Péremption d’instance : 27 octobre 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/04218

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Péremption d’instance : 27 octobre 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/04218
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N° RG 20/04218 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IUKK

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 27 OCTOBRE 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

16/391

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU HAVRE du 18 Novembre 2020

APPELANTE :

Société [5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

dispensée de comparaître

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU HAVRE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 12 Septembre 2023 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé d’instruire l’affaire, en présence de madame Gabrielle MEUNIER, greffier stagiaire

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 12 septembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 27 octobre 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 27 Octobre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [F] [R], engagée au sein de la société [5] (la société) à partir du 10 novembre 2015 en qualité d’exploitant industriel, a indiqué avoir subi un accident du travail le 18 novembre 2015 alors qu’elle était en mission au sein d’une entreprise utilisatrice.

Une déclaration datée du 19 novembre 2015 a été transmise à la caisse primaire d’assurance maladie du Havre (la caisse) et fait état des circonstances suivantes: ‘L’intéressé déclare, en rangeant des pièces dans une caisse, a ressenti une douleur vive dans l’épaule’.

Le 30 novembre 2015, la caisse a notifié à la société la prise en charge du fait accidentel au titre de la législation sur les risques professionnels.

La société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable (la CRA) de la caisse qui, en sa séance du 2 mai 2016, a rejeté sa requête.

Par courrier du 11 juillet 2016, la société a poursuivi sa contestation devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Havre.

L’affaire a été transférée au pôle social du tribunal de grande instance du Havre, devenu tribunal judiciaire, lequel a, par jugement du 18 novembre 2020, rejeté le recours.

La décision a été notifiée à la société le 27 novembre 2020, elle en a relevé appel le 17 décembre 2020.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 7 février 2023.

Sur leur demande, un renvoi du dossier à l’audience du 12 septembre 2023 a été accordé.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions remises le 20 janvier 2023, la société, dispensée de comparution, demande à la cour de :

– infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal judiciaire le 18 novembre 2020,

– déclarer inopposable à son égard la décision de prise en charge de l’accident du 18 novembre 2015 déclaré par Mme [R],

– débouter la caisse de toutes ses demandes dirigées contre elle.

Au soutien de ses demandes, la société conteste le caractère professionnel de l’accident survenu à la salariée. Elle considère tardive la déclaration faite à l’employeur, constate que la salariée, qui a poursuivi son activité professionnelle, n’a déclaré aucun fait accidentel, n’a donné aucune précision sur le fait générateur à l’origine des lésions mais a uniquement précisé avoir ressenti une douleur. Elle soutient qu’en l’absence de témoin oculaire ou auditif les allégations de la salariée sont insuffisantes à établir la matérialité de l’accident de sorte que la présomption d’imputabilité doit être écartée.

La société s’interroge sur l’existence d’un lien de causalité entre les lésions déclarées et le travail de l’assurée soutenant qu’aucun examen médical n’a été réalisé le jour du prétendu accident, que le certificat médical n’a été établi que le lendemain soit le 19 novembre 2015, qu’il fait seulement état d’une contusion incohérente avec les déclarations de la salariée.

En outre, la société reproche à la caisse d’avoir méconnu le principe du contradictoire en ne diligentant pas une enquête considérant les lésions constatées disproportionnées par rapport au geste décrit.

Par conclusions additionnelles déposées à l’audience du 7 février 2023, la société demande à la cour de rejeter la péremption d’instance soulevée par la caisse ainsi que la demande de condamnation à son égard à l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises le 5 avril 2023, soutenues oralement à l’audience, la caisse, après avoir renoncé au moyen tiré de la péremption de l’instance, demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu le 18 novembre 2020,

– déclarer opposable à la société sa décision prise le 30 novembre 2015.

A l’audience, la caisse a formé une demande au titre de l’article 700 du code de procédure. Sur interrogation de la cour, la caisse a considéré que sa demande était recevable, qu’elle ne violait pas le principe du contradictoire.

La caisse, après avoir rappelé les dispositions de l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale, soutient qu’au regard des circonstances, la présomption d’imputabilité était applicable indiquant que le fait accidentel s’est produit durant les horaires de travail de la salariée qui a ressenti une douleur vive dans l’épaule gauche en rangeant des pièces dans une caisse.

Elle constate que la société, qui invoque une déclaration tardive, n’a pas transmis la fiche d’informations préalables établie par l’entreprise utilisatrice en application de l’article L 412-4 du code de la sécurité sociale.

Elle observe que le fait accidentel s’étant produit le 18 novembre 2015 à 11 heures, il pouvait être difficile pour l’assurée de se rendre chez son médecin traitant immédiatement, qu’une constatation intervenue le lendemain des faits n’est pas tardive.

La caisse indique que la société [5] n’ayant émis aucune réserve et n’ayant transmis aucun élément remettant en doute la réalisation du fait accidentel, elle n’était pas tenue de mettre en oeuvre les mesures d’instruction prévues à l’alinéa 2 de l’article R 411-1 du code de la sécurité sociale, qu’elle n’avait pas non plus à solliciter le médecin conseil.

La caisse ayant formé à l’audience une demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la société [5] ayant été dispensée de comparution, la cour a demandé à la société en cours de délibéré de formuler ses observations sur cette demande.

Par note parvenue au greffe le 20 septembre 2023, la société [5] s’est opposée à cette demande.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens et arguments.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la matérialité de l’accident du travail

En vertu de l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, par un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

L’accident du travail consiste en un fait précis qui, survenu soudainement au cours ou à l’occasion du travail, est à l’origine d’une lésion corporelle ou psychologique.

Dans ses rapports avec l’employeur, il appartient à la caisse de rapporter la preuve de la matérialité de l’accident qu’elle a accepté de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels pour se prévaloir de la présomption d’imputabilité au travail de toute lésion survenue brusquement au temps et au lieu du travail.

A ce titre, les seules déclarations du salarié sur l’accident qu’il aurait subi sont insuffisantes pour établir la matérialité de l’accident et doivent être complétées par un ou plusieurs indices susceptibles d’être retenus à titre de présomptions et de nature à établir le caractère professionnel de l’accident.

L’absence de témoin ne suffit pas, à elle seule, à remettre en cause la matérialité de l’accident du travail.

La déclaration tardive d’un accident ne fait pas en soi perdre le bénéfice de la présomption d’imputabilité, mais il importe que la matérialité de l’accident au temps et au lieu du travail soit établie.

En l’espèce, il ressort de la déclaration d’accident du travail que Mme [R], qui travaillait en qualité d’employée au sein de l’entreprise utilisatrice a ressenti le 18 novembre 2015 à 11 heures une vive douleur à l’épaule alors qu’elle rangeait des pièces dans une caisse.

La salariée travaillait le 18 novembre 2015 de 5h20 à 13h18.

La salariée a consulté un médecin le 19 novembre 2015, ce dernier établissant un certificat médical initial mentionnant une contusion à l’épaule gauche et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 30 novembre 2015.

La lésion médicalement constatée est cohérente avec les circonstances de fait décrites par Mme [R].

La cour constate que le fait accidentel a eu lieu le 18 novembre 2015, que la salarié a travaillé jusqu’à 13h18, qu’il n’est pas incohérent qu’elle n’ait consulté son médecin que le lendemain.

Si l’employeur n’a effectué la déclaration d’accident du travail que le 19 novembre 2015, il ne verse pas aux débats la fiche d’information préalable à la déclaration d’accident du travail établie par l’entreprise utilisatrice en application de l’article L 412-4 du code de la sécurité sociale, de sorte que la cour n’est pas en mesure de déterminer s’il n’a pas également été prévenu dès le 18 novembre 2015, jour des faits.

Ainsi, il résulte de ces éléments que la salariée, qui était au lieu et au temps de son travail, a prévenu son employeur de la survenance du fait accidentel, a mentionné une douleur dans l’épaule ; que cette lésion est corroborée par les constatations médicales effectuées le 19 novembre 2015, de sorte qu’elle doit bénéficier de la présomption d’imputabilité prévue par l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale.

Le fait que la salariée ait poursuivi son activité professionnelle jusqu’au terme de sa journée de travail ne suffit pas à écarter la présomption.

Il appartient dès lors à l’employeur de détruire la présomption d’imputabilité en apportant la preuve certaine que cette lésion a une cause totalement étrangère au travail.

En l’espèce, la société ne produit aucun élément médical relatif à un état pathologique antérieur de nature à exclure totalement le rôle causal du travail dans l’accident.

Au regard de ces éléments, par confirmation du jugement entrepris, il est jugé que la salariée a été victime d’une lésion au temps et au lieu de travail, que l’employeur ne justifie d’aucune cause totalement étrangère.

2/ Sur le respect du contradictoire

L’article R 441-11 III du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l’espèce, dispose qu’en cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que l’employeur n’a formulé aucune réserve et n’a transmis aucun élément remettant en doute la réalisation du fait accidentel.

La caisse disposait d’un certificat médical corroborant la déclaration d’accident du travail.

Au regard de ces éléments, la caisse n’était pas tenue de mettre en oeuvre les mesures prévues par l’article R 441-11 du code de la sécurité sociale, de sorte que la décision de prise en charge intervenue uniquement au vu des renseignements figurant sur la déclaration d’accident du travail transmise sans réserve est opposable à l’employeur.

Le jugement entrepris est confirmé.

3/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société qui succombe est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la caisse les frais non compris dans les dépens qu’elle a pu exposer.

Il convient en l’espèce de condamner la société à lui verser la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire du Havre du 18 novembre 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne la société [5] à verser à la caisse primaire d’assurance maladie du Havre la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société [5] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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