Péremption d’instance : 2 août 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/04685

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Péremption d’instance : 2 août 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/04685

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 02 Août 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/04685 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PRNG

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 FEVRIER 2012 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT

N° RG21100257

APPELANTE :

[11]

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 2]

INTIME :

Monsieur [P] [F] [R]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Fiona DORNACHER de l’AARPI DBM AVOCATS, avocat au barreau de BEZIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 01 JUIN 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

– Contradictoire;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller pour le Président empêché , et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [P] [R] a travaillé au sein de la société [15] du 23 juin 1970 au 7 août 1970, puis du 27 mai 1974 au 30 avril 1975, en qualité de manutentionnaire. Il a ensuite travaillé au sein de la [17] ([8]), du 12 mai 1975 au 30 avril 2000, en qualité d’ouvrier « jour » ou d’ouvrier « fond ».

M [P] [R] a établi le 10 mai 2008 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle accompagnée d’un certificat médical établi le 10 avril 2008 par le Dr [B] [S] attestant « qu’il présentait des problèmes cutanés liés au contact des huiles et de graisse dans le cadre professionnel régime général tableau 36 ». Dans sa déclaration, M. [P] [R] indiquait comme date de 1er constatation médicale le 11 décembre 2007, sans fournir de plus amples précisions sur cette date. La [7], [11], a réceptionné cette déclaration le 14 mai 2008.

Le 2 juillet 2008, la [11] notifiait à l’assuré une décision de rejet de sa demande, au motif qu’il ne remplissait pas les conditions administratives prévues au tableau 36, en indiquant :

« ‘ l’enquête menée auprès de vos anciens employeurs, houillères du bassin des Cévennes et [Localité 13] et société méridionale des hydrocarbures du Bousquet d’Orb, fait apparaître que vous n’avez pas été exposé aux risques du tableau numéro 36 au cours de votre activité professionnelle. »

Par lettre du 30 juillet 2008, M. [P] [R] a formé un recours devant la commission de recours amiable laquelle, dans sa séance du 24 septembre 2008, n’a pu se prononcer sur ce dossier, les avis étant partagés de sorte que cette contestation a été soumise à l’avis du conseil d’administration. Dans sa séance du 28 octobre 2008, le conseil d’administration a décidé de reconnaître la réalité de l’exposition de l’assuré aux risques du tableau numéro 36 « affection provoquée par les huiles et graisses d’origine minérale ou de synthèse » durant son activité aux houillères. Le 22 janvier 2009, la [11] a informé M. [P] [R] de cette décision en lui indiquant que l’instruction de sa demande de maladie professionnelle était reprise.

Toutefois, le délai de prise en charge de 15 jours prévu par le tableau n° 36 des maladies professionnelles étant dépassé, puisque l’assuré avait cessé son activité professionnelle aux [12] le 30 avril 2000, et que la date de la première constatation médicale devait, selon la [11], être fixée au 10 avril 2008, la caisse a décidé d’adresser le dossier le 4 novembre 2009 au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, [11], de [Localité 16].

Dans sa séance du 15 mars 2010, le [11] a conclu que :

« compte tenu de l’ensemble des informations médico-techniques portées à sa connaissance, le [9] considère qu’il n’existe pas de lien certain et direct de causalité entre le travail habituel de M. [R] et la pathologie dont il se plaint, à savoir « lésions eczématiformes chronicisées » pour laquelle il demande reconnaissance et réparation. Il ne peut donc bénéficier d’une prise en charge au titre du tableau numéro 36 des maladies professionnelles. »

Le 7 avril 2010, la [11] a notifié à M. [P] [R] une décision de rejet de sa demande.

M. [P] [R] a saisi la commission de recours amiable, puis, celle-ci ayant rejeté sa demande, la juridiction de sécurité sociale, en faisant notamment valoir que la caisse avait dépassé les délais d’instruction qui lui étaient impartis par les articles R. 441-10 et R. 44 l-14 du code de la sécurité sociale.

Par jugement du 27 février 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Hérault a « infirmé » la décision de la commission de recours amiable de la [11] et dit que la pathologie présentée par M. [P] [R] et déclarée le 10 mai 2008 devait être prise en charge au titre de la législation professionnelle, et l’a renvoyé devant la [11] en vue de la liquidation de ses droits. Le tribunal des affaires de sécurité sociale a également condamné la [11] à lui payer la somme de 500 € au titre de 1’article 700 du code de procédure civile.

Suivant lettre recommandée en date du 26 mars 2012, reçue au greffe de la cour d’appel le 29 mars 2012, la [11] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 11 décembre 2013, la cour a :

infirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

désigné pour un second avis sur la reconnaissance de la maladie professionnelle déclarée par M. [P] [R] le 10 mai 2008 au titre du tableau n° 36 des maladies professionnelles le CRRMP de [Localité 14] ;

dit que sur la base de l’arrêt, il appartient à la [11] de saisir ledit comité ;

renvoyé la cause à l’audience du 5 juin 2014 à 9h00, l’arrêt tenant lieu de convocation des parties.

Le 7 avril 2014, le [11] a rendu l’avis suivant :

« Une demande de maladie professionnelle a été établie le 10 avril 2008 par le Dr [S] pour « problèmes cutanés liés au contact des huiles et de graisse dans le cadre professionnel ‘ RG tableau 36 ». La caisse notifie une décision de rejet pour non exposition au risque. Un recours en [10] conduit, après vote du conseil d’administration, à une reconnaissance de la réalité de l’exposition. Le dossier est présenté au [11] pour délai de prise en charge dépassé de presque 8 ans. Le comité, en séance du 15 murs 2010, ne retient pas un lien direct entre la pathologie déclarée et la profession exercée. La décision contestée devant le [18] par l’assuré infirme la décision de la [10] et ramène l’affaire devant la caisse. La caisse fait appel de cette décision [‘] par jugement du 5 février 2014, la cour d’appel de Montpellier désigne, pour un deuxième avis, le [11].

La profession exercée est celle d’employé aux houillères du Bassin des Cévennes du 12 mai 1975 au 30 avril 2000. L’intéressé travaille comme ouvrier de jour en qualité d’électromécanicien. Le travail comporte le démarrage des engins de chantier et leur entretien avec les appoints en huile des moteurs hydrauliques, le graissage, les vidanges, le changement de filtres. Le risque signifié dans le tableau de maladies professionnelles 36 correspond à une exposition professionnelle à des huiles et graisses d’origine minérale ou de synthèse. M. [J] a cessé son activité professionnelle le 30 avril 2000. La date de la 1er constatation médicale d’un eczéma a été fixée au 10 avril 2008, date du certificat du Dr [S]. Dans sa déclaration de maladie professionnelle, M. [J] indique le 11 décembre 2007 comme date de 1er constatation médicale mais sans apporter la preuve matérielle de cette déclaration. Dans tous les cas le délai de prise en charge de 15 jours est largement dépassé de plus de 7 ans lorsque les lésions se manifestent. Par correspondance du 10 février 2014, il est demandé à l’assuré de faire parvenir des tests épi cutanés ainsi que les traitements réalisés. En réponse du 17 février 2014, M. [J] indique ne pas avoir de résultat en sa possession de tests épi cutanés. Il précise suivre des traitements depuis 1996 à base de locoîd, cold cream, veinamitol, Leycoster’ et avoir bénéficié de cures thermales de 2008 à 2013. Un certificat du Dr [K] [G] (spécialiste en dermatologie et vénérologie) du 29 juillet 1997, mentionne : « Une éruption prurigineuse des deux jambes survenant depuis plusieurs années chaque été. L’examen retrouve des lésions érythémateuses eczématiformes, des lésions de grattage liquénifiées violacées avec de petits points d’impact ressemblant à des piqûres. Il s’agit probablement d’une parasitose externe et je pense aux aoûtats en particulier ». Les lésions dermatologiques se chronicisent. Elles sont évocatrices en 2010 d’une dermite ocre au niveau de la jambe gauche sur terrain variqueux ou encore d’une dermite séborrhéique au niveau du cuir chevelu et du front. Dans un 1er temps en 1997 :

‘ Il est décrit des lésions survenant l’été

‘ Les diagnostics faits par des spécialistes n’évoquent pas un mécanisme allergique

‘ Il n’est pas produit au dossier de test épi cutané montrant une réactivité aux huiles et graisses des engins de chantier.

La preuve d’une pathologie professionnelle récidivant au travail ou confirmée par test épi cutané n’est pas apportée. De ce fait, la pathologie ne correspond pas à celle désignée dans le tableau de maladies professionnelles 36. L’absence d’amélioration, alors que le patient est soustrait à toute activité professionnelle depuis 2000, ne va pas dans le sens d’une origine professionnelle des lésions cutanées. Pour toutes ces raisons, le comité ne retient pas un lien direct entre les lésions cutanées décrites et la profession exercée. »

Par arrêt du 10 septembre 2014, la cour a :

ordonné la réouverture des débats et renvoyé l’affaire à l’audience du 15 janvier 2015 à 9 heures, la notification de l’arrêt valant convocation des parties, afin que M. [P] [R] produise aux débats et communique contradictoirement aux autres parties les pièces obtenues à la suite des démarches effectuées par lui auprès de la commission d’accès aux documents administratifs, et du médecin inspecteur du travail de Lorraine et que les parties s’expliquent et concluent contradictoirement sur ces pièces nouvelles ;

dit qu’à défaut d’accomplissement de ces diligences, l’affaire pourra être radiée ou plaidée sans nouvel avis.

Suivant arrêt du 28 janvier 2015, la cause a été radiée.

Par lettre recommandée du 30 août 2022, le conseil de M. [P] [R] a sollicité la réinscription de l’affaire au rôle de la cour aux fins de constatation de la péremption d’instance.

Par arrêt avant dire droit du 29 mars 2023, la cour a :

ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de s’expliquer sur la portée de la péremption sollicitée au vu de l’infirmation totale prononcée par arrêt du 11 décembre 2013 ;

renvoyé la cause à l’audience du 1er juin 2023 pour y être plaidée ;

dit que M. [P] [R], s’il maintient sa demande relative à la péremption d’instance, conclura subsidiairement au fond, au plus tard, un mois avant l’audience ;

sursis à statuer pour le surplus ;

réservé les dépens.

La [6], ex [11], représentée sur l’audience a redéposé le mémoire après dépôt du rapport du [11] qu’elle avait déjà notifié à son adversaire le 26 mai 2014 et aux termes duquel elle demande à la cour de :

homologuer le rapport du [11] ;

dire qu’il n’existe aucun lien de causalité entre l’activité professionnelle exercée par l’assuré et la pathologie déclarée ;

infirmer le jugement entrepris ;

lui allouer le bénéfice de ses conclusions antérieures.

Vu les écritures déposées à l’audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles M. [P] [R] demande à la cour de :

débouter la [6], ex [11], de l’intégralité de ses demandes ;

constater la péremption de l’instance en ce qu’aucune des parties n’a accompli de diligence pendant plus de deux ans dans l’affaire portant l’ancien n° RG 12/02428 ;

condamner la [6], ex [11], à lui verser la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles ;

condamner la [6], ex [11] aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la péremption d’instance

La cour a relevé que par arrêt du 11 décembre 2013 elle avait déjà infirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris qui avait fait droit à la demande de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle.

L’intimé soutient pourtant que le constat de la péremption d’instance d’appel conférerait force de la chose jugée à la décision entreprise, et il persiste dès lors à demander à la cour de constater la péremption d’instance.

L’appelante ne répond pas à l’exception de procédure tirée de la péremption d’instance.

L’article R. 142-22 dans sa rédaction en vigueur du 2 janvier 2012 au 1er janvier 2019 disposait que :

« Le tribunal des affaires de sécurité sociale peut ordonner un complément d’instruction et notamment prescrire une enquête ou une consultation.

Il peut également ordonner une expertise dans les conditions suivantes :

1° Les contestations d’ordre médical relatives à l’état du malade ou de la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, y compris celles formées en application de l’article L. 141-2, sont soumises à un expert inscrit sur l’une des listes visées à l’article R. 141-1 ;

2° Les contestations portant sur l’application par les professionnels de santé des nomenclatures d’actes professionnels et d’examens de biologie médicale sont soumises, en application de l’article L. 141-2-1, à un expert inscrit sur la liste nationale mentionnée à l’article R. 142-24-3.

Le tribunal peut donner mission à son président de procéder à ces mesures d’instruction.

Le président peut, en outre, et en tout état de la procédure, mettre les parties en demeure, par une ordonnance non susceptible de recours, de produire dans un délai qu’il détermine toutes pièces écrites, conclusions ou justifications propres à éclairer le tribunal, faute de quoi le tribunal peut passer outre et statuer, sauf à tirer toute conséquence de l’abstention de la partie ou de son refus.

L’instance est périmée lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. »

L’article R. 142-30 dans sa rédaction en vigueur du 11 septembre 1996 au 1er janvier 2019 précisait que :

« Les dispositions des articles R. 142-22 à R. 142-24-1 et de l’article R. 142-24-3 relatives à la procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale sont applicables à la procédure devant la cour d’appel. »

Par arrêt du 10 septembre 2014, la cour a renvoyé la cause à l’audience du 15 janvier 2015 imposant à M. [P] [R] de réaliser certaines diligences avant l’audience de renvoi. L’intéressé n’ayant pas accompli ces diligences mises à sa charge, l’affaire a été radiée suivant arrêt du 28 janvier 2015. Elle n’a été rétablie que 7 ans plus tard, suite à demande formée par M. [P] [R] le 30 août 2022 aux fins de constatation de la péremption d’instance.

Au vu de ces éléments, et par application des textes précités, l’appelante ne contestant pas la faculté de l’intimée à se prévaloir de sa propre carence, il y a lieu de retenir que la péremption d’instance s’est trouvée acquise dès le 29 janvier 2017.

2/ Sur les autres demandes

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de l’intimé les frais irrépétibles qu’il a exposés. Dès lors, il sera débouté de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimé, qui a laissé l’instance d’appel se périmer, en supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Constate la péremption d’instance.

Déboute M. [P] [R] de sa demande relative aux frais irrépétibles.

Condamne M. [P] [R] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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