Crimes contre l’humanité : 12 septembre 2000 Cour de cassation Pourvoi n° 98-88.201

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Crimes contre l’humanité : 12 septembre 2000 Cour de cassation Pourvoi n° 98-88.201
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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze septembre deux mille, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Roger,

contre l’arrêt n° 3 de la cour d’appel de PARIS, 11ème chambre, du 16 décembre 1998, qui, pour diffamation publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, l’a condamné à 3 mois d’emprisonnement avec sursis, 20 000 francs d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 23 et 50 de la loi de 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

“en ce que, la Cour a condamné le prévenu à une peine d’emprisonnement avec sursis et à une amende à raison d’une diffamation publique envers la communauté juive ;

“aux motifs qu’il résulte de la procédure et des débats qu’en dépit de ses dénégations, les passages visés dans prévention, pris isolément ou, comme Roger X… le revendique, intégrés dans l’ensemble constitué par son ouvrage “Les mythes fondateurs de la politique israélienne”, portent gravement atteinte à la communauté juive dans son ensemble, comme les premiers juges l’ont dit à juste titre et par de justes motifs que la Cour reprend à son compte ; que le prévenu soutient en effet, invoquant l’arrêt de la Cour de Cassation du 4 novembre 1987 qui l’avait déjà opposé à la LICRA, qu’il se borne dans l’ouvrage en cause à formuler la critique licite de la politique pratiquée par l’état israélien et l’idéologie qui l’inspire ; que, cependant, contrairement à ce qu’il prétend, ce n’est pas la critique de la politique de l’état d’Israël, par ailleurs très peu évoquée en tant que telle dans l’ouvrage en cause, qui fonde la prévention de diffamation envers la communauté juive, mais l’essentiel du livre constitué des passages poursuivis ; que l’objet explicite et revendiqué de l’ouvrage est la description de ce qu’il qualifie de “mythes fondateurs” de ladite politique, lesdits mythes étant présentés comme autant de falsifications délibérées de l’histoire (“mythe des six millions”) ou de mystifications à des fins d’exploitation politique (les autres “mythes du XXème siècle”) opérés par les sionistes (“les lobbyus israélo-sioniste en France et aux Etats-Unis”) qui en étaient “les plus grands bénéficiaires”, et ce, pour “légaliser toutes ses exactions extérieures et intérieures en se plaçant au-dessus des lois et mettre en péril l’unité du monde et de la paix” (page 247 et 248) ; que, contrairement à ce qu’il prétend, l’ouvrage de Roger X… opère une confusion constante quant aux responsables et “bénéficiaires” de cette stratégie qui sont alternativement et

indifféremment désignés, en particulier dans les passages visés, par les termes de “sionistes”, “vote juif”, “lobby juif” (français ou américain) “israéliens” ou “Etat d’Israël”, au point que le prévenu lui-même à concédé à l’audience qu’au lieu, page 178, de dire qu’en 1982 les “sionistes” possédaient 92 % des terres de Palestine, il voulait dire “israéliens” ; que de telles confusions, compte tenu du niveau intellectuel et de l’influence revendiquée en particulier au Proche-Orient par le prévenu qui fait état des 25 traductions de l’ouvrage en cause, ont un sens, qui est bien celui dénoncé par la prévention : porter atteinte à l’honneur et à la considération de cette communauté ; que le jugement déféré sera donc confirmé sur la culpabilité ; que s’agissant de la diffamation envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une éthnie, une nation, une race ou une religion ou de la provocation à la haine raciale définie à l’article 29, alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881, la gravité du délit constitué doit s’apprécier à la fois au regard de la responsabilité individuelle du prévenu et de l’étendue du dommage causé : en l’espèce, la qualité d’universitaire reconnu en France et à l’étranger de Roger X…, sa responsabilité d’ancien enseignant, son souci revendiqué d’avoir une influence internationale en particulier au Moyen-Orient, ainsi que l’atteinte portée non seulement aux valeurs de la communauté visée mais à celles, universelles, de notre civilisation, justifient le prononcé d’une peine d’emprisonnement de trois mois, assortie toutefois du sursis ;

1 ) “alors que, d’une part, pour retenir le requérant dans les liens de la prévention de diffamation raciale, la Cour s’est évadée de sa saisine limitée aux articulations incriminées pour apprécier lesdites articulations dans le contexte de l’ouvrage dont elle avait par ailleurs connaissance dans le cadre d’autres poursuites qui n’avaient pas été jointes avec les présentes ;

2 ) “alors que, d’autre part, échappe à la prévention de diffamation l’articulation relative au “lobbying” qui est une activité licite ;

3 ) “alors, en tout état de cause, que les intérêts protégés par la diffamation raciale sont pris en compte dans le délit de contestation de crimes contre l’humanité en sorte qu’en condamnant le prévenu du chef de diffamation raciale, la Cour a méconnu la règle non bis in idem ;

4 ) “alors, enfin, que la Cour ne pouvait légalement aggraver la peine du prévenu par des considérations relatives à l’existence d’une provocation raciale étrangère à la prévention dont elle était saisie” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que Roger X… a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, sur plainte avec constitution de partie civile de la LICRA, visant certains passages de l’ouvrage intitulé “les mythes fondateurs de la politique israëlienne “et les qualifiant de diffamation publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable du délit, les juges se prononcent par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, les juges, sans méconnaître les limites de leur saisine, ont exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés ;

Que le fait d’imputer à une communauté visée à l’article 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 de pratiquer une activité de “lobbying” pour justifier des exactions “mettant en péril l’unité du monde et la paix” porte atteinte à l’honneur et à la considération de cette communauté et constitue l’infraction visée et réprimée par le texte précité ;

Que les intérêts protégés par cette incrimination et ceux qui sont protégés par celui de contestations de crime contre l’humanité sont d’une nature différente, qu’ils ne concernent pas nécessairement les mêmes personnes ou les mêmes groupes de personnes et qu’en conséquence ces deux infractions, lorsqu’elles sont en concours ne sauraient constituer un cumul idéal d’infractions ;

Qu’enfin, sur l’appel du ministère public, la cour d’appel était en droit d’élever, dans les limites fixées par la loi, la peine prononcée par les premiers juges ;

D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

 


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