Péremption d’instance : 7 septembre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/03599

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Péremption d’instance : 7 septembre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/03599
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ARRET

[N]

C/

S.E.L.A.R.L. EVOLUTION – ME [Z]

S.A.S. BCF MKM

UNEDIC [Localité 7]

copie exécutoire

le 07 septembre 2023

à

Me Chalon

Me Randoux

Unédic [Localité 7] venant aux droits des Ags-cgea

CB/MR/BG

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2023

*************************************************************

N° RG 21/03599 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IFD7

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE SOISSONS DU 08 JUIN 2021 (référence dossier N° RG 20/00148 )

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [X] [N]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Me Jehan BASILIEN de la SCP BASILIEN BODIN ASSOCIES, avocat au barreau D’AMIENS, postulant

concluant par Me Gérald CHALON de la SELAS ACG, avocat au barreau de REIMS

ET :

INTIMEES

S.E.L.A.R.L. EVOLUTION – ME [Z] ès qualités de liquidateur de la société BCF MKM agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

non constituée, non comparante

UNEDIC [Localité 7] VENANT AUX DROITS DES AGS-CGEA agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 6]

[Localité 7]

non constituée, non comparante

DEBATS :

A l’audience publique du 08 juin 2023, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.

Madame Corinne BOULOGNE indique que l’arrêt sera prononcé le 07 septembre 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 07 septembre 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [X] [N] a été embauchée par contrat à durée indéterminée le 19 septembre 2000, par la société BCF MKM, ci-après dénommée l’employeur, en qualité de magasinière.

Son contrat est régi par la convention collective du commerce de gros.

Invoquant des difficultés économiques, la société a proposé à Mme [N] de modifier les stipulations contractuelles en réduisant le temps de travail pour passer sur un temps partiel ce qu’elle a refusé.

Le 13 avril 2015 la société a convoqué Mme [N] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Le 21 avril 2015 l’employeur informait par note interne qu’il mettait en place des mesures de chômage partiel si bien que les horaires de travail étaient réduits à 20 heures hebdomadaires.

Le 4 mai 2015 la société BCF MBK a licencié Mme [N] en lui adressant un courrier dans les termes suivants :

Je vous ai convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement ou de sanctions suite aux nombreux reproches que nous avons à vous faire, par lettre recommandée en date du 13 avril 2015.

Une nouvelle fois vous vous êtes autorisée à répondre à mon courrier par lettre recommandée en des termes que je ne peux admettre, le salarié ayant le devoir de respect de sa hiérarchie et sans savoir ce qui vous était reproché.

Vous vous êtes présentée à cet entretien destiné à recueillir vos explications, accompagnée par une personne étrangère à l’entreprise, ne possédant pas l’habilitation nécessaire pour vous assister. Nous avons donc invité cette personne à se renseigner auprès de la direction du travail.

L’entretien auquel votre responsable hiérarchique et moi-même vous invitions n’a pas pu avoir lieu du fait de votre refus de vous asseoir et ce de façon à garder une position dominante vis à vis de votre hiérarchie et de bien montrer votre refus- d’entendre les reproches que nous avions à vous faire.

Malgré cela, nous avons tenté d’instaurer un début de dialogue avec vous en essayant de vous expliquer quelles étaient les raisons de cet entretien. Votre réponse insultante (dixit: « nous disions des conneries» ) à cette tentative de dialogue a été une fin de non- recevoir car vous nous avez affirmé que vous effectuiez parfaitement votre travail et que aucun reproche ne pouvait vous être fait.

L’entretien préalable n’ayant pu avoir lieu et après réflexion, j’ai finalement décidé de prononcer votre licenciement à raison des motifs suivants :

– Non-exécution ou mauvaise exécution des tâches du poste (magasin mal tenu (propreté et rangement), mauvaise connaissance du stock et du matériel, inventaire permanent non tenu à jour, erreurs de livraison etc’)

– Non prise en compte des remarques qui vous sont faites

– Attitude négative vis à vis de votre hiérarchie consistant en une absence de communication volontaire et Insubordination et manque de respect vis à vis de votre hiérarchie

– une mauvaise volonté évidente (dixit votre courrier du 18/04/2015) à réaliser les tâches qui sont pourtant dans vos attributions (saisie des commandes, classement, affranchissement, suivi des commandes et relance des fournisseurs, déclenchement des enlèvements etc ‘)

– Insubordination et manque de respect vis à vis de votre hiérarchie.

Votre attitude récurrente s’inscrit dans une volonté manifeste de vous isoler et de faire le moins de travail possible, provoquant une situation conflictuelle.

Je ne peux admettre une telle attitude et considère que ces faits sont de nature à rendre impossible la poursuite de votre contrat de travail.

Pour ces motifs, j’ai pris la décision de mettre fin à votre contrat de travail et votre licenciement prendra effet à la date de la première présentation de la présente lettre recommandée.

Vous disposez d ‘un préavis de deux mois que je vous dispense d ‘exécuter et qui vous sera rémunéré sous forme d’indemnité compensatrice qui sera versée chaque fin de mois concerné.

Vous prendrez contact avec votre supérieure hiérarchique, Madame [H] afin de convenir d’un rendez-vous au siège social de la société afin de rendre toutes les clefs et moyens d ‘accès en votre possession et afin de reprendre les effets personnels qui seraient restés sur votre lieu de travail.

A l’expiration de ce préavis, votre compte et les documents de rupture de votre contrat de travail seront tenus à votre disposition au siège de la société.

A la date de rupture de votre contrat de travail, je vous précise que les droits que vous avez acquis au titre du droit individuel à la formation (DIF) s’élèvent à 99 heures et les heures accumulées au titre du CPF à 4 heures au 31/03/2015 Les sommes correspondantes à ce droit peuvent à condition de nous en faire la demande avant la fin de votre préavis être affectées au financement d’une action de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l’expérience.

Vous pouvez demander à bénéficier de la portabilité de la protection sociale souscrite auprès de la société d’assurance Allianz qui vous demandera de régler les sommes prévues au contrat. Vous pourrez obtenir ces informations auprès de l’agence Allianz II, [Adresse 8] (tél [XXXXXXXX03]) ou auprès de la direction financière.

Contestant la légitimité du licenciement sans cause réelle et sérieuse et sollicitant le paiement de diverses sommes, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Soissons le 17 novembre 2020.

Celui-ci, par jugement du 8 juin 2021 a :

– Dit et jugé que Mme [N] est bien-fondée en ses fins, moyens et prétentions,

– Dit et jugé que le licenciement de Mme [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

En conséquence,

– Condamné la Sté BCF MKM à verser à Mme [N] les sommes suivantes :

* 6 115,32 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté la Sté BCF MKM de sa demande de paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Ordonné l’exécution provisoire de cette décision nonobstant appel et sans constitution de garantie.

Le jugement a été notifié le 9 juin 2021 à Mme [N] qui en a relevé appel par déclaration du 8 juillet 2021.

La société BCF MKM a constitué avocat le 18 septembre 2021.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 13 juillet 2022 Mme [N] prie la cour de :

– confirmer le jugement sur le rejet des exceptions de procédure et le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement,

L’infirmer sur le surplus,

Statuant à nouveau,

– Juger irrecevable l’exception de péremption soulevée par la société,

– Condamner l’employeur à verser à la salariée la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– Condamner l’employeur à lui verser une somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 28 juillet 2022 le tribunal de commerce de Soissons a prononcé la liquidation judiciaire de la société BCF MKM et Maître [Z] de la selarl évolution a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 24 octobre 2022, Mme [N] a fait assigner Maître [Z] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BCF MKM aux fins de :

– Confirmer le jugement sur le rejet des exceptions de procédure et le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement,

L’infirmer sur le surplus,

Statuant à nouveau,

– Juger irrecevable l’exception de péremption soulevée par la société,

– fixer au passif de la société BCF MKM la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Juger l’arrêt à intervenir opposable à l’AGS CGEA d'[Localité 7] et à Maitre [Y] [Z], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société BCF MKM,

– Condamner l’employeur à lui verser une somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Par acte d’huissier en date du 24 octobre 2022 Mme [N] a fait assigner l’AGS CGEA d'[Localité 7] aux mêmes fins.

Celui-ci a indiqué par courrier du 4 novembre 2022 qu’il ne constituera pas avocat.

Maître [Z] ès qualités de liquidateur de la société BCF MKM n’a pas non plus constitué avocat.

Le présent arrêt sera donc réputé contradictoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2023 et l’affaire fixée à l’audience de plaidoirie du 8 juin 2023.

MOTIFS

Sur l’incident d’instance et la fin de non-recevoir

Le liquidateur ès qualités n’ayant pas constitué avocat alors que la représentation est obligatoire devant la cour, les moyens soulevés en première instance au titre de la péremption d’instance et de la prescription de l’action ne sont plus soutenus.

La cour, par confirmation du jugement, dira que ni la péremption d’instance ni la prescription ne sont acquises.

Les demandes de Mme [N] sont recevables.

Sur le licenciement

Mme [N] conteste la cause réelle et sérieuse du licenciement exposant que les griefs invoqués ne sont pas circonstanciés ni datés, qu’elle n’avait pas reçu de reproches sur la non-exécution ou la mauvaise exécution des tâches demandées par l’employeur ou encore sur une quelconque insubordination ; qu’elle a immédiatement protesté quand ces griefs ont été élevés alors que la société n’a elle-même pas rempli ses obligations.

Elle fait valoir que l’employeur ne produit pas de pièce sur la réalité des griefs invoqués dans la lettre de licenciement alors depuis 15 ans elle n’a jamais été sanctionnée et que l’analyse effectuée par le cabinet Expert active démontre que ses compétences professionnelles étaient louées.

Sur ce

Il ressort de l’article L. 1235-1 du Code du travail qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.

Il résulte de ces dispositions que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse de licenciement n’incombe spécialement à aucune des parties ; toutefois, le doute devant bénéficier au salarié, l’employeur supporte, sinon la charge, du moins le risque de la preuve.

Les faits invoqués comme constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel et à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail.

L’employeur a listé les reproches formés à l’encontre de la salariée, à savoir :

– non-exécution ou mauvaise exécution des tâches du poste (magasin mal tenu (propreté et rangement), mauvaise connaissance du stock et du matériel, inventaire permanent non tenu à jour, erreurs de livraison etc’)

– non prise en compte des remarques qui vous sont faites

– attitude négative vis à vis de votre hiérarchie consistant en une absence de communication volontaire et insubordination et manque de respect vis à vis de votre hiérarchie

– une mauvaise volonté évidente (dixit votre courrier du 18/04/2015) à réaliser les tâches qui sont pourtant dans vos attributions (saisie des commandes, classement, affranchissement, suivi des commandes et relance des fournisseurs, déclenchement des enlèvements etc ‘)

– insubordination et manque de respect vis à vis de votre hiérarchie.

Le liquidateur ès qualités ne verse aucune pièce à l’appui des manquements invoqués dans la lettre de licenciement qui circonscrit le litige.

Il en résulte que faute pour le liquidateur d’établir la réalité des fautes invoquées, le jugement sera confirmé en qu’il a jugé le licenciement de Mme [N] sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires relatives au licenciement

Mme [N] sollicite de la cour la réformation du jugement afin d’écarter le barème d’indemnisation du fait que son préjudice est particulièrement important en raison de son ancienneté et de ses difficultés à retrouver un emploi car elle est restée 3 ans sans travailler et que l’emploi retrouvé est moins rémunérateur puisqu’elle subit une perte de revenu de 1000 euros mensuels.

Sur ce

Le licenciement étant injustifié, la salariée peut par conséquent prétendre, non seulement aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés et indemnité de licenciement) mais également à des dommages et intérêts à raison de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le barème d’indemnisation a été jugé compatible avec l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT qu’une indemnité dite adéquate ou une réparation appropriée n’implique pas, en soi, une réparation intégrale du préjudice de perte d’emploi injustifiée et peut s’accorder avec l’instauration d’un plafond.

A l’examen des moyens débattus, la cour retient que les dispositions de l’article L 1235-3, prévoit pour Mme [N] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 13 mois.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [N], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [N] doit être évaluée à la somme de 12 000 euros, soit 8 mois de salaires.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a condamné la société BCF MKM à payer à Mme [N] la somme de 6115,32 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixera au passif de la liquidation judiciaire de la société BCF MKM la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La cour confirme la condamnation des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La cour constate que le conseil de prud’hommes n’avait pas statué sur les dépens.

Maître [Z] ès qualités de liquidateur de la société BCF MKM succombant en cause d’appel est condamné aux dépens de l’ensemble de la procédure.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [N] les frais qu’elle a dû exposer pour la présente procédure d’appel. Maître [Z] ès qualités de liquidateur de la société BCF MKM est condamné à payer à Mme [N] la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe

Confirme le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Soissons le 8 juin 2021 sauf sur le quantum des dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant

Fixe au passif de la société BCF MKM la somme de 12 000 euros au titre de l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse de Mme [X] [N]

Condamne Maître [Z] ès qualités de liquidateur de la société BCF MKM à payer à Mme [X] [N] la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel

Rejette toute autres demandes plus amples et contraires

Condamne Maître [Z] ès qualités de liquidateur de la société BCF MKM aux dépens de l’ensemble de la procédure.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

 


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