Conclusions d’appel : 25 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/08873

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Conclusions d’appel : 25 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/08873

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 25 MAI 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08873 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAPUC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Avril 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 17/04360

APPELANT

Monsieur [W] [F]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Alina PARAGYIOS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0374

INTIMEES

Société INTERFACE RESTAURATION

Immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 527 993 687

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Société I’M OK RESTAURANT aux droits de la société FLUIDIREST

Immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 517 525 408

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

M. [W] [F] a été engagé, à compter du 1er juillet 2014, en qualité de consultant, statut cadre par la Sarl Fluidirest, aux droits de laquelle se trouve la Sas I’M OK Restaurants, selon un contrat à durée indéterminée, pour une rémunération en dernier lieu de 4 321,17 euros bruts.

La relation de travail est régie par la convention collective de commerce de gros.

La Sas I’M OK Restaurant appartient à un groupe constitué avec la société Interface Restauration, les deux entités ayant été créées par les deux mêmes principaux associés,

Le 1er décembre 2016, M. [W] [F] a fait l’objet d’un arrêt de travail qui a été prolongé jusqu’à la fin de la relation de travail.

Il a, le 6 décembre 2016, dénoncé ses conditions de travail dans une lettre à laquelle la Sas I’M OK Restaurant a répondu le 23 décembre suivant.

Le 15 mars 2017, M. [W] [F] a été déclaré inapte par le médecin du travail au terme de sa visite médicale de reprise, en ces termes : « Inaptitude ‘ l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans cette entreprise ».

M. [W] [F] a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 10 avril 2017.

La Sarl Fluidirest lui a notifié son licenciement pour inaptitude par lettre recommandée avec avis de réception du 13 avril 2017.

M. [W] [F] a, le 8 juin 2017, saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin notamment de voir reconnaître la qualité de co-employeur de la société Interface Restauration, et requalifier son licenciement en licenciement nul ou à titre subsidiaire en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement contradictoire du 17 avril 2019, le conseil de prud’hommes a débouté le demandeur de l’ensemble de ses demandes et débouté les parties défenderesses de leur demande reconventionnelle respective.

Par déclaration notifiée par le RVPA le 7 août 2019, M. [W] [F] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 13 novembre 2019, M. [W] [F] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté les intimées de leurs demandes reconventionnelles et en conséquence, de :

À titre principal

– requalifier son licenciement en licenciement nul ;

– condamner la société Fluidirest et la société Interface Restauration à lui verser les sommes suivantes :

’12 963,51 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

‘1 296,35 euros au titre des congés payés afférents

‘ 37.902,69 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul

‘18.951,35 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

À titre subsidiaire,

– requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société Fluidirest et la société Interface Restauration à lui verser les sommes suivantes :

’12 963,51 euros à titre de l’indemnité compensatrice de préavis

‘1 296,35 euros au titre des congés payés afférents

‘ 37 902,69 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse En tout état de cause

– condamner les sociétés Fluidirest et Interface Restauration à lui verser la somme de 5 809,57 euros à titre de rappel de salaires ;

– condamner les sociétés Fluidirest et Interface Restauration à lui verser la somme de 580,95 euros au titre des congés payés afférents ;

– condamner les sociétés Fluidirest et Interface Restauration à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Fluidirest et la société Interface Restauration aux entiers dépens ;

– débouter la société Fluidirest et la société Interface Restauration de leurs demandes reconventionnelles.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 13 février 2020, la société Interface Restauration demande à la cour de :

À titre liminaire,

– déclarer irrecevable la demande de M. [F] tendant à reconnaître la qualité de co-employeur à la société Interface Restauration

Au fond,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 17 avril 2019 sauf en ce qu’il a débouté la société Interface Restauration de sa demande reconventionnelle correspondant au frais de remise en état du véhicule

En conséquence,

– déclarer M. [F] mal fondé en ses demandes

– débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner M. [F] à lui verser 4 260,66 euros, cette somme portant intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement du conseil de prud’hommes du 17 avril 2019 ;

– condamner M. [F] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 13 février 2020, la société I’M OK Restaurant demande à la cour de :

– confirmer le jugement contesté en ce qu’il a débouté M. [F] de l’ensemble de ses demandes

En conséquence,

– déclarer M. [F] mal fondé en ses demandes

– débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes

– débouter M. [F] de ses demandes de dommages et intérêts, de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis, de sa demande de rappel de salaire et de sa demande indemnitaire concernant un prétendu préjudice moral

– condamner M. [F] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 1er février 2023.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande relative au co-emploi :

Selon l’article 954 du code de procédure civile les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

La Sas Interface Restauration fait valoir que M. [W] [F] dans sa déclaration d’appel et dans le motif de ses écritures sollicite ‘la réformation’ du jugement déféré en ce qu’il l’a débouté de sa demande tendant à voir reconnaître la qualité de co-employeur de la Sas Interface Restauration, mais qu’il ne reprend pas cette prétention dans ses conclusions d’appelant signifiées le 13 novembre 2019, qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile et de l’article 910-4 alinéa 1er selon lequel, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond, cette demande doit être déclarée irrecevable.

M. [W] [F] n’a pas conclu sur ce point.

L’appelant a, aux termes de sa déclaration d’appel, expressément précisé interjeter appel du jugement déféré en ce qu’il le déboutait de ‘l’ensemble de ses demandes à savoir reconnaître la qualité de co-employeur à la société Interface Restauration…’.

En outre, il a indiqué dans le dispositif, après avoir développé dans le corps de ses conclusions les moyens invoqués au soutien de sa demande tendant à voir reconnaître le principe d’un co-emploi par cette dernière société et la Sas I’m Ok Restaurant venant aux droits de la Sarl Fluidirest, qu’il sollicitait l’infirmation du jugement ‘sauf en ce qu’il a débouté les intimées de leurs demandes reconventionnelles’ ainsi que leur condamnation au paiement des sommes réclamées au titre du licenciement qu’il estimait entâché de nullité ou à titre subsidiaire, de cause réelle et sérieuse.

Il convient en conséquence de rejeter l’exception d’irrevevabilité soulevée par la Sas Interface Restauration.

Sur le co-emploi :

Hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.

M. [W] [F] soutient que, s’il n’était pas lié par un contrat de travail avec la Sas Interface Restauration, il était néanmoins placé dans un lien de subordination à son égard, qu’en effet il recevait de celle-ci des ordres et directives auxquelles il devait se soumettre comme le montrent les courriels qu’il verse aux débats, qu’elle fixait des réunions auxquelles il devait assister et contrôlait son activité.

La Sas Interface Restauration conteste l’existence d’un quelconque lien de subordinantion entre elle et M. [W] [F] et fait observer que les échanges par courriels auquel ce dernier se réfère s’inscrivent dans le cadre de rapports commerciaux entre elle-même et la Sas I’m Ok Restaurant à laquelle il était effectivement lié par un contrat de travail. Elle ajoute que les liens existant entre les deux sociétés reposent sur l’appartenance à un groupe et sur la réalisation de prestations accomplies par la Sas I’m Ok Restaurant à sa demande dans le cadre d’une convention de prestation de services.

La Sas I’m Ok Restaurant fait valoir que ses associés fondateurs étaient également ceux de la Sas Interface Restauration, à savoir M. [R] [J] et M. [T] [V], que les deux sociétés sont néanmoins des entités juridiquement distinctes, poursuivant des activités différentes mais complémentaires, que la Sas Interface Restauration intervient dans le domaine de la restauration collective et commerciale et lui confie des missions techniques, par le biais de contrats de prestations de service impliquant des interactions des salariés des deux sociétés sur des projets dont M. [W] [F] avait la charge, et qu’elles sont parfaitement autonomes et indépendantes en ce qui concerne les décisions stratégiques, leur direction opérationnelle respective et la gestion administrative.

Les deux sociétés intimées communiquent les factures émises, notamment les 13 et 30 octobre 2015, 4 et 22 décembre 2015, 9 février 2016, 27 juillet 2016 et 31 décembre 2016, par la Sarl Fluidirest (devenu Sas I’m Ok Restaurant) relatives au paiement de prestations réalisées pour le compte de la Sas Interface Restauration.

Madame [Y], en charge de la supervision des missions pour la société Qualirest (ayant pour objectif la réalisation d’audits et de synthèses consolidées à destination de son client Sodexo), atteste de ce que M. [W] [F] est intervenu dans le cadre du développement par la Sas Interface Restauration d’un outil informatique (tablette et logiciel) et avoir travaillé dans ce cadre avec M. [W] [F] dans les années 2015 et 2016.

L’examen des très nombreux échanges de courriels versés aux débats montrent que M. [W] [F] est effectivement intervenu dans le cadre de la mise en oeuvre de cet outil informatique au sein de la Sas Interface Restauration, ce qui impliquait nécessairement des échanges et réunions communes, ainsi que le rappelle l’intéressé lui-même dans un message en date du 29 octobre 2015 adressé à M. [J] : ‘ci-joint un planning de la réunion rempli jusqu’à décembre pour vous donner une visibilité d’équipe. Il est à améliorer, il manque sûrement des choses mais j’ai créé cet outil pour que nous soyons ok sur les projets. N’hésitez pas si vous avez des questions’.

Force est de constater en outre que les messages adressés à M. [W] [F], pour certains en copie, à titre informatif ( tels le courriel de Mme [N] en date du 29 septembre 2016) ne présentent pas un caractère impératif, s’agissant très souvent de demandes d’ajustement de la prestation en cours.

Il y a lieu de relever en outre qu’il lui est aussi demandé ses disponiblités ainsi que cela résulte des couriels de Mme [N] des 24 octobre et 21 novembre 2016 ( pièces n°34 et 36) ou de M. [J] (courriel en date du 12 février 2015) : ‘Concernant Danone, un rendez-vous est prévu le 20 février – si tu peux te joindre à ce rendez-vous. Ce serait top…’.

Enfin, si M. [V] confirme, le 31 août 2015, à M. [W] [F] qu’une prime lui sera ‘versée à 50 % avec le salaire du mois d’août et 50 % avec celui de septembre’ et lui demande le 26 octobre 2015 de poser quelques jours de congés sur la semaine du 11 novembre au regard de son solde de congés payés, rien ne permet de constater que ce soit en qualité de dirigeant de la Sas Interface Restauration qu’il s’adresse à M. [W] [F] compte tenu du fait que lui-même, comme M. [J], utilisent exclusivement pour tous leurs envois l’adresse électronique suivante, ‘@interface restauration’.

Il n’est par conséquent pas démontré que M. [W] [F] recevait des ordres ou directives de la Sas Interface Restauration, qu’il était tenu de lui rendre des comptes sur son activité ou que cette dernière usait de moyens de contrôle destinés à en vérifier la bonne exécution et encore moins qu’elle ait pu faire un quelconque usage de son pouvoir disciplinaire à son égard.

L’appelant n’apporte pas la preuve d’un quelconque lien de subordination envers la Sas Interface Restauration.

Le fait que la Sas I’m Ok Restaurant venant aux droits de la Sarl Fluidirest exécute des missions de prestations donnant lieu à facturation pour le compte de la Sas Interface Restauration, nonobstant le fait que ces deux sociétés appartiennent à un même groupe et soient dirigées par les mêmes personnes physiques, ne suffit pas à caractériser une immixtion permanente de l’une dans la gestion économique et sociale de l’autre.

Sur le rappel de salaire :

Selon l’article 53 de la convention collective nationale de commerces de gros,le salarié ayant au moins un an d’ancienneté dans l’entreprise et dont le contrat se trouve suspendu par suite de maladie ou d’accident dûment justifié par un certificat médical, et contre-visite s’il y a lieu, touchera une indemnité déterminée dans les conditions suivantes :

1. Lors de chaque arrêt de travail, les délais d’indemnisation commenceront à courir :

– à compter du 1er jour d’absence, si celle-ci est consécutive à un accident de travail ou à une maladie professionnelle (à l’exclusion des accidents de trajet) ;

– à compter du 1er jour d’hospitalisation réelle ou à domicile ;

– à compter du 8e jour d’absence dans tous les autres cas.

Pour le calcul des indemnités dues au titre d’une période de paie, il sera tenu compte des indemnités déjà perçues par l’intéressé durant les 12 mois antérieurs, de telle sorte que, si plusieurs absences pour maladie ou accident ont été indemnisées au cours de ces douze mois, la durée totale d’indemnisation ne dépasse pas celle applicable en vertu des alinéas suivants.

2. Le montant de l’indemnité est calculé comme suit :

A partir de 1 an d’ancienneté :

– pendant 30 jours, 90 % de la rémunération brute que le salarié aurait gagnée s’il avait continué à travailler ;

– pendant les 30 jours suivants, les 2/3 de cette même rémunération.

Ces temps d’indemnisation seront augmentés de 10 jours par période entière de 5 ans d’ancienneté en sus du minimum de 1 année sans que chacun d’eux puisse dépasser 90 jours.

En outre, ils seront augmentés de 10 jours en cas d’absence consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle (à l’exclusion des accidents de trajet) dans la même limite de 90 jours.

3. Toutes les garanties mentionnées au présent article s’entendent déduction faite des allocations que l’intéressé perçoit de la sécurité sociale et des régimes complémentaires de prévoyance, mais en ne retenant, dans ce dernier cas, que la part des prestations résultant des versements de l’employeur. Lorsque les indemnités de la sécurité sociale sont réduites du fait, par exemple, de l’hospitalisation ou d’une sanction de la caisse pour non-respect de son règlement intérieur, elles sont réputées être servies intégralement. En tout état de cause, un salarié ne pourra percevoir, après application des garanties mentionnées ci-dessus, une indemnisation plus importante que le salaire qu’il aurait perçu s’il avait continué à travailler pendant la période de suspension de son contrat.

4. La rémunération à prendre en considération est celle correspondant à l’horaire pratiqué, pendant l’absence de l’intéressé, dans l’établissement ou partie d’établissement. Toutefois, si par suite de l’absence de l’intéressé, l’horaire du personnel restant au travail devait être augmenté, cette augmentation ne serait pas prise en considération pour la fixation de la rémunération.

L’ancienneté prise en compte pour la détermination du droit à l’indemnisation s’apprécie au premier jour de l’absence.

Il est prévu à l’article 6 de l’avenant relatif aux cadres de cette même convention collective,

que jusqu’à 3 ans de présence ou 2 ans en qualité de cadre, les dispositions de l’article 53 s’appliquent aux cadres et qu’au-delà, les cadres recevront une indemnité complémentaire des prestations journalières de la sécurité sociale et des régimes complémentaires qui aura pour effet d’assurer à l’intéressé, en cas de maladie ou d’accident, le maintien total de ses appointements mensuels, dans les conditions suivantes, calculés sur la moyenne des 3 derniers mois (1), soit jusqu’à 4 ans inclus de présence dans l’entreprise : 3 mois à 100 % en cas de maladie ou 4 mois en cas d’accident du travail […].

M. [W] [F] fait valoir qu’ayant une ancieneté de deux ans et huit mois, il devait bénéficier de ces dispositions mais que la Sas I’m Ok Restaurant venant aux droits de la Sarl Fluidirest a omis de les appliquer.

Cette dernière se borne à alléguer l’absence de préjudice en résultant pour M. [W] [F].

L’examen des bulletins de salaires de M. [W] [F] révèle que, alors que son salaire de base mensuel s’élève à 3 645,93 euros, il n’a perçu que 1 482,29 euros au titre du maintien de son salaire en janvier 2017 et aucun salaire en février 2017.

Il est par conséquent fondé à solliciter la somme de 5 809,57 euros à titre de rappels de salaire outre 580,95 au titre des congés payés afférents.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments de prouver, que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, M. [W] [F] invoque les faits suivants :

– il a fait preuve d’un investissement sans faille dans le cadre des missions qui lui étaient dévolues et cependant ses conditions de travail se sont dégradées,

– il a fait l’objet d’une mise à l’écart progressive se traduisant par un retrait de ses tâches et un manque d’informations visant à entraver l’exécution de ses missions et à l’évincer,

– il a été soumis à des pressions et a subi des reproches injustifiés ainsi qu’une dégradation de ses conditions de travail peu propices à une exécution normale du travail et vectrice de stress,

– la Sas Interface Restauration comme la Sas I’m Ok Restaurant venant aux droits de la Sarl Fluidirest ont fait preuve d’inertie alors qu’elles étaient informées par son conseil de sa situation,

– ces agissements ont eu des conséquences néfastes sur sa santé physique et mentale.

Pour étayer ses affirmations, il produit notamment :

– un mail adressé à son employeur le 12 octobre 2015 lui faisant part d’une charge de travail importante en indiquant notamment qu’ils étaient actuellement 6 dont 2 apprentis, toutes les ressources étant mobilisés sur leurs 10 clients et qu’il avait encore trois devis en attente,

– une capture d’écran de messages du 30 octobre 2015, envoyé à 21:59 par [T] [V]: ‘rien d’urgent mais je voulais savoir où on en est sur Incity. Bon we’, puis le 5 novembre :’bonjour [W] Cela fait 3 jours que je te demande en quelques mots où on en est sur Incity. Ta non-réponse m’insupporte!!. Tu es sur quel sujet cette semaine. Merci de m’envoyer un sms avant 10 h’ suivi de la réponse de l’appelant : ‘Excuse moi je pensais te l’avoir communiqué. J’ai envoyé un mail à Guillermet pour me donner une date claire sur une visite. De mon côté j’ai commencé à appeler Orange et Eurecam pour les capteurs’ et de celle de son interlocuteur ‘ C’est pas sérieux [W]. Pour me dire cela’,

dont il ressort un reproche sur le délai apporté à une réponse alors que le salarié avait fait part peu avant d’un manque d’effectif ;

– des courriels qui montrent que M. [V] donnait des consignes à des salariés placés sous l’autorité de M. [W] [F] sans l’en informer,

ainsi le 29 novembre 2016 :’Bonsoir Trésor [Masidi]est ce que tu as pu avancer sur la Maj du doc au regard de mes remarques; je suis au bureau demain en fin de journée ou jeudi. Je voudrais finaliser ASAP pour que [B] puisse commencer ses audits’ auquel M. [W] [F] répond : ‘on voit ca jeudi alors car je n’ai pas eu connaissance des remarques….’),

– des mails permettant de constater que, s’il a assuré, en 2014 et 2015, le recrutement des salariés pour le compte de la Sas I’m Ok Restaurant venant aux droits de la Sarl Fluidirest, il n’a plus exercé cette mission en 2016 et seule la date des entretiens avec ses collaborateurs directs lui était communiquée (courriel du 21 décembre 2015 lui adressant le planning des entretiens de ses collaborateurs, le salarié s’étonnant le même jour de ne pas avoir été mis au courant puis un courriel du 29 janvier 2016 de M. [V] :’Bonjour [W] Merci d’informer tes troupes que nous commencerons les entretiens à 17h15″, ),

alors qu’il est précisé dans son contrat de travail qu’il est en charge de l’encadrement du personnel de la société,

– un courriel de M. [U] reçu le 28 novembre 2016 fixant l’ordre du jour d’une réunion prévue le même jour ‘après la réunion avec l’équipe’ et portant notamment sur l’organigramme, les fiches de poste, l’organisation et M. [W] [F], en arrêt de travail le 1er décembre 2016, faisant alors part de ses interrogations à ses supérieurs quant à ce message et notamment concernant la qualité de M. [U] dont la signature électronique mentionne la société Abeep (‘a-t-il un contrat fluidirest ou est-ce un prestataire’) et le niveau d’information à lui transmettre,

ce dont il se déduit qu’il a été tenu à l’écart des contacts entre cet intervenant et son employeur,

– la lettre adressée le 6 décembre 2016 par son avocat à la société Fluidirest l’informant de la dégradation de ses conditions de travail,

– les lettres du médecin du travail à son médecin du 25 janvier 2017 ‘je vois à ce jour M. [W] [F] qui présente un syndrome anxiodépressif suite à un conflit avec son employeur. A ce jour M. [F] n’est pas apte à reprendre son poste. Je vous le confie pour un potentiel arrêt de travail de quelques semaines (avec autorisation de sortie quelques jours)’, du 8 février 2017 ‘je vois ce jour M. [F] [W] dont l’état émotionnel ne l’autorise pas à reprendre son poste le 10 février 2017…’, le 1er mars pour une prolongation de son arrêt de travail, et enfin du 15 mars 2017 ‘…je constate à une inaptitude sans reclassement dans cette société. En effet l’état émotionnel de M. [F] n’autorise pas une reprise dans cette configuration de travail’,

– sa fiche d’inaptitude du 15 mars 2017 avec cette mention ‘l’état du salarié fait obstacle à tout reclassement dans cette entreprise’.

– une ordonnance de son médecin traitant en date du 9 février 2017 lui prescrivant un traitement médicamenteux,

ce qui atteste de la dégradation de son état de santé.

M. [W] [F] présente ainsi des éléments de faits, qui pris dans leur ensemble, laisse supposer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

La Sas I’m Ok Restaurant venant aux droits de la Sarl Fluidirest fait valoir qu’elle a toujours respecté le périmètre des fonctions de M. [W] [F], que la sélection d’un nouveau prestataire de service en la personne de M. [U], à laquelle il a participé, a été justifiée par l’évolution croissante de la société face aux nouveau enjeux de la digitalisation, qu’à aucun moment le salarié ne s’est plaint de ses conditions de travail, et de pressions notamment, qu’elle a toujours fait preuve de bienveillance à son égard alors que le salarié présentait certaines difficultés dans l’exécution de son travail et n’a pas supporté certaines remarques.

Elle produit le témoignage de Mme [P] certifiant avoir assisté à un entretien, le 25 juillet 2016, au cours duquel les représentants de la société Fluidirest, ont proposé à M. [W] [F] de devenir actionnaire, une attestation de Mme [Y] (société Qualirest), ayant travaillé avec ce dernier en 2015 et 2016 déclarant avoir constaté de nombreux dysfonctionnements, l’en avoir alerté ‘régulièrement et très fortement’ en l’incitant à faire preuve de réactivité et un courriel de M. [U] du 14 décembre 2016, postérieur à celui de M. [F] dans lequel ce dernier s’interrogeait sur le cadre de son intervention.

Toutefois, le témoignage de Mme [Y] faisant état d’un dysfonctionnement dans le cadre d’un partenariat, dont ni la mission confiée à M. [W] [F], ni le cadre juridique ne sont précisés, échoue à démontrer que le salarié présentait, comme le soutient son employeur, ‘certaines difficultés’, qui ne sont d’ailleurs pas détaillées dans les conclusions.

De même, aucune réponse n’est apportée quant à la charge de travail importante signalée par le salarié et le retrait de certaines de ses fonctions à l’égard du personnel dont il devait pourtant contractuellement assurer l’encadrement. Les seuls plannings insérés dans les conclusions de l’intimée sont insuffisants à démontrer un manquement quant à la gestion des congés de son équipe en l’absence de justificatif des règles mises en oeuvre au sein de l’entreprise à ce sujet et d’une demande en ce sens au salarié.

Enfin, le seul devis de la société Abeep produit au débat est insuffisant à déterminer le rôle exact de M.[U] et son positionnement par rapport à M. [F] notamment quant à l’organisation de l’équipe dont ce dernier avait la charge, la société se bornant à indiquer que celui-ci avait été choisi comme prestataire de service ‘afin d’apporter des compétences différentes et supplémentaires’, ce qui a pu légitimement entraîner un questionnement du salarié quant à l’existence d’un nouveau niveau hiérarchique.

Il en découle que la société ne justifie pas que les faits matériellement établis par l’appelant et ayant entraîné une dégradation de son état de santé, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement moral est établi.

Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables qu’il a eu pour M. [W] [F] telles qu’elles ressortent des pièces et des explications fournies et notamment du fait qu’il a dû être pris en charge au plan médical, le préjudice en résultant pour lui doit être réparé par l’allocation de la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur le licenciement :

En application de l’article L. 1152-3 du code du travail, le licenciement intervenu à la suite de faits de harcèlement moral est nul.

En l’occurrence, l’inaptitude de M. [F] étant la conséquence du harcèlement moral retenu par la cour, son licenciement est nul.

M. [W] [F] peut prétendre au paiement des sommes suivantes :

– 12 963,51 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, dès lors que le licenciement pour inaptitude est entaché de nullité,

– 1 296,35 euros au titre des congés payés afférents.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [W] [F] (4 321,17 euros), de son âge (né le 16 mars 1988), du fait qu’il a retrouvé un emploi en contrat de travail à durée indéterminée neuf mois après son licenciement, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’elles résultent des pièces et explications fournies, il y a lieu de lui allouer une somme de 25 930 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul.

Sur la demande reconventionnelle de la Sas Interface Restauration :

La Sas Interface Restauration sollicite la condamnation de M. [W] [F] au paiement de la somme de 4 260,66 euros avec intérêt aux taux légal à compter du prononcé du jugement du conseil de prud’hommes au titre des frais de remise en état du véhicule qu’elle a mis à disposition de ce dernier.

Aux termes du contrat de travail liant les parties la Sas I’m Ok Restaurant venant aux droits de la Sarl Fluidirest s’est engagée à mettre à disposition de M. [W] [F], à compter du 1er octobre 2014, une voiture de marque Peugeot modèle 208.

Il est produit une facture émanant de la société Interface Restauration du 26 août 2016, d’un montant de 4 000 euros (4800 euros TTC) à destination de Fluidirest au titre de ‘la refacturation charges Fluidirest : véhicule de société [W] Buffeto’, sans autre précision (modèle du véhicule, immatriculation…).

Or, rien ne permet de constater que la facture de la carrosserie de [Localité 8] DHC Auto, en date du 28 août 2017, concernant des frais de remise en état d’un véhicule immatriculé [Immatriculation 7], à hauteur de 4 260,66 euros correspond au véhicule remis à M. [W] [F], étant en outre relevé que les photos produites du véhicule en noir et blanc sont peu explicites.

C’est à juste titre que les premiers juges ont débouté la Sas Interface Restauration de sa demande reconventionnelle formée à ce titre.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [W] [F] et de condamner la Sas I’m Ok Restaurant venant aux droits de la Sarl Fluidirest à lui verser la somme de 2 000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

REJETTE l’exception d’irrecevabilité de la demande de M. [W] [F] tendant à voir reconnaître une situation de co-emploi soulevée par la Sas Interface Restauration ;

INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté M. [W] [F] de sa demande relative au co-emploi et la Sas Interface Restauration de sa demande reconventionnelle en paiement d’une somme de 4 260,66 euros ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

DIT nul le licenciement notifié le 13 avril 2017 par la Sas I’m Ok Restaurant venant aux droits de la Sarl Fluidirest à M. [W] [F] ;

CONDAMNE la Sas I’m Ok Restaurant venant aux droits de la Sarl Fluidirest à payer à M. [W] [F] les sommes de :

– 5 809,57 euros bruts à titre de rappels de salaire

– 580,95 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant des faits de harcèlement

– 12 963,51 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 1 296,35 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 25 930 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul

– 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la Sas I’m Ok Restaurant venant aux droits de la Sarl Fluidirest aux entiers dépens.

La greffière, La Présidente.

 


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