Crimes contre l’humanité : 12 mai 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 22-80.057

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Crimes contre l’humanité : 12 mai 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 22-80.057
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COUR DE CASSATION LM

ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE

Audience publique du 12 mai 2023

Rejet

M. SOULARD, premier président

Arrêt n° 668 B+R

Pourvoi n° Y 22-80.057

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 12 MAI 2023

L’association [1], partie civile, a formé une opposition contre l’arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, en date du 24 novembre 2021, qui a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris du 18 février 2021, ayant, dans l’information suivie, contre M. [S] [R], des chefs de tortures, crimes contre l’humanité et complicité de ces crimes, prononcé sur sa demande d’annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance du 9 septembre 2022, le premier président de la Cour de cassation a ordonné le renvoi de l’examen de l’opposition devant l’assemblée plénière de ladite Cour.

La [1] invoque, devant l’assemblée plénière, un moyen d’opposition.

Ce moyen a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la [1].

Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S] [R].

Des observations ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la [2], reprenant, au profit de cette dernière, le moyen proposé par [1].

Le rapport écrit de Mme Leprieur, conseiller, et l’avis écrit de M. Molins, procureur général, ont été mis à la disposition des parties.

Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, assistée de M. Dimitri Dureux, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, et l’avis de M. Molins, procureur général, auquel, parmi les parties invitées à le faire, la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy a répliqué, après débats en l’audience publique du 17 mars 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, MM. Chauvin, Sommer, Mme Teiller, MM. Bonnal, Vigneau, présidents, Mme Martinel, doyen de chambre faisant fonction de président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. Huglo, Mmes de la Lance, Darbois, doyens de chambre, Mmes Auroy, Leroy-Gissinger, M. Delbano, conseillers faisant fonction de doyens de chambre, Mme Cavrois, M. Martin, Mmes Agostini, Grandjean, M. Bedouet, conseillers, M. Molins, procureur général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert,

la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 18 décembre 2017, l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides a porté à la connaissance du pôle spécialisé du parquet de Paris sa décision d’exclure de la protection internationale M. [S] [R], ressortissant syrien, au motif qu’il existait des raisons plausibles de soupçonner que celui-ci s’était rendu coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies relevant de l’article 1er, F, c) de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés.

3. Il lui était imputé sa participation à la répression de manifestations de l’opposition au régime syrien, ainsi qu’à l’arrestation de civils à l’occasion de ces événements et lors d’opérations de contrôles sur des barrages, faits commis de 2011 à 2013, alors qu’il avait été mobilisé comme réserviste de l’armée syrienne et affecté à la direction des renseignements généraux.

4. Une enquête préliminaire a été diligentée.

5. Le 15 février 2019, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a ouvert une information contre M. [R] des chefs d’actes de tortures, crimes contre l’humanité et pour complicité de ces crimes.

6. Le même jour, M. [R] a été mis en examen pour complicité de crimes contre l’humanité, faits commis en Syrie entre mars 2011 et fin août 2013.

7. Les associations [1] ([1]) et [2] se sont constituées partie civile.

8. Le 12 août 2019, l’avocat de M. [R] a déposé une requête en nullité du procès-verbal d’interpellation de l’intéressé, de sa garde à vue et des actes subséquents, notamment la mise en examen, au motif de l’incompétence des autorités de poursuite et de jugement françaises. Il a également fait valoir l’absence d’indices graves ou concordants.

9. Par arrêt du 18 février 2021, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a dit que les juridictions françaises étaient compétentes, rejeté la requête en annulation, constaté la régularité de la procédure jusqu’à la cote D. 546 et fait retour du dossier au juge d’instruction saisi pour poursuite de l’information.

10. Par arrêt du 24 novembre 2021 (Crim., 24 novembre 2021, pourvoi n° 21-81.344, publié au Bulletin), la chambre criminelle a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt de la chambre de l’instruction du 18 février 2021, déclaré incompétentes les juridictions françaises pour connaître des poursuites engagées contre le demandeur, et, pour qu’il soit à nouveau jugé, sur les conséquences de cette incompétence sur la régularité des actes de la procédure, renvoyé la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, autrement composée.

Examen de la recevabilité de l’opposition

11. Il résulte de l’examen de la procédure suivie devant la Cour de cassation que M. [R] n’a pas notifié le pourvoi qu’il a formé contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, en date du 18 février 2021, à [1], partie civile, ainsi que l’exigent les dispositions de l’article 578 du code de procédure pénale.

12. Pas davantage, il n’a été adressé à la partie civile, partie intéressée au pourvoi, copie du mémoire produit à l’appui de celui-ci, en méconnaissance des prescriptions de l’article 589 du même code.

13. En conséquence, l’opposition, formée dans les conditions prévues aux articles 579 et 589 du code de procédure pénale, est recevable.

14. Par ailleurs, [1] produit des éléments de nature à conduire l’Assemblée plénière à réexaminer le pourvoi de M. [R].

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

15. Il n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

16. Le moyen critique l’arrêt de la chambre de l’instruction du 18 février 2021 en ce qu’il a décidé que les juridictions françaises étaient compétentes pour connaître des faits de complicité de crime contre l’humanité reprochés à M. [R], qu’il n’y avait lieu à l’annulation d’aucun acte ou pièce de la procédure et constaté la régularité du surplus jusqu’à la cote D. 546, alors :

« 1°/ que la compétence des juridictions françaises pour connaître de faits constitutifs de crime contre l’humanité commis à l’étranger suppose soit que l’État où les faits ont été commis ou dont le mis en examen a la nationalité soit partie au statut de Rome, soit que les faits pour lesquels le mis en examen est poursuivi soient incriminés dans l’État dans lequel ils ont été perpétrés ; qu’en l’espèce, pour retenir que la condition de la double incrimination était remplie, l’arrêt attaqué a considéré que si les crimes contre l’humanité n’étaient pas expressément visés comme tels dans le code pénal syrien, celui-ci incriminait le meurtre, les actes de barbarie, le viol, les violences et la torture, tandis que la Constitution syrienne interdisait la torture et incriminait les atteintes aux libertés publiques, la Syrie étant partie à de nombreux traités, dont les Conventions de Genève, ajoutant que ces crimes étaient des éléments constitutifs du crime contre l’humanité ; qu’en statuant ainsi tout en relevant que les crimes contre l’humanité n’étaient pas expressément visés comme tels dans le code pénal syrien, et sans constater que la Syrie aurait été partie au statut de Rome, la chambre de l’instruction n’a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 689 et 689-11 du code de procédure pénale ;

3°/ qu’en se bornant à retenir que, n’étant compétente que pour des faits commis sur le territoire d’États parties au statut de Rome, ce qui n’était pas le cas de la Syrie, la Cour pénale internationale ne pouvait décliner une compétence qu’elle ne possédait pas, quand il lui appartenait de vérifier que le ministère public avait accompli les diligences mises à sa charge par les dispositions de l’article 689-11 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a privé sa décision de base légale au regard de l’article 689-11 du code de procédure pénale. »

 


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