Crimes contre l’humanité : 16 octobre 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-84.608

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Crimes contre l’humanité : 16 octobre 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-84.608
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N° N 18-84.608 F-D

N° 1860

SM12
16 OCTOBRE 2019

REJET
IRRECEVABILITÉ

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :


M. I… Q… et M. Z… Y…,

contre l’arrêt de la cour d’assises de PARIS, en date du 6 juillet 2018, qui, pour génocide et autres crimes contre l’humanité, les a condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 4 septembre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, Me Laurent GOLDMAN et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général MORACCHINI ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur la recevabilité du pourvoi formé le 9 juillet 2018 par M. Z… Y… :

Attendu que, l’avocat du demandeur ayant épuisé, par l’exercice qu’il en avait fait le matin du 9 juillet 2018, le droit de se pourvoir contre l’arrêt attaqué, M. Y… était irrecevable à se pourvoir de nouveau le même jour contre la même décision par déclaration au greffe de l’établissement pénitentiaire ;

Sur le deuxième moyen proposé pour M. Y… pris en sa huitième branche ;

Sur le troisième moyen proposé pour M. Y… pris en ses cinquième, sixième et septième branches ;

Sur le cinquième moyen proposé pour M. Y… pris en sa quatrième branche et sur le sixième moyen proposé pour M. Q… pris en sa deuxième branche ;

Vu l’article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que les griefs ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Sur le septième moyen de cassation, proposé pour M. Y… ;

Vu l’article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que le moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour M. I… Q…, pris de la violation des articles 6, § 1eret § 3, b et d, de la Convention des droits de l’homme, préliminaire, 315, 591 et 593 du code de procédure pénale et des principes des droits de la défense et de l’égalité des armes ;

“en ce qu’il résulte du procès-verbal des débats que, par arrêt incident prononcé à l’audience du matin du 4 mai 2018, la cour d’assises a rejeté la demande de nullité des débats devant la cour d’assises ;

“1°) alors que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties ; qu’en se bornant à affirmer, pour écarter la demande d’annulation des débats fondée notamment sur la méconnaissance du principe de l’égalité des armes, qu’« il n’appart[enait] pas à la cour d’assises de se prononcer sur le montant des rémunérations des conseils de la défense et des moyens financiers dont ils ont disposé », sans rechercher de façon concrète, comme il lui était demandé, si l’accusé n’était pas placé dans une situation de net désavantage par rapport à ses adversaires en raison, d’une part, du déséquilibre entre les moyens matériels et humains de la défense de l’accusé, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, et ceux des magistrats du ministère public affectés au pôle génocide et des parties civiles, pour certaines financées par le pouvoir rwandais, d’autre part, du fait que les magistrats du ministère public avaient systématiquement participé aux transports sur les lieux accomplis au cours de l’instruction et avaient interrogé les témoins, toujours en l’absence de l’accusé et de son avocat, et avaient ainsi une meilleure connaissance des lieux des crimes poursuivis, et, de dernière part, du fait que l’accusé n’avait pu faire citer que cinq témoins à décharge à la requête du ministère public, quand celui-ci avait fait citer plusieurs dizaines de témoins à charge, la défense n’ayant pas les ressources nécessaires pour en faire citer davantage à ses frais, la cour d’assises a violé les textes et les principes susvisés ;

“2°) alors que, tenue de statuer sur les conclusions régulièrement déposées devant elle, la cour d’assises est dans l’obligation de répondre aux chefs péremptoires qu’elles comportent ; que, dans ses conclusions régulièrement déposées le 3 mai 2018, M. Q… faisait valoir que la défense avait « adressé une liste de cinq témoins par courrier du 12 avril 2018 conformément aux dispositions de l’article 281 du code de procédure pénale et dans les délais prescrits puisque trois semaines avant l’audience » et que « le parquet a[vait] refusé de procéder à ces citations en violation de l’article 281 du code de procédure pénale » ; qu’en s’abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions dont elle était saisie, la cour d’assises a violé les textes susvisés ;

“3°) alors que l’accusé, la partie civile et leurs avocats peuvent déposer des conclusions sur lesquelles la cour est tenue de statuer ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties et que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu’en retenant, pour rejeter la demande de nullité des débats, qu’elle « se trouv[ait] à ce stade dans l’impossibilité de se prononcer sur la régularité des débats à venir » , ce dont il résultait pourtant qu’elle devait non rejeter les conclusions d’incident mais surseoir à statuer, la cour d’assises, qui n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, n’a pas légalement justifié sa décision ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour M. Y…, pris de la violation des articles 6, § 1er et § 3, b et d, de la Convention des droits de l’homme, préliminaire, 315, 591 et 593 du code de procédure pénale et des principes des droits de la défense et de l’égalité des armes ;

“en ce qu’il résulte du procès-verbal des débats que, par arrêt incident prononcé à l’audience du matin du 4 mai 2018, la cour d’assises a rejeté la demande de nullité des débats devant la cour d’assises ;

“1°) alors que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties ; qu’en se bornant à affirmer, pour écarter la demande d’annulation des débats fondée notamment sur la méconnaissance du principe de l’égalité des armes, qu’« il n’appart[enait] pas à la cour d’assises de se prononcer sur le montant des rémunérations des conseils de la défense et des moyens financiers dont ils ont disposé » , sans rechercher de façon concrète, comme il lui était demandé, si l’accusé n’était pas placé dans une situation de net désavantage par rapport à ses adversaires en raison, d’une part, du déséquilibre entre les moyens matériels et humains de la défense de l’accusé, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, et ceux des magistrats du ministère public affectés au pôle génocide et des parties civiles, d’autre part, du fait que de nombreux témoins à décharge refusaient d’être cités par crainte d’être eux-mêmes accusés d’”idéologie du génocide” et, de dernière part, du fait que les magistrats du ministère public avaient systématiquement participé aux transports sur les lieux accomplis au cours de l’instruction et avaient interrogé les témoins, toujours en l’absence de l’accusé et de son avocat, et avaient ainsi une meilleure connaissance des lieux des crimes poursuivis, la cour d’assises a violé les textes et les principes susvisés ;

“2°) alors que l’accusé, la partie civile et leurs avocats peuvent déposer des conclusions sur lesquelles la cour est tenue de statuer ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties et que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu’en retenant, pour rejeter la demande de nullité des débats, qu’elle « se trouv[ait] à ce stade dans l’impossibilité de se prononcer sur la régularité des débats à venir » , ce dont il résultait pourtant qu’elle devait non rejeter les conclusions d’incident mais surseoir à statuer, la cour d’assises, qui n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, n’a pas légalement justifié sa décision ; ”

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, le jury de jugement étant définitivement constitué et le président ayant satisfait aux prescriptions de l’article 327 du code de procédure pénale, les avocats des accusés ont, par voie de conclusions, soulevé des exceptions de nullité tant de l’arrêt de mise en accusation que des débats à venir devant la cour d’assises, fondées sur la méconnaissance du principe d’égalité des armes ;

Attendu que, par arrêt incident, la cour a rejeté ces exceptions aux motifs, d’une part, qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur le montant des rémunérations des avocats de la défense et sur les moyens financiers dont ils avaient pu disposer pour assurer celle-ci lors de la procédure d’instruction préparatoire, d’autre part, qu’il n’était pas possible d’examiner par avance si le principe d’égalité des armes serait méconnu lors des débats à venir ;

Qu’en se déterminant ainsi, dés lors que l’arrêt de mise en accusation, devenu définitif par le rejet du pourvoi formé à son encontre, ne pouvait plus être contesté par les parties, que les accusés, admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale, ont été assistés durant toute la procédure par des avocats qui ont pu faire valoir leurs moyens de défense, enfin que les griefs relatifs au déroulement des débats à venir étaient nécessairement hypothétiques, la cour a justifié sa décision ;

D’où il suit que les moyens ne peuvent qu’être écartés ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour M. Q…, pris de la violation des articles 6, § 1er , de la Convention des droits de l’homme, préliminaire, 316, 346, 591 et 593 du code de procédure pénale et des principes du contradictoire et des droits de la défense ;

“en ce qu’il résulte du procès-verbal des débats que, par arrêt incident prononcé à l’audience du matin du 26 juin 2018, la cour d’assises a constaté l’impossibilité de contrainte à témoigner à l’encontre de M. R… F…, rejeté la demande de supplément d’information et de renvoi de l’audience à une date ultérieure et dit qu’il serait passé outre au témoignage de M. F… ;

“aux énonciations que, à l’audience de l’après-midi du 29 mai 2018, après avoir entendu Me Alexandra Bourgeot, au soutien de ses conclusions, puis en leurs observations les conseils des parties civiles, le ministère public, les conseils des deux accusés et les accusés eux-mêmes qui ont eu la parole en dernier, la présidente a déclaré que la cour rendrait sa décision après en avoir délibéré ;

“1°) alors que l’article 316, alinéa 1er, du code de procédure pénale, tel qu’interprété par la Cour de cassation, porte atteinte aux principes du contradictoire et des droits de la défense en ce que la cour d’assises qui, saisie d’un incident contentieux tendant à ce qu’il ne soit pas passé outre à l’audition d’un témoin ou à ce que soit ordonné un supplément d’information, a mis sa décision en délibéré, sans surseoir à statuer, mais n’a pas rendu sur-le-champ l’arrêt incident et a poursuivi à l’audience l’instruction définitive de l’affaire, est dispensée d’entendre de nouveau, avant de prononcer sa décision, le ministère public et les parties ou leurs avocats sur la portée des éléments débattus depuis la mise en délibéré au regard de l’utilité, pour la manifestation de la vérité, de l’audition du témoin défaillant ou du supplément d’information sollicité ; qu’il y a lieu, dès lors, de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et, à la suite de la déclaration d’inconstitutionnalité qui interviendra, de constater que l’arrêt attaqué se trouve privé de base légale au regard de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

“2°) alors que le délibéré étant exclusif de la poursuite des débats, la cour d’assises qui ne règle pas sur-le-champ un incident contentieux doit surseoir à statuer ; qu’en poursuivant, aux audiences successives, l’instruction définitive de l’affaire avant de rendre son arrêt incident le 26 juin 2018, quand elle avait pourtant mis sa décision en délibéré le 29 mai 2018, sans surseoir à statuer, et quand elle ne pouvait concomitamment délibérer et suivre les débats, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

“3°) alors qu’en toute hypothèse, tous incidents contentieux sont réglés par la cour, le ministère public, les parties ou leurs avocats entendus ; qu’en passant outre à l’audition d’un témoin et en rejetant la demande de supplément d’information sans qu’il résulte du procès-verbal des débats que l’accusé ou son avocat aient été entendus sur la portée des éléments nouveaux, résultant de l’avancée de l’instruction de l’affaire depuis la mise en délibéré, au regard de l’utilité, pour la manifestation de la vérité, de l’audition du témoin défaillant ou du supplément d’information sollicité, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

“4°) alors que l’accusé ou son avocat auront toujours la parole les derniers ; que cette règle, générale et fondamentale, domine tous les débats et s’applique lors de tout incident contentieux intéressant la défense qui est réglé par un arrêt ; qu’il ressort du procès-verbal des débats que, après avoir entendu les parties civiles, le ministère public et l’accusé sur l’incident contentieux et mis sa décision en délibéré, la cour d’assises a entendu, au cours du délibéré, dix-neuf parties civiles ; qu’en passant outre à l’audition d’un témoin et en rejetant les demandes de supplément d’information et de renvoi sans que l’accusé ou son avocat n’ait eu de nouveau la parole sur l’incident contentieux après l’audition des parties civiles, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour M. Y…, pris de la violation des articles 6, § 1er , de la convention des droits de l’homme, préliminaire, 310, 315, 316, 346, 347, 591 et 593 du code de procédure pénale et des principes du contradictoire, des droits de la défense et de l’oralité des débats ;

“en ce qu’il résulte du procès-verbal des débats que, par arrêt incident prononcé à l’audience du matin du 4 juin 2018, la cour d’assises a rejeté la demande de transport sur les lieux ;

“aux énonciations que, à l’audience de l’après-midi du 22 mai 2018, après avoir entendu Me Benjamin Chouai et Me Fabrice Epstein, au soutien de leurs conclusions, puis en leurs observations les conseils des parties civiles, le ministère public, les conseils des deux accusés et les accusés eux-mêmes qui ont eu la parole en dernier, la présidente a déclaré que la cour rendrait sa décision après en avoir délibéré ;

“1°) alors que l’article 316, alinéa 1er , du code de procédure pénale, tel qu’interprété par la Cour de cassation, porte atteinte aux principes du contradictoire et des droits de la défense en ce que la cour d’assises qui, saisie d’un incident contentieux tendant à ce qu’il ne soit pas passé outre à l’audition d’un témoin ou à ce que soit ordonné un supplément d’information, a mis sa décision en délibéré, sans surseoir à statuer, mais n’a pas rendu sur-le-champ l’arrêt incident et a poursuivi à l’audience l’instruction définitive de l’affaire, est dispensée d’entendre de nouveau, avant de prononcer sa décision, le ministère public et les parties ou leurs avocats sur la portée des éléments débattus depuis la mise en délibéré au regard de l’utilité, pour la manifestation de la vérité, de l’audition du témoin défaillant ou du supplément d’information sollicité ; qu’il y a lieu, dès lors, de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et, à la suite de la déclaration d’inconstitutionnalité qui interviendra, de constater que l’arrêt attaqué se trouve privé de base légale au regard de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

“2°) alors que le délibéré étant exclusif de la poursuite des débats, la cour d’assises qui ne règle pas sur-le-champ un incident contentieux doit surseoir à statuer ; qu’en poursuivant, aux audiences successives, l’instruction définitive de l’affaire avant de rendre son arrêt incident le 4 juin 2018, quand elle avait pourtant mis sa décision en délibéré le 22 mai 2018, sans surseoir à statuer, et quand elle ne pouvait concomitamment délibérer et suivre les débats, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

“3°) alors qu’en toute hypothèse, tous incidents contentieux sont réglés par la cour, le ministère public, les parties ou leurs avocats entendus ; qu’en rejetant la demande de transport sur les lieux au motif que « le présent dossier renferm[ait] plusieurs […] vidéos qui rendent compte très distinctement de la situation des lieux de commission des faits dont la cour est saisie » , sans qu’il résulte du procès-verbal des débats que l’accusé ou son avocat aient été entendus sur la portée des éléments nouveaux, résultant de l’avancée de l’instruction de l’affaire depuis la mise en délibéré, au regard de l’utilité de ce transport sur les lieux pour la manifestation de la vérité, et notamment sur la suffisance de connaissance des lieux qu’avait pu apporter la projection à l’audience, en cours de délibéré, de trois films extraits du scellé no JI-25 et intitulés “terrain de football de Cyinzovu”, “Église de Kabarondo et environs” ainsi que “trajet de l’église au marché de Kabarondo”, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

“4°) alors que l’accusé ou son avocat auront toujours la parole les derniers ; que cette règle, générale et fondamentale, domine tous les débats et s’applique lors de tout incident contentieux intéressant la défense qui est réglé par un arrêt ; qu’il ressort du procèsverbal des débats que, après avoir entendu les parties civiles, le ministère public et l’accusé sur l’incident contentieux et mis sa décision en délibéré, la cour d’assises a entendu, au cours du délibéré, neuf parties civiles ; qu’en rejetant la demande de transport sur les lieux sans que l’accusé ou son avocat n’ait eu de nouveau la parole sur l’incident contentieux après l’audition des parties civiles, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

“5°) alors que le débat devant la cour d’assises doit être oral ; qu’en rejetant la demande de transport sur les lieux aux motifs que « le présent dossier renferme plusieurs planches photos, plans des lieux, vues aériennes, vidéos qui rendent compte très distinctement de la situation des lieux de commission des faits dont la cour est saisie » et que « la présentation contradictoire de ces documents à l’adresse des intervenants au procès et plus particulièrement des accusés permettra à la cour et au jury d’acquérir un éclairage suffisant à la compréhension des débats » , quand il résulte ainsi des propres constatations de l’arrêt que les pièces de la procédure écrite sur lesquelles elle a fondé sa décision n’avaient pas encore été présentées à l’audience, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

“6°) alors que, tenue de statuer sur les conclusions régulièrement déposées devant elle, la cour d’assises est dans l’obligation de répondre aux chefs péremptoires qu’elles comportent ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision et que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu’en retenant, pour rejeter la demande de transport sur les lieux, que « compte tenu du temps écoulé depuis la date des faits (24 ans), les lieux [avaient] immanquablement connu des modifications qui seraient susceptibles d’empêcher une juste appréhension de la situation telle qu’elle se présentait au mois d’avril 1994 » , sans mieux s’expliquer sur le moyen tiré de ce que les planches photographiques figurant au dossier de la procédure, au vu desquelles la cour d’assises a estimé avoir une connaissance suffisante des lieux, avaient été réalisées en 2011 par les gendarmes de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, qu’il en ressortait que « les lieux [étaient] exactement les mêmes, [que] la disposition des différents édifices n’a[vait] pas été modifiée, [qu’]aucun d’entre eux n’a[vait] été détruit ou déplacé et [que] seules quelques constructions nouvelles [avaient] été érigées » et que « c’est uniquement en se déplaçant physiquement sur les lieux que l’on peut comprendre la distance entre chacune des zones où les faits auraient été commis, la vision dont on bénéficie sur tel lieu lorsque l’on est situé à tel endroit etc. » , en sorte que l’écoulement du temps ne privait pas d’intérêt le transport sur les lieux, la cour d’assises s’est prononcée par voie de pure affirmation et n’a pas légalement justifié sa décision ;

“7°) alors que, tenue de statuer sur les conclusions régulièrement déposées devant elle, la cour d’assises est dans l’obligation de répondre aux chefs péremptoires qu’elles comportent ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision et que l’insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu’en rejetant la demande de transport sur les lieux au motif inopérant que « la cour ne disposerait d’aucun moyen susceptible de garantir la sécurité physique et matérielle sur place des deux accusés » , la cour d’assises n’a pas légalement justifié sa décision ;

“8°) alors que, tenue de statuer sur les conclusions régulièrement déposées devant elle, la cour d’assises est dans l’obligation de répondre aux chefs péremptoires qu’elles comportent ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision et que l’insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu’en rejetant la demande de transport sur les lieux sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette mesure n’était pas nécessaire pour assurer l’égalité des armes et rétablir l’équilibre de la procédure dès lors que la connaissance précise des lieux était indispensable pour vérifier la crédibilité des déclarations des témoins et que, au cours de l’information préalable, les juges d’instruction s’étaient rendus à plusieurs reprises, en présence du ministère public, sur le lieu des faitsreprochés à l’accusé, sans que ni celui-ci, déjà mis en examen, ni ses avocats, n’aient été invités à assister au transport, la cour d’assises n’a pas légalement justifié sa décision ;”

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour M. Q…, pris de la violation des articles 6, § 1er , de la Convention des droits de l’homme, préliminaire, 316, 346, 591 et 593 du code de procédure pénale et des principes du contradictoire et des droits de la défense ;

“en ce qu’il résulte du procès-verbal des débats que, par arrêt incident prononcé à l’audience du matin du 26 juin 2018, la cour d’assises a constaté l’impossibilité de contrainte à témoigner de MM. R… W… et V… U…, rejeté la demande de supplément d’information et de renvoi de l’audience à une date ultérieure et dit qu’il serait passé outre aux témoignages de MM. W… et U… ;

“aux énonciations que, à l’audience de l’après-midi du 5 juin 2018, après avoir entendu Me Alexandra Bourgeot, au soutien de ses conclusions, puis en leurs observations les conseils des parties civiles, le ministère public, les conseils des deux accusés et les accusés eux-mêmes qui ont eu la parole en dernier, la présidente a déclaré que la cour rendrait sa décision après en avoir délibéré ;

“1°) alors que l’article 316, alinéa 1er , du code de procédure pénale, tel qu’interprété par la Cour de cassation, porte atteinte aux principes du contradictoire et des droits de la défense en ce que la cour d’assises qui, saisie d’un incident contentieux tendant à ce qu’il ne soit pas passé outre à l’audition d’un témoin ou à ce que soit ordonné un supplément d’information, a mis sa décision en délibéré, sans surseoir à statuer, mais n’a pas rendu sur-le-champ l’arrêt incident et a poursuivi à l’audience l’instruction définitive de l’affaire, est dispensée d’entendre de nouveau, avant de prononcer sa décision, le ministère public et les parties ou leurs avocats sur la portée des éléments débattus depuis la mise en délibéré au regard de l’utilité, pour la manifestation de la vérité, de l’audition du témoin défaillant ou du supplément d’information sollicité ; qu’il y a lieu, dès lors, de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et, à la suite de la déclaration d’inconstitutionnalité qui interviendra, de constater que l’arrêt attaqué se trouve privé de base légale au regard de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

“2°) alors que le délibéré étant exclusif de la poursuite des débats, la cour d’assises qui ne règle pas sur-le-champ un incident contentieux doit surseoir à statuer ; qu’en poursuivant, aux audiences successives, l’instruction définitive de l’affaire avant de rendre son arrêt incident le 26 juin 2018, quand elle avait pourtant mis sa décision en délibéré le 5 juin 2018, sans surseoir à statuer, et quand elle ne pouvait concomitamment délibérer et suivre les débats, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

“3°) alors qu’en toute hypothèse, tous incidents contentieux sont réglés par la cour, le ministère public, les parties ou leurs avocats entendus ; qu’en passant outre à l’audition de deux témoins et en rejetant la demande de supplément d’information sans qu’il résulte du procès-verbal des débats que l’accusé ou son avocat aient été entendus sur la portée des éléments nouveaux, résultant de l’avancée de l’instruction de l’affaire depuis la mise en délibéré, au regard de l’utilité, pour la manifestation de la vérité, de l’audition des témoins défaillants ou du supplément d’information sollicité, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

“4°) alors que l’accusé ou son avocat auront toujours la parole les derniers ; que cette règle, générale et fondamentale, domine tous les débats et s’applique lors de tout incident contentieux intéressant la défense qui est réglé par un arrêt ; qu’il ressort du procès-verbal des débats que, après avoir entendu les parties civiles, le ministère public et l’accusé sur l’incident contentieux et mis sa décision en délibéré, la cour d’assises a entendu, au cours du délibéré, onze parties civiles ; qu’en passant outre à l’audition de deux témoins et en rejetant les demandes de supplément d’information et de renvoi sans que l’accusé ou son avocat n’ait eu de nouveau la parole sur l’incident contentieux après l’audition des parties civiles, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ; ”

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour M. Y… , pris de la violation des articles 6, § 1er et § 3, d, de la Convention des droits de l’homme, préliminaire, 281, 316, 346, 591 et 593 du code de procédure pénale et des principes du contradictoire, des droits de la défense et de l’égalité des armes ;

“en ce qu’il résulte du procès-verbal des débats que, par arrêt incident prononcé à l’audience du matin du 2 juillet 2018, la cour d’assises a constaté l’impossibilité de contraindre à témoigner de MM. K… C… et G… X…, rejeté la demande de renvoi à une audience ultérieure et dit qu’il serait passé outre aux témoignages de MM. C… et X… ;

“aux énonciations que, à l’audience de l’après-midi du 21 juin 2018, après avoir entendu Me Benjamin Boj, au soutien de ses conclusions, puis en leurs observations les conseils des parties civiles, le ministère public, les conseils des deux accusés et les accusés eux-mêmes qui ont eu la parole en dernier, la présidente a déclaré que la cour rendrait sa décision après en avoir délibéré ;

“1°) alors que l’article 316, alinéa 1er , du code de procédure pénale, tel qu’interprété par la Cour de cassation, porte atteinte aux principes du contradictoire et des droits de la défense en ce que la cour d’assises qui, saisie d’un incident contentieux tendant à ce qu’il ne soit pas passé outre à l’audition d’un témoin ou à ce que soit ordonné un supplément d’information, a mis sa décision en délibéré, sans surseoir à statuer, mais n’a pas rendu sur-le-champ l’arrêt incident et a poursuivi à l’audience l’instruction définitive de l’affaire, est dispensée d’entendre de nouveau, avant de prononcer sa décision, le ministère public et les parties ou leurs avocats sur la portée des éléments débattus depuis la mise en délibéré au regard de l’utilité, pour la manifestation de la vérité, de l’audition du témoin défaillant ou du supplément d’information sollicité ; qu’il y a lieu, dès lors, de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et, à la suite de la déclaration d’inconstitutionnalité qui interviendra, de constater que l’arrêt attaqué se trouve privé de base légale au regard de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

“2°) alors que le délibéré étant exclusif de la poursuite des débats, la cour d’assises qui ne règle pas sur-le-champ un incident contentieux doit surseoir à statuer ; qu’en poursuivant, aux audiences successives, l’instruction définitive de l’affaire avant de rendre son arrêt incident le 2 juillet 2018, quand elle avait pourtant mis sa décision en délibéré le 21 juin 2018, sans surseoir à statuer, et quand elle ne pouvait concomitamment délibérer et suivre les débats, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

“3°) alors qu’en toute hypothèse, tous incidents contentieux sont réglés par la cour, le ministère public, les parties ou leurs avocats entendus ; qu’en passant outre à l’audition de deux témoins et en rejetant la demande de renvoi sans qu’il résulte du procès-verbal des débats que l’accusé ou son avocat aient été entendus sur la portée des éléments nouveaux, résultant de l’avancée de l’instruction de l’affaire depuis la mise en délibéré, au regard de l’utilité, pour la manifestation de la vérité, de l’audition des témoins défaillants, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

“4°) alors que l’accusé ou son avocat auront toujours la parole les derniers ; que cette règle, générale et fondamentale, domine tous les débats et s’applique lors de tout incident contentieux intéressant la défense qui est réglé par un arrêt ; qu’il ressort du procès-verbal des débats que, après avoir entendu les parties civiles, le ministère public et l’accusé sur l’incident contentieux et mis sa décision en délibéré, la cour d’assises a entendu, au cours du délibéré, six parties civiles ; qu’en passant outre à l’audition de deux témoins et en rejetant la demande de renvoi sans que l’accusé ou son avocat n’ait eu de nouveau la parole sur l’incident contentieux après l’audition des parties civiles, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

“5°) alors que, tenue de statuer sur les conclusions régulièrement déposées devant elle, la cour d’assises est dans l’obligation de répondre aux chefs péremptoires qu’elles comportent ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision et que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu’en affirmant, pour passer outre à l’audition des témoins, que « les demandes d’audition [étaient] fondées sur le fait que M. K… C…, lieutenant-colonel de l’Armée Patriote Rwandaise à la date des faits dont la cour d’assises est saisi, aurait joué un rôle dans la commission de l’attentat dirigé contre le président de la République T… J… le 6 avril 1994 » et que « les faits liés à l’accident de l’avion présidentiel [étaient] extérieurs à [sa] saisine » , sans s’expliquer sur le moyen tiré de ce que « l’attentat de l’avion présidentiel a[vait] pu être commandité et réalisé par les forces du FPR alors dirigées par H… O… » et qu’« il s’agi[ssait] là d’éléments tout à fait fondamentaux dans la défense de M. Y…, en ce que le ministère public cherchait à démontrer que le génocide a[vait] été préparé et planifié en amont par les forces militaires Hutu, en collaboration avec les autorités locales, ce que viendrait manifestement contredire tout élément sur la planification de l’attentat par le FPR » , la cour d’assises n’a pas légalement justifié sa décision ;

“6°) alors que, tenue de statuer sur les conclusions régulièrement déposées devant elle, la cour d’assises est dans l’obligation de répondre aux chefs péremptoires qu’elles comportent ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision et que l’insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu’en retenant, pour passer outre à l’audition de deux témoins à décharge, que leur audition « n’a[vait] pas été demandée tout au long de l’information judiciaire qui s'[était] étendue sur une durée totale de plus de quatre ans » , et en se déterminant ainsi par un motif inopérant, la cour d’assises n’a pas légalement justifié sa décision ;

“7°) alors que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties ; qu’en rejetant la demande de renvoi, quand il résultait de ses propres constatations que l’absence à l’audience de MM. C… et X…, témoins à décharge cités par le ministère public à la requête de la défense, était consécutive au défaut d’observation, par la partie poursuivante, des prescriptions relatives au délai de citation des témoins résidant à l’étranger, en sorte que l’égalité des armes avait été rompue, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ; ”

Les moyens étant réunis ;

Sur les deuxième et troisième moyens proposés pour M. Q… et sur les deuxième et troisième moyens proposés pour M. Y…, pris en leur première branche ;

Attendu que, par arrêt du 27 mars 2019 , la Cour de cassation a dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité présentée par les demandeurs au pourvoi;

D’où il suit que les griefs sont devenus sans objet ;

Sur les deuxième et troisième moyens proposés pour M. Q… et sur les deuxième et troisième moyens proposé pour M. Y…, pris en leur deuxième, troisième et quatrième branches ;

Attendu qu’il résulte du procès-verbal des débats qu’à la suite de plusieurs incidents contentieux soulevés par la défense, le président, après avoir, à chaque fois, recueilli les observations des parties ou de leurs avocats et du ministère public, les accusés ayant eu la parole en dernier, a mis les arrêts en délibéré et indiqué que la cour répondrait ultérieurement aux demandes dont elle était saisie ;

Attendu que dans la suite des débats, la cour a rejeté ces demandes par les arrêts incidents mentionnés aux moyens, sans entendre à nouveau ni le ministère public, ni les parties, ni leurs avocats ;

Qu’en cet état, la cour qui, n’ayant pas ordonné de sursis à statuer, n’avait pas à entendre de nouveau le ministère public, les parties ou leurs avocats, a fait une exacte application de l’article 316 du code de procédure pénale dés lors qu’elle ne s’est pas appuyée, pour motiver ses décisions, ainsi que la Cour de cassation peut s’en assurer, sur des éléments provenant des débats et apparus postérieurement au dépôt des conclusions aux fins d’incident contentieux ;

D’où il suit que les griefs ne sauraient être accueillis ;

Sur le deuxième moyen de M. Y… pris en ses cinquième, sixième et septième branches ;

Attendu qu’il résulte du procès-verbal des débats que les avocats de M. Y… ont demandé un transport sur les lieux au Rwanda ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, la cour, par arrêt incident en date du 4 juin 2018, énonce notamment que, compte tenu du temps écoulé depuis la date des faits, à savoir vingt-quatre ans, les lieux ont immanquablement connu des modifications qui seraient susceptibles d’empêcher une juste appréhension de la situation telle qu’elle se présentait au mois d’avril 1994 ; qu’en tout état de cause, et à supposer acquis l’accord des autorités judiciaires rwandaises pour une mesure de transport sur leur territoire, la cour ne disposerait d’aucun moyen susceptible de garantir la sécurité physique et matérielle sur place des deux accusés ;

Qu’en cet état, et dès lors que le transport sur les lieux assimilé au prolongement de l’audience n’est pas possible pour une juridiction de jugement en territoire étranger, l’arrêt, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions incidentes sans méconnaître le principe de l’oralité des débats, n’encourt pas les griefs allégués ;

D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour M. Q…, pris de la violation des articles 6, § 1er , de la Convention des droits de l’homme, préliminaire, 231, 310, 315, 316, 347, 591 et 593 du code de procédure pénale et des principes du contradictoire, des droits de la défense et de l’oralité des débats ;

“en ce qu’il résulte du procès-verbal des débats que, par arrêt incident prononcé à l’audience du matin du 2 juillet 2018, la cour d’assises a rejeté les conclusions de demande de transport sur les lieux et de supplément d’information déposées par Me Bourgeot, conseil de l’accusé M. Q… ;

“aux énonciations que, à l’audience du matin du 29 juin 2018, après avoir entendu Me Bourgeot, au soutien de ses conclusions, puis en leurs observations lesconseils des parties civiles, le ministère public, les conseils des deux accusés et les accusés eux-mêmes qui ont eu la parole en dernier, la présidente a déclaré que la cour rendrait sa décision ultérieurement, après en avoir délibéré ;

“1°) alors que l’article 316, alinéa 1er, du code de procédure pénale, tel qu’interprété par la Cour de cassation, porte atteinte aux principes du contradictoire et des droits de la défense en ce que la cour d’assises qui, saisie d’un incident contentieux tendant à ce qu’il ne soit pas passé outre à l’audition d’un témoin ou à ce que soit ordonné un supplément d’information, a mis sa décision en délibéré, sans surseoir à statuer, mais n’a pas rendu sur-le-champ l’arrêt incident et a poursuivi à l’audience l’instruction définitive de l’affaire, est dispensée d’entendre de nouveau, avant de prononcer sa décision, le ministère public et les parties ou leurs avocats sur la portée des éléments débattus depuis la mise en délibéré au regard de l’utilité, pour la manifestation de la vérité, de l’audition du témoin défaillant ou du supplément d’information sollicité ; qu’il y a lieu, dès lors, de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et, à la suite de la déclaration d’inconstitutionnalité qui interviendra, de constater que l’arrêt attaqué se trouve privé de base légale au regard de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

“2°) alors que le délibéré étant exclusif de la poursuite des débats, la cour d’assises qui ne règle pas sur-le-champ un incident contentieux doit surseoir à statuer ; qu’en poursuivant, aux audiences successives, l’instruction définitive de l’affaire avant de rendre son arrêt incident le 2 juillet 2018, quand elle avait pourtant mis sa décision en délibéré le 29 juin 2018, sans surseoir à statuer, et quand elle ne pouvait concomitamment délibérer et suivre les débats, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

“3°) alors qu’en toute hypothèse, tous incidents contentieux sont réglés par la cour, le ministère public, les parties ou leurs avocats entendus ; qu’en rejetant les demandes de transport sur les lieux et de supplément d’information sans qu’il résulte du procès-verbal des débats que l’accusé ou son avocat aient été entendus sur la portée des éléments nouveaux, résultant de l’avancée de l’instruction de l’affaire depuis la mise en délibéré, au regard de l’utilité de ces mesures pour la manifestation de la vérité, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

“4°) alors que le débat devant la cour d’assises doit être oral ; qu’en retenant, pour rejeter la demande de supplément d’information tendant à la production de jugements rendus par le tribunal de Kibungo contre MM. P…, S… et L…, que « le dossier comporte […] plusieurs décisions rendues par des juridictions rwandaises, que leur lecture fait apparaître que la motivation est la plupart du temps relativement succincte » , sans qu’il résulte du procès-verbal des débats que les décisions visées aient été lues oralement à l’audience, la cour d’assises, qui s’est fondée exclusivement sur des pièces figurant au dossier de la procédure écrite, a violé les textes et principes susvisés ;

“5°) alors que le débat devant la cour d’assises doit être oral ; qu’en rejetant la demande de transport sur les lieux au motif que « le dossier renferme une documentation suffisant à se rendre compte de la situation des lieux » , et en se déterminant en considération des seules pièces de la procédure écrite, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

“6°) alors que tenue de statuer sur les conclusions régulièrement déposées devant elle, la cour d’assises est dans l’obligation de répondre aux chefs péremptoires qu’elles comportent ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision et que l’insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu’en rejetant la demande de transport sur les lieux au motif inopérant que « la cour ne disposerait d’aucun moyen susceptible de garantir la sécurité physique et matérielle sur place des deux accusés » , la cour d’assises n’a pas légalement justifié sa décision ;

“7°) alors que tenue de statuer sur les conclusions régulièrement déposées devant elle, la cour d’assises est dans l’obligation de répondre aux chefs péremptoires qu’elles comportent ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision et que l’insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu’en affirmant, pour rejeter la demande de transport sur les lieux, que cette mesure était « juridiquement impossible » , sans préciser le fondement légal de cette interdiction prétendue et sans rechercher, comme elle y était invitée, si un transport sur les lieux contradictoire n’était pas nécessaire pour assurer l’égalité des armes et rétablir l’équilibre de la procédure dès lors que, au cours de l’information préalable, les juges d’instruction s’étaient rendus à plusieurs reprises, en présence du ministère public, sur le lieu des faits reprochés à l’accusé, sans que ni celui-ci, déjà mis en examen, ni ses avocats, n’aient été invités à assister au transport, la cour d’assises n’a pas légalement justifié sa décision ;”

Sur le moyen pris en sa première branche :

Attendu que, par arrêt du 27 mars 2019 , la Cour de cassation a dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité présentée par les demandeurs au pourvoi ;

D’où il suit que le grief est devenu sans objet ;

Sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu qu’il résulte du procès-verbal des débats qu’à la suite d’un incident contentieux, le président a indiqué, après avoir recueilli les observations des parties, les accusés ayant eu la parole en dernier, qu’il serait répondu aux conclusions déposées par les avocats ultérieurement ;

Attendu que, par arrêt incident, la cour a statué sur les demandes dont elle était saisie, sans entendre à nouveau le ministère public, les parties ou leurs avocats ;

Qu’en cet état, la cour qui, n’ayant pas ordonné de sursis à statuer, n’avait pas à entendre de nouveau le ministère public, les parties ou leurs avocats, a fait une exacte application de l’article 316 du code de procédure pénale dés lors qu’elle ne s’est pas appuyée, pour motiver ses décisions, ainsi que la Cour de cassation peut s’en assurer, sur des éléments provenant des débats et apparus postérieurement au dépôt des conclusions aux fins d’incident contentieux ;

D’où il suit que les griefs ne sauraient être accueillis ;

Sur le moyen pris en ses quatrième, cinquième, sixième et septième branches ;

Attendu qu’il résulte du procès-verbal des débats que l’avocat de M. Q… a demandé, par conclusions incidentes déposées le 29 juin 2018, un transport sur les lieux et un supplément d’information tendant notamment à la production de jugements rendus par des juridiction rwandaises ;

Attendu que pour rejeter ces demandes, la cour d’assises, après avoir rappelé que, par arrêt en date du 4 juin 2018, faisant suite aux conclusions d’incident déposées par la défense de M. Y…, avait rejeté la demande de transport sur les lieux aux motifs, d’une part que le dossier renferme une documentation suffisante pour se rendre compte de la situation des lieux, d’autre part que la cour ne disposerait d’aucun moyen susceptible de garantir la sécurité physique et matérielle sur place des deux accusés, énonce que ces motifs conservent toute leur pertinence ; que les juges ajoutent que ce transport sur les lieux est juridiquement impossible ; qu’ils indiquent, en outre, que la lecture des jugements figurant au dossier fait apparaître que la motivation est la plupart du temps relativement succincte et qu’en conséquence la production des jugements requis ne garantit pas de façon certaine qu’il y soit trouvé des éléments susceptibles d’éclairer la manifestation de la vérité ; qu’ils retiennent enfin que le procès se trouve en voie d’achèvement pour s’opposer à la demande de renvoi ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, par des motifs suffisants répondant aux chefs péremptoires des conclusions, la cour, dont l’appréciation à cet égard est souveraine, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour M. Y…, pris de la violation des articles 6, § 1er , de la Convention des droits de l’homme, préliminaire, 347, 591 et 593 du code de procédure pénale et du principe de l’oralité des débats ;

en ce qu’il résulte du procès-verbal des débats que le président de la cour d’assises a, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, fait traduire oralement par un interprète présent à l’audience un procès-verbal d’audition en langue kinyarwanda d’un témoin acquis aux débats, avant que sa déposition orale ne soit reçue ;

“aux énonciations qu’« à la demande de l’avocat général, la présidente a, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, ordonné le versement aux débats d’un procès-verbal d’audition de M. B… E… en langue kinyarwanda, concernant une procédure actuellement pendante à son encontre au Rwanda. Ce document a été communiqué à l’ensemble des parties et la présidente, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, a fait procéder immédiatement à sa traduction orale par l’intermédiaire d’un interprète présent dans la salle d’audience. Aucune observation n’a été formulée. […] À 12 heures 06, la liaison en visio-conférence avec le palais de justice de Kigali au Rwanda est établie. M. E…, témoin, présent, seul dans ladite salle de visio-conférence, a été entendu oralement, après avoir prêté serment, sans opposition des parties, dans les termes prescrits par l’article 331 alinéa 3 du code de procédure pénale et encore après avoir accompli toutes les autres formalités prévues par cet article, et, ne parlant pas suffisamment la langue française, sous le truchement des interprètes en kinyarwanda susnommés ; après cette déposition, les dispositions des articles 311, 312 et 332 du même code ont aussi été observées » ;

“alors qu’il est de principe que, devant la cour d’assises, le débat doit être oral ; qu’en application de cette règle, le président ne peut donner connaissance de pièces contenant des déclarations de témoins comparants ou s’y référant avant d’avoir reçu leur déposition ; qu’il résulte du procès-verbal des débats que, dans la matinée du 27 juin 2018, le président a, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, « ordonné le versement aux débats d’un procès-verbal d’audition de B… E… en langue kinyarwanda » , témoin acquis aux débats, et qu’il a, toujours en vertu de son pouvoir discrétionnaire, « fait procéder immédiatement à sa traduction orale par l’intermédiaire d’un interprète présent dans la salle d’audience » ; que, postérieurement, M. M. B… E… « a été entendu oralement » par visio-conférence depuis le palais de justice de Kigali au Rwanda ; qu’en ordonnant la lecture orale de la traduction de ce procès-verbal et en introduisant ainsi, prématurément, dans le débat des éléments d’appréciation qui ne lui appartenaient pas encore, le président de la cour d’assises a violé les textes et le principe susvisés ; ”

Sur le cinquième moyen de cassation, proposé pour M. I… Q…, pris de la violation des articles 6, § 1er , de la Convention des droits de l’homme, préliminaire, 347, 591 et 593 du code de procédure pénale et du principe de l’oralité des débats ;

“en ce qu’il résulte du procès-verbal des débats que le président de la cour d’assises a, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, fait traduire oralement par un interprète présent à l’audience un procès-verbal d’audition en langue kinyarwanda d’un témoin acquis aux débats, avant que sa déposition orale ne soit reçue;

aux énonciations qu’« à la demande de l’avocat général, la présidente a, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, ordonné le versement aux débats d’un procès-verbal d’audition de B… E… en langue kinyarwanda, concernant une procédure actuellement pendante à son encontre au Rwanda. Ce document a été communiqué à l’ensemble des parties et la présidente, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, a fait procéder immédiatement à sa traduction orale par l’intermédiaire d’un interprète présent dans la salle d’audience. Aucune observation n’a été formulée. […] À 12 heures 06, la liaison en visio-conférence avec le palais de justice de Kigali au Rwanda est établie. M. B… E…, témoin, présent, seul dans ladite salle de visio-conférence, a été entendu oralement, après avoir prêté serment, sans opposition des parties, dans les termes prescrits par l’article 331 alinéa 3 du code de procédure pénale et encore après avoir accompli toutes les autres formalités prévues par cet article, et, ne parlant pas suffisamment la langue française, sous le truchement des interprètes en kinyarwanda susnommés ; après cette déposition, les dispositions des articles 311, 312 et 332 du même code ont aussi été observées » ;

“alors qu’il est de principe que, devant la cour d’assises, le débat doit être oral ; qu’en application de cette règle, le président ne peut donner connaissance de pièces contenant des déclarations de témoins comparants ou s’y référant avant d’avoir reçu leur déposition ; qu’il résulte du procès-verbal des débats que, dans la matinée du 27 juin 2018, le président a, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, « ordonné le versement aux débats d’un procès-verbal d’audition de M. B… E… en langue kinyarwanda » , témoin acquis aux débats, et qu’il a, toujours en vertu de son pouvoir discrétionnaire, « fait procéder immédiatement à sa traduction orale par l’intermédiaire d’un interprète présent dans la salle d’audience » ; que, postérieurement, M. B… E… « a été entendu oralement » par visio-conférence depuis le palais de justice de Kigali au Rwanda ; qu’en ordonnant la lecture orale de la traduction de ce procès-verbal et en introduisant ainsi, prématurément, dans le débat des éléments d’appréciation qui ne lui appartenaient pas encore, le président de la cour d’assises a violé les textes et le principe susvisés ; ”

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, sur demande du ministère public, le président a fait verser aux débats le procès-verbal d’une audition de M. E…, témoin cité et dénoncé, recueillie dans le cadre d’une procédure ouverte à son encontre au Rwanda, et a fait procéder immédiatement à sa traduction orale par l’intermédiaire d’un interprète présent dans la salle d’audience à sa traduction orale ; qu’aucune observation n’a été formulée par les parties ; qu’il a été procédé ensuite, par visioconférence avec le palais de justice de Kigali, à l’audition en qualité de témoin, de M. E… ;

Attendu qu’en faisant traduire et lire le procès-verbal d’une audition de l’intéressé recueillie dans le cadre d’une procédure distincte avant d’entendre en qualité de témoin M. E…, le président a fait un usage régulier de son pouvoir discrétionnaire, sans méconnaître le principe d’oralité des débats ni les droits de la défense ;

D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour M. Z… Y…, pris de la violation des articles6, § 1er et § 3, et 7 de la Convention des droits de l’homme, 4 du protocole additionnel n° 7 à cette Convention, 111-4, 211-1 et 212-1 du code pénal, 2 et 3 du Statut du tribunal pénal international pour le Rwanda, préliminaire, 231, 347, 379, 591 et 593 du code de procédure pénale et des principes ne bis in idem, du contradictoire et de l’oralité des débats ;

“en ce que l’arrêt criminel attaqué a déclaré M. Y… coupable d’avoir, dans le ressort de la commune de Kabarondo (préfecture de Kibungo), en avril 1994, en tout cas au Rwanda, commis des atteintes volontaires à la vie, commis des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique des personnes, fait commettre des atteintes volontaires à la vie et fait commettre des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique des personnes, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire et d’avoir, dans les mêmes circonstances de lieu et de temps, participé à une pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisée en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile ;

“1°) alors qu’en cas de condamnation, la motivation consiste dans l’énoncé des principaux éléments à charge, exposés au cours des délibérations, qui, pour chacun des faits reprochés à l’accusé, ont convaincu la cour d’assises ; qu’ayant répondu par l’affirmative aux questions nos 6 et 8, la cour d’assises a déclaré M. Y… coupable d’avoir « commis des atteintes volontaires à la vie » et d’avoir « fait commettre des atteintes volontaires à la vie » ; que la feuille de motivation énonce qu’« au total, il apparaît que M. Y… a activement encouragé la population de Kabarondo à participer au massacre des tutsis sur sa commune, sollicité les militaires dans l’assaut et les tueries menés contre l’église, pris part à la sélection ethnique des survivants aux fins d’éliminer les seuls tutsis, donné les instructions aux fins d’ensevelir les cadavres et tuer les survivants au centre de santé de Kabarondo et à l’IGA (centre d’alphabétisation), participé, en compagnie des militaires et interahamwe, aux fouilles de domiciles à l’issue desquelles ces réfugiés devaient être éliminés » ; qu’en déclarant M. Y… coupable du chef d’avoir « commis des atteintes volontaires à la vie » , quand ni ces motifs, ni aucune autre énonciation de la feuille de motivation ne révèlent les éléments à charge qui ont convaincu la cour et le jury que M. Y… avait personnellement accompli des actes homicides, indépendamment de ceux qu’il avait « fait commettre », la cour d’assises n’a pas légalement justifié sa décision ;

“2°) alors que le débat doit être oral et que la cour d’assises doit juger l’accusation telle que les débats la font apparaître et non telle que la procédure écrite l’avait établie ; qu’en cas de condamnation, la motivation consiste dans l’énoncé des principaux éléments à charge, exposés au cours des délibérations, qui, pour chacun des faits reprochés à l’accusé, ont convaincu la cour d’assises ; qu’en retenant, pour déclarer M. Y… coupable du crime de génocide et de crime contre l’humanité autre que le génocide, que « plusieurs témoins, parmi les rescapés, en particulier Mme D… M…, infirmière au centre de santé, […] mett[aient] en cause M. Y… (qui contestait s’y être rendu) comme ayant donné des instructions pour massacrer des survivants de l’église partis se réfugier au centre de santé de Kabarondo » , quand le procès-verbal des débats, d’une part, constate l’absence de Mme M…, régulièrement citée, à l’appel des témoins et énonce qu’il a été passé outre à son audition et, d’autre part, ne comporte aucune mention relative à la lecture qui aurait été faite, à l’audience, de ses déclarations recueillies sur procès-verbal en cours d’instruction, ce dont il résulte qu’elle s’est déterminée « en particulier » au regard de pièces de la procédure écrite qui n’avaient pas été oralement et contradictoirement débattues à l’audience, la cour d’assises a violé les textes et principes susvisés ;

“3°) alors que des faits qui procèdent de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même accusé, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ; qu’en répondant par l’affirmative aux questions nos 6 et 8, d’une part, ce dont il résultait que M. Y… avait commis et fait commettre des atteintes volontaires à la vie en exécution d’un plan concerté visant à la destruction du groupe ethnique Tutsi, et à la question no 10, d’autre part, ce dont il résultait que l’accusé avait participé à une pratique massive et systématique d’exécutions sommaires en exécution d’un plan concerté à l’encontre de la population civile Tutsi, sans caractériser, pour le déclarer coupable de crime contre l’humanité autre que le génocide par pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, des actes homicides distincts de ceux qu’elle avait déjà retenus au titre des atteintes volontaires à la vie constitutives du crime contre l’humanité de génocide, la cour d’assises a violé les textes et le principe susvisé ;

“4°) alors que la cour d’assises ne peut connaître d’aucune autre accusation que celle résultant de la décision de mise en accusation qui, devenue définitive, fixe sa compétence ; que, par arrêt en date du 25 septembre 2014, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a ordonné, notamment, la mise en accusation de M. Y… du chef d’avoir « participé à une pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisée en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile, en l’espèce la population civile tutsi » ; que cette précision relative au groupe de population civile visé par le plan concerté n’a pas été reprise dans la formulation de la question no 10 ; qu’en retenant, pour le déclarer coupable de ce chef, que M. Y… avait « participé aux exécutions sommaires pratiquées de manière systématique et massive en exécution d’un plan concerté au préjudice de population civile comprenant des tutsis mais aussi des hutus de l’opposition » , la cour d’assises a modifié la substance de l’accusation et violé les textes susvisés ;

5°) alors qu’en application du principe de l’oralité des débats devant la cour d’assises, les réponses d’un accusé en relation directe avec sa culpabilité ne peuvent être mentionnées dans la feuille de motivation ; qu’en révélant, dans la feuille de motivation qui fait corps avec l’arrêt criminel et le procès-verbal des débats, la « contest[ation], jusqu’à l’audience, [de] l’intégralité des faits mis à [sa] charge » par M. Y…, ses « moyens de défense » opposés aux témoignages et tenant à ce que « les témoins [le] mettant en cause soit, ont fait l’objet de pressions des autorités rwandaises actuelles, soit ont été instrumentalisés par des associations parties civiles, soit encore étaient de mauvaise foi en espérant retirer un bénéfice comme des réductions de peine pour les témoins condamnés » , le fait qu’il tirait argument de « son absence totale de moyens et sa perte de toute autorité le plaçant dans une situation d’impuissance face aux événements » , qu’il « ne contestait pas sa présence sur place au moment des tirs des militaires contre l’église » , qu’il « admettait avoir procédé à [l’]ensevelissement, dans une fosse adjacente, des tués de l’église de sa commune » , qu’il « contestait […] [s’]être rendu [au centre de santé] » , qu’il « soutenait même ignorer l’existence de ce massacre au centre de santé qu’il n’avait appris qu’en Tanzanie » ou encore qu’il « disait être arrivé sur place après les tueries [et] réfutait le rôle de donneur d’ordres que lui prêtaient les témoins » , quand ces réponses étaient en lien direct avec sa culpabilité, la cour d’assises a violé les textes et les principes susvisés ; ”

Sur le sixième moyen de cassation, proposé pour M. Q…, pris de la violation des articles 6, § 1er et § 3, et 7 de la Convention des droits de l’homme, 4 du protocole additionnel n° 7 à cette Convention, 111-4, 211-1 et 212-1 du code pénal, 2 et 3 du statut du tribunal pénal international pour le Rwanda, préliminaire, 231, 347, 379, 591 et 593 du code de procédure pénale et des principes ne bis in idem, du contradictoire et de l’oralité des débats ;

“en ce que l’arrêt criminel attaqué a déclaré M. Q… coupable d’avoir, dans le ressort de la commune de Kabarondo (préfecture de Kibungo), en avril 1994, en tout cas au Rwanda, commis des atteintes volontaires à la vie, commis des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique des personnes, fait commettre des atteintes volontaires à la vie et fait commettre des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique des personnes, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire et d’avoir, dans les mêmes circonstances de lieu et de temps, participé à une pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisée en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile ;

“1°) alors que des faits qui procèdent de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même accusé, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ; qu’en répondant par l’affirmative aux questions n° 1 et 3, d’une part, ce dont il résultait que M. Q… avait commis et fait commettre des atteintes volontaires à la vie en exécution d’un plan concerté visant à la destruction du groupe ethnique Tutsi, et à la question n° 5, d’autre part, ce dont il résultait que l’accusé avait participé à une pratique massive et systématique d’exécutions sommaires en exécution d’un plan concerté à l’encontre de la population civile Tutsi, sans caractériser, pour le déclarer coupable de crime contre l’humanité autre que le génocide par pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, des actes homicides distincts de ceux qu’elle avait déjà retenus au titre des atteintes volontaires à la vie constitutives du crime contre l’humanité de génocide, la cour d’assises a violé les textes et le principe susvisé ;

“2°) alors que la cour d’assises ne peut connaître d’aucune autre accusation que celle résultant de la décision de mise en accusation qui, devenue définitive, fixe sa compétence ; que, par arrêt en date du 25 septembre 2014, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a ordonné, notamment, la mise en accusation de M. Q… du chef d’avoir « participé à une pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisée en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile, en l’espèce la population civile tutsi » ; que cette précision relative au groupe de population civile visé par le plan concerté n’a pas été reprise dans la formulation de la question n° 5 ; qu’en retenant, pour le déclarer coupable de ce chef, que M. Q… avait « participé aux exécutions sommaires pratiquées de manière systématique et massive en exécution d’un plan concerté au préjudice de population civile comprenant des tutsis mais aussi des hutus de l’opposition » , la cour d’assises a modifié la substance de l’accusation et violé les textes susvisés ;

“3°) alors qu’en application du principe de l’oralité des débats devant la cour d’assises, les réponses d’un accusé en relation directe avec sa culpabilité ne peuvent être mentionnées dans la feuille de motivation ; qu’en révélant, dans la feuille de motivation qui fait corps avec l’arrêt criminel et le procès-verbal des débats, la « contest[ation], jusqu’à l’audience, [de] l’intégralité des faits mis à [sa] charge » par M. Q…, ses « moyens de défense » opposés aux témoignages et tenant à ce que « les témoins [le] mettant en cause soit, ont fait l’objet de pressions des autorités rwandaises actuelles, soit ont été instrumentalisés par des associations parties civiles, soit encore étaient de mauvaise foi en espérant retirer un bénéfice comme des réductions de peine pour les témoins condamnés » , ses « dénégations » et « les déclarations affirmées à l’audience sur l’absence d’un échange avec M. Y… aux environs de l’église dans la soirée du 13 avril » , quand ces réponses étaient en lien direct avec sa culpabilité, la cour d’assises a violé les textes et le principe susvisés ;”

Les moyens étant réunis ;

Sur le moyen proposé pour M. Y… pris en ses deux premières branches :

Attendu qu’il résulte des énonciations de la feuille de motivation, concernant les faits reprochés à l’accusé, que la cour d’assises statuant en appel a caractérisé les éléments à charge, résultant des débats, qui l’ont convaincue de la culpabilité de l’accusé en relevant notamment son rôle actif dans les massacres commis sur la commune de Kabarondo ;

Que, parmi tous les éléments relevés ayant convaincu la cour d’assises de la culpabilité de M. Y… et ayant été discutés pendant les débats, figure la déposition de Mme M…, infirmière au centre de santé de Kabarondo; que, dès lors, le grief, en ce qu’il est fondé sur une violation des principes d’oralité et du contradictoire, est inopérant ;

D’où il suit que les griefs doivent être écartés ;

Sur le moyen proposé pour M. Y… pris en sa troisième branche et sur le moyen proposé pour M. Q… pris en ses première et deuxième branches ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de la feuille de questions et de la feuille de motivation que les accusés ont été déclarés coupables, d’une part, du crime de génocide pour avoir commis ou fait commettre des atteintes volontaires à la vie et des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique des personnes, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe ethnique, en l’occurrence le groupe ethnique tutsi, d’autre part de crimes contre l’humanité pour avoir participé à une pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, inspirées par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux, et organisée en exécution d’un plan concerté, à l’encontre d’un groupe de population civile, en l’occurrence la population tutsi ;

Attendu que, la cour d’assises a retenu que M. Y… jouissait d’une autorité et d’une influence importante sur la population de Kabarondo en tant que bourgmestre directement nommé par le Président de la République ;

Attendu que s’agissant du crime de génocide, qui concerne les exactions commises dans l’Eglise de Karabondo, la cour retient que plus de 3500 membres de la communauté tutsi ont été rassemblés dans cette Eglise, et que l’ordre a été donné à l’armée et aux milices d’exterminer les tutsis en veillant à épargner les hutus ; que le massacre a duré plus de cinq heures ; que les rares tutsis qui sont parvenus à s’échapper ont été poursuivis et exécutés ;

Attendu que, s’agissant des crimes contre l’humanité, la cour d’assises a de même relevé que M. Y… avait envoyé les milices armées lors de l’attaque du centre de santé de Karabondo et celui du centre d’alphabétisation de Karabondo, où avaient trouvé refuge des hutus et tutsis qui, tous, avaient été abattus ; que dans le cadre des perquisitions de domicile, qu’il avait fait entreprendre, elle a retenu qu’il avait menacé une femme hutu pour qu’elle ne mette au monde que des enfants hutus et l’avait fait assister au meurtre de sa soeur, enceinte d’un tutsi ; qu’il était apparu comme le point commun à toutes les perquisitions au domicile de couples « mixtes » , ayant la maîtrise des événements et participant aux exécutions sommaires pratiquées de manière systématique et massive au préjudice de la population civile comprenant des tutsis, des couples mixtes mais aussi des hutus de l’opposition ;

Attendu que la cour d’assises a caractérisé par des motifs relevant de son appréciation souveraine, dépourvus d’insuffisance comme de contradiction, et fondés sur les éléments recueillis au cours des débats, tant les éléments constitutifs du crime de génocide et des crimes contre l’humanité que la culpabilité de chacun des accusés, en exposant leur rôle actif dans la commission des exactions ;

Attendu qu’en retenant leur culpabilité des crimes poursuivis, et dès lors que le génocide exige la preuve de l’intention de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux tandis que le crime contre l’humanité exige la preuve que le crime a été commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile, la cour d’assises a, sans méconnaître le principe “non bis in idem”, caractérisé les crimes commis et justifié sa décision ;

D’où il suit que les griefs doivent être écartés ;

Sur le moyen proposé pour M. Y… pris en sa cinquième branche et sur le moyen proposé pour M. Q… pris en sa troisième branche ;

Attendu qu’il est soutenu que la cour d’assises aurait méconnu le principe de l’oralité des débats en mentionnant dans la feuille de motivation les réponses des accusés en relation directe avec les faits reprochés et l’établissement de leur culpabilité ;

Attendu que, d’une part, si la feuille de motivation se réfère aux déclarations faites par les accusés, tant lors de l’enquête et de l’instruction qu’au cours des débats, il n’en résulte aucune atteinte à l’oralité des débats dès lors que la prohibition résultant des dispositions de l’article 379 du code de procédure pénale ne s’applique pas à la feuille de motivation prévue à l’article 365-1 du même code ;

Que, d’autre part, les énonciations de la feuille de questions et de la feuille de motivation permettent à la Cour de cassation de s’assurer que la cour d’assises, statuant en appel, a caractérisé les principaux éléments à charge, résultant des débats, qui l’ont convaincue de la culpabilité des accusés, et a ainsi justifié sa décision, conformément aux dispositions conventionnelles invoquées et à l’article 365-1 du code de procédure pénale ;

D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le sixième moyen de cassation, proposé pour M. Y…, pris de la violation des articles 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, 6, § 1er, de la Convention des droits de l’homme, 14, § 3, g, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 130-1 et 132-34 du code pénal, préliminaire, 365-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

“en ce que l’arrêt criminel attaqué a condamné M. Y… à la peine de la réclusion criminelle à perpétuité ;

“alors que le fait que l’accusé ne reconnaisse pas sa culpabilité ne saurait justifier le prononcé de la peine maximale prévue par les textes ; qu’en se fondant, pour condamner M. Y… à la réclusion criminelle à perpétuité, sur la circonstance que « les deux accusés [avaient] toujours contesté, jusqu’à l’audience, l’intégralité des faits mis à leur charge », que l’accusé « tenda[it] à s’exonérer constamment de toute responsabilité», qu’il avait manifesté « sa volonté d’échapper à des poursuites judiciaires et de dissimuler sa véritable implication » et que les « positionnements adoptés par les accusés s’apparent[aient] à des dénis » , quand tout accusé a le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, la cour d’assises a violé les textes susvisés;”

Sur le septième moyen de cassation, proposé pour M. Q…, pris de la violation des articles 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, 6, § 1er, de la Convention des droits de l’homme, 14, § 3, g, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 130-1 et 132-34 du code pénal, préliminaire, 365-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

“en ce que l’arrêt criminel attaqué a condamné M. Q… à la peine de la réclusion criminelle à perpétuité ;

“alors que le fait que l’accusé ne reconnaisse pas sa culpabilité ne saurait justifier le prononcé de la peine maximale prévue par les textes ; qu’en se fondant, pour condamner M. Q… à la réclusion criminelle à perpétuité, sur la circonstance que « les deux accusés [avaient] toujours contesté, jusqu’à l’audience, l’intégralité des faits mis à leur charge » , que l’accusé avait manifesté « sa volonté d’échapper aux poursuites » et que les « positionnements adoptés par les accusés s’apparent[aient] à des dénis » , quand tout accusé a le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, la cour d’assises a violé les textes susvisés ; ”

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour prononcer la peine de la réclusion criminelle à perpétuité, la feuille de motivation énonce que les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide appartiennent à la catégorie des crimes les plus graves, s’agissant de crimes de masse organisés, du caractère généralisé des atteintes à la personne humaine qui entraînent un trouble exceptionnel à l’ordre public international dont le caractère pérenne résulte notamment de l’impact de ce type de faits sur la mémoire collective de l’humanité et des traumatismes physiques et psychiques subis par les victimes survivantes ; qu’elle rappelle, au regard de l’extrême gravité des faits, les fonctions exercées par les accusés au moment des faits et leur position d’autorité dans la commune ; qu’elle retient, en s’appuyant sur les éléments de personnalité rapportés par les experts, la volonté des accusés d’échapper à la justice et de dissimuler, au cours des débats, leur véritable implication en se disant victime de manipulations et d’accusations mensongères ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs qui exposent les principaux éléments l’ayant convaincue dans le choix de la peine, la cour d’assises, qui n’a nullement dénié aux accusés leur droit de ne pas contribuer à leur propre incrimination, a justifié la peine appliquée, conformément aux exigences énoncées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2017- 694 QPC du 2 mars 2018 ;

D’où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Et attendu que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury ;

I – Sur le pourvoi formé par M. Y… le 9 juillet 2018 :

Le DÉCLARE irrecevable ;

II – Sur les autres pourvois en ce qu’ils sont formés contre l’arrêt pénal :

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize octobre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

 


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