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ARRET
N°949
CPAM DE L’ARTOIS
C/
Société [8]
COUR D’APPEL D’AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 13 NOVEMBRE 2023
*************************************************************
N° RG 20/00873 – N° Portalis DBV4-V-B7E-HU2G – N° registre 1ère instance : 18/02537
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DE LILLE EN DATE DU 21 novembre 2019
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
CPAM DE L’ARTOIS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Mme [X] [P], munie d’un pouvoir régulier
ET :
INTIMEE
Société [8]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée et plaidant par Me Ruddy TAN, avocat au barreau deParis, substituant Me Julien TSOUDEROS, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l’audience publique du 07 Septembre 2023 devant Mme Graziella HAUDUIN, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Audrey VANHUSE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Graziella HAUDUIN en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
M. Philippe MELIN, Président de chambre,
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
et M. Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 13 Novembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,Mme Graziella HAUDUIN, Président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, Greffier.
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DECISION
Vu le jugement en date du 21 novembre 2019, auquel il convient de se référer pour l’exposé des faits, procédure et prétentions initiales des parties, par lequel le pôle social du tribunal de grande instance de Lille, statuant sur la contestation de la société [8] à l’encontre de la décision de la CPAM de l’Artois, fixant le taux d’incapacité permanente de son salarié, M. [Z] [V], à 12 %, à la date du 29 avril 2012, suite à la maladie professionnelle du 13 mai 2011, a déclaré recevable le recours de la société [8], fixé le taux d’incapacité permanente partielle de M. [Z] [V] opposable à la société à 7 % et précisé que les frais et dépens sont à la charge de caisse primaire d’assurance maladie de l’Artois.
Vu l’appel interjeté le 24 février 2020 par la CPAM de l’Artois du jugement qui lui a été notifié le 27 janvier 2020.
Vu le renvoi à l’audience du 2 mars 2023.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 13 juillet 2023 et soutenues oralement à l’audience, par lesquelles la CPAM de l’Artois demande à la cour de :
– à titre principal, dire l’instance non périmée et l’action de la société [8] irrecevable comme forclose et prescrite,
– à titre subsidiaire, infirmer la décision déférée et rétablir le taux d’incapacité de 12 % opposable à l’employeur,
– à titre infiniment subsidiaire, entériner l’avis rendu par le médecin consultant, Mme [S], fixant le taux médical à 10 % et débouter la société de l’ensemble de ses demandes.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 27 février 2023 et soutenues oralement à l’audience par lesquelles, la société [8] demande à la cour de :
– à titre principal, constater la péremption de l’instance,
– à titre subsidiaire, débouter la CPAM de ses fins de non-recevoir tirées de la forclusion du recours et de son irrecevabilité au regard de la prescription quadriennale et confirmer le jugement entrepris,
– en tout état de cause, débouter la CPAM de l’ensemble de ses demandes.
SUR CE, LA COUR :
M. [Z] [V], salarié de la société [8] en qualité d’agent de logistique, a été reconnu atteint d’une tendinose calcifiante du sus-épineux gauche, maladie professionnelle inscrite au tableau 57 A.
Son état a été déclaré consolidé par la CPAM de l’Artois le 29 avril 2012.
Par décision du 24 juillet 2012, la CPAM a fixé une incapacité permanente partielle au taux de 12 % pour des séquelles consistant en une impotence fonctionnelle de l’épaule gauche dominante.
Le 23 novembre 2018, la société [8] a saisi le tribunal qui, après consultation sur pièces confiée à M. [J], médecin consultant qui a conclu à un taux médical de 7 %, par jugement dont appel, a déclaré le recours de la société recevable et a fixé le taux d’incapacité permanente partielle de M. [V] opposable à l’employeur à 7 %.
La CPAM de l’Artois soulève l’irrecevabilité du recours de l’employeur en ce qu’il a réceptionné la décision litigieuse le 26 juillet 2012 et a exercé un recours le 23 novembre 2018, soit six ans après le délai de deux mois fixé par l’article R. 143-7 du code de la sécurité sociale et, qu’en sus, il avait jusqu’au 26 juillet 2017 pour contester ladite décision avant que la prescription quinquennale ne s’applique.
La société [8] sollicite à titre liminaire la péremption de l’instance en ce qu’il se serait écoulé un délai de plus de deux ans sans diligence des parties, entre le 8 juin 2020, date de l’avis de déclaration d’appel, et le 24 octobre 2022, date à laquelle la caisse produit ses conclusions.
Elle fait valoir que le recours ne pouvait être forclos puisque les dispositions des articles R. 143-7 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale ne s’appliquent pas en matière de maladie professionnelle et que la décision litigieuse mentionne comme juridiction compétente le tribunal du contentieux de l’incapacité de Lille alors que le siège social est sis [Localité 5], dans le ressort du tribunal du contentieux de l’incapacité de Paris.
Elle ajoute que les dispositions de l’article 2224 du code civil ne trouvent pas à s’appliquer au recours formé par l’employeur à l’encontre d’une décision de la caisse octroyant un droit à l’assuré en matière d’accidents du travail et de maladie professionnelles, de sorte que l’irrecevabilité du recours pour cause de prescription ne peut être retenue.
1.Aux termes de l’article 386 du code de procédure civile applicable en la cause, l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. La diligence doit révéler la volonté de son auteur de faire avancer la procédure.
En l’espèce, après l’appel interjeté par la CPAM le 24 février 2020, le conseil de la société a adressé des pièces au greffe le 27 août 2021 et la caisse a adressé au greffe ses conclusions le 24 octobre 2022. Le délai de péremption a donc été interrompu.
Enfin, il ne s’est pas écoulé un délai de plus de deux ans entre le 24 octobre 2022 et la réception par le greffe de la cour le 27 février 2023 des conclusions par lesquelles la société intimée a, à titre principal, sollicité de la cour qu’elle constate la péremption de l’instance.
La péremption d’instance n’est donc pas acquise et la société sera donc déboutée de son incident.
2. Aux termes de l’article R. 434-32 alinéa 3 du code de la sécurité sociale la décision motivée est immédiatement notifiée par la caisse primaire par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou ses ayants droits et à l’employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l’accident. Le double de cette décision est envoyé à la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail.
Il résulte des articles R. 143-3 et R. 143-31 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au présent litige, que le recours contre la décision de la caisse doit être présenté devant le tribunal du contentieux de l’incapacité dans le délai de deux mois à compter de la notification de cette décision, la forclusion ne pouvant être opposée aux intéressés que si la notification de la décision litigieuse porte mention du délai de forclusion avec indication de la juridiction compétente pour recevoir le recours, laquelle s’entend du lieu où demeure le demandeur qui, pour une société commerciale, est le siège social fixé par ses statuts.
En l’espèce, il ressort des pièces versées au débat par la société intimée, plus particulièrement l’extrait du procès-verbal des décisions de l’associé unique du 26 mars 2013, que la société [6] avait son siège social à [Localité 7] département 93 jusqu’à son transfert à [Localité 5] département 77 par décision de l’associé unique du 3 avril 2013.
La caisse a donc notifié le 24 juillet 2012 la décision de fixation du taux à une adresse ne correspondant pas au siège social de la société employeur à cette date et en mentionnant que la voie de recours devait s’effectuer devant le tribunal du contentieux de l’incapacité de Lille, si bien que les premiers juges ont à bon droit considéré que le délai de deux mois précité n’a pas commencé à courir et en ont justement déduit que la société n’était pas forclose.
Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
3. La caisse soutient enfin que pour avoir saisi le 26 novembre 2018 le tribunal de sa contestation, soit plus de cinq années après la notification de la décision attributive de rente, la société est prescrite dans son action.
Par application de l’article 2224 du code civil, la prescription quinquennale de droit commun prévue par le code civil ne s’applique qu’à défaut de dispositions spécifiques applicables à l’objet du litige.
Le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 a prévu une notification à l’employeur du taux d’incapacité mentionnant les délais et voies de recours.
Il s’ensuit qu’à la date de notification au salarié de la décision litigieuse, il existait une disposition spécifique prévoyant une une forclusion de l’action de l’employeur en contestation du taux ;
Il convient donc de rejeter la fin de non recevoir tirée de la prescription opposée par la caisse à la demande d’inopposabilité de la décision de la caisse en fixation du taux litigieux.
4. Mme [S], médecin consultant désigné par la cour, conclut comme suit :
«M. [V] a été reconnu en maladie professionnelle le 13 mai 2011 pour une épaule gauche enraidie chez un gaucher travaillant comme agent logistique.
Les différents examens complémentaires communiqués dans le rapport du médecin-conseil montrent une tendinopathie calcifiante bilatérale des épaules.
Comme repris par le médecin-conseil de l’employeur et le médecin expert désigné devant le tribunal, l’examen du médecin-conseil de la CPAM retrouve une limitation de toutes les amplitudes des épaules mais ne précise pas si les amplitudes articulaires des épaules ont été réalisées en passif ou en actif, ne permettant pas de confirmer une réelle raideur.
Dans son évaluation, le médecin-conseil a évalué son taux sur une limitation légère des mouvements de l’épaule pour laquelle le barème prévoit un taux de 10 à 15%, alors que son examen était en faveur d’une limitation modérée des amplitudes, laissant à considérer qu’il avait déjà retenu une possible amélioration des amplitudes peut-être en passif.
Concernant la tendinopathie calcifiante bilatérale retenue comme état antérieur par le médecin-conseil de l’employeur, il semble que concernant l’épaule droite, elle fasse l’objet également d’une reconnaissance en maladie professionnelle à la lecture du rapport du médecin-conseil de la CPAM, tel que noté dans les antécédents.
Concernant l’épaule gauche, on peut donc supposer que cette tendinopathie est en lien avec l’évolution de la maladie professionnelle, objet de la contestation.
Si l’on se réfère au barème, s’agissant d’un membre dominant, il convient de se baser sur une évaluation entre 10 et 15% pour les limitations des amplitudes de l’épaule. Cependant, en l’absence de certitudes sur les modalités de réalisation de l’examen clinique, il convient d’appliquer la fourchette basse et de retenir un taux de 10%.
Conclusion : A la date du 29/04/2012, le taux d’incapacité permanente partielle était de 10%.’
La CPAM expose que l’assuré ne présentait pas d’état antérieur, l’ancien tableau 57 A, en vigueur lors de l’instruction de la maladie professionnelle, n’excluant pas la tendinite calcifiante, et que le taux médical de 12 % est conforme aux préconisations du chapitre 1.1.2 du barème d’invalidité, lequel recommande l’attribution d’un taux compris entre 10 et 15 % s’agissant d’une limitation légère des mouvements de l’épaule dominante. Subsidiairement, elle sollicite l’entérinement de l’avis du médecin consultant désigné par la cour.
La société intimée fait valoir quant à elle que le salarié présente un état antérieur constitué par une tendinopathie calcifiante qui n’est pas d’origine professionnelle, qu’il ne présente pas d’amyotrophie et, qu’en l’absence d’étude des mobilités en passif, seule une limitation d’origine algique peut être retenue et non une réelle raideur articulaire. Elle demande donc la confirmation du jugement entrepris qui a retenu un taux de 7% pour une limitation très légère de certains mouvements de l’épaule dominante.
L’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale détermine le taux d’incapacité permanente d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
Au vu des éléments soumis à l’appréciation de la cour, contradictoirement débattus, il y a lieu de retenir que l’état séquellaire de M. [V] à la date de consolidation décrit ci-dessus justifiait la reconnaissance d’un taux d’incapacité permanente de 10 %. En effet, la limitation, qualifiée de légère par le médecin consultant désigné par la cour, affecte tous les mouvements articulaires de l’épaule et non certains, si bien que le taux de 10%, qui correspondent à la fourchette basse du § 1.1.2 du barème, sera retenu.
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris sur la fixation du taux d’IPP de M. [V] opposable à la société [8].
5. Il y a lieu de dire que les frais de consultation seront pris en charge par la Caisse nationale d’assurance maladie.
6. La société intimée, qui succombe, sera condamnée à supporter les dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition,
Dit que la péremption n’est pas acquise ;
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la recevabilité de l’action de la société [8],
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Écarte la fin de non-recevoir tirée de la prescription,
Dit que les séquelles de la maladie professionnelle déclarée le 13 mai 2011 par M. [Z] [V] justifient à l’égard de la société [8] la fixation d’un taux d’incapacité permanente partielle de 10 % à la date du 29 avril 2012,
Dit que les frais de consultation seront pris en charge par la Caisse nationale d’assurance maladie,
Condamne la société [8] aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier, Le Président,