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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2023
(n° 420, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/02723 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B7L7D
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 novembre 2017 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° 15/04046
APPELANTE
SAS PEOPLE AND BABY
Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 479 182 750
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée par Me Elisa CACHEUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C1726
INTIMÉES
Madame [H] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Rachel SPIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0335
Syndicat CNT DES TRAVAILLEURS DE LA SANTÉ DU SOCIAL ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DE LA RÉGION PARISIENNE
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Rachel SPIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0335
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR.
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROC”DURE ET PR”TENTIONS DES PARTIES
La halte garderie située [Adresse 2] dans le [Localité 1], accueillant des enfants jusqu’à l’âge de 3 ans est gérée, sur délégation de la ville de [Localité 1], depuis le 1er août 2006 par la société People and Baby (ci-après la société PB) qui a repris cette activité à l’association [Adresse 9].
Par contrat de travail du 16 février 2007 non versé aux débats, Mme [H] [Y] a été engagée par la société PB en qualité d’éducatrice de jeunes enfants.
Le 1er mars 2010, une partie du personnel de la halte garderie a fait grève pour dénoncer les changements d’horaires et obtenir de meilleures conditions de travail.
Par courrier du 2 mars 2010 non produit, la société PB a mis à pied à titre conservatoire Mme [Y].
Par courrier du 3 mars 2010 non produit, la société PB a convoqué Mme [Y] à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé le 17 mars 2010.
Par courrier du 25 mars 2010, la société PB a notifié à Mme [Y] son licenciement pour faute grave.
Contestant le bien-fondé du licenciement, Mme [Y] a saisi le 31 mars 2010 le conseil de prud’hommes de Paris aux fins d’obtenir la condamnation de la société PB à diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Le syndicat CNT des travailleurs de la santé du social et des collectivités territoriales de la région parisienne (ci-désigné le syndicat CNT) est intervenu volontairement à l’instance prud’homale aux fins d’obtenir la réparation du préjudice collectif causé à la profession du fait des agissements reprochés à la société PB.
Par jugement du 16 novembre 2017, le conseil de prud’hommes a :
Dit que le licenciement de Mme [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamné la société PB à payer à Mme [Y] les sommes suivantes :
– 12.289 euros en réparation du licenciement non causé,
– 12.289 euros pour discrimination syndicale,
– 1.764,67 euros à titre de rappel de salaire pour la mise à pied abusive,
– 176,47 euros au titre des congés payés afférents,
– 3.152,54 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 315,25 euros au titre des congés payés afférents,
– 1.331,38 euros à titre d’indemnité de licenciement,
Condamné la société PB à remettre à Mme [Y] des bulletins de paye et documents de fin de contrat conformes au jugement, sous astreinte de 100 euros par jours de retard et a dit que cette astreinte courra sept jours à compter de la signification du jugement pour une durée de six mois et qu’elle se réservait la liquidation de l’astreinte,
Dit que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal ainsi que de l’anatocisme,
Condamné la société PB à verser au syndicat CNT la somme de 1.500 euros,
Ordonné l’exécution provisoire de la décision,
Condamné la société PB à verser la somme de 1.500 euros à Mme [Y] et de 150 euros au syndicat CNT au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejeté les autres demandes,
Condamné la société aux dépens.
Le 12 décembre 2017, la société PB a interjeté appel du jugement.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 23 août 2020, la société PB demande à la cour de :
A titre principal,
Infirmer le jugement en ce qu’il a écarté la péremption d’instance,
Constater la péremption de l’instance engagée par Mme [Y] et le syndicat CNT,
En conséquence,
Constater l’irrecevabilité de ses demandes ainsi que celles du syndicat CNT, intervenant volontaire,
A titre subsidiaire,
Dire nul le jugement en ce que le juge départiteur a excédé les limites de sa compétence,
Ordonner la restitution des condamnations qui auraient été exécutées en vertu de ce jugement nul
avec intérêts légaux à compter du paiement,
Le cas échéant, infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf celle concernant l’indemnité pour non-respect de l’obligation de sécurité et de santé de résultat de l’employeur,
Statuant à nouveau et en tout état de cause,
Dire et juger que le licenciement du 25 mars 2010 pour faute grave est fondé et qu’aucune discrimination syndicale n’est caractérisée,
Débouter Mme [Y] et le syndicat CNT de l’ensemble de leurs demandes et celles
développées au titre de l’appel incident,
Condamner Mme [Y] et le syndicat CNT à la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais de signification nécessaires.
Par arrêt en date du 16 février 2022, la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance en date du 24 novembre 2020, par laquelle le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de Mme [Y] et du syndicat CNT, ainsi que les pièces au motif que les conclusions des intimés avaient été déposées après le délai imparti.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
L’instruction a été déclarée close le 12 avril 2023.
MOTIFS :
Au préalable, il est rappelé qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Dès lors, Mme [Y] et le syndicat CNT n’ayant pas conclu sont réputés s’être appropriés les motifs du jugement attaqué
Sur la péremption d’instance :
Dans ses dernières écritures, la société PB demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande aux fins de voir constater la péremption d’instance. Elle considère que l’instance était périmée dès le 24 juin 2013, puisque dans son ordonnance de renvoi du 24 juin 2011, le conseil de prud’hommes avait mis à la charge des intimés des diligences qui n’ont été accomplies que lors du rétablissement de l’affaire le 31 mars 2015.
Il ressort des termes du jugement querellé que la péremption d’instance n’était pas caractérisée pour les motifs suivants
‘En l’espèce, la salariée a saisi la juridiction prud’homale le 31 mars 2010. L’audience de conciliation s’est tenue le 27 mai 2010. La demande a été examinée par le bureau de jugement le 2 décembre 2010 et renvoyée au 24 juin 2011 puis au 4 octobre 2011. Le bureau de jugement du 24 juin 2011 a rendu une ordonnance de renvoi dans laquelle il demandait à la salariée de communiquer ses pièces et ses moyens pour le 3 juillet 2011. Le 4 octobre 2011, le bureau donne une nouvelle date aux mêmes fins pour le 12 janvier 2012. Le 6 décembre 2012, le bureau demandait la production des pièces et demandes chiffrées pour le 15 février 2013. Le 3 juillet 2013, il ordonnait la radiation au motif que la partie demanderesse n’avait pas exécuté les diligences lui incombant dans la conduite de l’instance. L’affaire a été rétablie le 31 mars 2015.
L’employeur soutient que la péremption a commencé à courir à compter du 6 décembre 2012 à défaut du 15 février 2013, faute de diligence et qu’elle était acquise le 31 mars 2015. Il est exact qu’une simple demande de renvoi n’aurait pas été de nature à interrompre la péremption.
Cependant, la demande adressée le 3 juillet 2013 par la salariée à la juridiction prud’homale ne se limitait pas à demander un renvoi. Elle était motivée par la nécessité de mettre à profit le délai sollicité pour examiner le compte rendu d’enquête qui avait été communiqué le 25 juin 2013 par l’inspection du travail. La salariée entendait tirer de cette pièce importante et volumineuse la preuve d’une discrimination à son encontre. Ainsi, la demande donnait à l’instance une impulsion processuelle, de nature à éclairer la juridiction et à faire progresser le litige vers son dénouement. De plus, elle venait de la demanderesse, qui n’avait pas intérêt à différer le litige. Il en résulte que cette demande doit être considérée comme interruptive de péremption et que l’affaire a été régulièrement rétablie le 31 mars 2015″.
***
Aux termes de l’article 386 du code de procédure civile, l’instance s’éteint à titre principal notamment par l’effet de la péremption; dans ce cas, la constatation de l’extinction de l’instance et du dessaisissement de la juridiction ne met pas obstacle à l’introduction d’une nouvelle instance, si l’action n’est pas éteinte par ailleurs.
L’article 386 du même code précise que l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans; la diligence interruptive de péremption consiste en tout acte émanant de l’une ou l’autre partie faisant partie de l’instance et ayant pour objet de faire avancer la procédure et la continuer.
L’article 389 du même code prévoit que la péremption n’éteint pas l’action mais qu’elle emporte seulement extinction de l’instance sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir.
L’article R. 1452-8 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date d’introduction de l’instance prud’homale (soit le 31 mars 2010) dispose qu’en matière prud’homale, l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
***
En premier lieu, il ressort des éléments produits par l’employeur, non contredits dans les motifs de la décision attaquée, que :
– par ordonnance du 24 juin 2011, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Paris a ordonné à Mme [Y] et au syndicat CNT de communiquer leurs pièces et moyens au plus tard le 31 juillet 2011. Il ressort en outre des mentions apposées sur cette ordonnance que les deux intimés étaient représentés à l’audience au cours de laquelle l’ordonnance a été rendue le jour même et que celle-ci leur a également été notifiée par lettre simple le 26 août 2011,
– par ordonnance du 28 novembre 2011, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Paris a ordonné à Mme [Y] et au syndicat CNT de communiquer leurs pièces et moyens au plus tard le 12 janvier 2012. Il ressort en outre des mentions apposées sur cette ordonnance que les deux intimés étaient représentés à l’audience au cours de laquelle l’ordonnance a été rendue le jour même et que celle-ci leur a également été notifiée par lettre simple le 28 novembre 2011.
Il se déduit de ce qui précède que dès l’audience du 24 juin 2011, le syndicat CNT et Mme [Y] étaient informés par le conseil de prud’hommes qu’ils devaient accomplir des diligences, à savoir la communication de leurs pièces et moyens.
Par suite, le délai de péremption a commencé à courir le 24 juin 2011 et a expiré le 25 juin 2013.
En second lieu, il ressort des écritures de la société PB et des motifs du jugement entrepris auxquels les intimés sont réputés s’être référés que ces diligences n’ont été accomplies que le 31 mars 2015, soit après l’expiration du délai de péremption, obligeant ainsi le juge de première instance à procéder à la radiation de l’affaire le 3 juillet 2013.
S’il ressort des termes de la décision querellée que la salariée a adressé le 3 juillet 2013 un courrier au conseil de prud’hommes lui demandant un nouveau renvoi de l’affaire pour examiner des pièces qui lui avaient été communiquées et que le juge de première instance en tire argument pour affirmer que le délai de péremption a ainsi été interrompu à compter de cette date, la cour constate néanmoins que :
– le conseil de prud’hommes a jugé que le délai de péremption n’a commencé à courir qu’à compter du 6 décembre 2012 en se fondant uniquement sur les écritures de l’employeur, alors que ce dernier expose utilement dans ses écritures d’appel que ce délai a en réalité débuté le 24 juin 2011,
– le courrier du 3 juillet 2013 n’est pas versé aux débats et que, par voie de conséquence, sa qualification en diligence interruptive de péremption opérée par le conseil de prud’hommes et contestée par l’employeur ne peut être appréciée par la cour au regard des éléments produits,
– à supposer même que ce courrier puisse être qualifié de diligence interruptive de péremption, il n’a été adressé au conseil de prud’hommes que postérieurement au 25 juin 2013, date à laquelle le délai de péremption expirait. Par suite, son éventuel qualification en diligence interruptive de péremption ne saurait avoir aucun effet sur une péremption d’instance déjà acquise.
Il se déduit de ce qui précède que le 25 juin 2013, l’instance prud’homale était périmée et qu’ainsi le conseil de prud’hommes ne pouvait prononcer le jugement entrepris. Conformément aux dispositions de l’article 389 du code de procédure civile, les parties ne peuvent dès lors s’en prévaloir.
Sur les demandes accessoires :
En premier lieu, l’article 393 du code de procédure civile dispose : ‘Les frais de l’instance périmée sont supportés par celui qui a introduit cette instance’.
Il s’en déduit que les dépens engagés par les parties devant le conseil de prud’hommes et la cour d’appel sont à la charge de Mme [Y] qui a introduit l’instance.
En second lieu, il ne paraît pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe, dans les limites de l’appel,
INFIRME le jugement de première instance en toute ses dispositions ;
CONSTATE la péremption de l’instance introduite le 31 mars 2010 par Mme [H] [Y] devant le conseil de prud’hommes de Paris à la date du 25 juin 2013 ;
CONSTATE en conséquence que la société People and Baby, Mme [H] [Y], le syndicat CNT des travailleurs de la santé du social et des collectivités territoriales de la région parisienne ou toute autre personne ne peuvent se prévaloir du
jugement RG n°F 15/04046 rendu le 16 novembre 2017 par le conseil de prud’hommes de Paris ;
DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes ;
MET les dépens de première instance et d’appel à la charge de Mme [H] [Y].
La greffière La présidente