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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 70H
4ème chambre expropriations
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 NOVEMBRE 2023
N° RG 20/02186 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T3H5
AFFAIRE :
SAS FAIR PLAY AUTOMOBILES
C/
COMMUNE DE [Localité 6]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Mars 2013 par le juge de l’expropriation de NANTERRE
RG n° : 09/00117
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Eloi LEDESERT,
Me Christofer CLAUDE
Mme [R] [L] (Commissaire du gouvernement)
et les parties
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SAS FAIR PLAY AUTOMOBILES, représentée par sa présidente, la SAS FITALFRA, dont le siège social est [Adresse 2]), elle-même représentée par son président, Monsieur [F] [K] domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Me Eloi LEDESERT, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0315
APPELANTE
****************
COMMUNE DE [Localité 6], représentée par son cinquième adjoint au Maire délégué à l’Urbanisme et aux Grands projets, pour le Maire, Monsieur [M] [S],
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentant : Me Christofer CLAUDE de la SELAS REALYZE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R175
INTIMÉE
****************
Les fonctions du COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT étant exercées par Madame [R] [L], direction départementale des finances publiques
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Septembre 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Agnès BODARD-HERMANT, Présidente, chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Agnès BODARD-HERMANT, Présidente,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE
****************
La société FAIR PLAY AUTOMOBILES (FPA) exploitait une concession automobiles dans l’immeuble situé [Adresse 1]), sur la parcelle cadastrée section K n°[Cadastre 5]. La commune de Levallois Perret a poursuivi l’expropriation de plusieurs parcelles dont celle-ci pour les besoins d’un programme de construction de logement sociaux.
La société FPA n’ayant pas accepté l’offre d’indemnisation formulée par la commune de [Localité 6], celle-ci a saisi le juge de l’expropriation du tribunal de grande instance de Nanterre en fixation de l’indemnité d’éviction due.
Par jugement du 1er septembre 2010, le tribunal de grande instance de Nanterre a désigné avant dire droit un expert ayant notamment pour mission d’évaluer le montant du chiffre d’affaire de la société FPA, d’examiner ses possibilités éventuelles de réinstallation dans la commune ou à proximité et dans la négative, de dire si les deux autres établissements de la société étaient saturés ou pouvaient accueillir un report de clientèle. Cet expert a rendu son rapport le 30 mars 2012.
Par jugement du 27 mars 2013, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
– Dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer ;
– Fixé à 544 451 euros l’indemnité allouée à la société FPA pour son éviction des locaux sis [Adresse 1] sur la parcelle cadastrée section K n°[Cadastre 5] ;
– Sursi à statuer sur la demande au titre des frais de licenciement ;
– Alloué à la sociétéFPA la somme de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Rejeté le surplus des demandes indemnitaires ;
– Dit que les dépens sont à la charge de la commune de [Localité 6].
Par déclaration du 26 février 2015, la commune de [Localité 6] a interjeté appel de ce jugement.
Par décision du 24 octobre 2017, la cour d’appel de Versailles a :
– Déclaré irrecevables les demandes tardives de la société FPA contenues dans son mémoire du 2 mai 2017 portant sa demande d’indemnité principale d’éviction calculée sur la valeur du fond de commerce, à la somme de 1.637. 532 euros et l’indemnité de remploi à celle de 240.940 euros et les pièces n°40 à 45 correspondantes ;
– Confirmé le jugement en ce qu’il a :
– dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer sur le litige ;
– sursis à statuer sur la demande au titre des frais de licenciement ;
-condamné la commune de Levallois à payer la somme de 4.000 euros à la société FPA au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
– Infirmé pour le surplus et, statuant à nouveau :
– Fixé l’indemnité totale due à la société FAIR-PLAY AUTOMOBILES pour son éviction des locaux situés [Adresse 1] sur la parcelle cadastrée section K n°[Cadastre 5], à la somme de 613. 928,80 euros, se décomposant comme suit :
479. 575 euros au titre de la perte du droit au bail,
45. 657 euros au titre de l’indemnité de remploi,
43. 428 euros au titre de l’indemnité pour trouble commercial
45.268,80 euros au titre de l’indemnité pour frais de déménagement ;
– Condamné la commune de Levallois à payer la somme de 3 000 euros à la société FAIR-PLAY AUTOMOBILES au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Rejeté toutes les autres demandes des parties ;
– Condamné la commune de Levallois aux dépens d’appel.
La société FAIR-PLAY AUTOMOBILES, expropriée par conclusions en reprise d’instance reçues au greffe de la cour le 13 mars 2020, notifiées à l’expropriant (AR signé le 4 juin 2020) et au commissaire du gouvernement (AR signé le 3 juin 2020), de :
-Révoquer le sursis à statuer
-Fixer à la somme de 105.396,78 euros l’indemnité lui revenant au titre des frais de licenciement de ses quatre salariés,
-Condamner la Commune de [Localité 6] à lui payer la somme de 2.000 euros en réparation du dommage accessoire de l’expropriation résultant du délai et du refus abusif de rembourser les frais de licenciement,
-Lui allouer une indemnité de procédure de 10.000 euros.
La Commune de Levallois, expropriante, par conclusions reçues au greffe de la cour le 9 septembre 2020, notifiées à l’exproprié et au commissaire du gouvernement (AR signés le 11 septembre 2020), demande à la cour de :
– Rejeter les demandes de la société FPA comme mal fondée ;
– Débouter la société FPA de l’ensemble de ses demandes ;
– Condamner la société FPA à payer à la ville de Levallois une indemnité de procédure de 4.000 euros et aux dépens.
La société FPA, par conclusions reçues au greffe de la cour le 19 octobre 2022, notifiées à l’expropriante (AR signé 26 octobre 2022) et au commissaire du gouvernement (AR signé 26 octobre 2022), répond aux conclusions de la Commune de Levallois, maintient ses demandes et ne produit pas de nouvelle pièce.
Par courrier du 26 octobre 2022, la cour a demandé les observations des parties sur l’éventuelle irrecevabilité comme tardives des conclusions reçues le 9 septembre 2020.
La commune de Levallois, par conclusions reçues au greffe de la cour le 8 novembre 2022, notifiées à l’exproprié (AR 16 novembre 2022) et au commissaire du gouvernement (AR 17 novembre 2022) répond aux conclusions de l’exproprié et demande à la cour de constater la péremption de l’instance.
La société FPA, par conclusions reçues au greffe de la cour le 8 novembre 2022, notifiées à l’expropriant et au commissaire du gouvernement (AR signés le 16 novembre 2022), répond aux conclusions de la Commune de Levallois et conclut au rejet de l’incident tiré de la péremption de l’instance. Par ailleurs et par courrier reçu la veille, elle s’en remet à justice sur l’irrecevabilité éventuelle des conclusions du 20 septembre 2020.
A l’audience du 8 novembre 2022, l’affaire a été renvoyée à celle du 26 septembre 2023 pour permettre au greffe de notifier au commissaire du gouvernement, comme indiqué ci-dessus, les conclusions susvisées reçues le jour même de l’audience.
La commune de Levallois, par conclusions reçues au greffe de la cour le 1er mars 2023, notifiées à l’exproprié et au commissaire du gouvernement (AR signés le 13 mars 2023) répond aux conclusions de l’exproprié et conclut à la recevabilité de ses conclusions du 9 septembre 2020, produisant deux jurisprudences (pièces 4 et 5).
Le commissaire du gouvernement n’a pas conclu.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à la décision et aux conclusions susvisées pour plus amples exposé du litige.
SUR CE LA COUR
Sur la procédure
La commune soulève, in limine litis et au visa de l’article 386 du code de procédure civile, la péremption de l’instance si ses conclusions reçues le 9 septembre 2020 doivent être déclarées d’office irrecevables au visa de l’article R311-26 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Elle soutient tout à la fois que la péremption n’est pas encourue quand la cour n’a pas épuisé sa saisine, comme en matière de sursis à statuer à l’issue duquel l’instance est poursuivie et que l’expropriée qui a sollicité la reprise de l’instance avait des diligences à faire dans le délai de deux ans de l’article 386 précité et devait donc répondre aux conclusions adverses avant le 9 septembre 2022 alors qu’elle ne l’a fait que le 19 octobre 2022.
Toutefois, l’expropriée conteste à bon droit toute péremption d’instance dès lors qu’en vertu d’une jurisprudence constante, les parties à un litige en fixation d’indemnités d’expropriation n’ont plus à accomplir de diligences de nature à faire progresser l’instance après avoir déposé leurs conclusions dans les délais prescrits par l’article R311-26 précité, peu important la radiation de l’affaire, qui n’a pas d’effet interruptif (V. Civ 3, 19 janvier 2017 n°15-27.382 et 25 septembre 2013 n° 12-22.079).
Il en résulte également que les conclusions de la commune transmises le 9 septembre 2020 après la reprise d’instance sur les frais de licenciement sollicités par l’expropriée sont recevables.
Sur le fond
Il n’est pas en débat qu’en cas de rupture du contrat de travail, l’employeur est tenu au paiement de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité compensatrice de congés payés.
L’expropriée demande une indemnité totale de 105.396,78 euros au titre des frais de licenciement de ses quatre salariés soit Mme [X] et MM [T], [W] et [J] tandis que la commune n’a accepté de payer que la somme de 59.400,17 euros.
La commune conteste devoir le surplus, soit l’indemnité compensatrice de préavis de Mme [X] (21.885,81 €) et les indemnités de licenciement de M. [T] (24.110,80 €), soutenant, d’une part, que la première a effectué son préavis et n’a pas reçu d’indemnité compensatrice de celui-ci et, d’autre part, que l’expropriation n’est pas la cause de la rupture du contrat de travail du second, lequel prévoit son exécution sur deux autres sites, distincts de celui exproprié.
L’expropriée soutient que soit toutes les indemnités de licenciement sont dues quand l’expropriation est la cause de la rupture des contrats de travail, soit aucune d’entre elles ne l’est dans le cas contraire et qu’au demeurant le raisonnement économique de la commune tiré d’un prétendu enrichissement sans cause est faux, dès lors que la fermeture du site a imposé cette dispense, sans reclassement possible des salariés y compris M. [T] et sans profit pour elle, son activité des dernières semaines ayant été dédiée à cette fermeture imposée dont la date a été convenue avec la commune.
La cour retient ce qui suit, au visa de l’article L321-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
S’agissant de Mme [X], il n’est pas établi qu’elle a effectivement été dispensée de préavis au vu du bulletin de paie d’octobre 2018 (pièce expropriée 18) qui mentionne un salaire et non une indemnité compensatrice de préavis et , surtout, des ‘indemnités heures de récupération journées porte ouverte’ dont la commune soutient exactement qu’elles ne sont pas compatibles avec une dispense de préavis et sur lesquelles l’expropriée ne s’explique pas.
S’agissant de M. [T], s’il peut être admis au vu de ses fiches de paies qu’il ‘a travaillé quasi exclusivement sur le site de [Localité 6]’ exproprié, les attestations produites (pièce expropriée 31) ne suffisent pas à établir l’impossibilité de son reclassement. En effet, elles émanent toutes en demande comme en réponse, de la même personne, chef de l’entreprise, ce qui n’est pas contesté et il n’est fait état d’aucune étude précise et objective, éventuellement tirée du rapport d’expertise judiciaire précité du 30 mars 2012, des postes des entreprises sollicitées, notamment des quelques unes qui ont répondu, toutes de manière identique.
Les demandes de l’expropriée en paiement des sommes ainsi utilement contestées par la commune ne peuvent donc aboutir.
Sur les autres demandes
Le sens de l’arrêt et la chronologie des faits, soit un paiement le 28 février 2020 pour une première demande du 22 mai 2019, fondée sur de nombreux documents, notamment comptables, conduisent au rejet de la demande en condamnation de la commune pour résistance abusive.
L’expropriée, partie perdante, doit supporter les dépens et l’équité commande de la condamner à payer à la commune l’indemnité de procédure qui suit.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Déclare recevables les conclusions de la commune de [Localité 6] reçues le 9 septembre 2020 ;
Rejette sa demande tendant au constat de la péremption de l’instance ;
Rejette les demandes de la société Fair Play Automobiles ;
Condamne la société Fair Play Automobiles aux dépens de la reprise d’instance et à payer à la commune de [Localité 6] une indemnité de procédure de 2.000 euros.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Agnès BODARD-HERMANT, Présidente, et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,