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N° Q 18-83.460 F-D
N° 2039
CG10
8 AOÛT 2018
IRRECEVABILITE
M. STRAEHLI, conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit août deux mille dix-huit, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de Me Didier BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CROIZIER ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
–
M. X… Y…,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de VERSAILLES, en date du 18 mai 2018, qui, infirmant l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction, l’a renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d’apologie du terrorisme ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, 7 et 10 de la Convention des droits de l’homme 7, 8 et 10 de la Déclaration des droits de l’homme, 111-4, 421-2-5, alinéa 1er, 421-8, 422-3, 422-4, 422-6 du code pénal, de l’article Préliminaire et des articles 186, 574, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
“en ce que la chambre de l’instruction, statuant sur l’appel par le parquet d’une ordonnance de non lieu, a ordonné le renvoi du requérant devant le tribunal correctionnel du chef d’apologie publique d’actes de terrorisme à raison de propos tenus, entre le 20 juin 2016 et le 28 juillet 2016, dans le bureau, fermé au public, de ses collègues appartenant, comme lui, à l’administration fiscale ;
“aux motifs que le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu en date du 30 janvier 2018 ; que le procureur de la République a interjeté appel de cette ordonnance le 2 février 2018 ; que l’appel du procureur de la République est recevable en la forme ; que, sur la consultation habituelle de sites internet terroristes [
], il y a lieu de confirmer le non-lieu prononcé pour ces faits ; qu’en revanche, sur le délit d’apologie publique d’un acte de terrorisme, en application de l’article 421-2 5 du code pénal, est réprimé « le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes » ; que l’article 421 2-5 du code pénal, issu de la loi du 13 novembre 2014 ne se réfère aucunement à la notion de lieu, contrairement à l’infraction de provocation prévue et réprimée par l’article 23 et 24 de la loi de 1881, cette disposition incriminant le fait de « faire publiquement l’apologie » des actes de terrorisme ; que si la détermination du caractère public du lieu n’est donc pas une condition nécessaire à la caractérisation du délit, elle constitue un des critères permettant d’apprécier le caractère public des propos tenus, à côté des critères liés à la recherche de la volonté de rendre public, les propos ou au contraire de l’existence d’une communauté d’intérêt exclusive du caractère public ; que la jurisprudence de la haute cour s’attache à rechercher si l’auteur a une volonté de rendre public les propos, et considère le délit d’apologie de crime de guerre ou de crime contre l’humanité non constitué lorsque les circonstances sont exclusives de toute volonté de rendre les propos tenus publics (Crim. ,15 novembre 2015 ; Crim., 27 novembre 2012 ) ; que concernant le délit d’apologie du terrorisme, la Cour de cassation a récemment cassé une décision qui avait retenu que l’auteur de propos faisant l’apologie d’actes de terrorisme « se trouvait en présence des seuls gendarmes qui l’escortaient, dans un fourgon cellulaire ou dans les geôles du tribunal devant lequel il devait comparaître, circonstances exclusives de toute volonté de rendre lesdits propos publics » en considérant que de tels propos ont été tenus publiquement ; qu’en l’espèce il résulte des pièces de la procédure que M. X… Y… a tenu des propos auprès de certains de ses collègues justifiant les méthodes et actions criminelles de l’organisation terroriste Daesh à la suite de l’assassinat d’un prêtre à […], en tenant les propos suivants : « Daesh c’était bien », « le père allait rejoindre son Dieu », et que cela était « une bonne chose », que « tout le monde pense la même chose et je n’aurais de pitié que pour moi et mes enfants » ; en disant à une de ses collègues qui lui avait fait une réflexion sur son hygiène que si elle vivait sur le territoire de Daesh, elle se serait faite « zigouiller » tout en mimant le signe de l’égorgement ; que l’intéressé a tenu ces propos sur son lieu de travail au sein du service recouvrement des particuliers du centre des finances publiques aux Mureaux, dans un bureau situé au premier étage du centre, accessible par badge uniquement des agents, dans l’espace de bureaux « open space » ouverts à l’ensemble de ses collègues et ponctuellement à l’accès du public qui pouvait être reçu au sein de ce service ; que ce lieu ne peut être considéré comme étant un lieu ouvert et accessible au public ; qu’il convient dès lors de rechercher si l’auteur a eu la volonté de rendre ses propos publics ou si l’existence d’une communauté d’intérêts exclut son caractère public ; que M. X…, agent administratif stagiaire recruté au 13 juin 2016, a été affecté dans le service du recouvrement des particuliers du centre des finances publiques à Les Mureaux le 20 juin 2015 ; que le 26 juillet 2016, Mme Gwenaëlle Z…, chef de service, signalait à sa hiérarchie le comportement de ce stagiaire ; qu’il résulte de l’ensemble des témoignages des agents et responsables de ce service public que M. X…, nouvellement affecté, n’était que très peu intégré au sein de son équipe ; qu’en effet il ne discutait qu’avec deux, collègues lors des pauses, Mme A…, syndicaliste, et M. B…, agent d’accueil, également signalé à la direction pour son comportement inadapté avec ses collègues ; qu’il avait tenu des propos et gestes déplacés à caractère sexuel auprès des agents féminins avec lesquels il avait eu des incidents et des comportements violents dès le début de son affectation et avant de tenir les propos incriminés ; qu’il suscitait la peur auprès de ses collègues par ses comportements et propos au point que certains n’ont pas souhaité témoigner lors de la présente procédure et avait d’ailleurs été rappelé à l’ordre par Mme Z… chef de service ; qu’ayant pris son poste le 20 juin, il avait tenu des propos à caractère sexuel embarrassants devant ses collègues dès le 23 juin, et lors du bilan de sa première semaine de fonction, Mme Z… l’avait averti qu’il ne devait pas avoir de propos à caractère sexuel mettant ses collègues mal à l’aise ; que dès lors, très rapidement après son entrée en fonction, M. X… savait que ses propos et attitudes devant ses collègues provoquaient des réactions dont la hiérarchie était informée ; que pour autant le 30 juin suivant, à l’occasion d’un repas de service au sein de l’open space, l’intéressé aurait tenu devant les agents des propos de même nature en ces termes « moi quand j’éjacule ça me monte à la tête et les femmes ça les fait jouir » ; que le 28 juillet 2016, Mme Z… recevait Mme C… en état d’affolement et d’inquiétude concernant le comportement de l’intéressé qui lui faisait part des points suivants : ses propos indiquant qu’il ne condamne pas les actes de Daesh et n’est pas choqué par l’assassinat du prêtre à […] ;
– suite à une remarque d’une collègue sur son hygiène, il fait un geste d’égorgement en indiquant que Daech l’aurait condamnée ;
– le fait qu’il dit avoir appartenu à une cellule de radicalisation (mais ce serait terminé) ; – qu’il lève les bras en chantant en arabe (assimilé à une prière pour les agents) ;
– son attitude menaçante suite à une remarque de l’une ses collègues sur le fait qu’à l’occasion d’un pot de départ il ne doit pas manger au-dessus des plats. Il se lève lui dit “quoi quoi’ et va coller son front sur le sien ;
– il a toujours sur lui son couteau dont il se sert pour déjeuner (tranchant et pointu) ; qu’il résulte effectivement des déclarations de Mme Claire C…, Mme Dolorès D…, M. Cédric E… que l’intéressé avait fait des déclarations en lien avec l’attentat de […], n’éprouvant aucune compassion pour le prêtre assassiné, précisant que « Daesh c’était bien », que « le père allait rejoindre son Dieu » et que cela était « une bonne chose » ou encore mimant une scène d’égorgement en direction de sa collègue en lui indiquant qu’avec Daesh elle se ferait « zigouiller » ; que M. X… n’a pas contesté avoir matériellement tenu certains propos sur Daesh ou sur le prêtre assassiné, précisant qu’il y avait malentendu et mauvaise interprétation et les replaçant dans un contexte ; qu’il résulte cependant des pièces du dossier, notamment ses liens avec des sites internet, des témoignages recueillis laissant supposer une volonté de dissimulation, que la personnalité de M. X… correspond aux propos entendus et perçus par son auditoire ; que ses collègues ont été choqués et n’ont eu aucun doute sur la volonté de ce dernier de faire l’apologie d’un groupe terroriste ; qu’il se déduit de ces éléments que si les agents de cette administration constituent en fait et en droit une communauté d’intérêts, par son comportement de la nature même des propos tenus, M. X… a montré vouloir s’extraire de cette communauté et poursuivre des objectifs radicalement opposés aux missions de service public attachées à ses fonctions d’agent du centre des finances publiques ; qu’il convient en conséquence de considérer que les propos de M. X… ont été tenus à haute voix dans des circonstances traduisant une volonté de les rendre publics ; que les éléments constitutifs du délit d’apologie publique d’actes de terrorisme apparaissent ainsi suffisamment réunis et qu’il existe charges suffisantes justifiant le renvoi de l’intéressé devant une juridiction de jugement ; qu’il convient en conséquence d’infirmer l’ordonnance de non- lieu entreprise sur le délit d’apologie publique d’un acte de terrorisme et de renvoyer M. X… devant te tribunal correctionnel de Versailles pour ces faits ;
“alors que le délit d’apologie d’un acte de terrorisme au sens de l’article 421-2-5 du code pénal exige un élément préalable de publicité, lequel fait défaut quand les propos prêtés au requérant – qui les conteste – ont été tenus dans un bureau fermé au public à des collègues fonctionnaires, liés avec lui par une « communauté d’intérêts » dans des conditions excluant péremptoirement tout élément de publicité ; qu’après avoir relevé l’existence d’une communauté d’intérêts, la cour a retenu que le contenu des propos des propos litigieux montrerait la volonté du requérant de s’extraire de ladite communauté et qu’il aurait voulu donner un caractère public auxdits propos tenus à « haute voix » ; qu’en se déterminant ainsi par des motifs strictement inopérants, la cour n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations sur l’existence d’une communauté d’intérêts excluant péremptoirement tout élément de publicité” ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu que l’arrêt attaqué, rendu sur l’appel, par le ministère public, de l’ordonnance du juge d’instruction disant n’y avoir lieu à suivre, ne tranche à l’égard du demandeur aucune question de compétence et ne contient aucune disposition définitive de nature à s’imposer au tribunal saisi de la prévention ;
D’où il suit qu’en application de l’article 574 du code de procédure pénale, le pourvoi n’est pas recevable ;