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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 13
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 17/09665 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3Y4E
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juin 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d’EVRY RG n° 16-00702
APPELANTE
URSSAF – [Localité 2]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par M. [P] [E] en vertu d’un pouvoir général
INTIME
Monsieur [F] [T]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Perrine ATHON – PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B0090
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Mai 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M Raoul CARBONARO, Président de chambre
M Gilles REVELLES, Cconseiller
Mme Natacha PINOY, Conseillère
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu au 07 juillet 2023, prorogé au 29 septembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par M Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par la caisse du régime social des indépendants d'[Localité 2] aux droits de laquelle est venue l’Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales d'[Localité 2] (l’Urssaf) d’un jugement rendu le 15 juin 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Évry dans un litige l’opposant à [F] [T] (le cotisant).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Il convient rappeler que le cotisant a été affilié au régime des indépendants à compter du 1er avril 2007 ; que l’intéressé restant redevable de certaines cotisations, le régime des indépendants lui a adressé sept mises en demeure ; qu’en l’absence de règlements, l’Urssaf a émis le 8 avril 2016 une contrainte pour un montant total de 31 435,70 euros qui a été délivrée au cotisant le 29 avril 2016 au titre des cotisations et majorations de retard afférentes aux régularisations des années 2010, 2011 et 2012, aux 3e et 4e trimestres 2012, au 1er trimestre 2013 et aux mois de juin, juillet et août 2013 ; que le 18 mai 2016, le cotisant a formé opposition à la contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Évry.
Par jugement du 15 juin 2017, ce tribunal a :
– déclaré le cotisant recevable en son opposition et bien-fondé ;
– annulé la contrainte émise par le régime des indépendants le 8 avril 2016 à l’encontre du cotisant d’un montant de 31 435,70 euros, au titre des cotisations et majorations de retard afférentes à la régularisation des années 2010, 2011 et 2012, aux 3e et 4e trimestre 2012, au 1er trimestre 2013, ainsi qu’aux mois de juin, juillet et août 2013 ;
– condamné le régime des indépendants à verser au cotisant la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le mois de la réception de sa notification.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que si la contrainte litigieuse portait mention des cotisations et des majorations de retard mises à la charge du cotisant, lesdits montants étaient des montants globaux, sans mention du détail des cotisations et majorations, alors même qu’elles étaient afférentes à différentes périodes, de sorte que nonobstant les mises en demeure, le cotisant s’était trouvé dans l’impossibilité de connaître exactement la cause, la nature et l’étendue de son obligation.
L’Urssaf a interjeté appel le 7 juillet 2017 de ce jugement qui lui avait été notifié à une date qui ne ressort pas des pièces du dossier.
Par ses conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l’audience par son mandataire, l’Urssaf demande à la cour de :
– déclarer recevable son appel ;
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Évry du 15 juin 2017 ;
Et statuant à nouveau,
– valider la contrainte du 8 avril 2016 pour un montant total ramené à 22 723,70 euros correspondant au montant des cotisations et contributions restant dû pour 21 406,70 euros et aux majorations de retard provisoires pour 1 317 euros ;
– condamner le cotisant au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En réplique, le cotisant, représenté par son conseil, demande à la cour de :
In limine litis,
– constater la péremption de l’instance d’appel introduite par l’Urssaf ou à défaut l’irrecevabilité de l’appel ;
À titre principal
– confirmer le jugement en ce qu’il a annulé la contrainte ;
À titre subsidiaire,
– valider la contrainte du 8 avril 2016 à hauteur de 19 094,70 euros ;
– constater que, pour le surplus, l’Urssaf ne justifie pas sa créance ;
En tout état de cause,
– rejeter toute demande de condamnation du cotisant au paiement d’une quelconque somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeter toute demande de condamnation du cotisant au paiement des frais de recouvrement ;
– mettre à la charge de l’Urssaf les frais de recouvrement ;
– condamner l’Urssaf à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est fait référence aux écritures déposées par la société et visées par le greffe lors de l’audience pour plus ample exposé des moyens développés.
Lors de l’audience, l’Urssaf a indiqué oralement qu’elle s’en rapportait à sagesse de justice quant à l’absence de la mention du délai d’un mois sur la mise en demeure du 29 septembre 2017.
SUR CE :
– Sur la recevabilité de l’appel
L’Urssaf a interjeté appel par déclaration au greffe le 7 juillet 2017 à 17h57. L’Urssaf indique que le jugement lui a été notifié le 3 juillet 2017 sans verser de pièce. En l’absence du dossier de première instance, aucune pièce au dossier ne permet de vérifier la date à laquelle le jugement a été notifié à l’Urssaf. Pour autant le jugement ayant été rendu le 15 juin 2017 et l’appel régularisé le 7 juillet, en tout état de cause, l’appel est nécessairement recevable.
Dans ces conditions, l’appel sera déclaré recevable.
– Sur la péremption d’instance
Aux termes de l’article 386 du code de procédure civile, l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
Il résulte des dispositions du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ayant abrogé l’article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, que l’article 386 du code de procédure civile est applicable en matière de sécurité sociale tant aux instances d’appel initiées à partir du 1er janvier 2019 qu’à celles en cours à cette date.
Lorsque la procédure est orale, les parties n’ont pas, au regard de l’article 386 du code de procédure civile, d’autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l’affaire (Civ. 2, 17 novembre 1993, n° 92-12807 ; Civ. 2, 6 décembre 2018, n° 17-26202).
La convocation de l’adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l’accélérer (Civ. 2, 15 novembre 2012, n° 11-25499).
Il en résulte que le délai de péremption de l’instance n’a pas commencé à courir avant la date de la première audience qui en l’espèce a été fixée par le greffe, dans la convocation du 10 juillet 2020, à la date du 3 juin 2021, date à laquelle l’affaire a été renvoyée à l’audience du 12 janvier 2022 pour citation du cotisant qui n’avait pas retiré sa convocation. À cette dernière audience, l’affaire a été renvoyée contradictoirement à l’audience du 3 octobre 2022 puis à nouveau au 17 mai 2023, date à laquelle l’affaire a été retenue et plaidée.
Il en résulte qu’à l’audience du 3 juin 2021 le délai de péremption a seulement commencé à courir de sorte que la péremption de l’instance n’est pas acquise à l’audience du 17 mai 2023, date à laquelle l’affaire a été retenue et plaidée.
– Sur la contrainte
L’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige dispose que toute action ou poursuite effectuée en application de l’article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-11 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d’un avertissement par lettre recommandée de l’autorité compétente de l’État invitant l’employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n’a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l’employeur ou au travailleur indépendant.
L’article R. 244-1 du même code dans sa version applicable au litige dispose que l’avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s’y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.
La mise en demeure et la contrainte délivrée à sa suite doivent permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation.
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats par l’Urssaf que le cotisant a été destinataire des sept mises en demeure suivantes (pièces n° 3 à 9 de ses productions) :
– le 14 décembre 2012, pour le paiement de la somme de 6 713 euros au titre du 4e trimestre 2012, reçue le 15 décembre 2012 ;
– le 18 février 2013, pour le paiement de la somme de 2 528 euros au titre du 1er trimestre 2013, reçue le 19 février 2013 ;
– le 12 juillet 2013, pour le paiement de la somme de 2 521 euros au titre du mois de juin 2013, reçue le 13 juillet 2013 ;
– le 12 août 2013, pour le paiement de la somme de 1 260 euros au titre du mois de juillet 2013, reçue le 13 août 2013 ;
– le 16 septembre 2013, pour le paiement de la somme de 8 513,50 euros au titre des régularisations des exercices 2009, 2010 et 2011, reçue le 17 septembre 2013 ;
– le 16 septembre 2013, pour le paiement de la somme de 7 864 euros au titre du 3e trimestre 2012 et du mois d’août 2013, reçue le 17 septembre 2013 ;
– le 13 mars 2014, pour le paiement de la somme de 8 712 euros au titre de la régularisation de l’année 2012, retournée à l’Urssaf avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse ».
Soit au total la somme de 38 111,50 euros.
Les mises en demeure font mention de la nature des sommes dues en cotisations, contributions, pénalités ou majoration, pour la période visée.
À l’exception de la dernière, contrairement à ce que soutient vainement le cotisant qui invoque n’en avoir reçu aucune, les mises en demeure ont été régulièrement délivrées au cotisant qui a signé et daté leur accusé de réception. Il s’ensuit que seule la dernière mise en demeure doit être retranchée du montant des cotisations réclamées comme en convient l’Urssaf dans ses écritures qui n’en demande plus le paiement.
La contrainte émise le 8 avril 2016 porte mention :
– des références des mises en demeure sur lesquelles elle se fonde,
– des périodes concernées,
– des montants de cotisation de 35 997,50 euros,
– des montants de majorations de 2 036 euros,
– du montant d’un versement de 399,80 euros effectué par le cotisant au titre des régularisations des années 2010 et 2011,
– d’une déduction de 6 198 euros,
soit un total de sommes restant dues de 31 435,70 euros.
Le fait que le montant des sommes portées sur la mise en demeure soit supérieur au montant visé dans la contrainte ne porte pas atteinte à la régularité de celle-ci et se justifie par les régularisation et déduction intervenues entretemps.
La déduction de 6 198 euros correspond à la régularisation des cotisations provisionnelles après exploitation des déclarations de revenus définitifs au titre des exercices concernés.
Les mentions « cotisations provisionnelle », « X trimestre », « X mois » et « REGUL X » permettent au cotisant de connaître la cause de l’obligation et les périodes auxquelles les mises en demeure puis la contrainte se rapportent.
Si une modique somme initiale figure sur l’une des mises en demeures au titre de la régularisation de l’année 2009 (78 €), elle n’est pas reprise dans la contrainte qui ne porte que sur les exercices 2010 à 2013, de sorte que cette dernière ne comporte aucune somme réclamée au titre de l’année 2009.
Il résulte ainsi de l’ensemble de ces éléments que la contrainte émise le 8 avril 2016 à l’encontre du cotisant, qui fait expressément référence aux mises en demeure, respecte les exigences de forme lui permettant d’avoir connaissance de la nature, de la cause, du montant et de l’étendue de son obligation et doit en conséquence être déclarée régulière.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
– Sur le montant des cotisations dues
Aucune contestation n’est élevée sur les revenus de référence tels qu’exposés dans les écritures de l’Urssaf.
Le cotisant conteste en revanche le calcul des cotisations et leur montant au regard des mises en demeure.
Il convient de rappeler que les cotisations figurant aux mises en demeure sont des cotisations prévisionnelles et que les derniers calculs de l’Urssaf correspondent aux cotisations définitives. Il apparaît que le montant réclamé au titre des cotisations définitives est inférieur au montant des cotisations prévisionnelles figurant sur les mises en demeure.
Le cotisant a été affilié au régime des indépendants du 1er avril 2007 au 28 août 2013, en qualité d’entrepreneur individuel jusqu’en 2008 puis en qualité d’associé gérant de la SARL [T]. La SARL a fait l’objet de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire par jugement du 29 juillet 2013. Le cotisant est donc redevable des cotisations jusqu’au mois de juillet 2013.
Dans ses calculs l’Urssaf reprend les montants initiaux des cotisations provisionnelles, les revenus déclarés, les versements effectués et les régularisations, s’agissant de cotisations provisionnelles, après l’exploitation des déclarations de revenus.
La contrainte sera validée pour son montant ramené à 22 723,70 euros (21 406,70 € de cotisations et 1 317 € de majorations de retard) comme le sollicite l’Urssaf.
Le cotisant soutient que l’Urssaf ne justifie pas ses calculs parce que la somme totale définitivement due au titre de 2012 est supérieure au montant total des sommes réclamées dans les mises en demeure concernées.
Il résulte des calculs de l’Urssaf que les sommes définitivement dues au titre de 2012 s’élèvent à 20 902 euros au titre des cotisations et 1 127 euros au titre des majorations de retard. Toutefois, le montant total des cotisations provisionnelles et des majorations de retard relevant des deux seules mises en demeure reçues au titre de l’exercice 2012 s’élève à 13 317 euros.
La somme de 6 370 euros correspond à la régularisation des cotisations de l’exercice 2011 appelée en 2012 et entre comme telle dans le calcul global effectué au titre de l’année 2012.
Ensuite, la somme de 8 712 euros au titre de la régularisation de l’année 2012 figurant dans la dernière mise en demeure ne peut pas fonder une demande de validation, même partielle, de la contrainte au titre de la régularisation de l’exercice 2012 comme le reconnaît par principe l’Urssaf.
C’est pourquoi l’Urssaf, dans son calcul des cotisations définitivement dues et exigibles au titre de l’année 2012, tient compte de cette omission nécessaire de la somme de 8 712 euros en la soustrayant du montant total dû, de sorte qu’en soustrayant la somme de 8 712 euros non exigible à la somme définitivement due de 22 029 euros, il reste 13 317 euros, soit exactement la somme des deux mises en demeure reçues par le cotisant au titre de l’année 2012.
Il s’ensuit que la demande totale au titre de 2012 est ramenée à 13 317 euros, seul montant résultant des mises en demeure régulières.
La déduction des versements déjà effectués a été opérée par l’Urssaf, il n’y a donc pas lieu de déduire une deuxième fois la somme de 4 835,30 euros comme le demande le cotisant.
Le montant total de 22 723,70 euros (21 406,70 € de cotisations et 1 317 € de majorations de retard) au titre de l’ensemble de la période de cotisations restant dues est donc exact.
Le cotisant, succombant à l’instance, sera condamné aux dépens et à verser à l’Urssaf la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera également débouté de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
DÉCLARE l’appel recevable ;
REJETTE le moyen tiré de la péremption d’instance ;
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau sur le tout,
VALIDE la contrainte émise le 8 avril 2016 à hauteur de 22 723,70 euros, correspondant aux sommes de 21 406,70 euros en cotisations et contributions sociales et de 1 317 euros en majorations de retard ;
DÉBOUTE [F] [T] de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [F] [T] à payer à l’Urssaf d'[Localité 2] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE [F] [T] aux dépens d’appel.
La greffière Le président