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N° RG 20/04225 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IUKY
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 27 OCTOBRE 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
20/34
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU [Localité 4] du 18 Novembre 2020
APPELANTE :
Société [6]
[Adresse 2]
[Localité 3]
dispensée de comparaître
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 12 Septembre 2023 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé d’instruire l’affaire, en présence de madame Gabrielle MEUNIER, greffier stagiaire
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 12 septembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 27 octobre 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 27 Octobre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.
* * *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [X] [F], engagé au sein de la société [6] (la société) depuis le 4 juin 2019 en qualité d’exploitant industriel, a indiqué avoir subi un accident du travail le 5 juillet 2019, alors qu’il était en mission au sein d’une entreprise utilisatrice.
Une déclaration datée du 8 juillet 2019 a été transmise à la caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 4] (la caisse) et mentionne les circonstances suivantes, décrites par M. [R] : ‘L’intéressé déclare que lorsqu’il installait une coulisse extérieure il a ressenti une douleur à l’épaule gauche’.
Par courrier en date du 15 juillet 2019, la caisse a notifié à la société sa décision de prise en charge du fait accidentel au titre de la législation sur les risques professionnels.
La société a saisi la commission de recours amiable (la [5]) de la caisse en contestation de cette décision. En sa séance du 4 novembre 2019, la [5] a rejeté son recours.
La société a saisi le pôle social du tribunal de grande instance du Havre, devenu tribunal judiciaire, d’un recours contre cette décision de rejet.
Par jugement du 18 novembre 2020, le tribunal judiciaire a rejeté le recours formé par la société.
La décision a été notifiée à cette dernière le 27 novembre 2020, elle en a relevé appel le 17 décembre 2020.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 7 février 2023.
Sur leur demande, un renvoi du dossier à l’audience du 12 septembre 2023 a été accordé.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions remises le 20 janvier 2023, la société, dispensée de comparution, demande à la cour de :
– infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal judiciaire le 18 novembre 2020,
– déclarer inopposable à son égard la décision de prise en charge de l’accident du 5 juillet 2019 déclaré par M. [R],
– débouter la caisse de toutes ses demandes dirigées contre elle.
Au soutien de ses demandes, la société conteste le caractère professionnel de l’accident survenu au salarié. Elle considère tardive la déclaration faite à l’employeur, constate que le salarié, qui a poursuivi son activité professionnelle, n’a déclaré aucun fait accidentel, n’a donné aucune précision sur le fait générateur à l’origine des lésions mais a uniquement précisé avoir ressenti une douleur, soutient qu’en l’absence de témoin oculaire ou auditif les allégations du salarié sont insuffisantes à établir la matérialité de l’accident de sorte que la présomption d’imputabilité doit être écartée.
La société s’interroge sur l’existence d’un lien de causalité entre les lésions déclarées et le travail de l’assuré soutenant qu’aucun examen médical n’a été réalisé le jour du prétendu accident, que le certificat médical n’a été établi que le lendemain soit le 6 juillet 2019, qu’il s’agit d’un certificat médical de prolongation. Si dans le cadre de la première instance, la caisse a versé aux débats un certificat médical daté du 5 juillet 2019, la société s’étonne du fait que le salarié soit, dès le lendemain, allé consulter un autre médecin aux fins d’obtenir un certificat médical de prolongation.
La société considère que les lésions déclarées relèvent plus d’une maladie, voire d’une maladie professionnelle que d’un fait accidentel en ce qu’elles sont expressément visées au tableau 57 des maladies professionnelles, que la caisse aurait dû réorienter le salarié vers une déclaration de maladie professionnelle.
En outre, la société reproche à la caisse d’avoir méconnu le principe du contradictoire en ne diligentant pas une enquête considérant les lésions constatées disproportionnées par rapport au geste décrit.
Par conclusions additionnelles déposées à l’audience du 7 février 2023, la société demande à la cour de rejeter la péremption d’instance soulevée par la caisse ainsi que la demande de condamnation à son égard à l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises le 27 mars 2023, soutenues oralement à l’audience, la caisse, après avoir renoncé au moyen tiré de la péremption d’instance, demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu le 18 novembre 2020,
– déclarer opposable à la société la décision du 15 juillet 2019 de prise en charge, au titre de la législation relative aux risques professionnels, de l’accident du travail du 5 juillet 2019,
– condamner la société aux entiers dépens.
A l’audience, la caisse a formé une demande au titre de l’article 700 du code de procédure. Sur interrogation de la cour, la caisse a considéré que sa demande était recevable, qu’elle ne violait pas le principe du contradictoire.
La caisse, après avoir rappelé les dispositions de l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale, soutient qu’au regard des circonstances, la présomption d’imputabilité était applicable indiquant que le fait accidentel s’est produit durant les horaires de travail du salarié qui a ressenti une douleur dans l’épaule gauche.
Elle constate que la société, qui invoque une déclaration tardive, n’a pas transmis la fiche d’informations préalables établie par l’entreprise utilisatrice en application de l’article L 412-4 du code de la sécurité sociale.
Elle observe que les allégations de la société selon lesquelles le salarié souffrirait d’une pathologie désignée au tableau 57 des maladies professionnelles ne sont pas corroborées objectivement et médicalement.
Le fait accidentel s’est produit le 5 juillet 2019 et le salarié a transmis un certificat médical initial établi le même jour par le Docteur [M] suivi d’un certificat médical de prolongation établi le 6 juillet 2019.
La caisse indique que la société [6] n’ayant émis aucune réserve et n’ayant transmis aucun élément remettant en doute la réalisation du fait accidentel, elle n’était pas tenue de mettre en oeuvre les mesures d’instruction prévues à l’alinéa 2 de l’article R 411-1 du code de la sécurité sociale, qu’elle n’avait pas non plus à solliciter le médecin conseil.
La caisse ayant formé à l’audience une demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la société [6] ayant été dispensée de comparution, la cour a demandé à la société en cours de délibéré de formuler ses observations sur cette demande.
Par note parvenue au greffe le 20 septembre 2023, la société [6] s’est opposée à cette demande.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la matérialité de l’accident du travail
En vertu de l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, par un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.
L’accident du travail consiste en un fait précis qui, survenu soudainement au cours ou à l’occasion du travail, est à l’origine d’une lésion corporelle ou psychologique.
Dans ses rapports avec l’employeur, il appartient à la caisse de rapporter la preuve de la matérialité de l’accident qu’elle a accepté de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels pour se prévaloir de la présomption d’imputabilité au travail de toute lésion survenue brusquement au temps et au lieu du travail.
A ce titre, les seules déclarations du salarié sur l’accident qu’il aurait subi sont insuffisantes pour établir la matérialité de l’accident et doivent être complétées par un ou plusieurs indices susceptibles d’être retenus à titre de présomptions et de nature à établir le caractère professionnel de l’accident.
L’absence de témoin ne suffit pas, à elle seule, à remettre en cause la matérialité de l’accident du travail.
La déclaration tardive d’un accident ne fait pas en soi perdre le bénéfice de la présomption d’imputabilité, mais il importe que la matérialité de l’accident au temps et au lieu du travail soit établie.
En l’espèce, il ressort de la déclaration d’accident du travail que M. [R], qui travaillait en qualité d’exploitant industriel au sein de l’entreprise utilisatrice a ressenti le 5 juillet 2019 une douleur à l’épaule gauche alors qu’il installait une coulisse extérieure.
Le salarié a consulté un médecin dès le 5 juillet 2019, ce dernier établissant un certificat médical initial et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 6 juillet 2019.
M. [R] a également consulté un médecin le 6 juillet 2019 qui a établi un certificat de prolongation d’arrêt de travail jusqu’au 14 juillet 2019 faisant état d’une contracture musculaire du trapèze gauche.
La lésion médicalement constatée est cohérente avec les circonstances de fait décrites par M. [R].
La cour constate que le fait accidentel a eu lieu le 5 juillet 2019 et que le salarié a consulté un médecin le jour même.
Si l’employeur n’a effectué la déclaration d’accident du travail que le 8 juillet 2019, il ne verse pas aux débats la fiche d’information préalable à la déclaration d’accident du travail établie par l’entreprise utilisatrice en application de l’article L 412-4 du code de la sécurité sociale, de sorte que la cour n’est pas en mesure de déterminer s’il n’a pas également été prévenu plus tôt des faits.
Ainsi, il résulte de ces éléments que le salarié, qui était au lieu et au temps de son travail, a prévenu son employeur de la survenance du fait accidentel, a mentionné une douleur dans l’épaule gauche; que cette lésion est corroborée par les constatations médicales effectuées les 5 et 6 juillet 2019, de sorte qu’il doit bénéficier de la présomption d’imputabilité prévue par l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale.
Le fait que le salarié ait poursuivi son activité professionnelle jusqu’au terme de sa journée de travail ne suffit pas à écarter la présomption.
Il appartient dès lors à l’employeur de détruire la présomption d’imputabilité en apportant la preuve certaine que cette lésion a une cause totalement étrangère au travail.
En l’espèce, la société ne produit aucun élément médical relatif à un état pathologique antérieur de nature à exclure totalement le rôle causal du travail dans l’accident ou de nature à établir tel qu’allégué l’existence d’un dysfonctionnement musculaire s’apparentant à une maladie
Au regard de ces éléments, par confirmation du jugement entrepris, il est jugé que le salarié a été victime d’une lésion au temps et au lieu de travail, que l’employeur ne justifie d’aucune cause totalement étrangère.
2/ Sur le respect du contradictoire
L’article R 441-11 III du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l’espèce, dispose qu’en cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.
En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que l’employeur n’a formulé aucune réserve et n’a transmis aucun élément remettant en doute la réalisation du fait accidentel.
La caisse disposait d’un certificat médical corroborant la déclaration d’accident du travail.
Au regard de ces éléments, la caisse n’était pas tenue de mettre en oeuvre les mesures prévues par l’article R 441-11 du code de la sécurité sociale, de sorte que la décision de prise en charge intervenue uniquement au vu des renseignements figurant sur la déclaration d’accident du travail transmise sans réserve était opposable à l’employeur.
Le jugement entrepris est confirmé.
3/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société qui succombe est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la caisse les frais non compris dans les dépens qu’elle a pu exposer.
Il convient en l’espèce de condamner la société à lui verser la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire du Havre du 18 novembre 2020 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Condamne la société [6] à verser à la caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 4] la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société [6] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE