Péremption d’instance : 24 octobre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/00087

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Péremption d’instance : 24 octobre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/00087
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à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 24 OCTOBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/00087 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PIQW

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 30 NOVEMBRE 2021

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NARBONNE

N° RG 19/00834

APPELANT :

Monsieur [M] [H]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 5] (Turquie)

de nationalité Turque

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Lola JULIE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Nese KOÇ, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/283 du 19/01/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

Madame [S] [U] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL LANDELLE AUTOMOBILES désignée par jugement du tribunal de commerce de PERPIGNAN du 29 juin 2011

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Yves-Marie LE CORFF, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 05 Septembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 SEPTEMBRE 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO

Ministère public :

L’affaire a été communiquée au ministère public qui n’a pas fait connaître son avis.

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.

FAITS, PROCEDURE – PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

La SARL Landelle Automobiles a pour activité principale l’achat, la vente de tous véhicules à moteurs neufs ou d’occasion, la réparation mécanique à [Localité 4].

Par acte sous seing privé en date du 3 janvier 2011, M. [M] [H] a remis à la société Landelle Automobiles en dépôt-vente un véhicule BMW X5 pour une durée d’un mois moyennant un prix de 21 000 euros. Le véhicule a été vendu pour ce montant le 20 mai 2011.

Par jugement en date du 1er juin 2011, le tribunal de commerce de Perpignan a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Landelle Automobiles.

Par jugement en date du 29 juin 2011, ce tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Landelle Automobiles et Mme [S] [U] a été désignée mandataire liquidateur.

Par courrier du 7 octobre 2011, Mme [U] ès qualités s’est opposée à la demande en paiement formée par M. [H].

Saisi par requête du 7 octobre 2021, le juge-commissaire a, par ordonnance en date du 29 novembre 2011, ordonné la restitution du prix de vente du véhicule, déduction faite de la commission revenant à la société Landelle Automobiles, considérant que le véhicule automobile n’était jamais entré dans le patrimoine de la société.

Sur opposition de Mme [U], ès qualités, le tribunal de commerce a, par jugement en date du 25 janvier 2012, dit n’y avoir lieu à restitution au motif que le paiement d’une dette antérieure ne pouvait intervenir postérieurement et que M. [H] aurait dû déclarer sa créance.

Cependant, par un arrêt en date du 24 septembre 2013, la cour d’appel de Montpellier a infirmé cette décision et ordonné la restitution du prix de vente, soit la somme de 20 500 euros, considérant que la clause de réserve de propriété, figurant sur la facture de vente du 20 mai 2011, a empêché, faute d’un paiement, qui suspend l’effet translatif du contrat de vente, que la vente puisse être considérée comme étant intervenue antérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire.

Le pourvoi en cassation, formé par Mme [U], ès qualités, a été radié par ordonnance du 16 octobre 2014, la Cour de cassation constatant la péremption d’instance le 21 septembre 2017.

Par jugement du 20 décembre 2017, le tribunal de commerce de Perpignan a prononcé la clôture de la liquidation de la société Landelle Automobiles pour insuffisance d’actif.

Mme [U] ès qualités a procédé au règlement de la somme de 6 099,88 euros dans le cadre des répartitions des avoirs restants le l2 juillet 2018.

Saisi par acte d’huissier en date du 28 juin 2019 délivré par M. [H] en responsabilité civile personnelle, le tribunal judiciaire de Narbonne, par un jugement du 30 novembre 2021, a :

– (…) vu l’article 514 du code de procédure civile, vu l’article 2224 du code civil,

– Rejetant toutes conclusions ou demandes plus amples ou contraires comme injustes ou non fondées,

– Dit et jugé que l’action en responsabilité engagée est prescrite,

– Débouté Monsieur [M] [H] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

– Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Laissé les entiers dépens à la charge du requérant, qui seront pris en charge par l’aide juridictionnelle,

– Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

M. [H] a relevé appel de ce jugement par déclaration reçue le 6 janvier 2022.

Il demande à la cour, dans ses dernières conclusions du 29 mars 2022, de :

– Rejetant toutes conclusions, prétentions et fins adverses, (‘), vu les articles 2224 et 1240 du code civil,

– Juger l’appel interjeté à l’encontre du jugement (‘) recevable et fondé,

– Infirmer le jugement (‘),

– En conséquence, déclarer son action recevable en la forme et juste au fond,

– Retenir la responsabilité civile délictuelle de Madame [S] [U],

– Condamner Madame [S] [U] à lui servir la somme de 14 400,12 euros (quatorze mille quatre cents euros et douze centimes), et ce à titre de dommages et intérêts, sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du code civil, assortie des intérêts au taux légal à compter de la requête en revendication du 7 octobre 2011, en compensation du préjudice subi,

– Condamner Madame [S] [U] au paiement de la somme de 3 000 euros (trois mille euros) par application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

– Condamner Madame [S] [U] aux entiers dépens de l’instance, avec distraction (‘).

Au soutien de son appel, il fait valoir pour l’essentiel que :

– le point de départ de la prescription n’est pas l’arrêt de la cour d’appel du 24 septembre 2013 (qui confirme l’ordonnance du juge-commissaire ayant ordonné la restitution), car cet arrêt ordonne une restitution à Mme [U] ès qualités,

– la responsabilité personnelle de Mme [U] ne pouvait être recherchée tant qu’il était possible d’agir à son encontre ès qualités,

– le délai de prescription a commencé à courir le 20 décembre 2017, lorsque la procédure collective a été clôturée (avec publication) et les fonctions de Mme [U] ont cessé, ce n’est qu’à partir de cette date, qu’il a su que le liquidateur n’exécuterait pas l’arrêt,

– en tout état de cause, le dommage ne s’est manifesté qu’à la date du 21 septembre 2017, lorsque la Cour de cassation a constaté la péremption du pourvoi interjeté par Mme [U] à l’encontre de l’arrêt, seule cette date peut constituer le point de départ de la prescription de son action,

– la faute délictuelle consiste dans le fait de ne pas exécuter une décision de justice devenue définitive,

– son préjudice correspond à la partie de la somme non restituée, soit 14 400,12 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la requête en revendication le 7 octobre 2011.

Dans ses dernières conclusions du 20 juin 2022, Madame [S] [U] demande à la cour au visa des articles 122 et suivants du code de procédure civile et 1240 et 2224 du code civil, de :

– à titre principal, confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé que l’action en responsabilité engagée par Monsieur [M] [H] était prescrite et débouté Monsieur [M] [H] de toutes ses demandes (‘),

– à titre subsidiaire, juger que Monsieur [M] [H] ne rapporte la preuve d’aucune faute qui lui soit imputable en lien causal direct avec un préjudice certain,

– par conséquent, débouter Monsieur [M] [H] de l’ensemble de ses demandes (‘),

– en tout état de cause, condamner Monsieur [M] [H] à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [M] [H] aux entiers dépens.

Elle fait valoir pour l’essentiel que :

– le point de départ de l’action en responsabilité est, soit le 7 octobre 2011 à l’occasion de l’opposition du liquidateur à la demande de revendication, soit le 23 octobre 2013, lorsqu’il a lui-même rappelé que l’arrêt de la cour d’appel du 24 septembre 2013 était exécutoire pour avoir été signifié le 1er octobre 2013 aux avocats et le 16 octobre suivant aux parties,

– l’assignation du 28 juin 2019 a été délivrée plus de cinq années après sa connaissance des faits reprochés,

– l’action en responsabilité civile professionnelle contre un mandataire judiciaire n’est pas subsidiaire à une action en paiement à l’encontre de la procédure collective,

– l’action en responsabilité civile professionnelle est étrangère aux droits d’un créancier lors de la clôture de la procédure collective,

– l’ordonnance en date du 21 septembre 2017 a constaté la péremption de l’instance entre M. [H] et la société Landelle Automobiles représentée par son liquidateur, et ne permet pas de considérer que M. [H] disposait à cette date d’une créance contre Mme [U], qui ne doit pas être confondue à titre personnel avec son administrée,

– la revendication est impossible juridiquement et M. [H] devait déclarer sa créance, ce qu’il a fait avec retard (requête en relevé de forclusion rejetée),

– le fait que la décision de justice n’ait pas fait droit à son argumentation ne révèle pas une faute délictuelle,

– les intérêts légaux ne peuvent, le cas échéant, courir qu’à compter de la décision de condamnation s’agissant d’une action en responsabilité délictuelle.

Le procureur général près la cour d’appel de Montpellier, auquel le dossier de l’affaire a été communiqué le 6 janvier 2022, n’a pas fait connaître son avis.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 5 septembre 2023.

MOTIFS de la DÉCISION

1- sur l’action en responsabilité

Le mandataire liquidateur, qui répond des conséquences dommageables des fautes qu’il commet dans l’exercice de ses fonctions, engage sa responsabilité civile professionnelle sur le fondement de la responsabilité délictuelle, prévue par les articles 1240 et 1241 du code civil, exigeant que soit rapportée la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux.

Cette responsabilité civile étant personnelle et non une responsabilité ès qualités, la clôture des opérations de liquidation judiciaire de la société Landelle Automobiles ne pouvait conditionner sa mise en jeu.

L’article 2224 du code civil prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Suite au refus du liquidateur de lui verser le montant du prix de la vente de son véhicule, confié en dépôt-vente à la société Landelle Automobiles, placée en liquidation judiciaire, M. [H] a déposé une requête en revendication le 7 octobre 2011 auprès du juge-commissaire, ayant donné lieu à un arrêt de cette cour, en date du 24 septembre 2013, exécutoire et passé en force de chose jugée à compter de son prononcé en application des articles 500, 501 et 504 du code de procédure civile, et susceptible d’exécution forcée suite à la signification à l’avocat le 1er octobre 2013 et aux parties le 16 octobre 2013 conformément aux dispositions de l’article 503 du même code.

A ce titre, M. [H] écrivait lui-même, par le biais de son conseil, le 23 octobre 2013 à Mme [U] que l’arrêt, signifié, était exécutoire et qu’elle devait procéder à la restitution de la somme de 20 500 euros.

Le pourvoi en cassation formé par Mme [U] le 16 décembre 2013, sans effet quant à ce caractère exécutoire, traduisait sa contestation de l’arrêt, qui n’a pas prospéré compte tenu de l’inexécution de celui-ci, ayant entraîné, à la demande de M. [H] par requête en date du 26 mai 2014, une radiation prononcée par ordonnance en date du 16 octobre 2014, puis le constat de la péremption de cette instance par ordonnance en date du 21 septembre 2017.

M. [H] était, ainsi, informé de l’absence de toute exécution de l’arrêt malgré sa signification en octobre 2013, sanctionnée, à sa demande, par la radiation du pourvoi en cassation, et de l’opposition de Mme [U] à s’y conformer antérieurement au constat de la péremption de l’instance en cassation.

Il en résulte que l’assignation introductive d’instance, visant à rechercher la responsabilité personnelle de Mme [U], en date du 28 juin 2019 est tardive, comme ayant été délivrée au-delà du délai quinquennal, ayant commencé à courir, au plus tard, à compter du 26 mai 2014, date de la saisine de la Cour de cassation afin de radiation du pourvoi en application de l’article 1009-1 du code de procédure civile.

L’action en responsabilité de M. [H] à l’encontre de Mme [U] est irrecevable.

Le jugement sera confirmé dans toutes ses dispositions.

2- sur les autres demandes

Succombant sur son appel, M. [H] sera condamné aux dépens et au vu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 1 500 euros, sa demande sur le fondement de l’article 37 de la loi n°91- 647 du 10 juillet 1991, étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne M. [M] [H] à payer à Mme [S] [U], en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Landelle Automobiles la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de M. [M] [H] fondée sur les dispositions de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991,

Condamne M. [M] [H] aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d’aide juridictionnelle.

le greffier, le président,

 


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