Péremption d’instance : 19 septembre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/03461

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Péremption d’instance : 19 septembre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/03461
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CF/SH

Numéro 23/02993

COUR D’APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 19/09/2023

Dossier : N° RG 22/03461 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IM6O

Nature affaire :

Demande d’exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l’ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d’un élément de construction

Affaire :

S.A.S. ARHEX EMANEZ

C/

CAISSE RÉGIONALE D’ASSURANCE MUTUELLES AGRICOLES

D’ OC dite GROUPAMA D’OC

SMABTP

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 19 Septembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 13 Juin 2023, devant :

Madame FAURE, Présidente, magistrate chargée du rapport conformément à l’article 785 du Code de procédure civile

Madame ROSA-SCHALL, Conseillère

Madame REHM, Magistrate honoraire

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l’appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. ARHEX EMANEZ prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Maître JACQUOT de la SELARL AVOCADOUR, avocat au barreau de PAU

assistée de Maître GONTHIER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

CAISSE RÉGIONALE D’ASSURANCE MUTUELLES AGRICOLE D’ OC dite GROUPAMA D’OC

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et assistée de Maître LOPEZ, avocat au barreau de PAU

SMABTP

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Maître POTHIN-CORNU de la SELARL KARINE POTHIN-CORNU, avocat au barreau de PAU

assistée de Maître HUERTA, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 24 NOVEMBRE 2022

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE

RG numéro : 22/00060

EXPOSE DU LITIGE

La commune d’Ossès a confié à la société Arhex-Emanez, sous la maîtrise d”uvre de la société SCE, la réalisation d’une station d’épuration située sur le territoire de ladite commune suivant marché en date du 31 octobre 2006.

Se plaignant du dysfonctionnement de cette installation, la commune d’Ossès, suivant requête en date du 10 août 2015, a assigné la SARL Arhex-Emanez, la SMABTP, son assureur décennal, ainsi que la société Allianz, assureur de la société SCE, devant le juge des référés du tribunal administratif de Pau aux fins de désignation d’un expert.

Suivant ordonnance en date du 29 octobre 2015, le juge des référés a ordonné une mesure d’expertise et a désigné M. [U].

Suite à une demande de l’expert judiciaire en date du 3 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a étendu la mission d’expertise confiée à M. [U] à la société COVEA Risks et à la société Groupama suivant ordonnance du 28 novembre 2016.

L’expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 23 novembre 2017.

En lecture du rapport d’expertise, la communauté d’agglomération du Pays basque a déposé une requête à l’encontre de la société Arhex-Emanez, la société Établissements Neveux, et enfin la SAS SCE, devant le tribunal administratif reçue le 19 juin 2020 aux fins de :

– condamner conjointement et solidairement la SARL Arhex-Emanez, la SAS SCE et la SAS Établissement F. Neveux groupe SEBICO au paiement de la somme de 363 750 euros HT,

– condamner ces mêmes conjointement et solidairement au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de 1’article L 761-1 du code de justice administrative,

– condamner ces mêmes conjointement et solidairement au paiement de la somme de 42 248,86 euros au titre des dépens en ce compris les frais d’expertise.

Cette procédure est actuellement pendante devant le tribunal administratif de Pau.

Par actes d’huissier en date du 21 septembre 2021, la société Arhex Emanez a fait assigner la société COVEA RISKS, assureur décennal de la société Arhex-Emanez, la société Groupama d’Oc, assureur responsabilité civile de la société Arhex-Emanez et la SMABTP, assureur de la société Arhex-Emanez lors de la DROC devant le tribunal judiciaire de Bayonne.

Suivant ordonnance réputée contradictoire en date du 24 novembre 2022 (RG n°22/00060), le juge de la mise en état a, notamment :

– déclaré prescrite l’action engagée par la société Arhex-Emanez à l’encontre de la SMABTP,

– déclaré prescrite l’action engagée par la société Arhex-Emanez à l’encontre de la société Groupama d’Oc,

– dit que l’instance se poursuit entre les autres parties à l’instance,

– ordonné le sursis à statuer dans l’attente de la décision définitive à intervenir suite à la requête déposée par la Communauté d’agglomération du Pays Basque devant le tribunal administratif de Pau en date du 19 juin 2020,

– dit que l’affaire est retirée du rôle du tribunal, sans incidence sur les dispositions relatives à la péremption d’instance et qu’elle sera réinscrite à l’initiative de la partie la plus diligente,

– condamné la société Arhex-Emanez à payer à la SMABTP une indemnité de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Arhex-Emanez à payer à la société Groupama d’Oc une indemnité de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Arhex-Emanez à supporter la charge des dépens de l’incident.

Le juge de la mise en état a considéré que le dire à l’expert du 12 septembre 2016 ne pouvait s’analyser comme une demande en justice en application de l’article R 532-3 du code de justice administrative et qu’il appartenait à la société Arhex de faire directement une action contre ses assureurs dans le délai de deux mois suivant la première réunion d’expertise ; qu’aucun événement ne peut invoqué pour suspendre ou invoquer la prescription biennale dont le point de départ est le 10 août 2015.

La SAS Arhex-Emanez a relevé appel par déclaration du 23 décembre 2022 (RG n°22/03461), en intimant la société Groupama d’Oc et la SMABTP critiquant l’ordonnance en ce qu’elle :

– déclare prescrite l’action engagée par la société Arhex-Emanez à l’encontre de la SMABTP,

– déclare prescrite l’action engagée par la société Arhex-Emanez à l’encontre de la société Groupama d’Oc,

– condamne la société Arhex-Emanez à payer à la SMABTP une indemnité de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne la société Arhex-Emanez à payer à la société Groupama d’Oc une indemnité de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamne la société Arhex-Emanez à supporter la charge des dépens de l’incident.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 2 février 2023, la société Arhex-Emanez, appelante, entend voir la cour :

– réformer l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bayonne en date du 24 novembre 2022 en ce qu’elle a :

– déclaré prescrite l’action engagée par la société Arhex-Emanez à l’encontre de la SMABTP,

– déclaré prescrite l’action engagée par la société Arhex-Emanez à l’encontre de la société Groupama d’Oc,

– condamné la société Arhex-Emanez à payer à la SMABTP une indemnité de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Arhex-Emanez à payer à la société Groupama d’Oc une indemnité de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Arhex-Emanez à supporter la charge des dépens de l’incident

et, statuant à nouveau,

– écarter toute fin de non-recevoir tirée de la prescription,

– déclarer la société Arhex-Emanez recevable en son action à l’encontre de la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) et de la Caisse Régionale d’Assurance Mutuelles Agricole d’Oc dite Groupama d’Oc,

– condamner la Société mutuelle d’Assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) et la Caisse Régionale d’Assurance Mutuelles Agricole d’Oc dite Groupama d’Oc à verser, chacune, à la société Arhex-Emanez la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

– condamner la Société mutuelle d’Assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) et la Caisse Régionale d’Assurance Mutuelles Agricole d’Oc dite Groupama d’Oc à supporter les entiers dépens de la procédure d’incident,

– débouter la Société mutuelle d’Assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) et la Caisse Régionale d’Assurance Mutuelles Agricole d’Oc dite Groupama d’Oc de toutes leurs demandes contraires,

ajoutant à l’ordonnance entreprise,

– condamner la Société mutuelle d’Assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) et la Caisse Régionale d’Assurance Mutuelles Agricole d’Oc dite Groupama d’Oc à verser, chacune, à la société Arhex-Emanez, la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,

– condamner la Société mutuelle d’Assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) et la Caisse Régionale d’Assurance Mutuelles Agricole d’Oc dite Groupama d’Oc à supporter les entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Julie Jacquot, associée de la SELARL Avocadour pour les frais dont elle aura fait l’avance,

– débouter la Société mutuelle d’Assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) et la Caisse Régionale d’Assurance Mutuelles Agricole d’Oc dite Groupama d’Oc de toutes leurs demandes contraires.

Les moyens de la SAS Arhex Emanez sont les suivants :

– en vertu de l’article L 114-1 alinéa 3 du code des assurances, la prescription biennale n’a commencé à courir que du jour où la commune d’Ossès l’a assignée en référé expertise devant le tribunal administratif de Pau soit à compter du 10 août 2015,

– en vertu de l’article L 114-2 du code des assurances, la désignation d’un expert à la suite d’un sinistre est une cause de la prescription biennale erga omnes ; les deux ordonnances du 29 octobre 2015 et 28 novembre 2016 sont interruptives de prescription, et le délai de prescription a été suspendu jusqu’à la reddition du rapport d’expertise, soit le 23 novembre 2017.

Par conclusions déposées le 13 février 2023, la caisse régionale d’assurance mutuelles agricole d’Oc dite Groupama d’Oc, sur le fondement des dispositions des articles 122 et 789 du code de procédure civile, l’article L.114-2 du code des assurances et 2224 et 2239 du code civil, entend voir la cour :

– confirmer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bayonne le 24 novembre 2022, en ce qu’elle déclare prescrite l’action engagée par la SARL Arhex Emanez à l’encontre de Groupama d’Oc,

y ajoutant,

– condamner la SARL Arhex Emanez à payer à Groupama d’Oc la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SARL Arhex Emanez aux entiers dépens de l’appel.

Les moyens de la CRAMA Caisse Régionale d’Assurance Mutuelles Agricole d’OC dite Groupama d’Oc sont les suivants :

– une requête déposée par une partie aux fins d’expertise judiciaire n’a pas d’effet erga omnes s’agissant des effets de l’interruption ou de la suspension des délais procéduraux pour les autres parties.

– seule une assignation en justice peut valoir acte suspensif ou interruptif de délai d’action au sens de l’article 2241 du Code civil. La société Groupama d’Oc n’a été mis en cause dans le cadre de l’expertise judiciaire que par un courrier de l’expert judiciaire de sorte qu’aucune des parties n’a interrompu de délai à l’encontre de celle-ci puisque la mise en cause ne résulte d’aucune demande faite en justice par une partie à la procédure.

– la demande en justice doit émaner de celui dont le droit est menacé de prescription et être adressée à la personne en faveur de laquelle court la prescription.

Par conclusions déposées le 21 février 2023, la SMABTP, sur le fondement des dispositions des articles 789 du code de procédure civile et L.114-1 du code des assurances, entend voir la cour :

– confirmer l’ordonnance rendue dans toutes ses dispositions,

en conséquence, dire et juger que l’action de la société Arhex Emanez est prescrite,

– déclarer irrecevable l’action de la société Arhex Emanez dirigée contre la SMABTP,

y ajoutant,

– condamner la société Arhex Emanez à régler la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– la condamner aux entiers dépens.

Les moyens de la SMABTP sont les suivants :

– la date de départ du délai de prescription est le 10 août 2015 comme le reconnaît l’appelante,

– un simple dire devant l’expert judiciaire ne peut avoir aucun effet sur la prescription dès lors que la demande n’a pas été relayée auprès de l’expert judiciaire,

– aucun acte interruptif ou suspensif de prescription n’est intervenu à l’initiative de la société Arhex Emanez en direction de la SMABTP,

– l’action est prescrite quelque soit le prétendu acte interruptif.

Vu l’ordonnance de clôture du 13 juin 2023.

MOTIFS

L’article L114-1 du code des assurances prévoit que toute action dérivant d’un contrat d’assurance se prescrit par deux ans à compter de l’événement qui lui donne naissance.

L’article 2241 du code civil prévoit que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription.

L’article 2239 du code civil dispose que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande d’instruction présentée avant tout procès.

La suspension de la prescription prévue par l’article 2239 du code civil est applicable aux actions dérivant d’un contrat d’assurances.

L’article 2230 du code civil prévoit que la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru alors qu’en vertu de l’article 2231 du code civil, l’interruption efface le délai de prescription acquis ; elle fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien.

L’article 2242 du code civil prévoit que l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.

Ainsi, le nouveau délai de prescription ne commence à courir qu’à compter de la décision qui met fin définitivement à l’instance.

En l’espèce, la société Arhex Emanez, assurée de la SMABTP et de la société Groupama d’Oc a été assignée le 10 août 2015 par la communauté d’agglomération du Pays Basque devant le juge des référés du tribunal administratif de Pau. La SMABTP a, par la même requête été assignée devant ce même tribunal.

Le 3 octobre 2016, à la suite d’un dire du 12 septembre 2016 du conseil de la société Arhex Emanez, l’expert désigné par l’ordonnance du 29 octobre 2015 a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Pau afin que soit appelée à la cause notamment la société Groupama d’Oc, ce qui a interrompu le délai biennal à l’égard de la société Groupama d’Oc. Par ordonnance du 28 novembre 2016, le juge des référés a étendu la mission d’expertise à la société Groupama. Cette décision du 28 novembre 2016, peu important que la saisine provienne de l’expert judiciaire puisque cela est possible selon la procédure administrative, a eu un effet de suspension de la prescription biennale qui avait commencé à courir le 10 août 2015 entre la société Arhex Emanez et son assureur la société Groupama d’Oc qui n’était pas encore dans la cause avant cette ordonnance du 28 novembre 2016.

En conséquence, à la suite de ces décisions, la prescription biennale a été suspendue pendant les opérations d’expertise judiciaire jusqu’au dépôt du rapport d’expertise le 23 novembre 2017.

Aucun acte n’est venu interrompre la prescription biennale depuis le 23 novembre 2017 avant l’assignation du 14 septembre 2021 diligentée par la société Arhex Emanez à l’encontre de la SMABTP et la société Groupama d’Oc. Aussi, à la date de cette assignation, la prescription biennale était largement acquise.

L’ordonnance sera donc confirmée sur ce point ainsi que sur les condamnations au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit de ces deux assureurs et aux dépens.

L’équité commande d’allouer à la SMABTP et à la société Groupama d’Oc une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l’ordonnance en ses dispositions soumises à la cour,

y ajoutant :

Condamne la SAS Arhex Emanez à payer à la SMABTP et à la CRAMA dite Groupama d’Oc la somme de 1 000 € chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Arhex Emanez aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE

 


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