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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
3ème CHAMBRE FAMILLE
————————–
ARRÊT DU : 14 NOVEMBRE 2023
N° RG 21/00317 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-L4QS
[T] [D] [Z] [C] épouse [V]
c/
[O] [L]
Nature de la décision : AU FOND
28A
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 janvier 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BERGERAC (RG n° 17/00716) suivant déclaration d’appel du 19 janvier 2021
APPELANTE :
[T] [D] [Z] [C] épouse [V]
née le 13 Décembre 1941 à [Localité 5]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me David DUMONTET, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Jean-luc TISSOT, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMÉE :
[O] [L]
née le 17 Avril 1944 à [Localité 5] (TUNISIE)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Aurélie FILIPPI loco Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Sarah PEYCLET, avocat au barreau de LIMOGES
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 10 octobre 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
Président : Hélène MORNET
Conseiller : Danièle PUYDEBAT
Conseiller : Isabelle DELAQUYS
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Véronique DUPHIL
Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
De l’union de M. [I] [C] et Mme [F] [W], sont issus deux enfants :
– Mme [T] [C] épouse [V],
– Mme [O] [L].
Mme [F] [W] est décédée le 10 septembre 1967 et M. [I] [C] le 15 mai 1997 laissant pour lui succéder ses deux filles.
Il dépend de l’indivision existant entre les parties un appartement sis [Adresse 2] que Mme [T] [C] épouse [V] occupe au moins depuis le 29 octobre 1993, date de la cession à titre de licitation à son profit des droits indivis de leur père sur ce bien, suivant acte reçu par Me [A], Notaire à [Localité 7]. Le prix s’est élevé à 212.287,00 francs, soit 32.423.92 euros, payés hors la comptabilité du notaire.
Par acte d’huissier délivré le 26 mai 2008, Mme [O] [L] a assigné Mme [T] [V] aux fins d’ouverture des opérations de liquidation partage de l’indivision successorale existant entre elles.
Par décision en date du 29 juillet 2009, le tribunal de grande instance de Bergerac a notamment :
– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des biens compris dans la communauté ayant existé entre les époux [C] – [W] ainsi que ceux composant la succession de M. [I] [C] et de ceux compris dans la succession de Mme [F] [W],
– désigné pour y procéder M. le président de la chambre des notaires de la Dordogne, avec faculté de délégation,
– dit qu’à défaut de partage, le notaire commis devra au terme d’un délai accordé rendre compte par écrit au juge commissaire des difficultés rencontrées et solliciter l’octroi d’un délai supplémentaire, ou dresser un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d’état liquidatif qui sera adressé au greffe du tribunal et à chaque partie,
– ordonné l’attribution préférentielle à Mme [T] [V] de l’appartement sis [Adresse 2], ce bien devant être estimé au jour du partage mais en son état au jour du décès de Mme [F] [W], pour le calcul de la soulte due à Mme [O] [L],
– ordonne l’attribution préférentielle à Mme [O] [L] des biens mobiliers se trouvant dans ledit appartement, pour leur valeur estimée par le commissaire-priseur,
– ordonné une expertise immobilière de l’immeuble de [Localité 4].
Le procès-verbal d’ouverture des opérations de la succession dressé par Me [B] [G], notaire à [Localité 7], le 7 novembre 2011 a été transmis le 29 mai 2017 au président du tribunal de grande instance de Bergerac, outre un projet de partage transactionnel élaboré en janvier 2016 par Me [B] [M], notaire à [Localité 6].
Le 18 juillet 2017, le président du tribunal de grande instance de Bergerac a sollicité la transmission d’un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties accompagné d’un projet d’état liquidatif et du rapport d’expertise ordonné par le jugement du 29 juillet 2009.
Sur la base du procès-verbal dressé le 7 novembre 2011 et du projet de partage, le président du tribunal de grande instance de Bergerac, en qualité de juge commis, a par procès-verbal du 3 août 2017 constaté le désaccord des parties, considéré au regard du temps écoulé toute tentative de conciliation vaine et les a renvoyées à constituer avocat devant le tribunal de grande instance pour voir trancher leur différend.
Par ordonnance du 8 décembre 2017, le juge de la mise en état a ordonné une expertise de l’immeuble litigieux et désigné pour y procéder M. [E] [X] avec pour mission notamment de déterminer la valeur du bien immobilier sis à [Localité 4] et sa valeur locative.
Le rapport a été rendu le 11 mai 2018 avec estimation de la valeur vénale à la somme de 239.000 € et de la valeur locative à celle de 841 €.
Par ordonnance rendue le 14 juin 2019, le juge de la mise en état a rejeté la péremption d’instance soulevée par Mme [V] et annulé la signification par huissier de justice des conclusions de Mme [L] en date du 26 octobre 2018.
Par jugement en date du 8 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Bergerac a :
– débouté Mme [T] [C] épouse [V] de sa demande tendant à dire que l’instance engagée par assignation du 26 mai 2008 s’est trouvée périmée à la date du 7 novembre 2013 à défaut de diligence des parties,
– constaté que la demande de Mme [T] [C] épouse [V] aux fins de maintien de la nullité de l’acte de signification du 26 octobre 2018 est sans objet,
– débouté Mme [O] [L] de sa demande de retour de fruits sur la période de 1973 à 1993 concernant l’occupation du logement sis à [Localité 4] par Mme [T] [C] épouse [V],
– déclaré prescrites les demandes de Mme [O] [L] aux fins de requalification de l’acte du 29 octobre 1993 en donation déguisée et de rapport à la succession de la somme de 119.500 euros,
– constaté que Mme [T] [C] épouse [V] est redevable à l’égard de Mme [O] [L], au titre de son occupation privative du bien indivis depuis l’année 1998, d’une indemnité d’occupation d’un montant de 72.536,25 euros, à parfaire au jour de la présente décision,
– fixé la valeur vénale du bien indivis sis [Adresse 2] au montant de 239.000 euros et la valeur locative de ce bien indivis au montant de 841 euros,
– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M [I] [C] et désigné la chambre Interdépartementale de notaires de la Dordogne avec faculté de délégation pour y procéder,
– condamné Mme [T] [C], épouse [V] à verser à Mme [O] [L] la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens seront frais privilégiés de liquidation et partage de la succession,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,
– rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.
Procédure d’appel :
Par déclarations en date des 19 janvier 2021 et 10 février 2021, Mme [T] [V] a relevé appel limité de l’ordonnance du 14 juin 2019 en ce qu’elle a rejeté sa demande de péremption d’instance et appel limité du jugement du 8 janvier 2021 sur les dispositions relatives à la péremption d’instance, à l’indemnité d’occupation et aux frais irrépétibles.
Mme [O] [L] a formé appel incident du jugement du 8 janvier 2021 sur les dispositions relatives au retour de fruits et la prescription des demandes en requalification de l’acte du 29 octobre 1993 en donation déguisée et de rapport à la succession.
Par conclusions d’incident déposées le 11 mai 2021, Mme [T] [V] a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de :
– infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du 14 juin 2019 et dire que l’instance engagée par assignation du 26 mai 2008 s’est trouvée périmée à la date du 7 novembre 2013,
– infirmer la jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bergerac le 8 janvier 2021 et dire la procédure périmée,
– déclarer prescrites les demandes de Mme [O] [L] visant à obtenir le rapport d’un indemnité d’occupation au profit de l’indivision,
– condamner Mme [O] [L] à payer à Mme [T] [V] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la condamner aux dépens de première instance et d’appel.
Par ordonnance du 13 janvier 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Bordeaux a :
– déclaré irrecevables les demandes sur incident formulées par Mme [V],
– l’a condamné aux dépens de l’incident, ainsi qu’à verser à Mme [O] [L] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon dernières conclusions du 27 septembre 2022, Mme [T] [V] demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du 14 juin 2019,
– déclarer l’instance engagée par assignation du 26 mai 2008 périmée à la date du 7 novembre 2013 à défaut de diligence des parties,
– déclarer nul et de nul effet l’acte de signification des conclusions signifiées à Mme [T] [V] le 26 octobre 2018,
– déclarer prescrites les demandes de retour de fruits présentées par Mme [O] [L] portant sur les périodes comprises entre 1973 et 1993,
– déclarer prescrites les demandes de Mme [O] [L] de requalification de l’acte du 29 octobre 1993 comme donation déguisée, comme en sa demande de rapport à la succession de la somme de 119.500 € correspondant à la moitié de la valeur actuelle de l’immeuble indivis,
A titre subsidiaire et sur le fond,
– infirmer ou réformer le jugement du 8 janvier 2021 dont appel,
– dire et juger que Mme [O] [L] ne fait pas la preuve de l’intention libérale de son père et de l’appauvrissement de celui-ci au bénéfice de Mme [T] [V],
– la débouter en conséquence de ses demandes de retour des fruits sur la période comprise entre 1973 et 1993,
– dire et juger que la quittance figurant dans l’acte notarié du 29 octobre 1993 fait foi et s’impose aux héritiers de M. [I] [C],
– rejeter en conséquence les demandes de Mme [L] tendant à la requalification de l’acte en donation déguisée ou en vente à fonds perdus,
– déclarer prescrites les demandes de Mme [O] [L] visant à obtenir le rapport d’une indemnité d’occupation au profit de l’indivision,
– déclarer prescrites les demandes de Mme [O] [L] tendant à obtenir le paiement d’une indemnité d’occupation à son profit à défaut de demandes valables,
– déclarer que de telles demandes ne pourront guère porter que sur cinq ans en arrière à compter du jour où la demande en sera régulièrement et valablement faite,
– ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation, partage de la succession de M. [I] [C] et renvoyer les parties devant Me [M], notaire, pour reprendre les opérations autour du projet d’acte de partage transactionnel établi au début de l’année 2016,
– condamner Mme [O] [L] d’avoir à payer à Mme [T] [V] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux dépens de l’instance.
Selon dernières conclusions du 12 septembre 2023, Mme [O] [L] demande à la cour de :
– dire mal fondés les appels interjetés par Mme [T] [V] à l’encontre, tant de l’ordonnance du juge de la mise en état du 14 juin 2019, que du jugement du tribunal judiciaire de Bergerac du 08 janvier 2021,
– rejeter toutes demandes, fins et conclusions adverses,
En conséquence,
– confirmer le jugement du 08 janvier 2021, en ce qu’il a :
* débouté Mme [T] [V] de sa demande tendant à faire dire que l’instance engagée par assignation du 26 mai 2008 s’est trouvée périmée à la date du 7 novembre 2013 à défaut de diligence des parties,
* constaté que la demande de Mme [T] [V] aux fins de maintien de la nullité de l’acte de signification du 26 octobre 2018 est sans objet,
* constaté que Mme [T] [V] est redevable à l’égard de Mme [O] [L], au titre de son occupation privative du bien indivis depuis l’année 1988 d’une indemnité d’occupation d’un montant de 72.536,25 euros, à parfaire au jour de la présente décision,
* fixé la valeur vénale du bien indivis sis [Adresse 2] au montant de 239.000 euros,
* fixé la valeur locative du bien indivis sis [Adresse 2] au montant de 841 euros,
* ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [I] [C],
* désigné la chambre interdépartementale des notaires de la Dordogne avec faculté de délégation, à l’exclusion de l’étude de Me [M], ou de ses éventuels successeurs, pour y procéder,
* condamné Mme [T] [V] à verser à Mme [O] [L] la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* débouté Mme [T] [V] de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* dit que les dépens seront frais privilégiés de liquidation et partage de la succession,
Faisant droit à l’appel incident de Mme [O] [L] à l’encontre du jugement du 08 janvier 2021,
– infirmer le jugement du 08 janvier 2021, en ce qu’il a :
* débouté Mme [O] [L] de sa demande de retour de fruits sur la période de 1973 à 1993 concernant l’occupation du logement sis à [Localité 4] par Mme [T] [V],
* déclaré prescrites les demandes de Mme [O] [L] aux fins de requalification de l’acte du 29 octobre 1993 en donation déguisée et de rapport à la succession de la somme de 119.500 euros,
Statuant de nouveau,
– dire et juger que Mme [V] a été bénéficiaire d’une donation indirecte de fruits et revenus consistant en la mise à disposition gratuite de l’immeuble sis [Adresse 2] entre 1973 et 1993,
En conséquence,
– dire et juger que Mme [V] devra faire rapport à la succession de la somme de 126.150,00 euros,
– sur la licitation à titre principal, dire et juger que Mme [V] a été bénéficiaire d’une donation déguisée au titre de la licitation de 1993,
En conséquence,
– dire et juger que Mme [V] devra faire rapport à la succession de la somme de 119.500 euros, correspondant à la moitié de la valeur actuelle de l’immeuble indivis,
– à titre subsidiaire, et si par impossible la cour ne retenait pas la qualification de donation déguisée relativement a la licitation de 1993, dire et juger que Mme [V] a été bénéficiaire d’une vente à fonds perdus, au titre de la licitation de 1993, et ce en application des dispositions de l’article 918 du code civil,
En conséquence,
– dire et juger que la valeur de la vente à fonds perdus, correspondant à la moitié de la valeur actuelle de l’immeuble indivis, soit le montant de 119.500 euros, sera imputable sur la quotité disponible,
– dire et juger qu’il sera attribué, dans la cadre du partage, la valeur du quart du bien indivis à Mme [L], soit le montant de 59.750 euros,
En toutes hypothèses,
– condamner Mme [V] à verser à Mme [L] la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la même aux entiers dépens, de première instance et d’appel, tant au fond qu’en matière d’incident, en ce compris les frais d’expertise et les éventuels frais d’exécution de l’arrêt à intervenir, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la jonction des procédures
Il convient pour une bonne administration de la justice d’ordonner la jonction des procédures ouvertes sous les numéros RG 21/0317 et 21/00818 qui concernent les mêmes parties dans le même litige.
Sur la péremption d’instance
Aux termes de l’article 386 du code de procédure civile, l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
Pour être interruptif de péremption, un acte doit faire partie de l’instance et la continuer. Toute démarche des parties ne peut interrompre la péremption que s’il est constaté qu’elle manifeste leur intention de poursuivre et qu’elle est de nature à faire progresser l’affaire.
L’appelante soutient que l’instance engagée par l’assignation du 26 mai 2008 est périmée depuis le 7 novembre 2013 en ce que :
– aucune diligence n’a été entreprise par les parties entre le 7 novembre 2011 date du procès-verbal de difficultés établi par Me [M] notaire désigné, et le 7 novembre 2013, soit dans le délai de deux ans visé par l’article 386 ,
– le procès-verbal s’il porte l’indication d’être un procès-verbal d’ouverture des opérations de compte liquidation et partage, contient cependant la masse partageable et les désaccords de Mme [L] ainsi qu’une offre transactionnelle de Mme [V] de sorte que le juge de la mise en état ne pouvait affirmer qu’il ne constituait pas un procés verbal de difficultés qui devait donner lieu à des démarches procédurales,
– les parties étaient par ailleurs d’accord pour qualifier cet acte de procès-verbal de difficultés faisant partir le délai,
– le procès vernal du juge commis en date du 3 août 2017 vise “le procès-verbal de difficultés” du 7 novembre 2011,
– les discussions qui ont abouti au projet de partage de 2016 n’ont été menées pour l’essentiel qu’en 2015.
L’intimée demande confirmation de l’ordonnance en ce que :
– des correspondances ont été échangées entre Mme [L], son ancien conseil et le notaire entre la fin de l’année 2011 et 2016 soit entre le procès verbal du 7 novembre 2011 et le projet de liquidation, de façon à établir le futur projet de partage,
– ces échanges ont eu un effet interruptif sur le délai de péremption dès lors qu’ils ont manifesté l’intention des parties de poursuivre l’instance engagée,
– l’assignation qu’elle a faite délivrée le 24 mai 2013 à sa soeur Mme [V] relativement au sort des biens meubles de la succession constitue une diligence interruptive de péremption, dans la mesure où il existe entre les deux procédures un lien de dépendance direct et nécessaire,
– les délais indiqués aux dispositions des articles 1368 du code de procédure civile et suivants relatif aux opérations de partage, ne présentent aucun caractère impératif.
Il résulte des pièces produites par les parties, et particulièrement par l’intimée, qu’entre le procès-verbal d’ouverture des opérations établi le 7 novembre 2011 et le projet de liquidation établi en 2016 transmis au président de la juridiction et qui a fondé sa saisine, le notaire, ainsi que l’a affirmé le juge de la mise en état, a entretenu avec les parties des relations suffisantes pour qu’il puisse établir un projet et qu’il ait eu l’espoir de parvenir à un accord, comme en témoignent les échanges entre avocats, et notamment celui de l’appelante, Maître [P].
C’est donc avec pertinence que dans son ordonnance du 14 juin 2019, le juge de la mise en état a pu affirmer que le procès verbal d’ouverture des opérations de liquidation ne pouvait servir de point de départ à la péremption d’instance puisque de nombreuses démarches devaient encore être faites par le Notaire pour établir les forces et charges de la succession, inventorier les biens et notamment proposer des lots.
Durant cette période, aucune action des parties n’était attendue autre qu’une collaboration aux opérations du notaire. C’est ainsi que l’intimée démontre que durant cette période, les parties se sont activées auprès de Me [G] [Y], notaire désigné, pour lui permettre de réaliser le projet d’acte de liquidation et partage en sollicitant notamment qu’une expertise du bien immobilier soit effectuée.
Par ailleurs l’intimée produit également au débat un jugement en date du 08 novembre 2013, rendu suite à l’exploit introductif d’instance délivré par Mme [L] et son fils M. [U] [S] à l’encontre de Mme [V] le 24 mai 2013, relativement au sort des biens meubles de la succession de M. [I] [C], père des deux parties. Cette action constitue une diligence interruptive de péremption, dans la mesure où il existe entre les deux procédures un lien de dépendance direct et nécessaire. Cette assignation délivrée le 24 mai 2013, au cours de la première instance ayant donné lieu au jugement du 29 juillet 2009, a interrompu le délai de péremption relatif à cette procédure, dès lors que son issue dépendait directement de l’effectivité et de l’exécution de la décision de première instance. Par la suite le délai de péremption n’a cessé d’être interrompu notamment par les décisions d’aide juridictionnelle rendue en faveur de Mme [L] le 17 septembre 2015, puis par celle rendue par le juge commis le 3 août 2017.
Par suite, tant l’ordonnance du Juge de la Mise en Etat, près le Tribunal Judiciaire de Bergerac, en date du 14 juin 2019, que le jugement de ce même Tribunal, du 08 janvier 2021, rappelant l’autorité de la chose jugée au principal des ordonnances du Juge de la mise en état, seront confirmés sur ce point.
Sur la nullité de la signification des conclusions de Mme [O] [H] du Puch du 26 novembre 2018
Le tribunal judiciaire de Bergerac a constaté que la demande de Mme [T] [C] épouse [V] aux fins de voir déclarer nul l’acte du 26 octobre 2018 par lequel Mme [O] [L] a signifié des conclusions est sans objet.
L’appelante sollicite à nouveau dans le dispositif de ses conclusions de déclarer nul l’acte de signification des conclusions qui lui ont été signifiées le 26 octobre 2018.
Cette disposition du jugement entrepris n’ayant cependant pas fait l’objet d’un recours dans les déclarations d’appel de Mme [V], la cour n’a pas à statuer de ce chef n’en n’ayant pas été saisie.
Sur le bien sis [Adresse 2]
La communauté ayant existé entre M. [I] [C] et Mme [F] [W] était propriétaire d’un appartement [Adresse 2].
Au décès de Mme [W] le 10 septembre 1967, son conjoint a opté pour le quart en usufruit, leurs deux filles devenant propriétaires.
Aux termes d’un acte reçu par Maître [A], Notaire à [Localité 7], le 29 octobre 1993, M. [I] [C] a vendu à titre de licitation, la moitié indivise qu’il détenait en pleine propriété sur ce bien à sa fille Mme [V].
Il résulte du projet de liquidation et partage établi en 2016 par Me [G] [N] que depuis cette date Mme [V] est propriétaire des trois quarts du bien dont s’agit et sa soeur, Mme [L], du quart en pleine propriété.
Il est constant que depuis cette date, Mme [V] occupe à titre exclusif le bien indivis dont s’agit.
Il est non contesté que depuis 1973, elle est entrée dans les lieux et occupé privativement le bien indivis, et ce jusqu’au décès de M. [I] [C] intervenu, le 15 mai 1997.
Sur la valeur vénale du bien
Le jugement dont appel a fixé a valeur vénale du bien indivis sis [Adresse 2] au montant de 239.000 euros et la valeur locative de ce bien indivis au montant de 841 euros sur la base de l’expertise judiciaire réalisée par M. [X] dont le rapport a été déposé le 11 mai 2018. Ces évaluations n’ont fait l’objet d’aucune critque circonstanciéee de sorte que la décision est confirée de ce chef.
Sur l’indemnité d’occupation
Aux termes de l’article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
Il résulte de l’article 815-10 alinéa 3 du code civil qu’aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera, toutefois, recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l’être.
Le délai de prescription ne commence à courir qu’à la date où l’indivisaire a commencé à jouir privativement du bien indivis.
En application de l’article 2241 du code civil, la demande en partage judiciaire interrompt le délai de prescription.
Il est constant également qu’un procès-verbal de difficultés ou un dire adressé à un expert interrompt le délai de prescription de l’article 815-10 du code civil.
Il est non contesté en l’espèce que les parties sont pleines propriétaires indivises sur l’immeuble sis [Adresse 2] depuis octobre 1993.
Mme [V] ne conteste pas non plus avoir usé exclusivement de ce bien depuis 1973 et à tout le moins depuis le mois d’octobre 1993.
Il est constant que Mme [L] n’a jamais formulé de demande judiciaire en paiement d’une indemnité d’occupation au profit de l’indivision avant ses conclusions régularisée le 26 octobre 2018 à Mme [V] (pièce 29 de l’intimée) par lesquelles elle demande la condamnation de celle-ci au paiement d’une indemnité d’occupation depuis 1973.
Si elle a entendu réclamer cette indemnité le 18 octobre 1993, par un courrier recommandé adressé à sa soeur (pièce 45), puis par courrier du 20 mars 1998 (pièce 52), elle avait entendu formuler cette demande en 2002 par l’intermédiaire de Me [J], Notaire à [Localité 3] puis sous forme de dire communiqué dans le procès-verbal d’ouverture des opérations de liquidation de la succession, en date du 07 novembre 2011 (pièce 3), force est de constater que plus de cinq ans se sont écoulés depuis cette dernière réclamation qui est donc prescrite, de sorte que la demande de fixation d’une indemnité d’occupation due par Mme [T] [V] ne peut être fixée que cinq ans avant ses conclusions intiales, soit à compter du 26 octobre 2013.
Il sera rappelé que cette indemnité est due à l’indivision en application de l’article 815-9 alinéa 2 du code civil, l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est redevable d’une indemnité à l’indivision.
Par suite, au regard de la valeur locative du bien fixé à 841 euros par le rapport d’expertise de M. [X] déposé le 11 mai 2018, Mme [V] est redevable à l’égard de l’indivision d’une somme de 841 euros par mois à compter du 1er novembre 2013.
Au jour du partage cette somme sera à parfaire au regard du temps écoulé et des droits respectifs des parties.
Sur le rapport de la donation indirecte par Mme [V] au titre de la mise à disposition gratuite du bien indivis entre 1973 et 1993
Il résulte de l’article 843 du code civil que tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
Aux termes des dispositions de l’article 851 alinéa 2 du code civil, le rapport est dû en cas de donation de fruits ou de revenus, à moins que la libéralité n’ait été faite expressément hors part successorale.
En application de l’article 850 du code civil, le rapport ne se fait qu’à la succession du donateur.
Mme [L] soutient que sa soeur, Mme [V], a bénéficié d’une donation indirecte de fruits soumise à rapport en ce que :
– entre 1973 et 1993, M. [I] [C] lui a consenti la jouissance gratuite et exclusive de l’appartement sis à [Localité 4],
– cette mise à disposition gratuite d’un logement est soumise au rapport, même en l’absence d’intention libérale,
-il est constant que la rupture objective d’égalité en cas d’occupation gratuite prolongée caractérise l’intention libérale des parents,
– Mme [V] ne justifie pas avoir réglé les charges de copropriété de l’appartement.
L’appelante soutient que la demande de l’intimée serait prescrite en application de l’article 815-10 alinéa 3 qui dispose que : “aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera, toutefois, recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l’être”.
C’est à bon droit que le jugement critiqué a déclaré cette demande non prescrite aux motifs que le rapport des donations à la succession tendant à assurer l’égalité entre les cohéritiers constitue une opération de partage qui ne peut pas se prescrire avant la clôture des opérations de partage.
Sur le fond, la reconnaissance d’une donation suppose la réunion des deux éléments constitutifs suivants : l’appauvrissement du disposant et son intention libérale. Ces éléments sont souverainement appréciés par les juges du fond, ce qui appelle une motivation sur chacun de ces deux éléments, au regard des preuves fournies et des circonstances de l’espèce.
Les principes généraux relatifs à la charge de la preuve s’appliquent à l’intention libérale : c’est à celui qui invoque l’existence d’une donation d’établir l’intention libérale du donateur et son appauvrissement.
La simulation peut porter sur un prix pour lequel une quittance a été donnée mais qui n’a pas été reçu ou qui a été immédiatement restitué à l’acheteur par le vendeur.
L’absence de paiement de loyers ne suffit pas à elle seule à caractériser l’intention libérale dont la preuve appartient à celui qui en allègue l’existence.
Il convient en l’espèce de confirmer le jugement qui a rejeté la demande de l’intimée au motifs que l’appartement sis à [Localité 4] a fait l’objet d’une cession à titre de licitation des droits détenus sur ce bien par M. [I] [C] en faveur de Mme [V] le 29 octobre 1993 moyennant le prix de 212.287 francs, de sorte que la preuve de l’intention libérale de M. [I] [C] envers Mme [V] n’est pas suffisamment rapportée par Mme [L].
Sur la requalification de l’acte de vente du 29 octobre 1993 en donation déguisée et le rapport
Mme [L] soutient que l’acte de licitation de 1993 est une donation déguisée en ce que :
– leur père a vendu à Mme [V] la moitié indivise qu’il détenait en pleine propriété mais l’acte manque de clarté en ce qu’il n’est pas certain que la quotité vendue ne porte pas également sur l’usufruit d’1/8 que M. [I] [C] détenait également,
– le prix de vente a été payé hors la comptabilité du notaire et Mme [V] est incapable de produire le justificatif du paiement. Elle réclame le rapport de la moitié indivise de la valeur du bien, soit 119.500 euros, ou son imputation sur la quotité disponible.
Mme [V] soutient que l’acte ne peut être requalifié en donation déguisée en ce que :
– l’acte authentique fait foi et l’acte contient la quittance du prix de cession,
– elle a souscrit un prêt pour s’acquitter du prix de vente.
Le tribunal a relevé que les dispositions de l’article 921 alinéa 2 du code civil sont applicables aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007 et que s’agissant des successions ouvertes avant l’entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006, les actions en réduction sont soumises aux dispositions de l’article 2224 du code civil qui prévoit un délai de cinq ans, de sorte que l’action est prescrite depuis le 19 juin 2013.
Mais il n’est pas demandé par l’intimée une réduction mais un rapport à la succession de sorte que l’action ne peut être prescrite pour les motifs déjà évoqués s’agissant de l’occupation de l’immeuble entre 1973 et 1993.
Sur le fond, l’acte authentique fait pleine foi de la convention qu’il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants-cause . Or, l’acte notarié du 29 octobre 1993 contient la quittance du prix de cession : «Laquelle somme l’acquéreur a payée comptant au vendeur qui le reconnaît, en consent quittance et qui déclare se désister de tout droit de privilège et d’action résolutoire, même pour sûreté des charges pouvant résulter des présentes».
Cette énonciation de l’acte s’impose à [O] [L] qui ne rapporte pas la preuve contraire.
Mais à défaut de paiement du prix démontré, que conteste Mme [V] en produisant des éléments démontrant qu’elle aurait souscrit un prêt à cet effet (pièces 10 et 11 de l’appelante), il n’est pas possible d’en conclure que la vente est fictive et s’analyse en une donation déguisée, sans rechercher si le vendeur a agi dans une intention libérale. Sur ce point l’intimée ne fournit aucun élément de nature à établir un faisceau d’indices laissant penser qu’en vendant ce bien à sa fille, M. [C] aurait entendu la gratifier.
Par suite le jugement sera infirmé en ce qu’il a opposé à cette demande une prescription mais l’intimée déboutée au fond de cette demande.
Sur la demande de qualification de vente à fonds perdus
A titre subsidiaire et pour la première fois devant la cour, Mme [L] invoque les dispositions de l’article 918 du code civil selon lesquelles la valeur en pleine propriété des biens aliénés, soit à charge de rente viagère, soit à fonds perdus, ou avec réserve d’usufruit à l’un des successibles en ligne directe, est imputée sur la quotité disponible. L’éventuel excédent est sujet à réduction.
Cette imputation et cette réduction ne peuvent être demandées que par ceux des autres successibles en ligne directe qui n’ont pas consenti à ces aliénations.
Mais aux termes de l’article 921 alinéa 2 du code civil, l’action en réduction est prescrite cinq ans après l’ouverture de la succession ou deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à la réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans après le décès. M. [C] étant décédé le 15 mai 1997, cette action en réduction doit être déclarée prescrite.
Sur les autres demandes
Confirme la décision enterprise ayant condamné Mme [T] [C], épouse [V] à verser à Mme [O] [L] la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La condamne en cause d’appel à lui verser la même somme.
Dit que les dépens seront frais privilégiés de liquidation et partage de la succession.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Ordonne la jonction des procédures ouvertes sous les numéros RG 21/0317 et 21/00818 ;
Confirme les décisions entrepriuses, sauf en ce qui concerne le montant de l’indemnité d’occupation due par Mme [V] et la prescription de la demande en rapport à la succession d ela donation déguisée du 29 octobre 1993 ;
Statuant à nouveau,
Dit que Mme [V] est redevable à l’indivision d’une indemnité de 841 euros par mois à compter du 1er novembre 2013 au titre de l’occupation exclusive de l’immeuble sis [Adresse 2] ;
Déboute Mme [L] de sa demande en requalification de l’acte du 29 octobre 1993 en donation déguisée et de rapport à la succession de la somme de 119.500 euros ;
Y rajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne Mme [V] à verser à Mme [L] la somme de 4 000 euros en applicationd le’raticle 700 du code de procédure civile ;
Dit les dépens seront frais privilégiés de liquidation et partage de la succession.
Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,