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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRET DU 02 NOVEMBRE 2023
(n° 565, 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/20053 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGYMW
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 19 Novembre 2020 -Cour de Cassation
APPELANTS
MONSIEUR [V] [T]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté par Me Nathalie SARDA, avocat au barreau de PARIS, toque : L0125
MADAME [K] [L] [W] épouse [T]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Nathalie SARDA, avocat au barreau de PARIS, toque : L0125
INTIMEES
Madame [U] [B]
[Adresse 11]
[Localité 9]
S.A.R.L. FLAURE représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 8]
n’a pas constitué avocat
S.A.R.L. FOULQUES représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 12]
n’a pas constitué avocat
S.C.I. DU COMPTOIR FRANÇAIS, immatriculée au RCS de [Localité 14] sous le n° 813 930 500, dont le siège social est [Adresse 6], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 10]
Représentée par Me Jérôme DOULET de la SELARL SOCIÉTÉ D’AVOCATS DMALEX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2316
LA COMPTABLE PUBLIQUE DU PRS DE SEINE ET MARNE
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Fabrice NORET, avocat au barreau de MEAUX
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Bénédicte Pruvost, président, chargé du rapport et Madame Catherine Lefort, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte Pruvost, président
Madame Catherine Lefort, conseiller
Monsieur Raphaël Trarieux, conseiller
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire Grospellier
ARRÊT
-défaut
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Catherine LEFORT, conseillière, pour le président empéché et par Isabelle-Fleur SODIE, Greffier présent lors de la mise à disposition.
****
Mme [K] [W] épouse [T] et M. [V] [T], mariés sous le régime de la séparation de biens, étaient propriétaires indivis de plusieurs biens immobiliers situés à [Adresse 13]).
A la demande du comptable public du Pôle de recouvrement spécialisé de Seine-Marne (ci-après le Prs de Seine-et-Marne) exerçant l’action oblique en qualité de créancier de Mme [W], par jugement du 30 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Meaux a ordonné le partage judiciaire de l’indivision entre les époux [X] et la licitation des biens immobiliers en deux lots.
En exécution de ce jugement, le Prs de Seine-et-Marne a mis en ‘uvre la vente sur licitation. Par deux jugements du 18 janvier 2018, le tribunal a adjugé le lot n°1 aux sociétés Flaure et Foulques et le lot n°2 à Mme [U] [B].
A la suite de déclarations de surenchère pour chacune de ces ventes, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Meaux a, par deux jugements sur incident et d’adjudication du 5 avril 2018 :
débouté Mme [W] de sa demande d’annulation rétroactive de la procédure, fondée sur l’absence de délivrance et de publication d’un commandement de payer,
débouté Mme [W] de sa demande d’annulation de la procédure de surenchère,
rejeté la demande de report de l’audience sur surenchère formée par Mme [W] ainsi que sa « demande de paiement partiel de la créance »,
laissé les dépens de l’incident à la charge de Mme [W],
adjugé chacun des lots n°1 et n°2 à la SCI du Comptoir français aux prix respectifs de 160.000 et 63.000 euros.
Par deux arrêts rendus le 4 avril 2019, la cour de céans a déclaré irrecevables les appels des époux [T], considérant que les jugements d’adjudication du 5 avril 2018 n’étaient pas susceptibles d’appel.
Par arrêt du 19 novembre 2020, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, après avoir procédé à la jonction des pourvois formés par les époux [T], a cassé et annulé en toutes leurs dispositions les arrêts rendus le 4 avril 2019, au visa des articles 543 du code de procédure civile et R. 322-60 du code des procédures civiles d’exécution.
Pour ce faire, elle a jugé que, s’il résulte de la combinaison des articles 1377 et 1271 à 1281 du code de procédure civile que de nombreuses règles régissant la procédure de saisie immobilière sont applicables, par renvoi de texte, à la procédure de vente judiciaire d’immeubles après partage, ces dispositions ne lui rendent pas applicable l’article R. 322-60 du code des procédures civiles d’exécution ; qu’il ne peut en être déduit toutefois que les auteurs de la réforme du droit des successions par la loi n°2006-728 du 23 juin 2006, et de la procédure de saisie immobilière par l’ordonnance n°2006-461 du 21 avril 2006 et le décret n°2006-236 du 27 juillet 2006, ont entendu apporter une dérogation au principe général de l’ouverture de l’appel contre les jugements, posé par l’article 543 du code de procédure civile, dès lors qu’aucun motif tenant à la nature propre de la procédure de licitation ne permettrait de justifier l’absence d’ouverture de cette voie de recours lorsque le jugement d’adjudication a statué sur une contestation ; qu’en retenant, pour déclarer l’appel irrecevable, que l’article R. 322-60 du code des procédures civiles d’exécution n’est pas applicable en matière de licitation, la cour avait violé ces textes.
Par déclaration du 29 novembre 2022, les époux [T] ont saisi la cour d’appel de renvoi.
Par dernières conclusions signifiées le 13 septembre 2023, les époux [T] demandent à la cour de renvoi de :
dire que leur saisine de la cour de renvoi n’est pas périmée, le délai de péremption ayant été suspendu à compter du 15 octobre 2022, date d’empêchement de leur conseil ;
leur donner acte de ce qu’ils ne sollicitent aucune condamnation de la SCI du Comptoir français ni ne remettent en cause ses droits acquis au terme de la saisie immobilière,
au fond,
infirmer le jugement entrepris,
déclarer la procédure de saisie immobilière irrégulière à défaut de « commandement de saisie » ;
subsidiairement,
au cas où la cour considérerait la mise en demeure du 13 octobre 2015 comme un commandement de payer valant saisie immobilière, constater la péremption dudit commandement et l’irrégularité de toute la procédure de saisie immobilière ;
en tout état de cause, à titre principal,
les déclarer recevables et bien fondés à solliciter la réparation de leur préjudice à hauteur de la somme de 100.000 euros et condamner le comptable public à réparer ce préjudice ;
statuer ce que de droit sur les dépens.
A cet effet, ils font valoir que :
le délai de péremption est susceptible d’être suspendu ou interrompu par le cas de force majeure constitué par l’état de santé de leur avocat, qui n’a pas pu communiquer avec eux pendant les trois derniers mois précédant l’expiration du délai de deux ans ;
leur engagement de ne plus agir en justice à l’encontre de la SCI du Comptoir français n’est pas remis en cause, dès lors qu’ils ne réclament aucune condamnation contre elle ;
la procédure de saisie immobilière suivie par le Prs de Seine-et-Marne est irrégulière faute de délivrance à Mme [W] d’un commandement de payer valant saisie immobilière, la procédure de saisie immobilière étant la conséquence et la suite de la procédure de licitation ;
si la mise en demeure du 13 octobre 2015 devait être qualifiée de commandement de payer valant saisie, celui-ci serait frappé de caducité comme n’ayant pas été dénoncé à M. [T] en violation de l’article R. 321-1 alinéa 2 du même code ni suivi, dans le délai de deux ans, de la publication d’un jugement d’adjudication conformément à l’article R. 321-20 du code des procédures civiles d’exécution ;
le jugement d’adjudication du lot n°1 s’analysant comme un contrat judiciaire, le consentement de M. [T] n’a pas été valablement délivré, aucun acte de procédure ne lui ayant été signifié en violation de l’article 1128 du code civil ; la réunion du terrain constructible avec la maison dans le lot n°1 ne correspond pas à la réalité et entache donc d’incertitude le contenu du contrat judiciaire ;
selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l’adjudication pouvait être remise à la demande de la partie saisie ;
Mme [W] n’étant solidaire que de la dette de la société [W], la remise des majorations de retard bénéficiant à cette dernière devait lui être accordée en application de l’article 1756 du code général des impôts.
Par conclusions notifiées le 19 juin 2023, le comptable public du Prs de Seine-et-Marne demande à la cour de :
déclarer acquise la péremption de la présente instance ;
constater en conséquence l’extinction de l’instance ;
subsidiairement,
déclarer les époux [T] mal fondés en leur appel et les en débouter ;
confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
en tout état de cause,
condamner solidairement les époux [T] à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner solidairement les époux [T] aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct de son avocat conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Il soulève in limine litis la péremption de l’instance en l’absence d’acte interruptif intervenu entre l’arrêt de cassation et la déclaration de saisine de la cour de renvoi.
Subsidiairement, au fond, il soutient que :
le jugement du 30 septembre 2016 ordonne la vente aux enchères des biens indivis des époux [T], préalablement et pour parvenir au partage, de sorte que la législation sur la saisie immobilière est inapplicable en l’espèce ;
la procédure au fond a été régulièrement notifiée à M. [T] ;
la composition des lots de la vente, qui résulte du jugement du 30 septembre 2016, ne peut plus être remise en cause, l’appel des époux [T] contre ce jugement ayant été déclaré caduc par ordonnance du 2 mai 2017, non déférée à la cour ;
aucun texte n’imposait au juge de reporter la vente sur licitation pour cause de dépôt d’une demande de surendettement, une licitation n’étant pas une mesure d’exécution ;
ses titres exécutoires ont l’autorité de la chose jugée comme résultant d’un jugement du tribunal correctionnel confirmé par la cour d’appel et l’appel du jugement du tribunal de grande instance du 30 mai 2016 ayant été déclaré caduc ;
subsidiairement, les majorations de retard de 100% dues en vertu de l’article 1732 du code général des impôts par le débiteur solidaire qu’est Mme [W] ne sont pas éligibles à la remise des majorations appliquée lors de l’ouverture d’une procédure collective à l’égard du débiteur principal ; les contestations de Mme [W] sur ce point ne relèvent pas de la compétence du juge judiciaire.
Par conclusions notifiées le 24 juillet 2023, la SCI du Comptoir français demande à la cour de :
déclarer l’appel des époux [T] irrecevable en raison de l’extinction de l’instance par l’effet, d’une part, de l’acquiescement, d’autre part, de la péremption ;
à titre subsidiaire,
déclarer mal fondé l’appel des époux [T] et confirmer en toutes leurs dispositions les jugements entrepris ;
en tout état de cause,
condamner in solidum les époux [T] à lui payer la somme de 2160 euros au titre des frais irrépétibles ;
condamner in solidum les époux [T] aux entiers dépens d’instance.
A cet effet, elle fait valoir que :
à l’origine, les époux [T] ont fait appel des jugements du 5 avril 2018 plus de 7 mois après leur prononcé ; ces instances d’appel se sont éteintes par l’effet, d’une part de l’acquiescement (attestation sur l’honneur des époux [T] du 13 novembre 2019), d’autre part de la péremption d’instance ;
subsidiairement et au fond, les époux [T] opèrent une confusion entre les règles applicables à la saisie immobilière et celles applicables à la licitation ; l’insanité d’esprit de M. [T] n’est nullement établie par le certificat médical produit ; la SCI Patrimurs a confirmé qu’elle n’entendait pas donner suite à la demande de prêt des époux [T] ; les biens immeubles adjugés sur surenchère sont parfaitement désignés par les jugements du 30 septembre 2016.
La déclaration de saisine et les conclusions des appelants ont été signifiées :
selon procès-verbal d’huissier du 20 février 2023 remis à étude à la SARL Flaure ;
selon procès-verbal d’huissier du 20 février 2023 remis à étude à la SARL Foulques 3 ;
selon procès-verbal d’huissier du 20 février 2023 remis à personne à Mme [U] [B].
Aucune de ces parties n’a constitué avocat ni lors de la procédure d’appel avant cassation ni sur renvoi après cassation.
A l’audience de plaidoirie du 4 octobre 2023, la cour a fait adresser aux parties par le RPVA un message les invitant à lui faire connaître si l’arrêt de cassation du 19 novembre 2020 avait été signifié et, dans l’affirmative, à en justifier et à faire valoir leurs observations sur le moyen, soulevé d’office, tiré de l’inobservation du délai de l’article 1034 du code de procédure civile.
Par message RPVA du 17 octobre 2023, le comptable du Prs de Seine-et-Marne a fait connaître qu’aucune signification de l’arrêt du 19 novembre 2020 n’était intervenu à sa diligence. Les autres parties n’ont pas répondu à la cour, mais à l’audience de plaidoirie, les appelants avaient fait connaître qu’ils n’avaient pas fait signifier ledit arrêt en l’absence d’intérêt à le faire.
MOTIFS
Sur la péremption
Aux termes de l’article 386 du code de procédure civile, l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
Aux termes de l’article 1034 alinéa 1er du code de procédure civile, à moins que la juridiction de renvoi n’ait été saisie sans notification préalable, la déclaration doit, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, être faite avant l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêt de cassation faite à la partie. (‘)
Dans le cas contraire à défaut de signification de l’arrêt de la Cour de cassation, selon la jurisprudence de la cour suprême, l’instance est soumise au délai de péremption de deux ans prévu à l’article 386 du code de procédure civile à compter du prononcé dudit arrêt.
En l’espèce, l’arrêt rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation le 19 novembre 2020 n’a pas été notifié par les parties. Le délai de péremption a donc expiré le 19 novembre 2022. Or la déclaration de saisine de la cour de renvoi date du 29 novembre 2022.
Les appelants ne contestent pas le dépassement du délai précité, mais entendent voir retenir la maladie de leur avocat comme cas de force majeure. Il produisent à cet effet un certificat médical établi le 12 juin 2023 par le Dr. [C] [F], médecin traitant de leur avocat, Me [J] [D], aux termes duquel « l’état de santé de cette dernière ne lui a pas permis d’assumer ses obligations professionnelles du 15 oct. 2022 au 29 nov. 2022. »
Selon la conception restrictive traditionnelle adoptée par Cour de cassation, la force majeure se définit comme un événement, échappant au contrôle du débiteur d’une obligation, qui ne pouvait être raisonnablement prévu et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées. En matière procédurale, une conception plus souple de la force majeure a pu être adoptée : constitue un cas de force majeure en procédure civile la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable (2ème Civ., 25 mars 2021, n°20-10.654 ; 2ème Civ., 17 mai 2023, n°21-21.361 B). Cependant la cour relève que ces jurisprudences ont été rendues en application de l’article 910-3 du code de procédure civile. En effet, ce texte prévoit expressément le cas de la force majeure comme suit :
« En cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l’application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 », soit pour faire échec au prononcé de la caducité de la déclaration d’appel ou de l’irrecevabilité des conclusions.
Or en l’espèce, les époux [T] se prévalent de la force majeure pour faire échec au délai de péremption, alors qu’aucun texte ne prévoit le recours à cette notion pour faire échec à l’application du délai de péremption. Les appelants ne citent d’ailleurs aucune jurisprudence en ce sens.
Il y a donc lieu de constater la péremption, soulevée à bon droit par le Prs de Seine-et-Marne et, par suite, l’extinction de l’instance sans qu’il y ait lieu d’examiner le moyen, surabondant, soulevé par la SCI du Comptoir français, tiré de l’acquiescement.
Sur les demandes accessoires
L’issue du litige commande la condamnation des époux [T] in solidum aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, les appelants seront condamnés à payer aux intimés une indemnité de 1500 euros chacun.
PAR CES MOTIFS
Vu l’arrêt n°1264 F-P+B+I rendu le 19 novembre 2020 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation,
Déclare l’instance périmée ;
Constate l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la cour ;
Condamne Mme [K] [W] épouse [T] et M. [V] [T] in solidum à payer au comptable du Prs de Seine-et-Marne la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [K] [W] épouse [T] et M. [V] [T] in solidum à payer à la SCI du Comptoir français la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [K] [W] épouse [T] et M. [V] [T] in solidum aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,