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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 07 JUILLET 2023
N° 2023/
Rôle N° RG 23/04015 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BK7FM
S.A.S. MIDITRACAGE
C/
[N] [F]
Copie exécutoire délivrée
le :
07 JUILLET 2023
à :
Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Me Jacques MIMOUNI, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance n° M018/2023 rendue par la Cour d’Appel D’AIX-EN-PROVENCE – section 4-2 – en date du 24 Février 2023, enregistrée au répertoire général sour le numéro 19/14703
APPELANTE
S.A.S. MIDITRACAGE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 352
INTIME
Monsieur [N] [F], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jacques MIMOUNI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 22 Mai 2023 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023.
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [N] [F] a été engagé par la SAS MIDITRACAGE par contrat à durée indéterminée, à compter du 1er septembre 2014, en qualité d’applicateur.
Le 6 janvier 2015, Monsieur [F] a été victime d’un accident de travail. Le 20 septembre 2016, il a été déclaré inapte à son poste de travail.
Par lettre du 21 octobre 2016, Monsieur [F] a été licencié pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement.
Par requête du 15 mai 2017, Monsieur [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues pour contester son licenciement.
Par jugement du 30 août 2019, le conseil de prud’hommes, en sa formation de départage, a :
– dit le licenciement de Monsieur [F] dénué de cause réelle et sérieuse.
– condamné la SAS MIDITRACAGE à lui payer les sommes suivantes :
* 4.842,04 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis.
* 484,20 € au titre des congés sur préavis.
* 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– dit que les sommes susvisées produiront intérêts de droit à compter de la date du présent jugement.
– ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
– ordonné à la SAS MIDITRACAGE de lui remettre une attestation pôle emploi rectifiée conformément à la présente décision.
– dit n’y avoir lieu à mesure d’astreinte.
– débouté Monsieur [F] de ses autres demandes.
– condamné la SAS MIDITRACAGE à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné la SAS MIDITRACAGE aux entiers dépens.
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire sauf exécution provisoire de droit dans les limites de l’article R.1454-28 du code du travail.
Par déclaration du 19 septembre 2019, notifiée par voie électronique, la SAS MIDITRACAGE a interjeté appel du jugement.
La SAS MIDITRACAGE a fait signifier ses conclusions d’appelante par voie électronique, le 18 décembre 2019.
Monsieur [F] a fait signifier ses conclusions d’intimé par voie électronique, le 3 février 2020.
La SAS MIDITRACAGE a fait signifier ses conclusions d’appelante par voie électronique, le 23 avril 2020 et le 30 avril 2020.
Monsieur [F] a saisi le conseiller de la mise en état, par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 9 novembre 2022, d’une demande tendant à voir constater la péremption de l’instance au motif qu’aucune diligence n’avait été accomplie pendant deux ans.
L’affaire a été fixée à l’audience d’incident du 4 janvier 2023.
Suivant ordonnance du 24 février 2023, le conseiller de la mise en état de la chambre 4-2, a :
– constaté la péremption de l’instance.
– déclaré l’instance éteinte.
– dit que le jugement du conseil de prud’hommes de Martigues du 30 août 2019, rendu entre Monsieur [F] et la SAS MIDITRACAGE, est définitif.
– condamné la SAS MIDITRACAGE à payer à Monsieur [F] la somme de 1.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné la société MIDITRACAGE aux dépens d’appel.
Sur déféré formé le 16 mars 2023 par la SAS MIDITRACAGE à l’encontre de l’ordonnance d’incident, l’affaire a été fixée à l’audience collégiale de la chambre 4-1 du 22 mai 2023 à 14 heures.
La SAS MIDITRACAGE demande à la cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives sur déféré notifiées par voie électronique le 9 mars 2023, de :
– dire recevable et bien fondé le présent déféré.
– réformer l’ordonnance rendue le 24 février 2023 par le conseiller de la mise en état de la chambre 4-2 de la cour de céans en ce qu’elle a :
o constaté la péremption de l’instance.
o déclaré l’instance éteinte.
o condamné la SAS MIDITRACAGE à payer à Monsieur [F] la somme de 1.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
o condamné la SAS MIDITRACAGE aux dépens d’appel.
Statuant à nouveau,
– dire et juger que la péremption de la présente instance n’est pas acquise.
– débouter Monsieur [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
– fixer et renvoyer l’affaire devant la cour aux fins de statuer sur le fond du litige.
La SAS MIDITRACAGE fait valoir qu’en application de l’article 2 du code de procédure civile, les parties conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent et s’il leur appartient d’effectuer toutes les diligences utiles en accomplissant les actes de la procédure dans les formes et les délais requis, l’article 386 du code de procédure civile ne leur impose aucunement d’accomplir des démarches dans le seul but de faire obstacle à la péremption et il ne peut leur être valablement reproché de ne pas avoir effectué d’autres diligences interruptives de péremption que la loi n’a pas expressément mises à leur charge.
Par ailleurs, la combinaison des articles 3 et 912 du code de procédure civile permet de démontrer que, dès l’instant où les parties ont notifié leurs écritures dans les délais impartis, seul le magistrat de la mise en état est en mesure de faire avancer l’affaire étant l’unique détenteur du pourvoir de fixation de l’affaire et les parties sont, de ce fait, dessaisies de toute maîtrise de la procédure.
Enfin, elle invoque l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme et le droit d’obtenir une justice dans un délai raisonnable en ce que les parties ne peuvent être sanctionnées, lorsque le délai de péremption est acquis, non pas en raison de leur manque de diligence, mais du fait de l’incapacité structurelle dans laquelle se trouve l’autorité judiciaire à assurer le jugement de certaines affaires dans un délai raisonnable.
Ainsi, en l’espèce, les parties ont respecté toutes les obligations mises à leur charge par les articles 908 et suivants du code de procédure civile en accomplissant les actes dans les délais requis. Il revenait au magistrat chargé de la mise en état d’examiner l’affaire aux fins de fixer une date pour les plaidoiries, les parties étant dessaisies de toute maîtrise de la procédure, ne pouvant qu’attendre la future date retenue. Le dépôt de nouvelles conclusions dans le seul but de faire obstacle à la péremption n’aurait manifestement pas été de nature à faire progresser l’affaire, pas plus qu’une demande de fixation n’aurait permis d’obtenir plus rapidement une date d’audience de plaidoiries, l’affaire étant en l’état d’être jugée depuis le 30 avril 2020, date des dernières conclusions notifiées par l’appelante. Il serait excessif de soumettre l’appelante à un formalisme immodéré dans le seul but de faire obstacle à la péremption, notamment en lui imposant d’accomplir des diligences vaines que la loi elle-même ne met pas expressément à sa charge et ce qui porterait incontestablement préjudice à l’appelante qui se verrait alors privée de son droit d’exercer un recours à l’encontre d’un jugement lui étant défavorable.
Monsieur [F] demande à la cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives sur déféré notifiées par voie électronique le 20 avril 2023, de :
– constater qu’aucune diligence interruptive de péremption d’instance n’a été accomplie entre le 30 avril 2020 et ce jour.
– constater que la péremption d’instance est acquise depuis le 2 mai 2022.
– en conséquence, déclarer périmée l’instance introduite par appel interjeté le 19 septembre 2019 par la SAS MIDITRACAGE.
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 24 février 2023 déférée.
– rappeler que la péremption d’instance confère au jugement dont appel la force de chose jugée et emporte l’extinction de l’instance d’appel et dessaisissement de la cour.
– débouter la SAS MIDITRACAGE de tous ses chefs de demandes, fins et conclusions et la condamner à payer à Monsieur [F] la somme complémentaire de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Monsieur [F] fait valoir qu’au vu des obligations des parties, il appartenait à la SAS MIDITRACAGE, non pas d’adresser des conclusions identiques ne permettant pas de faire progresser le débat, mais d’adresser une demande à la juridiction en vue de la fixation de l’affaire. La péremption d’instance poursuit un but légitime de bonne administration de la justice et de sécurité juridique afin que l’instance s’achève dans un délai raisonnable et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable. Enfin, l’absence d’initiative de la part du conseiller de la mise en état, pas davantage que l’encombrement du rôle de la juridiction, ne dispensent les parties au procès d’appel d’accomplir les diligences requises par l’article 386 du code de procédure et notamment de demander la fixation de l’affaire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L’article 386 du code de procédure civile dispose que « l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligence pendant deux ans ».
Il n’est pas discuté, en l’espèce, que ni Monsieur [F] ni la SAS MIDITRACAGE n’ont accompli de diligence dans les deux ans qui ont suivi les conclusions de la partie appelante du 30 avril 2020.
Lorsque, comme en l’espèce, le conseiller de la mise en état, au terme des échanges de conclusions visés ci-dessus, n’a, en application de l’article 912 du code de procédure civil, ni fixé les dates de clôture de l’instruction et des plaidoiries, ni établi un calendrier des échanges, les parties qui, en application de l’article 2 du même code, conduisent l’instance, doivent accomplir des diligences pour faire avancer l’affaire ou obtenir une fixation de la date des débats.
Cette exigence n’est pas remise en cause par l’encombrement éventuel du rôle qui n’a pas en soi pour effet de paralyser toute diligence des parties pour obtenir l’avancement de la procédure.
Le constat de la péremption de l’instance, qui tire les conséquences de l’absence de diligences des parties pendant deux années en vue de voir aboutir le jugement de l’affaire et qui poursuit un but légitime de bonne administration de la justice et de sécurité juridique afin que cette instance s’achève dans un délai raisonnable, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable.
En conséquence, il convient de confirmer l’ordonnance déférée qui a prononcé la péremption de l’instance d’appel, laquelle était acquise le 2 mai 2022, et constater, par application de l’article 390 du code de procédure civile, que la péremption confére au jugement entrepris force de la chose jugée.
Enfin, l’équité n’impose pas qu’il soit fait application, au cas d’espèce, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Confirme l’ordonnance d’incident du 24 février 2023 sauf en sa disposition relative à l’application
de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS MIDITRACAGE aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction