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Numérisation : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/01168

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Numérisation : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/01168

MHD/LD

ARRET N° 398

N° RG 21/01168

N° Portalis DBV5-V-B7F-GHXT

[F]

C/

G.I.E. INTER MUTUELLES ASSISTANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 mars 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de NIORT

APPELANTE :

Madame [P] [F]

Née le 12 mai 1971 à [Localité 4] (CANADA)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Brice KERLEAU, avocat au barreau de POITIERS

Et ayant pour avocat plaidant Me Faustine CALMELET, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

G.I.E. INTER MUTUELLES ASSISTANCE

N° SIRET : 433 240 991

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Ayant pour avocat postulant Me Stéphanie DUBIN-SAUVETRE de la SELARL GASTON – DUBIN SAUVETRE – DE LA ROCCA, avocat au barreau de POITIERS

Et ayant pour avocat plaidant Me Sabrina GABYSON de la SELARL AMPERE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Avril 2023, en audience publique, devant :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile que l’arrêt serait rendu le 15 juin 2023. A cette date le délibéré a été prorogé au 29 juin 2023 puis au 06 juillet 2023.

– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 1er novembre 2010, Madame [P] [F] a été embauchée par le groupement d’intérêt économique Inter Mutuelles Assistance (GIE IMA) [Localité 5] en qualité de directrice d’entité, niveau 13H.

Au dernier état de la relation de travail, elle occupait le poste de directrice de l’entité Direction de l’immobilier, des achats et du courrier (DIAC), statut cadre dirigeant, niveau 15 I.

Convoquée, par lettre remise en main propre le 28 janvier 2019, en entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à un licenciement, Madame [F] a été entendue le 15 février 2019.

Par courrier du même jour, elle a demandé la réunion du conseil de conciliation, conformément aux dispositions de l’article 42b de la convention collective des sociétés d’assistance.

La procédure de conciliation a été finalement clôturée sans que la réunion, initialement fixée au 19 mars 2019 puis reportée au 25 mars suivant, se soit tenue.

A compter du 13 mars 2019, Madame [F] a été placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle.

Par lettre du 28 mars 2019, son employeur lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse qu’elle a contesté par courrier du 8 avril 2019, demandant également une dispense d’exécution de son préavis en raison de l’attitude de son employeur à son égard.

Le 14 mai 2019, le médecin du travail l’a déclarée apte à reprendre son travail.

Par courrier du même jour, son employeur l’a avisée qu’il répondait favorablement à sa demande de dispense d’exécution du préavis.

Par requête du 10 juillet 2019, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Niort aux fins notamment de contester son licenciement, voir constater le harcèlement moral et le manquement à l’obligation de sécurité dont elle a été victime de la part de son employeur et obtenir les indemnités subséquentes.

Par jugement du 9 mars 2021, le conseil de prud’hommes a :

– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– fixé le salaire moyen de Madame [F] à 10 958,70 €,

– condamné le GIE IMA à payer à Madame [F] la somme de 43 834,80 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté Madame [F] du surplus des demandes,

– condamné le GIE IMA à payer à Madame [F] la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration électronique en date du 8 avril 2021, Madame [F] a interjeté appel de cette décision.

***

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 mars 2023.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions du 20 décembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Madame [F] demande à la Cour de :

– confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a limité à 4 mois de salaire l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’a déboutée de sa demande de dommages intérêts au titre du harcèlement moral, l’a déboutée de sa demande au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, l’a déboutée de sa demande au titre de ses indemnités de préavis pour la période du 15 mai au 28 septembre 2019, l’a déboutée de sa demande au titre des congés payés sur préavis non réglé ainsi qu’au rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement, l’a déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre de sa prime sur objectifs 2018, limité l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile à 1 000 €, l’a déboutée de voir ordonner que l’ensemble des condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil ainsi que de sa demande de capitalisation des intérêts, l’a déboutée de sa demande de remise de ses documents légaux de fin de contrat,

– réformer le jugement et statuer à nouveau,

– condamner le GIE IMA à lui verser les sommes suivantes :

° 44 291,38 € à titre d’indemnités de préavis pour la période du 15 mai au

28 septembre 2019,

° 4 429,18 € au titre des congés payés afférents,

° 4 527,39 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à la dispense de préavis,

° 11 500 € au titre de la prime sur objectifs 2018 qui ne lui a pas été réglée,

° 87 669,60 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° 65 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

° 35 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité,

– ordonner que l’ensemble de ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

– ordonner la capitalisation des intérêts,

– condamner le GIE IMA à lui remettre ses documents légaux de fin de contrat régularisés sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

– débouter le GIE IMA de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner le GIE IMA à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions du 29 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, le GIE IMA demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Madame [F] de sa demande d’une indemnité de préavis pour la période du 15 mai au 28 septembre 2019, a débouté Madame [F] de sa demande de dommages intérêts au titre du harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité, débouté Madame [F] de ses demandes de remise de document sous astreinte, d’intérêts au taux légal, capitalisation des intérêts et débouté Madame [F] de sa demande de rappel de primes sur objectifs,

– infirmer le jugement pour le surplus,

* statuant à nouveau,

– déclarer le licenciement de Madame [F] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– débouter Madame [F] de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouter Madame [F] de ce chef de demande, ainsi que de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner Madame [F] à lui verser la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Madame [F] aux entiers dépens.

SUR QUOI,

I – SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL :

En application des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail :

– le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse,

– le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.

Il en résulte :

1) – que le caractère réel et sérieux du motif du licenciement implique d’une part l’existence, l’exactitude et l’objectivité dudit motif et d’autre part l’impossibilité, sans dommage pour l’entreprise, de poursuivre le contrat de travail dans la durée,

2) – que l’administration de la preuve, en ce qui concerne le caractère réel et sérieux du licenciement, n’incombe spécialement ni à l’une ni à l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

L’insuffisance professionnelle – qui résulte de la mauvaise exécution du contrat de travail par le salarié en raison de son inaptitude à remplir ses fonctions – est exclusive de toute faute du salarié et ne peut justifier un licenciement pour faute que si elle procède d’une abstention volontaire ou d’une mauvaise volonté délibérée du salarié.

***

En l’espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, notifiée le 28 mars 2019 à Madame [F], énonce les griefs suivants :

– l’attitude agressive de la salariée en particulier à l’égard de sa supérieure hiérarchique,

– le dossier du mobilier du site de [Localité 6],

– les problèmes de chauffage sur le site de Trévins,

– le dossier relatif aux travaux du bâtiment D de [Localité 6],

– le dossier [Localité 5] 118,

– le non-respect des directives et des consignes caractérisé par un défaut d’exécution du travail demandé (Politique d’Achat et réflexion prospective), un non-respect des consignes, les missions données à Monsieur [I] [B], la rétrogradation de Monsieur [Z] [D] et le repas d’équipe.

A – Sur les griefs :

1 – Sur l’attitude agressive de la salariée en particulier à l’égard de sa supérieure hiérarchique :

L’employeur a écrit dans sa lettre de licenciement : ‘ … nous avons constaté depuis le mois d’août 2018 que vous aviez adopté une attitude agressive en particulier à l’égard de votre supérieure hiérarchique. Ce changement de comportement est directement lié à une alerte déontologique de votre hiérarchie et une demande de votre hiérarchie d’être mieux informée par vos soins des projets dont vous aviez la charge, celle-ci ayant constaté qu’elle ne bénéficiait que d’informations partielles voire inexactes.

La situation a continué à se dégrader jusqu’en fin d’année 2018 et en janvier 2019..’

En réponse, Madame [F] soutient en substance :

– que tout en mentionnant, à plusieurs reprises, l’agressivité dont il estime qu’elle aurait fait preuve à l’égard de sa supérieure hiérarchique, le GIE IMA n’apporte aucun élément permettant de l’établir,

– qu’au contraire, il est produit un échange de courriels aux termes duquel le ton employé par Madame [J] à son égard est édifiant et coïncide d’ailleurs avec l’engagement de la procédure de licenciement.

Pour étayer ses explications, elle verse en pièce 33 un échange de courriels intervenu les 12 et 13 février 2019 entre elle et Madame [J].

***

Cela étant, le GIE IMA ne produit aucune pièce établissant l’existence et la réalité de ce fait.

En conséquence, ce grief n’est pas établi.

2 – Sur le dossier mobilier du site de [Localité 6] :

L’employeur a écrit dans sa lettre de licenciement : ‘ …C’est à l’occasion d’une réunion du projet [Localité 6] IMA (comité de pilotage en charge du projet [Localité 6]) qui s’est tenue le 4 décembre 2018 que les participants ont pris connaissance à leur plus grande surprise que le prestataire en charge de la fourniture des équipements mobilier du nouveau site n’était plus celui qui avait été initialement envisagé et qui avait, du reste, déjà effectué une partie de l’installation du mobilier, lors de la première livraison des bâtiments, en novembre 2018.

Ce point a été relevé par plusieurs participants à cette réunion et a fait l’objet

d’incompréhensions et échanges, d’autant que votre décision a finalement entraîné pour l’entreprise un surcoût, puisque, pour satisfaire une problématique de délai de livraison liée à ce changement de prestataire, nous avons été contraints de déplacer du matériel déjà installé à [Localité 5] pour l’emmener sur le site de [Localité 6].

Compte tenu des conséquences qu’impliquait ce changement (en termes de calendrier, de coûts, et des relations avec d’autres entités du Groupe), il vous appartenait de faire valider, ou à tout le moins informer préalablement votre hiérarchie de votre décision de changer de prestataire pour la fourniture des entités du Groupe en France.

A aucun moment vous n’avez cru bon d’associer de près comme de loin votre hiérarchie à cette décision, étant précisé par ailleurs que vous n’avez pas justifié de la pertinence de ce changement.

Ce n’est que le 5 décembre 2018, lorsque vous avez constaté les réactions des membres du COPIL que vous avez informé Mme [E] [J] de la situation, la mettant ainsi devant le fait accompli.

A cette occasion, Mme [E] [J] vous a rappelé sa demande d’être tenue étroitement informée du suivi des projets dont vous aviez la charge… ».

L’employeur explique :

– que les fournisseurs Lière Bureau Design pour les mobiliers bureaux, et Marcireau pour les fauteuils et espaces de réunion ont été sélectionnés lors d’un appel d’offres intervenu en 2015,

– qu’en 2018, comme Madame [F] avait décidé de changer de fournisseurs de mobiliers, elle a chargé l’équipe Achat d’IMA GIE de procéder à une consultation sur les besoins immobiliers des sites IMA GIE situé à Trévins et à [Localité 5] et à un examen de diverses marques, dont ACTIU CLEN,

– qu’en demandant à l’équipe de présenter cette marque, le choix était déjà très orienté et démontrait la volonté de la salariée d’orienter le choix de son employeur vers le fournisseur qu’elle avait présélectionné puisqu’elle avait déjà fait le choix, sans se concerter avec quiconque d’acheter du mobilier ACTIU dès le 15 février 2018,

– que cette décision a été prise en dépit du bon sens,

– qu’au surplus ce mobilier n’était pas disponible pour la date prévue.

A l’appui de ses allégations, il verse :

– le comité de pilotage Prima du 4 décembre 2018 (pièce 14 de son dossier),

– le cahier de charges appels d’offres,

– les mails de Monsieur [O] des 8 mars, 28 et 31 mai 2018,

– le mail de Monsieur [H] du 3 juillet 2018,

– le mail de Monsieur [B] en date du 27 novembre 2018,

– l’annonce de l’arrivée de Monsieur [B] à certains fournisseurs,

– l’attestation de Monsieur [D],

– la chaine de mails du 20 novembre 2018 au 3 décembre 2018,

– les mails de 2019 constatant des problèmes avec Actiu et Marcireau.

En réponse, Madame [F] objecte pour l’essentiel :

– que l’employeur ne rapporte pas la preuve que la direction n’avait pas été informée du changement et qu’elle a subi le préjudice qu’elle présente,

– qu’elle ne faisait pas partie du projet [Localité 6] qui était sous la direction directe de Madame [J] et de Monsieur [D],

– qu’aucun reproche ne peut donc lui être fait sur ce dossier dont elle n’avait pas la responsabilité directe,

– que le changement de fournisseur avait été décidé conjointement entre l’IMA et la MACIF,

– que l’appel d’offres avait été limité à 2 fournisseurs afin de faire des économies de budget au niveau du groupe, qu’il ne s’agissait donc pas d’une décision de sa part et qu’elle ne faisait que faire appliquer par ses collaborateurs les décisions prises au niveau du Groupe,

– que Monsieur [D] qui devait rendre compte de son travail directement à Madame [J] n’a pas informé les acteurs de ce projet, en sorte qu’ils n’avaient pas l’information du changement de fournisseur,

– qu’en tout état de cause, en page 9 de ses conclusions, la Société IMA ne conteste pas qu’elle n’était pas en charge du projet et confirme que c’est elle, Madame [F], qui devait recevoir les informations concernant le projet et non elle qui devait les transmettre à sa hiérarchie.

***

Cela étant, aucune des pièces produites par l’employeur n’établit que de son propre chef, sans en informer et sans en référer à quiconque, Madame [F] a volontairement changé de fournisseur de mobilier.

En effet :

– d’une part, le compte-rendu du comité de pilotage du 4 décembre 2018 n’évoque pas ce point précis,

– d’autre part, les courriels versés aux débats se bornent tous à pointer les défaillances du mobilier finalement retenu.

Si seul le témoignage versé aux débats par l’employeur (pièce 36) ‘ rédigé par Madame [A], directrice des ressources humaines, qui a assisté à la réunion du comité de pilotage du 4 décembre 2018 ‘ précise que le changement de fournisseur pour le mobilier a constitué un point de crispation lors de la réunion du comité de pilotage et qu’à ce moment-là, elle a interrogé par SMS Madame [J] pour savoir si celle-ci était informée dudit changement laquelle avait répondu par la négative, il n’établit absolument pas que la décision de cette action a été prise de Madame [F] – qui de surcroît comme le reconnaît le GIE IMA en page 10 de ses écritures, 7ème paragraphe (et non page 9 comme dit par l’appelante) ne faisait pas partie de l’avancement du projet [Localité 6].

En conséquence, ce grief n’est pas constitué.

3 – Sur les problèmes de chauffage à Trévins :

L’employeur a écrit dans sa lettre de licenciement :

‘…Un problème de chauffage avait été identifié sur le nouveau site de Trévins fin décembre 2018.

Vous avez indiqué à Madame [E] [J] lors d’un point d’activité le 2 janvier 2019 que, suite à une intervention, la solution avait été trouvée, sans apporter plus de précisions.

Le 15 janvier 2019, lors de la réunion annuelle du personnel, une salariée a interpelé la Direction Générale sur les mauvaises conditions de travail sur le site de Trévins (salles Zulu et Yankee) compte tenu d’un froid persistant. Elle faisait état de l’obligation de porter manteau, gants et foulard pour travailler. Ne disposant pas d’informations précises sur le sujet depuis le 2 janvier 2019, et en l’absence de toute réaction de votre part malgré le fait que vous soyez présente, Mme [E] [J] a répondu que le problème était en cours de résolution.

A la pause déjeuner, alors même que vous n’aviez pas été sollicitée, vous êtes venue indiquer à Mme [E] [J], en présence de M. [N] [K], que le problème était résolu depuis le 26 décembre 2018, que tout allait bien et que la salariée qui était intervenue « racontait n’importe quoi ».

Or, il s’avère que vous avez menti délibérément en affirmant que le problème était résolu alors que ce n’était pas le cas, et ce pour masquer vos carences dans la gestion du dossier.

En effet, compte tenu de la température particulièrement basse constatée dans les nouveaux locaux de Trévins, il vous appartenait de mettre en place de manière urgente et ce, dès le 26 décembre toutes les mesures correctives pour y remédier.

La Direction des Ressources Humaines avait été alertée par les organisations syndicales de l’entreprise, parfois photo à l’appui, sur cette problématique de froid sur le nouveau site de Trévins. Bien que ces alertes aient été systématiquement relayées à vos équipes et vous-même, vous n’avez pas mis en place les diligences requises. La conformité des locaux par rapport à leur utilisation ainsi que les conditions matérielles de travail des collaborateurs relèvent pourtant de votre responsabilité en tant que Directrice de l’entité Immobilier Achats et Courrier.

Ce n’est qu’au cours du mois de février 2019 que le problème a finalement été résolu.

Compte tenu de votre négligence les collaborateurs ont dû travailler dans des locaux dont la température ne répondait ni aux normes, ni à des standards minimums de confort.

Nous avons donc eu le regret de constater que non seulement vous avez fait preuve de négligence dans la gestion de ce dossier, mais au surplus vous avez sciemment communiqué des informations erronées à votre hiérarchie afin de dissimuler vos négligences …’

Après avoir indiqué que c’est en pleine connaissance de cause que la salariée avait transmis des informations erronées à sa responsable hiérarchique, l’employeur verse à l’appui de ses allégations :

– le mail de Monsieur [G] du 25 janvier 2019,

– la lettre Sudima du 27 décembre 2018,

– les mails de SUD IMA du 7 janvier 2019, de la Direction des Ressources Humaines et de la DIAC,

– le mail de Monsieur [G] à la DRH.

En réponse, Madame [F] objecte pour l’essentiel :

– que Monsieur [D] ne l’a informée du problème pour la première fois que le 27 décembre 2018,

– que dès cet instant, elle a pris des mesures immédiates,

– que ce n’est que le 21 janvier 2019 qu’elle a été avertie de l’existence de nouveaux problèmes sur le site,

– que ses équipes se sont alors mobilisées sur les dysfonctionnements.

Pour étayer ses allégations, elle produit :

– le courriel de M. [Z] [D] du 27 décembre 2018 l’informant pour la première fois, du problème du chauffage,

– le courriel qu’elle a adressé à la directrice des ressources humaines, Madame [C] [A], du 27 décembre 2018, soit le jour même de l’alerte des salariés,

– les échanges de courriels avec le responsable des Services Généraux et travaux, Monsieur [G] des 28 et 31 décembre 2018 et 2 janvier 2019,

– l’échange de courriels du 28 décembre 2018 qui démontre que le site de Trévins n’a pas été utilisé entre le 28 décembre 2018 et le 2 janvier 2019,

– l’échange de courriels du 21 janvier 2019 aux termes duquel elle a été informée d’une nouvelle difficulté (pièces 40 et 40/1 de son dossier),

– le rapport technique de Monsieur [X] et courriel d’accompagnement.

***

Cela étant, contrairement à ce que soutient l’employeur :

– Madame [F] n’a été informée que le 27 décembre 2018 – sauf à rapporter une preuve contraire qu’il ne rapporte pas – du problème du chauffage affectant l’installation du site de Trévins,

– dès lors, elle a adressé le même jour un courriel à la directrice des ressources humaines, Madame [C] [A] pour lui donner des éléments pour répondre aux interrogations des salariés et syndicat sur le problème du chauffage, et notamment expliquer en fonction des renseignements qu’elle avait elle-même recueillis auprès de la société de dépannage dépêchée sur les lieux les raisons du dysfonctionnement,

– elle a été informée à la suite des premières interventions des professionnels qualifiés que la situation était redevenue normale et que les locaux étaient chauffés correctement,

– le site a été fermé du 28 décembre 2018 au 2 janvier 2019.

Si les attestations de Messieurs [T] et [K] – versées par l’employeur – sont unanimes pour dire dans des termes différents mais concordants que le

16 janvier 2019 (et non le 15 janvier 2019 comme dit dans la lettre de licenciement) Madame [F] a affirmé à Madame [J] que le problème du chauffage était réglé à Trévins, en revanche, elles n’établissent pas pour autant qu’elle savait qu’il n’en était rien et que le problème perdurait.

En conséquence, ce grief n’est pas établi.

4 – Sur le dossier relatif aux travaux du bâtiment D de [Localité 6],

L’employeur a écrit dans sa lettre de licenciement :

‘…Mme [E] [J] a reçu le 9 janvier 2019 un courriel de Mme [C] [U] (Directrice au sein du Groupe Matmut, actionnaire IMA – en charge des moyens généraux et des travaux immobiliers). Celle-ci interpellait la Direction d’IMA sur les conséquences en termes de calendrier et de coûts des travaux qu’IMA demandait à la MATMUT, propriétaire et bailleur du site de [Localité 6] au sein duquel il est envisagé la mise en place d’un espace de restauration.

A la lecture du courrier joint au courriel, il est apparu que non seulement le dossier n’a pas été suivi avec la promptitude requise mais qu’au surplus vous n’avez pas tenu informé votre hiérarchie sur les difficultés rencontrées, difficultés qui avaient pourtant surgi depuis le mois de décembre. Il s’avère que vous avez fait preuve d’une grave négligence dans la gestion de ce dossier, compte tenu notamment des enjeux financiers mais surtout des enjeux en termes de relations avec la Matmut et du risque éventuel de discrédit auprès des partenaires sociaux, compte tenu de l’évolution majeure du projet « restauration ».

Ce n’est en effet qu’après avoir été sollicitée par votre hiérarchie que vous lui avez transmis, le 10 janvier 2019, quelques éléments de contexte permettant de prendre connaissance de ce dossier et de ses difficultés. De surcroît, malgré l’urgence que présentait ce dossier, dont vous aviez pleinement conscience, ce n’est que le 18 janvier 2019 à 18h33, après relance de votre hiérarchie, qu’un projet de courrier de réponse a été préparé à l’attention de la Matmut alors même qu’une réunion que vous aviez vous- même qualifiée d’« urgente » s’était tenue dès le 11 janvier 2019. Ce courrier aurait été préparé par vous-même et l’un de vos collaborateurs qui l’a adressé à votre supérieur hiérarchique sans que vous preniez la peine de lui communiquer le compte rendu de la réunion du 11 janvier 2019, comme vous vous y étiez engagée.

Ainsi, en ne traitant pas le dossier avec le sérieux et dans les délais qui s’imposaient compte tenu de l’urgence vous avez commis une nouvelle négligence fautive ».

L’employeur explique :

– que le projet de rénovation du Bâtiment D consistait à créer un espace de formation au 1er étage et un espace de restauration au rez-de-chaussée,

– qu’à l’arrivée de Monsieur [B] et dans la continuité des activités qui lui ont été confiées à [Localité 5], il a pris en charge le dossier de restauration à [Localité 6] et a pris des décisions inadaptées qui ont créé des tensions avec la MATMUT,

– que si Monsieur [B] a reconnu sa responsabilité dans les tensions qui ont fait jour avec la Matmut et a préparé un courrier de réponse, il n’en demeure pas moins qu’il appartenait à sa responsable hiérarchique, Madame [F], de suivre le dossier et de s’assurer qu’il se déroule conformément aux attentes de son employeur.

Il verse aux débats pour étayer l’existence des difficultés soulevées par la MATMUT et l’attitude fautive de la salariée :

– le mail et la lettre de Madame [U] du 9 janvier 2019

– les échanges de mails entre Mesdames [F] et [J] des 10 et 18 janvier 2019.

En réponse, Madame [F] objecte pour l’essentiel :

– qu’elle n’était pas en charge du projet [Localité 6] qui était sous la responsabilité directe de Madame [J] et de Monsieur [Z] [D] en qualité de chef de projet,

– qu’elle n’est intervenue sur ce projet que pour pallier les difficultés rencontrées par son collaborateur, normalement en charge du projet,

Elle produit aux débats :

– un courriel de Monsieur [B] du 10 janvier 2019

– le courriel qu’elle a adressé à Madame [J] le 29 janvier 2019, expliquant que la réponse attendue avait en réalité été rédigée en commun avec Messieurs [B] et [D] et directement adressée par Monsieur [B] le 18 janvier 2019,

– le courriel que Monsieur [B] lui a adressé le 29 janvier 2019 qui indique : ‘Je suis désolé si je suis responsable de son agacement dont tu as fait visiblement les frais’ ;

– la réponse que Madame [J] a adressé à Monsieur [B] le 29 janvier 2019, aux termes de laquelle celle-ci ne formule aucune critique à l’égard de Madame [F].

***

Cela étant, contrairement à ce que soutient l’employeur, la pièce 58 produite par la salariée qui est constituée par la fiche de ses objectifs pour l’année 2018 n’établit pas de façon incontestable que le dossier relatif aux travaux du bâtiment D de [Localité 6] faisait partie de ses attributions.

Il en résulte donc que lorsque celle-ci explique qu’elle n’avait pas en charge le projet [Localité 6], qui était sous la responsabilité directe de Madame [J] et de Monsieur [D] en qualité de chef de projet et que de surcroît, ses propos sont confirmés par le fait que la plaquette du comité de pilotage du 4 décembre 2018 – produite par l’employeur lui-même en pièce 14 de son dossier – ne mentionne pas son nom mais uniquement ceux de Madame [J] et de Monsieur [D], la cour juge acquis qu’effectivement Madame [F] n’avait pas en charge ce projet.

Ceci explique également que lorsque Madame [J] a répondu par mail à Monsieur [B] le 29 janvier 2019 ‘je vous remercie [I] … du projet de courrier en réponse à l’envoi de [C] [U] le 8 janvier dernier..’ elle n’ai fait aucun reproche à Madame [F].

En conséquence, ce grief n’est pas établi.

* sur le dossier [Localité 5] 118,

L’employeur a écrit dans sa lettre de licenciement :

‘…Dans le cadre du projet immobilier [Localité 5] 118, projet engageant l’entreprise dans des dépenses d’environ 12 M€ de travaux sur deux années (hors honoraires et coût des nouveaux aménagements), vous avez sollicité votre supérieure hiérarchique le 28 janvier 2019 pour une signature urgente de commande représentant 7,7 M€, sans qu’aucune information préalable ne lui ait été donnée en amont.

Mme [E] [J], qui n’avait été destinataire que de deux informations le 20 décembre 2018 relatives au surcoût de 257K€ lié au désamiantage et aux modalités de choix d’aménagement pour le bâtiment D, a été surprise par cette nouvelle demande qualifiée d’« urgente » alors qu’elle n’avait bénéficié d’aucune information préalable.

C’est ainsi qu’elle vous a demandé, par mail du 29 janvier 2019, des informations complètes afin d’être en mesure de signer les différentes commandes.

Suite à ses demandes d’informations complémentaires et votre retour, faisant au passage grimper le montant à signer de 7,7M€ à 11M€, elle a appris le 30 janvier 2019 que 3 commissions d’arbitrage portant a priori sur le choix des prestataires avaient été tenues en date des 5 et 19 décembre 2018 ainsi que le 29 janvier 2019 sans que vous ne l’ayez, ni informée de ces commissions, ni invitée à y participer. De plus, alors même qu’il est recommandé qu’un ou plusieurs membres de la Direction Générale assistent à ces réunions vous n’avez pas jugé utile de porter à la connaissance de la Direction Générale le compte-rendu de ces commissions…’

Il explique en substance qu’il reproche à Madame [F] un manque délibéré de transparence vis-à-vis de Madame [J] qui était certes informée du budget, mais aurait dû également être informée voire associée à la décision d’attribution des lots.

Il verse aux débats pour étayer ses affirmations :

– le mail de Madame [J] du 29 janvier 2019,

– la liste initiale des lots pour le projet [Localité 5] 118 fixé à 7,7 millions d’euros,

– la liste définitive des lots pour le projet [Localité 5] 118 fixé à 12 millions d’euros.

En réponse, Madame [F] objecte pour l’essentiel :

– que l’IMA GIE procède par affirmations et ne fournit aucun élément de nature à démontrer ce grief,

– qu’en effet, c’est Monsieur [D] par l’intermédiaire de son assistante qui a sollicité Madame [J] comme il avait pris l’habitude de la faire,

– qu’il a fait cela sans en informer Madame [F] et sans lui faire valider les documents soumis à sa signature,

– qu’il l’avait d’ailleurs déjà fait, pour ce même projet, en octobre 2018, sans que cela n’alerte Mme [J] qui disposait donc de tous les éléments relatifs au projet.

Elle verse :

– un échange de courriels intervenu entre elle et Madame [J] entre le 8 et le 10 octobre 2018,

– l’envoi le 5 octobre 2018 du support de présentation du budget 2019 comportant le budget du Projet [Localité 5] 118 pour un montant total de 14.500.000 euros,

– les invitations à des réunions de préparation de budget par Madame [J],

– les ‘Rapports Faits Marquants à fin octobre 2018″,

– l’envoi du ‘Rapport Faits Marquants’ par courriel du 22 novembre 2018,

– le rapport d’activité DIAC du 4ème trimestre 2018,

– l’envoi à Mme [J] du rapport d’activité DIAC du 4ème trimestre 2018 par courriel du 18 décembre 2018.

***

Cela étant, contrairement à ce que soutient l’employeur, Madame [F] n’a pas fait preuve d’un manque de transparence à l’égard de Madame [J] dans la mesure :

– où elle lui a envoyé par courriel du 10 octobre 2018 des documents qui se rattachaient notamment à l’état d’avancement des travaux sur le site de [Localité 5],

– où la description des travaux à réaliser sur [Localité 5] 118 figurait dans un document intitulé ‘faits marquants à fin octobre 2018″ édité par le conseil de surveillance le 12 décembre 2018, avec les faits marquants qui s’étaient produits dans l’année dont 4 réunions ‘comité de suivi projet et commission d’appel d’offres : revue de planning et budget’ et les opérations à venir,

– où comme en atteste Monsieur [B], Monsieur [D] avait la responsabilité directe de la gestion du projet.

En conséquence, ce grief n’est pas établi.

6 – Sur le non-respect des directives et des consignes caractérisé par un défaut d’exécution du travail demandé (Politique d’Achat et réflexion prospective), sur le non-respect des consignes, sur la mission de Monsieur [I] [B], sur la rétrogation de Monsieur [Z] [D] et sur le repas d’équipe.

L’employeur a écrit dans la lettre de licenciement :

‘ …Outre les différents manquements rappelés ci-dessus, nous avons eu le regret de constater que vous ne respectiez pas les consignes ou directives qui vous étaient données. Ainsi, à titre d’exemple, vous n’avez toujours pas finalisé la politique achat du Groupe ni mené la réflexion prospective sur l’utilisation des espaces de travail qui vous a été demandée en septembre 2018. Face à votre inertie à réaliser ces missions, votre supérieure hiérarchique s’est interrogée sur les raisons de ces retards.

Or, il s’avère que c’est de manière délibérée que vous ne respectez pas les consignes qui vous sont données, préférant vous consacrer à des tâches que vous avez vous-même définies, et qui en tout état de cause ne sont pas prioritaires. Pour ce faire, vous n’utilisez pas les ressources qui vous sont affectées conformément aux budgets et instructions. A l’occasion du dossier relatif au bâtiment D de [Localité 6], votre supérieure hiérarchique a découvert que vous aviez assigné à Monsieur [I] [B] le suivi de projets immobiliers au détriment de la réalisation des missions pour lesquelles il avait été fait appel à ses services, à savoir un état des lieux de la gestion et de l’exploitation des sites gérés par la Direction Immobilier. Cet état des lieux vous a été demandé par Mme [E] [J] en septembre 2018. Compte tenu de l’ampleur de la mission, il était prévu d’y affecter Monsieur [I] [B] (prestataire de Service) et non d’utiliser cette ressource pour réaliser vos missions en vos lieux et place.

De même, sans respecter les procédures Ressources Humaines de l’entreprise, vous avez décidé unilatéralement de rétrograder l’un de vos collaborateurs Monsieur [Z] [D], à un niveau N-2. Par mail en date du 9 janvier 2019, vous avez contesté la décision de Mme [E] [J] de ne pas avoir invité deux collaborateurs de niveau N-2 à une réunion qu’elle avait organisée le jour même car vous les assimilez au même niveau hiérarchique que Monsieur [Z] [D]. Non seulement le ton critique de votre mail était inadapté, mais vous avez également commis une faute en décidant de « rétrograder » un de vos collaborateurs sans suivre une quelconque procédure ou même obtenir l’accord préalable de votre hiérarchie ».

Il soutient que compte tenu du niveau des responsabilités et de la rémunération de Madame [F], il était inadmissible que celle-ci fasse fi de ses consignes.

En réponse, Madame [F] objecte pour l’essentiel :

– qu’elle a remis par 2 courriels distincts du 3 septembre 2018 le travail qui lui avait été demandé en vue d’une présentation au COMEX du 4 septembre 2018,

– que l’IMA GIE ne rapporte aucun exemple précis selon lequel elle n’aurait pas respecté les consignes données,

– qu’en tout état de cause, elle était cadre dirigeante et bénéficiait d’un des plus hauts niveaux de salaire dans la classification de la convention collective applicable,

– qu’aux termes du propre courriel de Madame [J] du 4 septembre 2018, il était au contraire prévu que ‘[I] [B] (avait) en charge la responsabilité de l’équipe Immobilier Groupe ainsi que le pilotage des activités ‘Services Généraux/Travaux’ et ‘Accueil/Sureté/Sécurité’ et que : ‘ce renfort au sein de l’équipe DIAC permettra à [Z] [D] de se consacrer pleinement à sa mission ‘Etudes et projets Immobiliers’,

– qu’elle n’était pas décisionnaire concernant le titre et le niveau hiérarchique de Monsieur [D].

***

Cela étant, il convient de relever que l’employeur ne verse strictement aucun élément permettant d’étayer ses griefs et ne fournit aucun élément concret permettant de confirmer que Madame [F] n’aurait pas respecté les consignes données par sa hiérarchie.

En conséquence, ces griefs ne sont pas constitués dès lors que Madame [F] verse le justificatif de l’envoi par courriels d’une présentation au Comex du 4 septembre 2018 des travaux dont elle avait été chargée, qu’elle ne disposait d’aucune compétence pour établir ou modifier l’organigramme de la société, que de ce fait, elle ne pouvait pas décider d’elle-même de rétrograder Monsieur [D] et qu’enfin, Madame [J] n’a jamais répondu à son interrogation relative à l’exclusion d’un repas d’équipe de deux de ses collaborateurs.

En conséquence, ce grief n’est pas établi.

***

En conclusion, le licenciement de Madame [F] doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

B – Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

1 – Sur les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

L’article L 1235-3 du code du travail prévoit pour un salarié présentant une ancienneté de 8 ans, une indemnité comprise entre 3 et 8 mois de salaire mensuel brut.

En l’espèce, au moment de son licenciement, Madame [F] , âgée de 48 ans, comptait une ancienneté de 8 ans et 11 mois et percevait un salaire d’environ 10 958 €.

Elle a perçu une indemnité de licenciement d’un montant de 159 830 €.

Elle a retrouvé un emploi à la MACIF qui l’a embauchée le 9 septembre 2019 en qualité de cadre de direction moyennant un salaire d’environ 7 463,21 € nets, primes comprises.

Compte-tenu de l’ensemble de ces éléments, de la perte injustifiée d’un emploi de cadre dirigeant, bénéficiant d’une rémunération supérieure à celle qu’elle perçoit actuellement, il convient de condamner l’employeur à lui payer la somme de 60 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement attaqué doit donc être infirmé de ce chef.

2 – Sur l’indemnité de préavis :

Il convient de distinguer :

– une dispense de préavis prononcée d’office par l’employeur qui entraîne le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis,

– une dispense de préavis prononcée à la demande du salarié et acceptée par l’employeur qui n’entraîne pas de versement d’indemnité de préavis.

Il en résulte qu’en cas d’inexécution par le salarié du préavis, l’employeur est tenu au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis lorsque l’inexécution lui est imputable. (Soc. 20 Septembre 2006, pourvoi n°05-41385)

***

En l’espèce, Madame [F] soutient en substance :

– que c’est du seul fait de son employeur que le préavis n’a pas été exécutable,

– qu’en effet, elle n’avait plus d’attributions puisque la direction de son entité avait été confiée à Madame [J], qu’elle n’était plus destinataire des courriels concernant les dossiers qu’elle avait en charge, qu’elle n’avait plus de bureau et de poste de travail à son retour d’arrêt maladie, que son employeur avait tout organisé et prévu pour son départ effectif avant la fin du préavis.

Elle verse aux débats :

– le courrier du 8 avril 2019 qu’elle a adressé à son employeur pour contester son licenciement,

– le courriel que Monsieur [K] a adressé au comité de groupe le 1er avril 2019 aux fins de présenter la réorganisation du groupe et officialiser la reprise de ses attributions par Madame [J] (pièce 19),

– le courriel de Monsieur [L] du 16 avril 2019 en réponse à son courrier du 8 avril 2019,

– la réponse qu’elle y a apportée le 25 avril 2019 (pièce 20/1),

– le courriel qu’elle a adressé à son employeur le 6 mai 2019 (pièce 21),

– les photos de son bureau vide de ses effets personnels et professionnels,

– le courrier que Monsieur [L] lui a adressé le 6 mai 2019 pour la dispenser de travail jusqu’à sa convocation par la médecine du travail (pièce 22),

– le compte-rendu de l’entretien qui s’est déroulé entre elle et Monsieur [L] établi par M. [W], délégué du personnel (pièce 22/1),

– la convocation à une visite médicale par la médecine du travail,

– l’attestation de suivi de la médecine du travail du 14 mai 2019 et la proposition d’aménagement de l’exécution du préavis à effectuer en télétravail à domicile sans activité de management (pièce 24/1),

– le courrier que Monsieur [L] lui a adressé le 14 mai 2019 pour lui notifier sa dispense d’activité et lui indiquer que c’était à sa demande que cette dispense lui était notifiée tout en lui précisant qu’en raison de son attitude, les conditions n’étaient pas réunies pour que le préavis puisse se dérouler de façon normale et sereine (pièce 25),

– le courriel en réponse qu’elle lui a adressé le 15 mai 2019 pour lui indiquer que ce n’était pas elle qui avait demandé une dispense d’activité mais qu’elle avait souligné à plusieurs reprises que son préavis était inexécutable du fait de son employeur,

En réponse, GIE IMA objecte pour l’essentiel :

– que par lettres des 8, 25 avril et mail du 6 mai 2019, Madame [F] a clairement mis en demeure la société de la dispenser d’effectuer son préavis,

– qu’il s’agissait d’une volonté non équivoque et indiscutable de sa part de ne pas effectuer son préavis,

– qu’elle était parfaitement informée du déménagement de son bureau,

– que la chronologie des faits permet d’écarter son argumentation.

A l’appui de ses allégations, il verse :

– les lettres de Madame [F] des 8 et 25 avril 2019,

– la lettre du GIE IMA du 14 mai 2019 à Madame [F].

***

Cela étant :

– si le courriel adressé au comité de groupe le 1er avril 2019 par Monsieur [K], président du directoire IMA SA ne comporte aucune date pour la reprise des fonctions de Madame [F] par Madame [J] et si de ce fait, il ne peut pas en être déduit automatiquement que Madame [F] se retrouvait pendant le temps de l’exécution de son préavis sans attributions,

– si de même, il ne peut pas être fait grief à l’employeur durant l’arrêt de travail de la salariée de ne pas lui avoir transmis de courriels d’information sur les dossiers qu’elle traitait avant son arrêt de travail pour éviter de se voir reprocher un harcèlement moral de ce chef et un mépris du droit à la déconnexion,

– si enfin le SMS de Madame [Y] [S], assistante de Monsieur [D] du 18 avril 2019, soit 1 mois avant la dispense de préavis prononcé par l’employeur qui indique ‘Bonsoir [P]. J’ai appris en off que tu ne reviendrais pas à IMA. (‘) je suis vraiment déçue par cette décision (‘)’ ne fait que reprendre les rumeurs circulant dans la société sans qu’aucune certitude n’en résulte,

il n’en demeure pas moins :

– que le 3 mai 2019, lorsque la salariée s’est présentée sur son lieu de travail, elle ne disposait plus d’un bureau repéré à son nom, de matériel bureautique individualisé et elle ne retrouvait plus ses affaires personnelles, sans qu’aucune explication officielle ne lui soit donnée et alors que l’employeur a reconnu en substance par la suite qu’il avait totalement occulté le fait de saisir le médecin du travail en reconnaissance d’aptitude à travailler,

– qu’à la suite de l’avis d’aptitude donné par le médecin du travail le 14 mai 2019, l’employeur n’a pas mis en place l’aménagement du poste de travail préconisé par ledit médecin qui concluait à l’exécution du préavis à effectuer en télétravail à domicile sans activité de management et a finalement préféré prononcer une dispense d’exécution du préavis.

Il en résulte qu’au final, le défaut d’exécution du préavis n’incombe pas à Madame [F] mais à l’employeur qui l’a sciemment, à compter de la fin de son arrêt maladie, privée de tout moyen d’exécution de son préavis.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande de la salariée et de condamner le GIE IMA à lui payer les sommes de :

– 44.291,38 € à titre d’indemnité de préavis pour la période du 15 mai au 28 septembre 2019,

– 4.429,18 € au titre des congés payés afférents,

– 4.527,39 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à la dispense de préavis.

Il convient donc d’infirmer le jugement attaqué de ce chef.

II – SUR L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

A – Sur le harcèlement moral :

1 – Sur l’existence du harcèlement moral :

Aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Il résulte de cet article que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

Ainsi, le harcèlement moral est caractérisé par la constatation de ses conséquences telles que légalement définies, peu important l’intention (malveillante ou non) de son auteur.

Le régime probatoire du harcèlement moral est posé par l’article L. 1154-1 du code du travail qui prévoit que dès lors que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il en résulte que le salarié n’est tenu que d’apporter au juge des éléments permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral et qu’il ne supporte pas la charge de la preuve de celui-ci.

De ce fait, le juge doit :

– en premier lieu examiner la matérialité des faits allégués par le salarié en prenant en compte tous les éléments invoqués y compris les certificats médicaux,

– puis qualifier juridiquement ces éléments en faits susceptibles, dans leur ensemble, de faire présumer un harcèlement moral,

– enfin examiner les éléments de preuve produits par l’employeur pour déterminer si ses agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et si ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il est constant que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de management par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

***

En l’espèce, Madame [F] allègue que les éléments suivants caractérisent le harcèlement moral dont elle a fait l’objet, à savoir :

1 – le non-respect de la procédure pour insuffisance professionnelle prévu à la Convention collective (pièce 11),

2 – son entretien préalable fixé près de 3 semaines après la remise de la convocation et 2 jours seulement avant ses congés,

3 – ses demandes aux fins de connaître les motifs de cette convocation restées vaines (pièces 8 à 10),

4 – la durée de plus de 2h30 de l’entretien préalable (pièce 11/1),

5 – le défaut d’organisation du conseil de conciliation conformément à la Convention collective (pièces 13 à 16/4),

6 – les circonstances qui ont entouré l’exécution de son préavis ainsi que sa dispense (pièces 18 à 22/1) :

° son poste a été attribué à Madame [J] ;

° son bureau physique lui a été retiré, étant précisé qu’elle a dû interroger ses collaborateurs pour comprendre la situation;

° elle ne recevait plus de courriels liés à ses dossiers,

7 – la restitution immédiate du matériel professionnel mis à sa disposition dès la remise de sa dispense de travail,

8 – la dégradation de son état de santé dont ses arrêts de travail outre les certificats médicaux et le suivi psychologique attestent.

Il résulte des pièces versées aux débats :

1 – que le fait n° 1 n’est pas établi :

dans la mesure où l’employeur présentait tous les griefs qu’il reprochait à la salariée comme étant sous tendus par des fautes et non par une insuffisance professionnelle et où d’ailleurs, elle- même ne s’y était pas trompée puisqu’elle avait reproché, dans un de ses mails, à son employeur de prétendre qu’elle ‘sabotait’ les dossiers qui lui étaient confiés,

2 – que le fait n° 2 est établi :

dans la mesure où un délai de près de trois semaines sépare la convocation à l’entretien de sa tenue,

3 – que le fait n° 3 est établi :

dans la mesure où effectivement les motifs pour lesquels le licenciement est envisagé ne sont pas mentionnés,

4 – que le fait n° 4 est établi :

dans la mesure où l’entretien a présenté une durée de 2 heures et demi,

5 – que le fait n° 5 est établi :

dans la mesure où la mise à disposition des représentants du personnel et de la salariée du dossier de celle-ci n’a pas été faite dans des temps suffisants pour leur permettre de consulter les pièces dans de bonnes conditions – en réalité à peine 24 heures avec la déduction de la période de week-end – et où la date du report de la réunion du conseil de conciliation correspondait exactement à celle de déplacement professionnel d’une des représentantes du personnel désignée par la salariée dont l’employeur avait été informé en temps utile,

6 – que le fait n° 6 est partiellement établi :

dans la mesure où si comme la cour l’a jugé, la date d’attribution du poste de Madame [F] à Madame [J] n’a pas été expressément indiquée et si de ce fait, aucune conclusion ne peut en être tirée et où s’il est normal que la salariée ne reçoive aucun courriel professionnel pendant son arrêt maladie, il n’en demeure pas moins que lorsqu’elle est revenue sur son lieu de travail à l’issue de son arrêt maladie, elle ne disposait plus de ‘bureau physique’,

7 – que le fait n° 7 est établi :

dans la mesure où elle a dû restituer du jour au lendemain, sans délai, en moins de 24 heures tout son matériel professionnel,

8 – que le fait n° 8 est établi :

dans la mesure où la dégradation de l’état de santé de Madame [F] est avéré par ses arrêts maladie, l’intervention du médecin du travail et le suivi psychologique dont elle a fait l’objet,

***

Il résulte donc de tous ces éléments que si le fait n° 1 n’est pas établi et si le fait n° 6 est partiellement non établi en tant que faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il n’en demeure pas moins que les autres faits sont établis et que pris dans leur ensemble, ils laissent – eux – présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Il appartient donc à l’employeur de prouver que les agissements invoqués par Madame [F] ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

***

Cela étant :

I – En ce qui concerne :

– le fait n° 2 relatif à la fixation de la date de son entretien préalable :

l’employeur le justifie par des faits objectifs totalement étrangers à tout harcèlement moral dans la mesure où pour déterminer la date, il devait nécessairement tenir compte des contraintes d’agenda de la supérieure hiérarchique de Madame [F] et de la nécessité éventuelle pour celle-ci de prendre en compte les contraintes des représentants du personnel auxquels elle pouvait demander de l’assister,

– le fait n° 3 relatif à l’absence de mention dans la lettre de convocation des motifs pour lesquels le licenciement est envisagé :

l’employeur le justifie par des faits objectifs totalement étrangers à tout harcèlement moral dans la mesure où il est acquis que cette mention n’est pas obligatoire,

– le fait n° 4 relatif à la durée de l’entretien :

l’employeur le justifie par des faits objectifs totalement étrangers à tout harcèlement moral dans la mesure où une durée de 2 heures et demi pour un entretien préalable n’a rien d’excessif compte tenu du nombre et de la nature des griefs reprochés à la salariée, des explications qui devaient lui être données par l’employeur et des réponses qu’elle devait y apporter.

II – En revanche :

– le fait n° 5 relatif à l’organisation défaillante du conseil de conciliation n’est pas justifié par l’employeur :

* en ce qu’il se borne à expliquer que la salariée se plaint tout d’abord d’avoir reçu un mail pendant ses congés pour l’organisation du conseil de conciliation, alors que ledit conseil n’a eu lieu que 10 jours après son retour et qu’elle a demandé la réunion du conseil de conciliation par lettre du 15 février 2019 sans toutefois préciser le nom des représentants du personnel qu’elle désignait pour le composer alors qu’il demeure totalement taisant sur :

– le peu de temps laissé aux représentants du personnel pour consulter les pièces du dossier dès lors que durant la période pour l’éventuelle consultation, était inclus un week-end, réduisant à moins de 24 heures le délai litigieux,

– le fait qu’il ait reporté le conseil de conciliation à une date où l’un des représentants de Madame [F] était en déplacement professionnel prévu de longue date ; déplacement professionnel dont il avait été averti en temps utile, en sa qualité d’employeur.

– le fait n° 6 relatif à l’exécution du préavis et au retrait du bureau ‘physique’ attribué à la salariée n’est pas justifié par l’employeur :

* en ce qu’il se borne à soutenir qu’elle était parfaitement informée du déménagement imminent des locaux qui concernait l’ensemble du personnel puisque ce déménagement était réalisé sous la responsabilité de sa direction, que ses équipes en avaient la charge, que le mel de Monsieur [B] en date du 11 février 2019 est très clair à ce sujet et démontre qu’elle était parfaitement informée du déménagement alors qu’il omet d’expliquer la raison pour laquelle – alors qu’il reconnaît dans un courrier qu’il lui a transmis qu’il avait oublié que le médecin du travail devait délivrer un certificat d’aptitude à la reprise à l’issue de son congé maladie – lorsqu’elle est revenue le 3 mai 2019, elle ne disposait plus d’aucun bureau, d’aucun endroit ‘physique’ attribué pour s’installer et organiser son retour.

– le fait n° 7 relatif à la restitution immédiate du matériel professionnel mis à sa disposition dès la remise de sa dispense de travail n’est pas justifié par l’employeur :

* en ce que même s’il est acquis que le salarié doit restituer au plus vite

– lorsque son contrat de travail est rompu – son matériel professionnel, le GIE n’explique pas pourquoi il a exigé que la salariée lui remette du jour au lendemain à midi ledit matériel, sans lui laisser au moins un délai de 48 heures qui aurait été plus raisonnable,

– le fait n° 8 relatif à la dégradation de l’état de santé de la salariée n’est pas justifié par l’employeur :

* en ce qu’il ne fournit aucune explication sur le fait que le médecin traitant de la salariée ait écrit le 6 mai 2019 au médecin du travail pour lui demander de recevoir cette dernière qui était venue le consulter le 5 mars précédent pour un syndrome dépressif réactionnel au travail et sur le fait que la psychopraticienne recevant Madame [F] au rythme d’une fois par semaine depuis le 14 mars 2019 écrive le 26 avril 2019 qu’elle suivait cette dernière en raison d’une problématique professionnelle générant un état de stress important.

***

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur échoue à justifier par des éléments objectifs les faits n° 5, 6 partiellement, 7 et 8.

Or pris dans leur ensemble, ces éléments constituent un harcèlement moral exercé par l’employeur à l’encontre de la salariée dont l’état de santé s’est progressivement dégradé comme en attestent les pièces médicales versées aux débats – certificats médicaux, arrêts de travail, dossier de la médecine du travail -.

Ainsi, sur le fondement des principes sus rappelés, même si l’employeur n’a pas voulu sciemment et volontairement se rendre coupable d’un harcèlement moral à l’égard de Madame [F], il n’a pas su entendre la souffrance que celle-ci lui avait exprimé à plusieurs reprises dans les courriels qu’elle lui avait adressés et n’a su que rejeter sur elle la responsabilité de son état.

En cela, le harcèlement moral est établi.

En conséquence, le jugement attaqué doit donc être infirmé.

2 – Sur les conséquences du harcèlement moral :

Le salarié s’estimant victime de harcèlement peut agir devant le conseil de prud’hommes pour obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

***

En l’espèce, Madame [F] sollicite une somme de 65 000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice que lui a causé le harcèlement moral dont elle a été victime.

Compte tenu des éléments versés aux débats – certificats médicaux et arrêts de travail – il y a lieu de fixer à 8 000 € la réparation de son préjudice et de condamner l’employeur à lui verser ce montant.

En conséquence, le jugement doit être infirmé de ce chef.

B ‘ Sur l’obligation de sécurité de l’employeur :

L’article L.1152-4 du code du travail impose à l’employeur une obligation de prévention du harcèlement moral, en disposant, en son alinéa 1, que « L’employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.»

Il est précisé que l’obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l’article L.4121-1 du code du travail et de l’article L. 4121-2 du même code est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l’article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle. L’obligation de prévention du harcèlement moral est ainsi une déclinaison de l’obligation de sécurité, résultant pour l’employeur des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

Ainsi, l’absence de harcèlement moral n’est pas de nature à exclure, en présence d’une souffrance morale en lien avec le travail, tout manquement de l’employeur à son obligation de sécurité , de sorte qu’il appartient à l’employeur de prendre des mesures de nature à prévenir mais également pour faire cesser ces agissements. L’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité s’il démontre qu’il a pris toutes les mesures de préventions et toutes les mesures de nature à faire cesser le harcèlement moral dénoncé.

En l’espèce, Madame [F] reprend à l’appui de la démonstration du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité les éléments de fait développés à l’appui du harcèlement moral.

En réponse, l’employeur se borne à soutenir qu’aucun manquement à l’obligation de sécurité ne peut lui être reproché et qu’en tout état de cause, Madame [F] est défaillante à démontrer l’existence d’un manquement de ce chef.

***

Cela étant, comme la cour l’a relevé précédemment, même si l’employeur n’a pas voulu sciemment et volontairement se rendre coupable d’un harcèlement moral à l’égard de Madame [F], il n’a pas su entendre la souffrance de celle-ci, la prendre en compte, la rassurer et n’a su que rejeter sur elle la responsabilité de son état en lui expliquant qu’il ne voulait plus répondre à ses messages dans la mesure où elle interprétait et déformait tous ses propos alors qu’elle lui avait signalé à plusieurs reprises par courrier sa détresse et son mal-être face à son attitude, en insistant tout au long du premier trimestre 2019 sur le stress important qu’elle ressentait et sur la nécessité pour l’employeur de répondre à ses interrogations (pièces 8, 15, 16/1, 16/4, 17 et 21 du dossier de la salariée).

Ainsi, le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est établi.

En revanche, Madame [F] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice particulier indépendant de celui réparé par les dommages intérêts par l’octroi de dommages intérêts pour harcèlement moral.

En conséquence, elle doit être déboutée de sa demande de dommages intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

C – Sur la prime d’objectifs sur l’année 2018 :

Une prime sur objectifs est une somme d’argent versée par l’employeur en complément du salaire qui vient récompenser la performance ou les bons résultats professionnels obtenus par un salarié.

Son montant est variable et peut être ou non plafonné.

L’employeur doit fixer des objectifs au salarié réalistes, réalisables (Cass. ch. soc., 13 mars 2001, n° 99-41.812) et raisonnables, c’est-à-dire :

– qu’ils peuvent être objectivement atteints eu égard à l’état du marché et aux moyens mis à la disposition du salarié pour les atteindre,

– qu’ils ne font pas peser l’entière bonne marche de l’entreprise sur les seules épaules du salarié.

Il appartient à l’employeur d’établir non seulement que les objectifs fixés au salarié sont réalisables mais également si les objectifs fixés ont été atteints ou pas.

***

En l’espèce, Madame [F] soutient en substance que la prime sur objectifs 2018 ne lui a pas été réglée contrairement aux années précédentes (pièce 6) alors qu’elle a atteint les objectifs qui lui étaient fixés et que les reproches formulés à son encontre dans la lettre de licenciement n’ont aucun lien avec les objectifs de l’année 2018.

Elle produit :

– les objectifs 2018 qui lui avaient été fixés ;

– leur réalisation (pièces 49 à 50/3 et 58).

En réponse, la société s’oppose à tout versement et objecte pour l’essentiel que la salariée n’a pas atteint ses objectifs dans la mesure :

– où le 1er objectif (25 %) qui était de porter une réflexion sur le Groupe IMA n’a pas été atteint, bien au contraire dans la mesure où elle a dû déplorer de nombreuses difficultés existant entre le service de Madame [F] et les autres entités du Groupe,

– où le 2ème objectif (30 %) relatif au développement de l’immobilier du Groupe n’a pas été réalisé comme cela a été établi par les faits reprochés dans la lettre de licenciement qui démontrent le manque d’anticipation et les difficultés dans le déploiement des projets,

– où les 3ème et 4ème objectifs (15 % et 30 %) n’ont pas été davantage réalisés dans la mesure où aucun développement du centre de numérisation n’a été mené à bonne fin, aucun benchmark des bonnes pratiques du Groupe n’a été réalisé, aucun déploiement de la charte achat n’est intervenu.

***

Cela étant, l’employeur se borne à alléguer que les objectifs 2018 n’ont pas été atteints par la salariée sans verser une quelconque pièce justificative.

En effet, s’appuyer sur la lettre de licenciement pour tenter d’en faire la démonstration est inopérant dans la mesure où le défaut de réalisation supposé des premier, troisième et quatrième objectifs assignés à la salariée n’est pas visé dans la lettre de licenciement et où le défaut supposé du deuxième objectif visé partiellement par ladite lettre n’a pas été reconnu fondé dans le cadre de l’instance prud’homale.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande de Madame [F] et de condamner l’employeur à lui verser la somme de 11.500 € à titre de rappel de salaire de ce chef.

Le jugement attaqué doit donc être infirmé.

III – SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Les sommes allouées à Madame [F] produiront intérêts au taux légal :

– s’agissant des créances indemnitaires (par ailleurs exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables) à compter de la présente décision,

– s’agissant des créances salariales, à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation.

Le jugement attaqué doit donc être infirmé de ce chef.

***

Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt en application de l’article 1343-2 du code civil ; étant précisé que la capitalisation des intérêts est de droit lorsqu’elle est demandée.

Il convient d’infirmer le jugement attaqué de ce chef.

***

En revanche, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de remise sous astreinte des documents de fin de contrat dans la mesure où la mauvaise volonté de l’employeur d’exécuter les décisions de justice n’est pas établie.

IV – SUR LES DEPENS ET LES FRAIS DU PROCES :

Les dépens de première instance et d’appel doivent être supportés par le GIE IMA.

***

Il n’est pas inéquitable de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné l’employeur à payer à la salariée la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il n’est pas inéquitable de condamner l’employeur à lui payer également une somme 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel tout en le déboutant sa propre demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement prononcé le 9 mars 2021 par le conseil de prud’hommes de Niort sauf en ce qu’il a :

– dit que le licenciement de Madame [F] était sans cause réelle et sérieuse,

– fixé le salaire moyen de Madame [F] à 10 958,70 €,

– débouté Madame [F] de ses demandes en dommages intérêts afférentes à l’obligation de sécurité, au rejet de la condamnation sous astreinte de l’employeur à remettre les documents de fin de contrat,

– condamné l’employeur à payer à Madame [F] la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Confirmant de ces derniers chefs,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne le GIE IMA à payer à Madame [F] les sommes de :

– 44.291,38 € à titre d’indemnité de préavis pour la période du 15 mai au 28 septembre 2019,

– 4.429,18 € au titre des congés payés afférents,

– 4.527,39 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à la dispense de préavis,

– 60 000 € au titre des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 8 000 € à titre de la réparation du préjudice résultant du harcèlement moral,

– 11 500 € au titre de la prime sur objectifs 2018,

Dit que les sommes allouées à Madame [F] produiront intérêts au taux légal :

– s’agissant des créances indemnitaires – exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables – à compter de la présente décision,

– s’agissant des créances salariales, à compter de la date de réception par le GIE IMA de la convocation devant le bureau de conciliation,

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,

Y ajoutant,

Condamne le GIE IMA aux dépens de l’instance d’appel,

Condamne le GIE IMA à payer à Madame [F] la somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute le GIE IMA de sa demande présentée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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