Péremption d’instance : 2 août 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/05512

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Péremption d’instance : 2 août 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/05512

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 02 Août 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/05512 – N° Portalis DBVK-V-B7C-N37S

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 OCTOBRE 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT

N° RG21701353

APPELANTE :

Madame [D] [H]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentant : Me Véronique BERNIGAUD, avocat au barreau de BEZIERS, (bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/014928 du 16/10/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEES :

[2] FRANCE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentant : Me Etienne DE VILLEPIN de la SELAS VILLEPIN & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

CPAM DE [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Mme [R] [C] (Représentante de la CPAM) en vertu d’un pouvoir du 16/05/23

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 01 JUIN 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

– Contradictoire;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller pour le Président empêché , et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS [2] a embauché Mme [D] [H] en qualité d’apprentie conseillère de vente suivant contrat d’apprentissage du 1er septembre 2014 au 31 août 2016.

L’apprentie a été placée en arrêt de travail le 4 février 2016. À l’issue d’une visite médicale de reprise du 19 avril 2016, elle a été déclarée :

« apte à la reprise sans manutention de charges pendant 2 mois et en alternant au mieux travail assis / debout. »

L’apprentie a été victime d’un accident de travail le 3 juin 2016, une lombalgie d’effort alors qu’elle préparait une commande de carrelage. Elle explique avoir ressenti une forte douleur au dos. La salariée a été placée en arrêt de travail le lendemain 4 juin 2016 et elle ne devait plus reprendre le travail dans l’entreprise jusqu’au terme de son contrat d’apprentissage.

Sollicité en application des dispositions de l’article L. 141-1 du code de la sécurité sociale, le Dr [F] [A] a retenu le 12 décembre 2016 que Mme [D] [H], âgée de 25 ans, avait été victime d’un accident du travail le 3 juin 2016, que le certificat médical initial du 4 juin 2016 notait « lombalgie gauche », qu’il s’agissait d’une lombalgie simple à bilan radiologique normal avec une kinésithérapie ayant amené une amélioration significative. Le Dr [F] [A] notait encore au jour de son expertise une absence d’anomalie de l’examen clinique, et retenait que l’accident du travail du 3 juin 2016 avait été consolidé au 14 août 2016 et qu’après consolidation il n’existait pas d’autre pathologie justifiant l’arrêt de travail en maladie.

Se plaignant de la faute inexcusable de l’employeur, Mme [D] [H] a saisi le 6 septembre 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Hérault, lequel, par jugement rendu le 1er octobre 2018, a :

débouté l’apprentie de ses demandes tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de l’employeur en lien avec son accident de travail en date du 3 juin 2016 ;

condamné l’apprentie à payer à l’employeur la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles.

Cette décision a été notifiée le 2 octobre 2018 à Mme [D] [H] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 30 octobre 2018.

Vu les écritures déposées à l’audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles Mme [D] [H] demande à la cour de :

dire que l’instance n’est pas périmée tenant les diligences qu’elle a accomplies ;

rejeter la demande tendant au prononcé de la péremption d’instance comme disproportionnée et contraire à l’article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

dire que l’accident du travail du 3 juin 2016 est imputable à la faute inexcusable de l’employeur ;

à titre principal,

condamner l’employeur à lui payer en réparation de son préjudice corporel les sommes suivantes :

‘   600 € au titre des frais divers et besoins d’assistance par une tierce personne à raison de 3 heures par semaine pendant 10 semaines soit 30 heures au total ;

‘1 000 € au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel ;

‘1 000 € au titre des souffrances endurées avant consolidation ;

à titre subsidiaire,

désigner tel médecin expert qu’il plaira à la cour aux fins de déterminer les préjudices dont elle a souffert ensuite de l’accident de travail dont elle a été victime le 3 juin 2016 ;

en tout état de cause,

condamner l’employeur à lui payer la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles ;

condamner l’employeur aux entiers dépens.

Vu les écritures déposées à l’audience et reprises par son conseil selon lesquelles la SAS [2] demande à la cour de :

à titre principal,

dire l’instance périmée en application des dispositions de l’article 386 du code de procédure civile ;

à titre subsidiaire,

confirmer le jugement entrepris ;

débouter la salariée de l’intégralité de ses demandes ;

condamner la salariée à la somme de 1 200 € au titre des frais irrépétibles.

Vu les écritures déposées à l’audience et reprises par son représentant selon lesquelles la CPAM de [Localité 3] demande à la cour de :

statuer ce qu’il appartiendra sur la régularité, la recevabilité et les mérites au fond de l’appel ;

lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande de faute inexcusable de l’employeur ;

en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, condamner l’employeur à la rembourser de toutes les sommes dont elle aura à faire l’avance au titre des préjudices subis.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la péremption d’instance

L’employeur soutient que la péremption d’instance prévue par l’article 386 du code de procédure civile se trouve acquise dès lors que la salariée appelante n’a accompli aucune diligence depuis le dépôt de ses conclusions à la cour le 28 septembre 2020, soit durant plus de deux ans.

La salariée répond qu’elle a écrit à la cour le 5 janvier 2021 pour l’informer de son changement d’adresse et encore le 21 décembre 2022 pour solliciter la fixation de l’affaire. Elle sollicite de plus que l’application des dispositions de l’article 386 soit écartée en l’espèce au regard du droit à l’accès au juge.

La cour retient que concernant le contentieux de la sécurité sociale et de l’admission à l’aide sociale, le code de la sécurité sociale a comporté un article R. 142-22 qui en son dernier alinéa, depuis un décret du 18 mars 1986, limitait la péremption d’instance à l’hypothèse où les parties s’abstenaient d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui avaient été expressément mises à leur charge par la juridiction. Cette disposition avait été rendue applicable à la procédure d’appel par l’ancien article R. 142-30 du même code.

Le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 a abrogé au 1er janvier 2019 l’article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, l’article 17 III du même décret précisant que ses dispositions relatives à la procédure étaient applicables aux instances en cours.

Concernant uniquement la première instance, le pouvoir réglementaire est rapidement revenu sur cette réforme par un décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, applicable au 1er janvier 2020, qui introduit dans le code de la sécurité sociale un article R. 142-10-10, lequel limite à nouveau la péremption à l’abstention, durant deux ans, par les parties, d’accomplir les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. Conformément à son article 9-III, cette nouvelle réforme a été rendue applicable à compter du 1er janvier 2020, y compris aux péremptions non constatées à cette date.

Le décret du 29 octobre 2018 doit être interprété en ce qu’il commande d’exclure la suspension du délai de péremption au motif que la conduite de la procédure devant la cour échapperait aux parties lesquelles seraient déjà, avant toute décision de fixation, impuissantes à accélérer le déroulement de l’instance. Une telle portée de la péremption d’instance en matière sociale impose de vérifier la légitimité et la proportionnalité des restrictions qu’elle impose aux principes de la sécurité juridique et du droit d’accès au juge.

En application de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le droit à l’accès au juge implique que les parties soient mises en mesure effective d’accomplir les charges procédurales leur incombant. L’effectivité de ce droit impose, en particulier, d’avoir égard à l’obligation faite ou non aux parties de constituer un avocat pour les représenter. L’ensemble des dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d’appel instaure un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d’accomplir les actes de la procédure d’appel.

L’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme doit être lue à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme laquelle rappelle en un arrêt du 30 mars 2021, OORZHAK c. RUSSIE, n° 001-208885, que le « droit à un tribunal », dont le droit d’accès constitue un aspect particulier, n’est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d’un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’État, lequel jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation ; que toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l’accès ouvert à un justiciable d’une manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s’en trouve atteint dans sa substance même ; qu’enfin, elles ne se concilient avec l’article 6 § 1 que si elles tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

Ces principes ont conduit la Cour européenne des droits de l’homme à reprocher au gouvernement en cause de ne pas indiquer quel serait le but légitime poursuivi par la norme et de ne pas préciser par exemple s’il s’agit d’assurer une bonne administration de la justice, de désengorger la juridiction de cassation en simplifiant l’attribution des pourvois, ou encore de raccourcir la durée d’examen des dossiers. Retenant que les explications du gouvernement défendeur ne permettent pas de déceler un but légitime visé par la mesure contestée et que cette dernière avait porté atteinte au droit du requérant à accéder à un tribunal, compte tenu de l’absence de but légitime déclaré, la Cour européenne des droits de l’homme a dit qu’il n’y avait pas lieu d’examiner la proportionnalité de la mesure.

L’ancienne limitation de la péremption d’instance à l’hypothèse où les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction participait d’un formalisme allégé retenu en considération des spécificités du contentieux alors dévolu au tribunal des affaires de sécurité sociale.

Il convient donc de rechercher si, en excluant la limitation de la péremption d’instance applicable au contentieux de la sécurité sociale au seul stade de l’appel, le pouvoir réglementaire n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit à l’accès au juge au regard de la légitimité des buts qu’il poursuit.

Il sera tout d’abord relevé que le contentieux prud’homal a connu un semblable retour au droit commun de l’article 386 du code de procédure civile. Mais cette évolution n’éclaire pas le présent débat dès lors qu’elle s’est accompagnée à hauteur d’appel d’un passage en procédure écrite et d’une assistance obligatoire par avocat ou par défenseur syndical, toutes réformes guidées explicitement par le constat de la complexité de plus en plus grande du droit du travail et de la nécessité corrélative d’offrir au contentieux prud’homal un traitement de droit commun adapté, toutes considérations qui ont permis de retenir que le retour au droit commun de la péremption d’instance poursuivait en cette matière un but légitime de bonne administration de la justice et de sécurité juridique et ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable.

Concernant cette fois spécifiquement le contentieux de la sécurité sociale, le pouvoir réglementaire peut légitimement chercher à accélérer le traitement des procédures d’appel. Il y va en effet d’une obtention plus rapide par les parties d’une décision définitive et de la réduction du stock des affaires que doivent gérer les cours d’appel, laquelle gestion spécifique du retard ampute d’autant les moyens disponibles pour instruire et juger ces mêmes affaires.

Mais l’accélération du traitement des procédures peut être obtenu par deux types de moyens, directs ou indirects. Les premiers accélèrent les procédures qu’ils concernent directement, il en va ainsi des délais de procédure qui enserrent l’accomplissement d’un acte dans une durée précise ou de la standardisation des actes qui permet de les traiter plus aisément et donc plus rapidement. Les seconds visent au contraire à soulager les juridictions de certaines affaires dans l’espoir qu’elles puissent traiter dès lors plus rapidement les affaires restantes. Il en va ainsi de toutes les formalités qui ne facilitent pas le traitement des affaires auxquelles elles s’appliquent. Même si les moyens directs sont susceptibles d’effets indirects, ils ne sauraient se confondre au regard de leur légitimité.

L’alourdissement du formalisme procédural, dans le seul but de priver d’accès au juge les parties qui ne parviendraient pas à le maîtriser, en espérant que celles qui s’en seront accommodé avec succès puissent voir leur affaire traitée plus rapidement, ne saurait constituer en soi un but parfaitement légitime. Dans ce cas, le contrôle de rapport raisonnable de proportionnalité à l’atteinte au droit à l’accès au juge doit être particulièrement strict.

En l’espèce, compte tenu de l’engorgement de certaines cours d’appel, le retour au droit commun de la péremption d’instance, sous l’apparence de la réforme d’un délai de procédure, constitue effectivement l’imposition aux parties d’une formalité de vigilance les forçant à interrompre un délai, même dans l’hypothèse où elles n’ont aucune prétention à un traitement particulier de leur contentieux, uniquement pour éviter de perdre leur droit d’accès au juge. Ce retour au droit commun ne se justifie pas par la cohérence d’une réforme globale de la procédure, celle-ci restant orale et sans représentation obligatoire, et il n’a même plus vocation à s’appliquer à la procédure de première instance depuis le 1er janvier 2020. Dès lors, il n’apparaît pas chercher à accélérer directement le traitement des procédures, mais uniquement à décharger les juridictions des affaires dans lesquelles il n’aura pas été respecté. Sa faible légitimité, seulement indirecte, n’est pas raisonnablement proportionnée à l’atteinte qu’il porte au droit à l’accès au juge concernant un contentieux mettant en ‘uvre une législation d’ordre public qui assure la sanction de fautes inexcusables ainsi que la réparation de préjudices importants.

En conséquence, il convient de retenir que la péremption d’instance, qui résulte de l’application des dispositions de l’article 386 du code de procédure civile au contentieux de la sécurité sociale seulement à hauteur d’appel, doit être écartée en l’espèce afin d’assurer l’effectivité du droit d’accès au juge, étant relevé que l’appelante s’est montré diligente en concluant au fond dès le 28 septembre 2020 et qu’aucune diligence n’avait été mise à la charge des parties avant l’ordonnance d’injonction du 13 mars 2023, laquelle ne concernait pas l’appelante.

2/ Sur la faute inexcusable

L’employeur, qui ne conteste pas la réalité de l’accident du travail, soutient qu’il n’a pas commis de faute inexcusable.

Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur en vertu des articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du code du travail, a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. La conscience du danger doit être appréciée objectivement, par rapport à la connaissance des devoirs et obligations que doit avoir un employeur dans son secteur d’activité.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié. Il suffit qu’elle en soit une des causes nécessaires pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres causes, fautives ou pas, auraient concouru au dommage.

Mais la survenance de l’accident ne peut toutefois caractériser à elle seule l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur et il appartient à la victime de démontrer, outre la faute l’employeur dont elle se prévaut, le lien de causalité avec la réalisation de son préjudice, c’est-à-dire qu’il lui appartient d’établir qu’il se déduit bien des circonstances de l’accident que la faute inexcusable de l’employeur a effectivement concouru à sa réalisation. À ce titre, les circonstances de l’accident doivent être connues avec suffisamment de précision pour que le rapport de causalité soit utilement discuté au vu de l’équivalence des conditions de sa réalisation.

La salariée reproche à l’employeur de ne pas avoir mis en ‘uvre les restrictions posées par le médecin du travail en ne l’affectant pas à un rayon ne comportant pas de port de charges lourdes, comme le rayon décoration textile ou le rayon luminaire et de ne pas avoir donné d’instructions précises à ses collègues pour effectuer à sa place la préparation des commandes de carrelage alors qu’elle n’était qu’apprentie et ne disposait pas de l’autorité nécessaire pour contraindre ces derniers à lui apporter leur aide.

En réponse, l’employeur produit les attestations des témoins suivants :

‘ M. [V], membre du CHSCT :

« Dans le cas de Mlle [H], conscient de sa santé fragile et assortie de restrictions émises par le Docteur [O], j’ai veillé à ce qu’elle ne soit pas sollicitée sur le port de charges et des gestes et postures inappropriés à sa condition physique. Force est de constater qu’elle a malheureusement pris une initiative contraire aux directives que ses supérieurs lui avaient données (ne rien soulever, et solliciter l’aide d’autres collaborateurs) initiative personnelle qui exposait un risque d’accident du travail. Le CHSCT n’a pu procéder à l’enquête puisque Mlle [H] n’a pas repris son poste avant la fin de son contrat. »

‘ M. [P], directeur de l’établissement :

« En qualité de directeur de magasin, la sécurité de mes collaborateurs est ma priorité. Concernant Mlle [H], mon attention était toute particulière, car cette collaboratrice en apprentissage depuis le 10/09/2014 avait des problèmes de santé récurrents : 98 jours d’arrêt maladie sur une période de 20 mois. Après un arrêt maladie de 53 jours du 04/02/2016 aux 27/03/2016, j’ai demandé à ce que ses managers, [N] [U] et [I] [Y] octroient des vacances à Mlle [H] pour la ménager soit du 29/03/2016 au 17/04/2016. À son retour et connaissant ses restrictions médicales j’ai tenu à ce que ses deux manager la détachent de la mise rayon et veillent à ce qu’elle travaille toujours en binôme. Je suis allé personnellement en échanger avec elle en surface de vente pour lui rappeler qu’elle ne devait en aucune façon soulever des charges mêmes minimes. Sachant qu’elle préparait et passait ses examens pour son BTS du 09.05.2016 au 26.05.2016, j’ai été très surpris d’apprendre malgré mes recommandations et celles de [N] [U] qu’elle avait déclaré 2 jours de maladie (30 et 31 mai) sur la semaine de retour d’examen et un accident du travail le 4.06. Je n’ai pas eu l’occasion de la revoir puisque son contrat d’apprentie s’est terminé le 31.08.2016, date à laquelle elle était toujours en maladie (sa prolongation d’accident du travail ayant été requalifiée en maladie). »

‘ M. [U], chef de rayon :

« Vendredi 3 juin 2016, [D] m’appelle pour de l’aide concernant une préparation de carrelages. Étant indisponible à ce moment-là et n’étant pas en surface de vente je lui ai demandé de se faire aider par un membre de son équipe soit [X] [B] (responsable rayon, n+1) ou [L] [S] (vendeur expert) ou [K] [M] (vendeur) ou éventuellement dix autres collaborateurs du secteur aménagement présents au même moment (entraide de secteur, planning ci-joint). J’ai bien insisté auprès d'[D], connaissant ses restrictions médicales pour qu’elle ne porte pas de poids. Étant absent samedi 4 juin 2016, le lundi 6 juin 2016 j’ai été très étonné d’apprendre son arrêt, sans témoin pour me relater les faits. Par la suite [D] a prolongé son arrêt jusqu’à la fin de son contrat, soit le 31 août 2016. »

L’employeur produit encore un courriel expédié par Mme [G] [E] le vendredi 22 avril 2016 à Mmes [Z] [T] et [I] [Y] et ainsi rédigé :

« [H] [D]

Visite de reprise après maladie

Apte à la reprise sans manutention de charges pendant 2 mois et en alternant au mieux travail assis/debout »

La cour retient que l’attestation de M. [U] établit clairement que la salariée préparait bien des commandes de carrelage, qu’elle ne travaillait pas en binôme lors de l’accident de travail et que son remplacement n’avait pas été formellement organisé pour la préparation des commandes à son retour d’arrêt de travail.

De plus, le courriel dont se prévaut l’employeur n’apparaît adressé qu’à deux collaboratrices et non à l’ensemble des collègues de travail visés par l’attestation de M. [U] et de plus il n’organisait nullement le poste de travail de l’apprentie.

Ainsi, l’apprentie, dont le remplacement pour la préparation des commandes n’avait pas été formellement organisé, ne disposait ni de l’autorité ni de l’ancienneté suffisantes pour demander elle-même à son supérieur hiérarchique, M. [B], ou à un vendeur expert, M. [S], d’effectuer son travail à sa place, comme le lui a suggéré M. [U], en l’absence de toute décision de l’employeur communiquée directement aux intéressés.

En n’organisant pas le poste de travail afin de satisfaire aux restrictions posées par le médecin du travail dont il avait connaissance, l’employeur avait conscience du danger auquel il exposait l’apprentie et il a dès lors commis une faute inexcusable cause du préjudice subi par l’apprentie.

3/ Sur la réparation des préjudices

L’appelante sollicite la somme de 600 € au titre des frais divers et besoins d’assistance par une tierce personne à raison de 3 heures par semaine pendant 10 semaines soit 30 heures au total outre la somme de 1 000 € au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel et celle de 1 000 € au titre des souffrances endurées avant consolidation.

La cour retient que l’appelante ne précise pas les frais qu’elle aurait exposés et qui n’auraient pas été remboursés et qu’elle ne justifie nullement du recours à une tierce personne. Elle sera dès lors déboutée de sa demande formée à ce titre.

L’appelante a souffert d’une rachialgie subaiguë persévérante du 3 juin 2016 au 14 août 2016. Le bilan radiologique initial était sans anomalie. Aucun autre bilan radiologique n’a été réalisé. La victime a mal toléré les médicaments qui lui ont été prescrits et a effectué de la kinésithérapie, des infiltrations lui ont été proposées qu’elle n’a pas souhaité réaliser. Son état a été consolidé 2 mois et 11 jours après l’accident sans séquelles indemnisables.

Au vu de ces éléments, la cour retient que le déficit fonctionnel temporaire partiel sera réparé par l’allocation de la somme de 400 € et les souffrances endurées par celle de 800 € à titre de dommages et intérêts.

4/ Sur les autres demandes

L’employeur remboursera la CPAM de toutes les sommes dont elle aura fait l’avance au titre des préjudices subis.

Il convient d’allouer à la salariée la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’employeur supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Dit que l’instance n’est pas atteinte par la péremption.

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Dit que la SAS [2] a commis une faute inexcusable.

Condamne la SAS [2] à payer à Mme [D] [H] les sommes suivantes :

400 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son déficit fonctionnel temporaire partiel ;

800 € à titre de dommages et intérêts en réparation des souffrances endurées avant consolidation ;

1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Dit que la SAS [2] remboursera la CPAM de [Localité 3] de toutes les sommes dont elle aura fait l’avance au titre des préjudices subis.

Condamne la SAS [2] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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