a pas accablé la salariée et a retenu dans son évaluation de la salariée que l’année a été complexe du point de vue de la qualité de vie au travail et qu’elle a partiellement réalisé la performance en matière managériale, l’objectif de ‘ faire progresser la qualité de vie au travail’ lui étant fixé, et de suivre une formation en management.

Toutefois, cette dernière n’a pas tenu compte des observations recueillies par le cabinet Présence Conseil ni des termes de son évaluation alors que l’employeur a reçu de nouveaux signalements de la part d’une responsable d’équipe, que la directrice adjointe, Mme [Y], a alerté l’employeur du mal-être invoqué par des salariés. Le signalement de Mme [C], responsable d’équipe, indique notamment que le comportement de la salariée vise à la disqualifier (attestation M. [M] et fiches de signalement de Mme [C] en juillet et août 2018).

En fin d’année 2018, l’employeur a diligenté des entretiens à l’agence des [Localité 4] et a saisi de nouveau le cabinet Présence Conseil pour un accompagnement des salariés, Mme [Y] et Mme [C] ayant rédigé des nouvelles fiches de signalement. Ces fiches adressées à l’employeur, en dehors de tout contentieux existant, ont une valeur probante.

Ces fiches font mention de ‘ soupirs excedés, des haussements d’épaule et regard méprisants’ de la salariée, d’absence d’écoute de cette dernière de ses proches collaborateurs. Mme [Y] explique le 26 décembre 2018 que la salariée lui a dit ‘ ils vont dire que les rebeu ne sont pas à la fête depuis que es là’, ce qu’elle a perçu comme une discrimination et non une plaisanterie.

L’employeur a reçu la salariée en janvier 2019 et par courriel du 8 mars 2019 lui a proposé un coaching en lui rappelant d’une part avoir partagé avec elle l’alerte, faite par ses responsables d’équipes et la directrice adjointe, de la dégradation des relations en ce qu’ils ont exprimé leur souffrance au travail résultant du mode de management de la salariée et, d’autre part, l’avoir informé du risque de communautarisme que certaines de ses pratiques ont attisé.

L’employeur a alors demandé à la salariée de travailler dans un plus grand respect des membres de son équipe, de veiller à une approche bienveillante et de ne pas mettre en porte à faux les managers.

La salariée n’a pas accepté de suivre un coaching et trois responsables d’équipes et la directrice adjointe ont adressé à l’employeur des attestations entre le 15 février et le 21 mars 2019.

Ainsi, Mme [A], témoigne le 15 février 2019, en donnant des exemples récents et en invoquant des salariés eux-mêmes en difficultés, de sa souffrance au travail directement liée à la relation conflictuelle depuis son arrivée en novembre 2018 dans l’agence, la directrice créant des tensions et elle indique qu’elle a rédigé des fiches sur la souffrance de plusieurs conseillers précédemment. Mme [A] ajoute qu’elle a ‘ peur que les choses dégénèrent’.

Mme [A], témoigne de nouveau le 21 février 2019 de ce qu’elle a été contrainte de consulter un médecin qui lui a prescrit un traitement d’anti-dépresseurs et qu’elle est incapable de retenir ses larmes. Le témoin produit également le certificat du médecin qui indique qu’elle présente un état de santé psychologique grandement fragilisé par une ambiance professionnelle délétère.

Mme [Y], directrice adjointe, relate le 19 février 2019 en détail le climat de crainte instauré entre les conseillers, certains étant protégés par la directrice, et de la souffrance de plusieurs managers en raison du manque de considération et de respect à leur endroit par la directrice. Le témoin ajoute qu’elle fait elle-même l’objet de remarques déplacées de la part de la directrice citant des exemples précis et récents (le 11 février 2019), et elle expose qu’aucun objectif ne lui a été fixé. Le témoin explique qu’elle a des insomnies depuis deux semaines et que son médecin a diagnostiqué un début de dépression.

Mme [C], responsable d’équipe, dans une très longue attestation datée du 21 mars 2019, décrit en détail le management autoritaire de la directrice, conclut qu’elle est épuisée, demande à l’employeur de prendre en considération les faits qu’elle cite et qu’elle a besoin de son appui.

Ces attestations signées et datées ne sont pas assorties d’une pièce d’identité de leur auteur mais s’agissant de salariées connues de Mme [I], leur identité n’est pas discutée et les attestations sont donc recevables.

Mme [W], chargée de la diversité et de la qualité de vie au travail, atteste le 20 mai 2019 qu’elle a reçu le 25 mars 2019 un courriel de l’assistante du médecin du travail qu’elle a contacté le lendemain.

Le médecin lui a alors fait part d’un ‘problème avec la directrice’, qu’il ne pouvait pas recevoir tous les agents des [Localité 4] en pleurs, et qu’il allait être obligé de convoquer Mme [I] pour lui demander de s’expliquer mais également de prononcer des inaptitudes médicales temporaires.

Enfin, il convient d’ajouter que les faits mentionnés dans la lettre de licenciement en pages 2 et 3 du présent arrêt sont conformes aux attestations et aux fiches de signalement dans le dossier et ne seront pas pas ici repris.

En conséquence, au regard de l’accompagnement dont a bénéficié la salariée pendant toute une année par l’employeur, de ce qu’il lui a été proposé un coaching qu’elle a refusé, de ce qu’elle n’a pas tenu compte des différentes alertes de ses collaborateurs, la salariée n’a donc pas fait preuve du comportement professionnel attendu par l’employeur en usant d’une méthode managériale inadaptée entraînant une dégradation manifeste des conditions de travail de plusieurs cadres de l’agence des [Localité 4].

La persistance de la salariée dans son comportement rendait impossible la poursuite du contrat de travail même si, ainsi que l’a retenu le conseil de prud’hommes, la salariée jouissait d’une très importante ancienneté et d’un parcours précédent sans difficulté.

La circonstance que l’employeur a versé à la salariée le préavis et l’indemnité de licenciement ne remet pas en cause la gravité de la faute, l’employeur le justifiant comme une mesure de clémence en raison de la situation personnelle de la salariée.

Le jugement sera dès lors infirmé et, statuant à nouveau, il conviendra de dire justifié par une faute grave le licenciement de la salariée.

En revanche, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de rappel de salaires correspondant à la mise à pied conservatoire et de remise sous astreinte des documents sociaux.

Sur la notification du licenciement pendant un arrêt de travail

La salariée conteste la notification du licenciement pendant l’arrêt de travail établi pour accident du travail, l’employeur invoquant la décision de la caisse primaire d’assurance maladie (la CPAM) refusant la prise en charge de cet arrêt au titre de la législation sur les accidents du travail ainsi que les dispositions de l’article L.1226-9 du code du travail.

Aux termes de l’article L.1226-9 du code du travail, au cours des suspensions du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

Or, la cour a précédemment retenu le bien-fondé du licenciement pour faute grave de la salariée. Dès lors il importe peu la CPAM n’ait pas reconnu un caractère professionnel à l’arrêt de travail qualifié par le médecin traitant lors de l’arrêt initial ‘ accident du travail’.

Il donc convient de retenir que la notification à la salariée de son licenciement pour faute grave pendant son arrêt de travail est intervenue régulièrement.

En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande de nullité du licenciement à ce titre et le jugement confirmé en ce qu’il a constaté que le contrat de travail de la salariée a été rompu pendant une période de suspension non consécutif à un accident du travail non reconnu par la sécurité sociale.

Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture vexatoire et brutale

La salariée fait valoir que le licenciement est intervenu de manière brutale et dans des conditions vexatoires, ce que conteste l’employeur.

La salariée ne justifie pas que l’employeur a exercé une pression avant la rupture, étant ici rappelé que l’existence d’un harcèlement moral sur la salariée a été écartée.

S’agissant des conditions de la rupture, intervenue après la remise d’une lettre de mise à pied conservatoire, la salariée n’apporte aucun élément pour justifier d’un contexte particulier ni du préjudice allégué alors que l’employeur n’était alors pas encore informé qu’elle était en congé maladie lorsqu’il lui a remis en main propre cette décision de licenciement.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la salariée à verser à l’employeur un euro en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance.

La salariée qui succombe en cause d’appel, doit supporter la charge des dépens et ne saurait bénéficier de l’article 700 du code de procédure civile ; toutefois, pour des raisons d’équité, il n’y a pas lieu de faire application à son encontre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

DIT que l’acte d’appel de Mme [I] a opéré effet dévolutif et que la cour est saisie de ses différentes demandes,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

DIT que le licenciement de Mme [I] est justifié par une faute grave,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes en application de l’article 700 en cause d’appel,

CONDAMNE Mme [I] aux dépens d’appel.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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