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ARRÊT DU
13 Septembre 2023
LI / NC
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N° RG 22/00749
N° Portalis DBVO-V-B7G -DBC3
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[T] [Y]
C/
BANQUE POPULAIRE OCCITANE
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 361-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
Madame [T] [Y]
née le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 6]
de nationalité française, étudiante
domiciliée : [Adresse 4]
[Adresse 4]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002508 du 09/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle d’AGEN)
représentée par Me David LLAMAS, avocat postulant au barreau D’AGEN
et Me François BERMOND, SELARL BAM AVOCATS, avocat plaidant au barreau de BÉZIERS
APPELANTE d’un jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cahors en date du 17 mai 2022, RG 11-18-000185
D’une part,
ET :
SA BANQUE POPULAIRE OCCITANE pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS [Localité 7] 560 801 300
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Lynda TABART, substituée à l’audience par Me Luc MAZARS, membre de la SCP DIVONA LEX, avocate au barreau du LOT
INTIMÉE
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 12 juin 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Laurent IZAC, Vice-Président placé auprès du premier président qui a fait un rapport oral à l’audience
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
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EXPOSÉ DU LITIGE
Selon convention du 8 février 2017, Mme [T] [Y], née le [Date naissance 1] 1999, a ouvert un compte de dépôt auprès de la SA Banque Populaire Occitane (ci-après désignée la BPO).
A la suite de l’encaissement d’une série de chèques portés au crédit de son compte bancaire le 14 novembre 2017 et de plusieurs virements réalisés à son débit le lendemain ainsi que de l’annulation de ces mêmes chèques en raison de leur mise en opposition pour perte, le compte de Mme [Y] a présenté un solde débiteur de 30.115,97 euros le 15 novembre 2017.
Le 16 novembre 2017, Mme [Y] a porté plainte contre X pour abus de confiance, commis entre le 9 et le 15 novembre 2017, auprès de la gendarmerie de Puy-Lévèque (46700).
Par courrier en date du 1er décembre 2017, reçu le 20 décembre 2017, la BPO a mis en demeure Mme [Y] de lui payer la somme de 30.116,32 euros au titre du solde débiteur de son compte et l’a informée qu’à défaut, le dossier serait transmis à son service contentieux pour recouvrement tandis que ce transfert entraînerait la clôture immédiate du compte.
Par courrier en date du 2 février 2018, reçu le 10 février 2018, la BPO a indiqué à Mme [Y] qu’elle avait procédé à la clôture de son compte et l’a mise en demeure de lui régler sous huitaine la somme de 30.561,67 euros.
Par acte du 21 juin 2018, la BPO a fait assigner Mme [Y] en paiement devant le tribunal d’instance de Cahors qui, par jugement du 24 octobre 2019, a sursis à statuer sur l’ensemble des demandes dans l’attente de la décision de classement ou de renvoi devant le tribunal correctionnel de la procédure pénale faisant suite à la plainte déposée par Mme [Y].
Par courrier du 19 novembre 2019, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rouen (auquel le dossier pénal avait été transmis pour compétence par le Parquet de Cahors en raison du fait que les chèques avaient été déposés dans une agence bancaire située aux alentours de Rouen) a précisé que cette affaire avait été classée sans suite le 16 août 2019.
A la suite de conclusions en reprise d’instance déposées par la BPO en janvier 2020, l’instance a repris son cours.
Le 4 septembre 2020, Mme [Y] a déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire de Rouen.
Par jugement du 3 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Cahors a sursis à statuer sur l’ensemble des demandes dans l’attente de la décision du juge d’instruction de Rouen quant au non-lieu ou au renvoi devant le tribunal correctionnel.
La BPO a relevé appel de cette décision.
Par arrêt du 6 septembre 2021, la cour d’appel d’Agen a infirmé le jugement de sursis à statuer et dit que l’affaire serait rappelée à la prochaine audience utile du juge des contentieux de la protection de Cahors.
Par jugement du 17 avril 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cahors a :
– dit n’y avoir lieu à statuer ;
– condamné Mme [Y] à payer à la BPO la somme de 30.830,45 euros ;
– débouté les parties du surplus des demandes ;
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que la décision est exécutoire de plein droit ;
– condamné Mme [Y] aux dépens de l’instance.
Le tribunal a estimé que :
– la BPO, qui n’est pas partie à la procédure pénale et ne peut se constituer auprès du juge d’instruction comme n’étant pas victime de l’abus de confiance dénoncé par Mme [Y], ne peut demeurer plus longtemps dans l’attente d’une décision ;
– si Mme [Y] n’est pas l’auteur des débits réalisés sur son compte, ils ont été rendus possibles par sa propre faute ayant consisté à transmettre ses codes personnels à une personne dont elle ne connaissait que le pseudonyme sur le réseau « SnapChat » et dans le but d’obtenir de ce tiers une commission en lui permettant de réaliser des opérations bancaires frauduleuses en se servant de son compte comme prête nom ;
– quel que soit son jeune âge au moment des faits, elle ne pouvait qu’avoir conscience du caractère anormal d’un tel acte ;
– la BPO n’étant pas la banque de l’émetteur des chèques, elle n’avait pas à vérifier la signature du tireur, ni celle portée au verso pour encaissement au bénéfice de sa cliente ;
– le montant nominal des chèques, pas plus que leur montant global, n’étant de nature à attirer l’attention de la BPO, celle-ci n’a pas manqué à son devoir de vigilance au moment de leur encaissement ;
– le caractère frauduleux des débits réalisés par virements ne pouvait être suspecté dès lors qu’ils ont été réalisés grâce aux codes personnels volontairement transmis à un tiers par Mme [Y], de sorte que la BPO n’a pas non plus manqué à son devoir de vigilance lors de la réalisation des virements ;
– l’agence bancaire où les chèques ont été déposés pour encaissement dépend d’un autre réseau bancaire que celui de la BPO tandis que la demande de communication du dossier contentieux n’est pas en lien avec l’objet des débats et ne peut avoir d’intérêt que dans le cadre de la procédure pénale pour laquelle le juge d’instruction a toute latitude pour procéder à des réquisitions portant notamment sur les enregistrements de vidéo-surveillance.
Mme [Y] a formé appel le 15 septembre 2022, désignant la BPO en qualité d’intimée, et visant dans sa déclaration l’ensemble des dispositions du jugement.
Par dernières conclusions d’appelante du 18 mai 2023, Mme [Y] demande à la cour, au visa des articles L. 133-18, L. 133-19, L. 561-6 et L. 133-24 du code monétaire et financier et de l’article 1240 du code civil, de :
– infirmer en totalité le jugement entrepris ;
A titre principal,
– Surseoir à statuer dans l’attente d’une décision définitive dans le cadre de la procédure pénale, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice ;
A titre subsidiaire,
– déclarer la demande de Mme [Y] recevable et bien fondée ;
– débouter la BPO de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– débouter la BPO de ses demandes de remboursement de la somme de 30.830,46 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 18,5% à compter du 10 mars 2018 ;
– enjoindre à la BPO de communiquer l’ensemble du dossier contentieux, dans un délai de 15 jours à compter du prononcé du jugement et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;
– juger que la BPO a commis une faute de négligence causant un préjudice à Mme [Y] ;
– condamner la BPO à rétablir le compte bancaire débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisé n’avait pas eu lieu ;
En tout état de cause,
– condamner la BPO à payer à Mme [Y] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la BPO aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle expose l’argumentation suivante :
– l’existence d’une procédure pénale justifie qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de son issue :
* la procédure pénale est encore en cours ;
* la BPO peut se constituer partie civile dans cette procédure dès lors qu’elle a été également victime de l’infraction;
* la procédure pénale entraînera des conséquences sur l’action civile dans la mesure où Mme [Y] n’est pas à l’origine de la créance réclamée tandis que la banque a commis des défaillances ;
– la BPO détient des éléments dont la production participerait à la manifestation de la vérité :
* la BPO fait partie des 14 banques membres du groupe BPCE auquel appartient également la société BRED dont l’une des agences a reçu le dépôt des chèques litigieux ;
* la BPO n’a pas produit le verso des chèques, ni leur bordereau de remise ;
– la BPO a commis des manquements :
* les chèques litigieux présentaient une anomalie justifiant un contrôle par la banque dans la mesure où ils avaient été déposés en nombre dans la même agence et représentaient un montant anormalement élevé au regard des pratiques habituelles et des moyens financiers de Mme [Y] ;
* la BPO n’a pas vérifié les signatures figurant sur les chèques, tant au recto pour le tireur qu’au verso pour le bénéficiaire qui en sollicite encaissement ;
* Mme [Y] a immédiatement prévenu la BPO du caractère frauduleux des virements émis depuis son compte ;
* la BPO ne justifie pas avoir procédé à la double vérification préalable à l’exécution de l’ordre de virement ;
* la BPO ne justifie pas du montant maximum d’utilisation journalière du compte de Mme [Y].
Par uniques conclusions d’intimée du 6 mars 2023, la BPO demande à la cour, au visa des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, de :
– confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;
En toute hypothèse,
– débouter Mme [Y] de l’intégralité de ses demandes ;
– condamner Mme [Y] à lui verser la somme de 30.830,46 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2018 ;
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
– condamner Mme [Y] à lui verser la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle expose l’argumentation suivante :
– le sursis à statuer n’est pas justifié :
* il constitue la 4ème demande en ce sens de Mme [Y] ;
* la BPO est dans l’impossibilité de connaître la date de clôture de l’instruction et s’expose à une péremption d’instance ;
* la BPO est privée de la faculté d’obtenir un titre exécutoire contre Mme [Y] tandis qu’elle subit la longueur d’une procédure initiée en 2018 ;
* Mme [Y] ne justifie pas d’avoir sollicité la clôture de l’instruction au titre de faits commis il y a plus de 5 ans ;
– la demande de communication d’images provenant de la vidéosurveillance est mal fondée :
* elle tend à suppléer la carence de Mme [Y] dans la charge de la preuve lui incombant ;
* les chèques litigieux ayant été déposés dans une agence de la société BRED – Banque Populaire et non du réseau de la BPO, cette dernière ne peut produire des pièces (bandes vidéos) qui ne sont pas en sa possession tandis qu’elle a déjà transmis l’intégralité des éléments dont elle dispose concernant le recouvrement de sa créance ;
* la demande de communication demeure étrangère au litige faisant l’objet de l’instance civile ;
– la BPO n’a pas commis de manquement au moment de l’encaissement des chèques :
* n’étant ni la banque du tiré, ni celle s’étant vu présenter les chèques à l’encaissement, elle ne pouvait vérifier la signature de Mme [Y] ;
* l’ordre de paiement remis à l’encaissement ne présentait aucune anomalie apparente et mentionnait l’émetteur (la BRED), le compte du tiré, le bénéficiaire (Mme [Y]) et la signature du tireur ;
– la BPO n’a pas commis de manquement au moment de la réalisation des virements :
* étant tenue d’une obligation de non-immixtion, elle a fidèlement exécuté les ordres de virement correspondant aux instructions données à l’aide des identifiants de Mme [Y] ;
* l’exigence de double vérification invoquée par Mme [Y] n’était pas applicable au moment des faits ;
* les dispositions de l’article L. 561-1 et suivants du code monétaire et financier sont inapplicables en matière d’action en responsabilité civile engagée par un client à l’encontre de la banque ;
* Mme [Y] a, d’une part, enregistré sur son compte bancaire les IBAN des comptes au profit desquels les virements ont été effectués et, d’autre part, confié à un tiers, qu’elle connaissait à peine, ses identifiants et le code d’accès à son compte ;
* la BPO a cessé d’exécuter les ordres de virement dès qu’elle a pris connaissance du courriel de Mme [Y] ;
* les manquements de Mme [Y] sont à l’origine de son propre préjudice dans la mesure où, malgré son jeune âge, il ne pouvait lui échapper qu’elle participait volontairement à une opération douteuse.
Il sera renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de sursis à statuer
Aux termes de l’article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.
Aux termes de l’article 4 alinéa 3 du code de procédure pénale, la mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.
Il est constant qu’hormis les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l’opportunité du sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.
En l’espèce, il ressort des éléments versés aux débats que les investigations menées au titre de l’enquête préliminaire, classée sans suite en novembre 2009, n’ont pas permis de déterminer des auteurs présumés contre lesquels Mme [Y] pourrait engager un recours indemnitaire.
Par ailleurs, l’information judiciaire sollicitée pour abus de confiance ne permet pas en l’état à la BPO de connaître la date à laquelle elle sera achevée ; étant observé que, d’une part, la BPO n’est pas partie et ne peut avoir accès au déroulement de l’instruction car elle ne peut se constituer partie civile dans le cadre d’une procédure où elle n’est pas victime et que, d’autre part, le courrier du juge d’instruction du 4 avril 2023, dont se prévaut Mme [Y], n’établit en rien une clôture prochaine mais indique au contraire que le magistrat instructeur est toujours en attente du résultat des investigations sur commission rogatoire tandis qu’aucune mise en examen n’a pour l’instant eu lieu concernant les faits dénoncés.
Or, la BPO se trouve dans l’attente d’une décision de justice portant sur des faits datant de 2018 et pour lesquels, s’agissant de l’objet du litige opposant les parties, l’éclairage susceptible d’être apporté à l’issue de la procédure pénale apparaît particulièrement incertain.
Dès lors, il n’y pas lieu à ordonner de sursis à statuer.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de communication de pièces
Aux termes du second alinéa de l’article 11 du code de procédure civile, si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte. Il peut, à la requête de l’une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s’il n’existe pas d’empêchement légitime.
En l’espèce, contrairement à ce qu’allègue la BPO, celle-ci appartient au même réseau bancaire que la BRED dans la mesure où elles font toutes deux parties du groupe BPCE ; appartenance qui a d’ailleurs permis que les chèques litigieux aient été utilement remis pour encaissement auprès d’une agence de la BRED située à [Localité 6].
Pour autant, cette appartenance commune ne démontre en rien que la BPO détiendrait les enregistrements de vidéo-surveillance dans la mesure où, d’une part, la BRED constitue une personne morale distincte et, d’autre part, la durée de conservation de tels enregistrements est strictement limitée par les dispositions du code de la sécurité intérieure (article L. 252-5).
En outre, comme l’a justement relevé le premier juge, une telle demande n’est en rien en lien avec le présent litige tandis que, d’une part, le magistrat instructeur a toute latitude pour les réquisitionner et que, d’autre part, Mme [Y] ne fait état d’aucune demande en ce sens qui lui aurait été vainement adressée.
Par ailleurs, s’agissant du bordereau de remise de chèques et de la copie du verso des chèques dont Mme [Y] sollicite communication, il résulte des développements ultérieurs du présent arrêt que la Cour a tenu compte du fait qu’ils n’ont pas été versés aux débats par la BPO alors même qu’elle supportait la charge de la preuve du respect d’un certain nombre d’obligations mises à sa charge en sa qualité d’établissement bancaire.
Dès lors, la demande de Mme [Y] apparaît sans objet les concernant.
Enfin, s’agissant des autres éléments dont Mme [Y] sollicite communication sans autre précision, en visant simplement « l’ensemble du dossier contentieux », une telle demande ne saurait prospérer faute de fixer exactement et limitativement la désignation des pièces concernées (Cass. Civ. (2e), 15 mars 1979, n° 77-15.381, Bull. II n°88).
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la demande en paiement à l’encontre de Mme [Y]
Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Selon les dispositions de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut notamment demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Si en vertu du principe de non-immixtion, qui régit les relations entre le banquier et son client, le premier n’a pas à se substituer au second dans la conduite de ses affaires, ni à intervenir pour l’empêcher d’effectuer un acte irrégulier, inopportun ou même dangereux, ce principe trouve sa limite dans le devoir de vigilance qui impose au banquier d’alerter son client en cas d’anomalie apparente affectant une ou plusieurs opérations réalisées sur son compte.
Par ailleurs, aux termes de la jurisprudence (Cass. Com. 17 septembre 2013, n°12-20.198 et 12-18.202), la banque présentatrice est tenue de détecter les anomalies apparentes d’un chèque qu’elle est chargée d’encaisser pour le compte de son client et en s’abstenant de le faire elle prend un risque dont elle doit assumer les conséquences.
En outre, selon les dispositions combinées du second alinéa de l’article L. 133-7 et de l’article L. 314-1 7° du code monétaire et financier, le consentement à une opération de paiement peut être donné par l’utilisation du service d’initiation de paiement proposé par le banquier.
A ce titre, il appartient au client de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses données de sécurité personnalisées, notamment celles lui permettant d’effectuer des ordres de virement par voie électronique.
Enfin, afin de déterminer l’étendue du droit à réparation de la victime lorsque celle-ci est l’auteur d’une faute ayant concouru à la production du dommage, il appartient au juge d’en apprécier l’importance au regard de la faute commise par celui dont la responsabilité est recherchée.
En l’espèce, il n’est pas contesté que le 12 novembre 2017 Mme [Y] a transmis ses identifiant et code personnel à un tiers dont elle ignorait l’identité exacte pour avoir pris contact avec lui 3 jours auparavant via l’application « SnapChat » à laquelle ledit tiers était lui-même connecté au moyen du pseudonyme « richthekid777 » ; qu’il s’agissait, moyennant l’obtention d’une commission pour Mme [Y], de permettre à ce tiers d’utiliser son compte bancaire ouvert à la BPO afin d’y faire transiter des sommes d’argent censées provenir d’une activité de location de voitures dans le but d’éluder le paiement des taxes afférentes.
Dès lors, s’il est constant que Mme [Y] n’est pas l’auteur des ordres de virement bancaire du 15 novembre 2017, il n’en demeure pas moins que leur réalisation a été rendue possible par son propre comportement qui, dépassant la simple négligence ou légèreté blâmable, relève d’une faute délibérée que son âge au moment des faits (étant rappelé qu’elle était presque majeure) ne saurait excuser tant en raison du contexte de transmission volontaire de ses identifiants bancaires que des motivations qui en sont à l’origine.
A ce titre, elle ne saurait utilement opposer à la BPO l’absence de double vérification (« authentification forte » de l’article L. 133-4 f du code monétaire et financier) telle qu’imposée par la transposition de la deuxième directive européenne sur les services de paiement (DSP2) dès lors qu’une telle exigence n’est entrée en vigueur qu’à l’automne 2019 (article 34 VIII de l’ordonnance de transposition du 9 août 2017) et que les virements litigieux datent quant à eux de novembre 2017.
Il ressort toutefois des éléments versés aux débats que le compte bancaire de Mme [Y] s’est trouvé brusquement alimenté la veille (14 novembre 2017) d’une somme de 50.400 euros provenant de 16 chèques de 2.800 euros et d’un chèque de 5.600 euros tirés sur le compte de Mme [K] [V], demeurant à [Localité 5], et déposés aux fins d’encaissement dans une agence bancaire située près de [Localité 6].
Or, l’importance d’un tel montant au regard de la situation personnelle et financière de Mme [Y], alors toute jeune étudiante ne disposant d’aucun revenu particulier, alliée au fait que cette somme provenait d’une série de chèques tirés par une même personne et déposés dans une tierce agence située à [Localité 6] alors que Mme [Y] résidait à [Localité 3] constitue une anomalie patente qui aurait dû conduire la BPO à procéder à des opérations de vérification préalable à leur encaissement effectif ainsi qu’à alerter immédiatement sa cliente pour obtenir des explications ; cela d’autant plus que la BPO ne justifie pas avoir contrôlé la régularité de la signature d’endossement portée au verso desdits chèques et que, contrairement à ce qu’elle allègue, elle ne produit ni le bordereau de remise des chèques, ni l’image de leur verso (lesquels n’apparaissent pas sur sa pièce n°10) alors même qu’elle était tenue de procéder à ces vérifications en sa qualité de banque présentatrice.
En outre, un raisonnement identique peut être reconduit à propos de la mise à exécution des ordres de virement réalisée le 15 novembre 2017 à hauteur de 30.000 euros dans la mesure où, non seulement une telle somme apparaît manifestement disproportionnée au regard des moyens financiers dont était censée disposer Mme [Y] mais encore, elle a été mobilisée le même jour à l’aide d’une série de virements ayant pratiquement tous eu le même bénéficiaire (14 virements de 2.000 euros au profit de « [P] [J] ») ; procédé qui ne pouvait apparaître aux yeux d’une banque normalement vigilante que comme étant la manifestation d’une man’uvre grossière tendant à diluer l’importance du montant global ainsi mobilisé.
Enfin, la BPO demeure taisante quant à l’absence de plafond journalier de virement autorisé alors qu’il lui appartenait, comme elle l’indique dans les conditions générales communes au contrat (art. 6.1) régulièrement versées aux débats, d’appliquer des plafonds sur le montant des virements externes réalisés par l’intermédiaire de son système « Cyberplus » (opérations initiées par voie électronique). Derechef, l’absence de tout mécanisme faisant obstacle à la réalisation sur une seule et même journée d’un ensemble de virements pour un montant total de 30.000 euros depuis le compte de Mme [Y] caractérise une défaillance de l’établissement bancaire.
Dès lors, la BPO, en manquant à plusieurs reprises à son obligation de vigilance tant à l’occasion de l’encaissement des chèques litigieux que lors de la réalisation des ordres de virement subséquents, a commis une série de fautes ayant concouru au débit du compte de Mme [Y].
Au regard des fautes respectives commises par Mme [Y] et la BPO, il convient de considérer que la BPO est à l’origine des 8/10ème du dommage qui en est résulté au titre du solde débiteur (30.116,32 euros) que le compte bancaire présentait au 5 décembre 2017.
Aussi, les frais et intérêts conventionnels calculés sur cette somme devant eux-mêmes être réduits de 8/10ème, la somme due par Mme [Y] au titre du décompte du 10 mars 2018 sera ramenée au montant de 6.166,10 euros.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
La Banque Populaire sera déclarée responsable à hauteur de 8/10ème de la dette de Mme [Y] à son égard et cette dernière condamnée à lui rembourser la somme de 6.166.10 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2018.
Sur les demandes accessoires
L’article 696 du Code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en remette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En conséquence, compte tenu de l’économie de la présente décision, chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie, la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l’équité, de la situation économique de la partie condamnée.
En l’espèce, eu égard aux circonstances, l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
– Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné Mme [T] [Y] à payer la somme de 30.830,46 euros ;
Statuant à nouveau sur ce point,
– Déclare la Banque Populaire Occitane responsable à hauteur de 8/10ème de la dette de Mme [Y] au titre du solde débiteur de son compte de dépôt ;
– Condamne Mme [T] [Y] à payer à la Banque Populaire Occitane la somme de 6.166,10 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2018 ;
Y ajoutant,
– Dit n’y avoir pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Laisse les dépens exposés à la charge de chacune des parties.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,