24 mai 2022
Cour d’appel de Riom
RG n°
20/00024
24 MAI 2022
Arrêt n°
FD/NB/NS
Dossier N° RG 20/00024 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FK6Y
[W] [Z]
/
S.A.S. BELLERIVEDIS
Arrêt rendu ce VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
Mme Karine VALLEE, Président
Mme Claude VICARD, Conseiller
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
Mme [W] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Anicet LECATRE, avocat au barreau de MOULINS
APPELANTE
ET :
S.A.S. BELLERIVEDIS
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constituté, substitué par Me Paul COEFFARD de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS, avocat plaidant
INTIMEE
Après avoir entendu Mme DALLE, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 21 Mars 2022, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Madame le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [W] [Z] a été embauchée par la SAS BELLERIVEDIS en qualité de manager du rayon bijouterie suivant contrat à durée indéterminée à compter du 17juin 2009.
En 2013, la salariée a été placée plusieurs fois en arrêt de travail puis a repris son activité au sein de la société.
Par courrier du 22 octobre 2015, la salariée a demandé à la société BELLERIVEDIS une
rupture conventionnelle et un premier entretien a eu lieu. Un second entretien en vue de la rupture conventionnelle a été proposé.
A partir du 4 novembre 2015, Madame [Z] a été en arrêts de travail successifs jusqu’au 4 janvier 2016.
A1’issue de ses arrêts de travail, le médecin du travail a déclaré le 20 janvier 2016 Madame [Z] inapte à son poste et à tous les postes dans l’entreprise.
Madame [Z] a été convoquée à un entretien préalable le 7 mars 2016 et s’est vu notifier le 11 mars 2016 son licenciement pour inaptitude médicalement constatée et impossibilité de reclassement.
Le 29 juillet 2016, par requête expédiée en recommandé, Madame [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de VICHY aux fins notamment de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire.
L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue en date du 3 novembre 2016 et, comme suite au constat de l’absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 29 juillet 2016 ), l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Le 7 septembre 2017, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de VICHY a ordonné la radiation de l’instance du rang des affaires en cours. Cette affaire a ensuite été réinscrite le 23 août 2019 sur demande de madame [Z].
Par jugement contradictoire en date du 19 décembre 2019 (audience du 10 octobre 2019), le conseil de prud’hommes de VICHY a :
– Dit que l’origine professionnelle de l`inaptitude n`est pas démontrée ;
– Dit que la société BELLERIVEDIS a rempli ses obligations en matière de reclassement ;
En conséquence,
– Débouté Madame [Z] de 1’ensemble de ses demandes;
– Débouté la société BELLERIVEDIS de sa demande reconventionnelle ;
– Condamné Madame [Z] aux dépens.
Le 31 décembre 2019, Madame [Z] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 23 décembre 2019.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 16 février 2022 par Madame [Z],
Vu les conclusions notifiées à la cour le 9 juin 2020 par la société BELLERIVEDIS,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 21 février 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, Madame [Z] demande à la cour de :
– Constater la recevabilité et le bien-fondé de l’appel de Madame [Z] ;
– Infirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau,
– Constater que l’inaptitude est d’origine professionnelle ;
– Constater l’absence de consultation des délégués du personnel ;
– Constater que l’employeur a manqué à son obligation préalable de recherche de reclassement ;
– Requalifier, en conséquence, le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
A titre principal, concernant le préavis :
– Condamner la société BELLERIVEDIS à lui payer et porter les sommes suivantes :
* Indemnité compensatrice de l’article L1226-14 du Code du travail : 5.891,18 euros bruts ;
A titre subsidiaire, concernant le préavis et si par impossible la Cour ne retenait pas l’origine professionnelle :
* Indemnité compensatrice de préavis : 5.891,18 euros bruts ;
* CP afférents 10% : 589,12 euros bruts ;
En toutes hypothèses :
* Indemnité spéciale de licenciement : 4.130,72 euros nets;
* Dommages et intérêts licenciement sans cause réelle et sérieuse : 36.000 euros nets ;
– Dire que ces sommes porteront intérêts de droit au taux légal à compter :
– De la saisine du Conseil de prud’hommes pour les sommes allouées à titre salaire ;
– De l’arrêt de la Cour pour celles allouées à titre de dommages-intérêts ;
– Ordonner la capitalisation de ces intérêts échus pour une année entière et rappeler que ces intérêts échus porteront eux-mêmes intérêts au taux légal le cas échéant majoré ;
– Ordonner la remise d’un bulletin de salaire, d’une attestation POLE EMPLOI rectifiés ;
– Condamner la société BELLERIVEDIS à payer et porter à Madame [Z] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles d’instance et d’appel ainsi qu’en tous les dépens.
Madame [Z] soutient que, concernant la reconnaissance de l`origine professionnelle de l’inaptitude, l’ensemb1e des conditions sont remplies.
Elle expose tout d’abord que le refus de prise en charge de la CPAM et l`avis du médecin du travail ne suffisent pas à écarter l`origine professionnelle de l’inaptitude et ne lient pas la cour, seule compétente pour déterminer le caractère professionnel d’une maladie. Elle expose qu’il suffit d’un lien même partiel entre la pathologie et l’incapacité. Elle indique en outre que l’employeur savait qu’elle voulait faire reconnaître sa pathologie au titre de la législation professionnelle, qu’elle 1’a alerté et qu`il en a eu connaissance par ses arrêts de travail, son courrier en date du 11 janvier 2016 et 1’enquête de la CPAM.
Elle expose que le rapport du médecin psychiatre et les certificats médicaux attestent du rôle exclusif du travail dans sa maladie. Elle affirme qu’en tout état de cause, il est établi que sa pathologie est d’origine professionnelle et que les séquelles sont existantes même si elles ne dépassent pas 25% d’IPP. Elle ajoute que l’avis du médecin enquêteur de la CPAM est déterminant et démontre l’existence d’un lien de causalité entre la pathologie et le travail. Elle indique en outre que les certificats médicaux établis par des professionnels de santé, qu’elle verse aux débats, établissent eux aussi l’origine professionnelle de son inaptitude, due à une pathologie anxio-dépressive réactionnelle à ses conditions de travail.
Madame [Z] avance produire des attestations de deux collègues de travail qui confirment la dégradation de ses conditions de travail.
Elle ajoute que le rapport du psychiatre sollicité par la CPAM rappelle dans ses conclusions qu’il n’existe pas d’état d’antérieur susceptible d’expliquer sa pathologie.
Elle explique que ses conditions de travail se sont vite dégradées au sein de l’entreprise, entraînant de graves conséquences sur son état de santé. Elle fait notamment valoir que l’enregistrement de l’altercation du 15 décembre 2015, transcrit par acte d’huissier, ainsi que les attestations produites aux débats, démontrent les conditions délétères dans lesquelles elle était amenée à travailler.
Madame [Z] déduit de tous ces éléments que la pathologie à l’origine de son inaptitude a été déclenchée par un contexte professionnel dégradé. Elle sollicite en conséquence la condamnation de l’employeur à lui payer et porter à son bénéfice des indemnités de ce chef.
Concernant le licenciement, Madame [Z] considère que, puisque selon sa démonstration la maladie est d’ origine professionnelle, en l’état du droit au moment des faits les délégués du personnel auraient dû être consultés.
De plus, elle estime que l’obligation de reclassement n’a pas été respectée. En effet, l’employeur doit rechercher une solution de reclassement même si le médecin du travail a conclu à une inaptitude du salarié à tout poste. Elle reproche à l’employeur de ne pas avoir procédé à une recherche sur l’ensemble des sociétés E.LECLERC, expliquant que la société appartient à un même groupe et que les permutations sont donc possibles.
Elle soutient ainsi que son licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, dès lors que l’employeur n’a pas réalisé de recherche de reclassement complète au sein du groupe auquel il appartient. Elle ajoute avoir eu un motif légitime en refusant les propositions au sein de la société AVERMES DISTRIBUTION étant donné que les dirigeants étaient les mêmes que ceux de la société BELLERIVEDIS et qu’ainsi elle aurait été exposée aux mêmes conditions de travail délétères et pathogènes.
Madame [Z] demande en conséquence le paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article L1226-15 du code du travail pour ces deux manquements justifiant celle-ci par le préjudice causé par la perte injustifiée de son emploi.
Madame [Z] soutient ensuite que si, par impossible, la cour ne retenait pas le régime professionnel de l’inaptitude, elle devra condamner la société BELLERIVEDIS au paiement d’une indemnité de préavis conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation.
Dans ses dernières écritures, la société BELLERIVEDIS conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, y ajoutant, de :
– Débouter Madame [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner Madame [Z] à faire verser à la société BELLERIVEDIS, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La société BELLERIVEDIS réfute l’origine professionnelle de la pathologie en expliquant d`une part que Madame [Z] ne justifie jamais de cette origine professionnelle et d’autre part que son inaptitude n’a pas été prise en charge au titre de la maladie professionnelle par la CPAM.
La société BELLERIVEDIS soutient que cette maladie est antérieure aux faits et d`ordre privé. Elle affirme que Madame [Z] échoue à établir les conditions de travail dégradées qu’elle aurait prétendument subies. Elle indique que les attestations versées aux débats par Madame [Z] ne rapportent aucunement la preuve que la salariée aurait rencontré des difficultés sur son travail. Elle ajoute verser aux débats des attestations qui contredisent les attestations produites par la salariée.
En outre, sur le lien entre la pathologie et les conditions de travail, elle explique que les certificats établis par les praticiens ne sont pas valables et qu’ils ne respectent pas le principe selon lequel les médecins ne doivent pas s’approprier les dires de leurs patients et ne doivent faire état que des constatations médicales qu’ils ont eux même pu effectuer. Elle soutient que ces certificats sont ainsi des certificats de complaisance, dénués de toute valeur probante, et signale qu’à ce titre une plainte a été déposée.
Elle conclut que les pièces adverses ne sont, par conséquent, pas pertinentes et ne rapportent pas la preuve d’une prétendue dégradation des conditions de travail, encore moins d’un quelconque lien entre l’état de santé de Madame [Z] et son activité professionnelle.
Sur l’incident du 15 décembre 2016, la société BELLERIVEDIS explique que la salariée était déjà placée en arrêt de travail au moment des faits et ne peut ainsi justifier l’origine professionnelle de son inaptitude consécutive à cet arrêt de travail. Elle ajoute que la conversation qui s’est tenue entre Madame [Z] et ses collègues de travail a été enregistrée par cette première sans que ses collègues puissent réellement s’en assurer, et qu’il ressort de la retranscription de cet enregistrement que si le ton est monté entre les différents protagonistes, c’est du fait de Madame [Z].
La société BELLERIVEDIS déduit de tous ces éléments que la cour rejettera les demandes formulées par Madame [Z] à l’appui de ses demandes indemnitaires.
La société BELLERIVEDIS soutient, au sujet de la procédure de licenciement, que les délégués du personnel n’avaient pas à être consultés puisque l’origine professionnelle de la maladie n’a pas été prouvée.
Concernant le reclassement elle explique qu’il n’était pas obligatoire. Elle s`appuie sur l’article Ll226-12 du code du travail qui dispense de cette obligation lorsque le médecin du travail indique que le reclassement serait gravement préjudiciable pour le salarié et sur la jurisprudence de la Cour de cassation qui confirme la dispense lors d’une inaptitude à tout poste dans l’entreprise. Elle explique, au soutien de son propos, que le médecin du travail a indiqué dans l’avis d’inaptitude que Madame [Z] était inapte à tous les postes dans l’entreprise.
Elle estime au surplus, avoir tenté de reclasser la salariée en interne en lui proposant pas moins de 7 postes disponibles en son sein, mais aussi à l’extérieur dès lors que la société AVERMES DISTRIBUTION lui a quant à elle fait état de la disponibilité de 6 postes . Or, la salariée a refusé tous ces postes.
La société BELLERIVEDIS conclut qu’aucun manquement ne peut lui être reproché.
Elle ajoute que son appartenance au groupe LECLERC n’est pas démontrée. Elle argue qu’en outre il n’existe aucune permutabilité entre les personnels des différentes enseignes LECLERC.
Elle conclut que pour l’ensemble de ces raisons, la contestation de Madame [Z] du bien-fondé de son licenciement doit être rejetée, la société BELLERIVEDIS affirmant en effet avoir respecté l’ensemble de ses obligations.
La société BELLERIVEDIS soutient enfin que la demande indemnitaire de Madame [Z] sera rejetée, arguant qu’elle n`est étayée par aucune pièce et que la salariée ne justifie pas de sa situation.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
– Sur la rupture du contrat de travail –
Lorsqu’un salarié en contrat de travail à durée indéterminée est déclaré inapte, l’employeur peut prononcer un licenciement pour cause d’inaptitude du salarié avec impossibilité de reclassement en respectant la procédure de licenciement fixée par le code du travail (articles L. 1226-2 à L. 1226-4-3 pour l’inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident d’origine non professionnelle / articles L. 1226-7 à L. 1226-17 pour l’inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle).
Si le code du travail prévoit des règles identiques, en cas d’inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle ou d’inaptitude d’origine non professionnelle, en matière de reclassement et de reprise de versement du salaire, la rupture du contrat de travail emporte des conséquences différentes pour ces deux cas de figure. La rupture du contrat de travail d’un salarié inapte à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle emporte certains effets spécifiques qui sont plus favorables pour le salarié.
Les articles L.1226-6 à L.1226-12 du code du travail contiennent les règles particulières aux salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle qui s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
La lettre de licenciement doit mentionner l’inaptitude physique et l’impossibilité de reclassement.
– Sur l’origine professionnelle de l’inaptitude –
Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 4121-1 du code du travail : ‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d’information et de formation ; 3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’.
Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 4121-2 du code du travail : ‘L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-2 et L. 1152-3 ; Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.’.
L’employeur est tenu vis-à-vis de ses salariés d’une obligation de sécurité dans le cadre ou à l’occasion du travail. Cette obligation spécifique a été consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation qui a désormais abandonné le fondement contractuel de l’obligation de sécurité de l’employeur pour ne retenir que le fondement légal, tiré notamment des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, interprété à la lumière de la réglementation européenne concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs. Cette obligation de sécurité dont doit répondre l’employeur s’applique à toute situation de risque en matière de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs.
Tenu d’une obligation de sécurité, il appartient donc à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en justifiant, d’une part, avoir pris toutes les mesures de prévention prévues notamment par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, d’autre part, dès qu’il est informé de l’existence de faits susceptibles de constituer une atteinte à la sécurité ou la santé, physique et mentale d’un salarié, avoir pris les mesures immédiates propres à les faire cesser.
La responsabilité de l’employeur est engagée vis-à-vis des salariés (ou du salarié) dès lors qu’un risque pour la santé ou la sécurité des travailleurs (du travailleur) est avéré. Il n’est pas nécessaire que soit constaté une atteinte à la santé, le risque suffit.
L’obligation de sécurité de l’employeur, ou obligation pour celui-ci de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, couvre également les problèmes de stress ou mal-être au travail, plus généralement la question des risques pyscho-sociaux liées aux conditions de travail, aux relations de travail ou à l’ambiance de travail. Dans ce cadre, il appartient à l’employeur de mettre en place des modes d’organisation du travail qui ne nuisent pas à la santé physique et mentale des salariés et de réagir de façon adaptée en cas de risque avéré.
La jurisprudence qualifie l’obligation de sécurité de l’employeur d’obligation de résultat. Selon la Cour de cassation, cette obligation de sécurité est désormais de résultat non au regard du risque effectivement encouru par le salarié, ou de l’atteinte à sa santé subi par le salarié, mais de son objet (prévention et cessation du risque). Le résultat attendu de l’employeur est de prévenir, par des moyens adaptés, tout risque lié non seulement à l’exécution de la prestation de travail mais également à l’environnement professionnel dans lequel elle est délivrée. Il s’agit pour l’employeur de prévenir, de former, d’informer et de mettre en place une organisation et des moyens adaptés. Le résultat dont il est question dans la notion d’obligation de résultat n’est pas l’absence d’atteinte à la santé physique et mentale, mais l’ensemble des mesures prises de façon effective par l’employeur dont la rationalité, la pertinence et l’adéquation sont analysées et appréciées par le juge. L’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail. Ainsi, en cas de risque avéré ou réalisé pour la santé ou la sécurité du travailleur, l’employeur engage sa responsabilité, sauf s’il démontre qu’il a pris les mesures générales de prévention nécessaires et suffisantes pour l’éviter, ce qu’il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement.
Au titre de son obligation de sécurité, il appartient à l’employeur de repérer les situations de tension et, le cas échéant, d’ouvrir rapidement une enquête. L’inertie de l’employeur en présence d’une situation susceptible d’être qualifiée de souffrance au travail, dont il a connaissance, alors qu’il est tenu légalement d’assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés et d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, engage nécessairement sa responsabilité, quand bien même il ne serait pas l’auteur des faits dénoncés.
Madame [Z] soutient que, concernant la reconnaissance de l`origine professionnelle de l’inaptitude, l’ensemb1e des conditions sont remplies.
Elle expose tout d’abord que le refus de prise en charge de la CPAM et l`avis du médecin du travail ne suffisent pas à écarter l`origine professionnelle de l’inaptitude et ne lient pas la cour, seule compétente pour déterminer le caractère professionnel d’une maladie. Elle expose qu’il suffit d’un lien même partiel entre la pathologie et l’incapacité. Elle indique en outre que l’employeur savait qu’elle voulait faire reconnaître sa pathologie au titre de la législation professionnelle, qu’elle 1’a alerté et qu`il en a eu connaissance par ses arrêts de travail, son courrier en date du 11 janvier 2016 et 1’enquête de la CPAM.
Elle expose que le rapport du médecin psychiatre et les certificats médicaux attestent du rôle exclusif du travail dans sa maladie. Elle affirme qu’en tout état de cause, il est établi que sa pathologie est d’origine professionnelle et que les séquelles sont existantes même si elles ne dépassent pas 25% d’IPP. Elle ajoute que l’avis du médecin enquêteur de la CPAM est déterminant et démontre l’existence d’un lien de causalité entre la pathologie et le travail. Elle indique en outre que les certificats médicaux établis par des professionnels de santé, qu’elle verse aux débats, établissent eux aussi l’origine professionnelle de son inaptitude, due à une pathologie anxio-dépressive réactionnelle à ses conditions de travail.
Madame [Z] avance produire des attestations de deux collègues de travail qui confirment la dégradation de ses conditions de travail.
Elle ajoute que le rapport du psychiatre sollicité par la CPAM rappelle dans ses conclusions qu’il n’existe pas d’état d’antérieur susceptible d’expliquer sa pathologie.
Elle explique que ses conditions de travail se sont vite dégradées au sein de l’entreprise, entraînant de graves conséquences sur son état de santé. Elle fait notamment valoir que l’enregistrement de l’altercation du 15 décembre 2015, transcrit par acte d’huissier, ainsi que les attestations produites aux débats, démontrent les conditions délétères dans lesquelles elle était amenée à travailler.
Madame [Z] déduit de tous ces éléments que la pathologie à l’origine de son inaptitude a été déclenchée par un contexte professionnel dégradé.
La société BELLERIVEDIS réfute l’origine professionnelle de la pathologie en expliquant d`une part que Madame [Z] ne justifie jamais de cette origine professionnelle et d’autre part que son inaptitude n’a pas été prise en charge au titre de la maladie professionnelle par la CPAM.
La société BELLERIVEDIS soutient que cette maladie est antérieure aux faits et d’ordre privé. Elle affirme que Madame [Z] échoue à établir les conditions de travail dégradées qu’elle aurait prétendument subies. Elle indique que les attestations versées aux débats par Madame [Z] ne rapportent aucunement la preuve que la salariée aurait rencontré des difficultés sur son travail. Elle ajoute verser aux débats des attestations qui contredisent les attestations produites par la salariée.
En outre, sur le lien entre la pathologie et les conditions de travail, elle explique que les certificats établis par les praticiens ne sont pas valables et qu’ils ne respectent pas le principe selon lequel les médecins ne doivent pas s’approprier les dires de leurs patients et ne doivent faire état que des constatations médicales qu’ils ont eux même pu effectuer. Elle soutient que ces certificats sont ainsi des certificats de complaisance, dénués de toute valeur probante, et signale qu’à ce titre une plainte a été déposée.
Elle conclut que les pièces adverses ne sont, par conséquent, pas pertinentes et ne rapportent pas la preuve d’une prétendue dégradation des conditions de travail, encore moins d’un quelconque lien entre l’état de santé de Madame [Z] et son activité professionnelle.
Sur l’incident du 15 décembre 2016, la société BELLERIVEDIS explique que la salariée était déjà placée en arrêt de travail au moment des faits et ne peut ainsi justifier l’origine professionnelle de son inaptitude consécutive à cet arrêt de travail. Elle ajoute que la conversation qui s’est tenue entre Madame [Z] et ses collègues de travail a été enregistrée par cette première sans que ses collègues puissent réellement s’en assurer, et qu’il ressort de la retranscription de cet enregistrement que si le ton est monté entre les différents protagonistes, c’est du fait de Madame [Z].
En l’espèce, Madame [W] [Z] a été embauchée par la SAS BELLERIVEDIS en qualité de manager du rayon bijouterie suivant contrat à durée indéterminée à compter du 17 juin 2009.
La salariée a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail successifs du 30 août 2013 jusqu’au 15 octobre 2013 puis a repris son activité au sein de la société.
Par courrier du 22 octobre 2015, la salariée a demandé à la société BELLERIVEDIS une rupture conventionnelle et un premier entretien a eu lieu. Un second entretien en vue de la rupture conventionnelle a été proposé.
A partir du 4 novembre 2015, Madame [Z] a fait l’objet d’arrêts de travail successifs jusqu’au 4 janvier 2016.
A1’issue de ses arrêts de travail par avis du 5 janvier 2016, le médecin du travail, le Docteur [K], a déclaré la salariée ‘inapte à tous les postes’, précisant que ‘l’état de santé de madame [Z] ne lui permet pas de reprendre le travail.’
Par second avis du 20 janvier 2016, le Docteur [K] indiquait:
‘Inapte à son poste et à tout poste dans l’entreprise. L’état de santé de madame [Z] ne permet pas de faire de propositions de reclassement.’
Madame [Z] a été convoquée à un entretien préalable le 7 mars 2016 et s’est vu notifiée le 11 mars 2016 son licenciement pour inaptitude médicalement constatée et impossibilité de reclassement.
Le courrier de notification est ainsi libellé :
‘ Madame,
Nous faisons suite à notre courrier recommandé du 24 février 2016 et à l’entretien préalable du 07 mars 2016 auquel vous vous êtes présentée seule, malgré le rappel de votre droit de vous faire assister.
Au cours de cet entretien, nous vous avons rappelé les éléments qui nous ont contraints à engager la présente procédure.
Vous avez fait l’objet de deux avis d’inaptitude émis par le médecin du travail dont vous avez fait l’objet les 05 et 20 janvier 2016. Au terme de son premier avis médical, le médecin du travail conclut:
« inapte à tous les postes. L’état de santé de Madame [Z] ne lui permet pas de reprendre le travail. A revoir dans 15 jours pour décision définitive le 20 janvier 2016 à 10h40 (Article R.4624-31 du Code du travail) ».
Dans son deuxième avis médical en date du 20 janvier 2016, il conclut ainsi :
« inapte a son poste et à tout poste dans l’entreprise. L’état de santé de Madame [Z] ne permet pas de faire de propositions de reclassement. Etude de poste et des conditions de travail réalisée le 19/01/2016 ».
Malgré le caractère restrictif de vos avis et conformément à la réglementation, nous avons procédé à une recherche rigoureuse de toute solution de reclassement, le cas échéant, par le biais d’adaptation, de transformation, de mutation de poste ou de réduction voire d’aménagement du temps de travail ou d’une action de formation.
Nous avons analysé et étudié tous les postes existants au sein de la société BELLERIVEDIS et avons mis en évidence les postes disponibles suivants :
– employé polyvalent de magasin (quai – réception), au niveau 2-B, en CDI à temps complet ;
– employé polyvalent de magasin (bazar saisonnier), au niveau 2-B, en CDI à temps complet (36,75 heures hebdomadaires, pauses incluses) ;
– vendeuse (charcuterie – traiteur), niveau 2-B, en CDI à temps complet (36,75 heures hebdomadaires, pauses incluses) ;
– adjoint manager secteur épicerie, niveau 5, statut agent de maitrise, en CDI temps complet (36,75 heures hebdomadaires, pauses incluses) ;
– employé polyvalent de magasin (épicerie), niveau 2-B, en CDI temps complet (36,75 heures hebdomadaires, pauses incluses) ;
– vendeuse (poissonnerie), niveau 2-B, en CDD du 07/03/2016 au 25/06/2016, remplacement congé maternité, a temps partiel (30 heures hebdomadaires, pauses incluses) ;
– adjoint manager secteur saisonnier, niveau 5, statut agent de maîtrise, en CDI à temps complet (36,75 heures hebdomadaires, pauses incluses) ;
Nous avons par ailleurs étendu nos recherches à la société AVERMES DISTRIBUTION, dont Monsieur [J] est également le dirigeant, et qui exploite également un magasin E. Leclerc. L’organisation et les postes y sont donc comparables a ceux de la société BELLERIVEDIS.
Les postes disponibles sont les suivants :
– employée polyvalente de magasin (boulangerie), niveau 1-A, en CDD surcroît d’activité à compter du 08 février 2016 à temps complet (36,75 heures hebdomadaires, pauses incluses)
– employée polyvalente de magasin (épicerie), niveau 1-A, en CDD surcroît d’activité à compter du 08 février 2016 à temps complet (36,75 heures hebdomadaires, pauses incluses)
– employée polyvalente de magasin (crémerie), niveau 1-A, en CDD surcroît d’activité à compter du 08 février 2016, à temps Complet (36,75 heures hebdomadaires, pauses incluses)
– employée polyvalente de magasin (boucherie), niveau 1-A, en CDD surcroît d’activité à compter du 08 février 2016, à temps complet (36,75 heures hebdomadaires, pauses incluses)
– hôtesse de caisse (caisse), niveau I-A, en CDD pour remplacement congé maladie du 08 février au 21 mars 2016, à temps complet (36,75 heures hebdomadaires, pauses incluses)
– hôtesse de caisse (caisse), niveau I-A, en CDD pour remplacement congé maladie du 22 mars 2016 au 11 juillet 2016, à temps complet (36,75 heures hebdomadaires, pauses incluses)
Aucun autre poste n’est malheureusement disponible (réserves, poste administratif).
Par courrier en date du 09 février 2016, nous avons interrogé le médecin du travail afin de solliciter son avis sur les postes disponibles et ses conclusions écrites complémentaires.
Le médecin du travail nous a, par courrier du 12 février 2016, répondu ainsi :
‘ J’ai prononcé le 20 janvier 2016 pour Madame [Z] [W] une inaptitude à son poste de responsable de Manège a Bijoux et à tout poste, en précisant que son état de santé ne permettait pas de faire de propositions de reclassement. Par conséquent, aucun poste même aménagé ni aucune tâche ne peut convenir. ‘
Nous vous avons également adressé un courrier le 12 février 2016, afin de faire le point de votre situation et vous proposer, sous réserve de l’avis favorable du médecin du travail, les postes évoqués ci-dessus.
Nous vous demandions de bien vouloir nous faire part, par écrit, de votre position quant à ces propositions ainsi que vos observations écrite, avant le 22 février 2016. Passé ce délai et en l’absence de réponse de votre part, nous considérerons alors que vous refusez ces propositions de reclassement et n’avez pas d’observation à faire.
Vous nous avez adressé un courrier en réponse le 20 février 2016, par lequel vous refusiez les propositions de poste que nous vous soumettions.
Nous sommes donc arrivés à la conclusion qu’il n’existait aucune possibilité de reclassement vous concernant au sein de notre société, y compris par mutation, transformation, adaptation de poste ou une réduction voire un aménagement du temps de travail ou une action de formation.
Nous vous avons fait part des motifs s’opposant à votre reclassement au sein de la société, ainsi qu’au médecin du travail, par courriers du 23 février 2016.
L’entretien préalable n’a apporté aucun élément nouveau.
En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour inaptitude médicalement constatée par le médecin du travail et sans reclassement possible.
La date de première présentation de ce courrier à votre domicile par la Poste constitue la date de rupture de votre contrat de travail.
Nous vous ferons parvenir dans les prochains jours les documents qui vous reviennent, à savoir :
. votre certificat de travail ;
. votre reçu pour solde de tout compte comprenant l’indemnité de licenciement ainsi que le solde de vos salaires et de vos congés payés ;
. votre attestation Pôle Emploi.
Vous pourrez faire liquider vos droits à participation actuellement bloqués.
Vous bénéficierez du prorata de l’accord de participation pour l’exercice en cours aux mêmes dates que le reste du personnel.
Vous bénéficiez dans notre entreprise d’une couverture complémentaire au titre des frais de santé (mutuelle) et de la prévoyance.
Sous réserve de bénéficier des allocations chômage, vos droits sont les suivants:
En application de l’article L.911-8 du code de la sécurité sociale, vos garanties de prévoyance et de frais de santé, telles que prévues par le contrat de prévoyance souscrit auprès de ALLIANZ ([Adresse 2]) et par le contrat de frais de santé (mutuelle) souscrit auprès de ASSELIO ([Adresse 6]), seront maintenues de plein droit et å titre gratuit dans le cadre du mécanisme de la portabilité. Ce maintien est applicable à compter de la date de cessation de votre contrat de travail et pendant une durée maximale égale à la période d’indemnisation chômage, dans la limite de la durée de votre contrat de travail (arrondi au mois entier supérieur), sans pouvoir excéder 12 mois.
Vous devrez justifier auprès de chacun des organismes assureurs précités, à l’ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, de votre situation au regard de vos droits à chômage (bénéfice des allocations chômage ou reprise d’un emploi).
Par ailleurs, conformément à la loi du 31.12.1989 (dite Loi Evin), il vous appartient de prendre contact dans les meilleurs délais avec l’organisme gestionnaire du régime frais de santé pour négocier et organiser votre éventuel maintien à titre volontaire et personnel (sans participation de l’employeur) auprès de cet organisme après la rupture de votre contrat de travail, ou au terme de la période de portabilité.
A défaut de contact personnel de votre part auprès de cet organisme, dans les 6 mois de la fin du contrat ou de la période de portabilité, vos garanties prendront fin au terme de votre contrat de travail ou au terme de la période de portabilité.
Nous vous prions d’agréer, Madame, l’expression de nos salutations distinguées.’
Madame [Z] fait valoir que son inaptitude présente une origine professionnelle liée à la dégradation de ses conditions de travail. Elle affirme que ses collaborateurs au rayon manège bijoux n’ont jamais accepté son arrivée au poste occupé et ont participé à discréditer son travail auprès de la direction, ce qui a fini par aboutir à des relations de travail également dégradées avec ses supérieurs hiérarchiques. Elle présente à l’appui de ses dires deux attestations ainsi qu’un constat d’huissier suite à l’enregistrement d’une altercation sur son lieu de travail.
Madame [P], ancienne collègue, témoigne du fait qu’une salariée de l’équipe de Madame [Z], Madame [N], ne respectait pas ses consignes, refusait de réaliser le travail demandé et remettait en cause son travail et son temps de présence auprès de la direction. Elle indique que la direction avait pris fait et cause pour cette salariée, remettant sans cesse en cause les décisions, les compétences et l’autorité de Madame [Z].
Selon Madame [P], Madame [Z] était très affaiblie par cette situation, ‘pleurait tous les jours et son état de santé moral et physique’ s’est dégradé, la salariée subissant une perte de poids importante. Madame [P] dit avoir aussi été affectée par cette ambiance de travail délétère et a fini par demander une rupture conventionnelle pour ‘tourner définitivement la page.’
Madame [F], ancienne collègue, fait part des éléments suivants:
‘Les conditions de travail dépassent par moment les bornes, il est arrivé entre autre que l’on nous fasse nettoyer les réserves sur 3 heures à la javel pure pour éradiquer une invasion de rats et cela sans protections aucune, sachant que les réserves ne sont pas aérées.
Il y a aussi la pression psychologique, on nous tient des propos qui ne devraient pas être tels que ‘quand je vous vois les matins je n’ai qu’une envie, c’est de vous cracher mon venin à la figure’ ou ‘pour le moment je vous considère comme une personne, mais ça pourrait changer et vous ne serez plus qu’un numéro et moi les numéros je les abats’.
Il y a aussi les ‘accords’ pour faire craquer un autre employé, tel que me demander de trouver une ‘excuse’ afin de faire en sorte d’avoir une bonne raison de me donner à moi les vacances que l’autre personne souhaitait afin de les avoir en même temps que son mari.
Ou alors on change les horaires afin de faire en sorte de dégoûter la personne sachant que cela va forcément lui porter préjudice.
L’ambiance du magasin est telle que j’en ai déclaré à l’époque des problèmes de thyroïde avec chute de tension à 8.2 dû au stress, ce qui m’a décider de demander une rupture conventionnelle après 8 ans de service, qui m’a été accordée.’
Enfin, Madame [Z] fait état d’une altercation sur son lieu de travail survenu le 15 décembre 2015 qu’elle a pu enregistrer et qui a fait l’objet d’une retranscription par voie d’huissier.
A ce sujet, l’employeur fait valoir que l’enregistrement est irrecevable et constitue un mode de preuve déloyal puisqu’il a été obtenu à l’insu des personnes enregistrées.
Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, ‘il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention’.
Le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit nécessaire à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
Malgré l’atteinte à la vie privée des salariés de la société BELLERIVEDIS pouvant résulter de cet élément de preuve, il y a lieu de considérer que cet enregistrement est produit au soutien des prétentions juridiques légitimes de Madame [Z] et peut être ainsi pris en compte, d’autant que la transcription en question permet d’établir que Madame [Z] a averti ses deux interlocuteurs qu’elle enregistrait la conversation et qu’il lui a alors été répondu ‘mais si vous voulez vous m’enregistrer, mais si vous voulez’. Ainsi, l’atteinte à la vie personnelle des personnes concernées apparaît, d’une part, nécessaire à l’exercice du droit de Madame [Z] et, d’autre part, proportionnée au but poursuivi, la conversation étant tenue alors que les participants avaient connaissance du fait qu’elle pouvait ensuite être rendue publique.
Il n’est pas contesté que Madame [Z] s’est présentée sur son lieu de travail le 15 décembre 2015, alors qu’elle faisait l’objet d’un arrêt de travail, pour obtenir des explications sur le non-paiement de son salaire auprès de la comptable de la société. La retranscription de l’altercation qui s’en est suivie permet d’établir que les propos suivants ont été tenus vis-à-vis de la salariée: ‘ma pauvre, vous êtes vraiment minable, vous imaginez même pas franchement (…) Je crois que je vais sortir parce que je ne sais pas ce que je vais lui faire! (…) Oh mais pauvre fille, mais pauvre fille mais franchement!’
En ce qui concerne le lien entre la dégradation des conditions de travail et l’inaptitude, Madame [Z] justifie avoir saisi la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du PUY DE DÔME le 2 décembre 2015 d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle d’un syndrome anxieux dépressif.
Nonobstant le refus de prise en charge d’une maladie professionnelle par la CPAM du 20 octobre 2016, Madame [Z] produit plusieurs éléments médicaux résultant de l’enquête effectuée par la caisse. Elle indique en outre que si la CPAM a refusé de prendre en charge la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels ce refus est motivé par le fait que ‘le médecin conseil interrogé a estimé que le taux d’IPP était inférieur à 25%’, ce qui ressort en effet du courrier de refus de prise en charge.
L’examen médical en date du 16 décembre 2015 effectué par le Docteur [A], médecin-conseil, fait état des éléments suivants:
‘Difficultés rencontrées dans son travail lorsqu’elle a été affectée au poste d’agent de maîtrise. Cette affectation aurait été mal acceptée par le reste de l’équipe. Madame [Z] a eu un arrêt de travail en 2013 avec hospitalisation d’une semaine en service psychiatrique pour décompensation dépressive mise sur le compte d’un épuisement physique. Elle est suivie depuis par le Dr [M] (…) Depuis sa reprise de travail en Novembre 2013, est en souffrance et décrit: ‘une ambiance difficile, plusieurs personnes seraient démissionnaires.’ Elle dit avoir des difficultés avec le personnel de direction et la comptable. Elle est en arrêt depuis le 04/11/2015, elle aurait été mise en cause dans un problème d’organisation et de continuité au travail.
Examen clinique:
1m65 – 55 kg, son poids habituel serait de 66 kg.
Asthénie.
Anorexie, vomissements.
Douleurs abdominales et troubles du transit.
Sur le plan psychique:
Crises d’angoisse.
Troubles de la concentration.
Rumination.
Sentiment de dévalorisation, on lui reprocherait un non professionnalisme alors qu’elle s’attendait à une valorisation.
Repli social.’
Il résulte du rapport du sapiteur psychiatre, le Docteur [O], établi le 13 février 2016:
‘Madame [Z] est mariée, elle a 2 enfants de 13 et 10 ans. Elle a travaillé longtemps à Leclerc à [Localité 5] avant d’aller depuis 2009 prendre la responsabilité du manège à bijoux du Leclerc de [Localité 4].
D’emblée les choses se sont assez mal passées avec l’équipe, et plus récemment se sont nettement dégradées avec la Direction.
Elle a présenté un premier arrêt de travail en 2013 avec une hospitalisation d’une semaine en milieu psychiatrique.
Elle est suivie par le Docteur [M] [T] psychiatre à [Localité 8], celui-ci lui prescrit:
– Zoloft 50 mg: 1 par jour
– Atarax 25: 1 par jour
– Xanax 0,25: 1 par jour.
Depuis sa reprise d’activité en Novembre 2013, elle est en souffrance et décrit une ambiance difficile et maintenant avec la Direction.
Elle est en arrêt de travail depuis le 4 Novembre 2015 et elle aurait été mise en cause dans l’organisation de son travail.
Elle a développé une symptomatologie phobo-dépressive vis à vis de Leclerc et, est maintenant incapable de retourner dans cette structure, d’ailleurs elle est en instance d’être mise en inaptitude par la médecine du travail ce qui va amener à son licenciement de cette structure.
Il n’existe pas d’antécédent personnel ou familial de troubles de l’humeur.
Réponse aux questions:
– 1 il n’existe pas d’état antérieur susceptible d’expliquer la pathologie présentée.
– 2 le travail joue un rôle exclusif dans la pathologie présentée
– 3 le taux d’IP prévisible sera inférieur à 25%.’
Madame [Z] verse également les éléments médicaux suivants:
– un certificat médical établi le 5 octobre 2015 par le Docteur [M], psychiatre qui atteste ‘donner des soins réguliers à Madame [Z] [W] depuis août 2013 pour une pathologie anxio-dépressive réactionnelle à des conditions de travail conflictuelles et déstabilisantes. Il est fort probable qu’on doive se diriger vers une inaptitude à tout poste dans l’entreprise.’
– un certificat médical établi le 13 novembre 2015 par le Docteur [M], lequel indique que ‘l’état de santé de l’intéressée met en évidence l’apparition depuis plusieurs mois de troubles anxio-dépressifs sévères et invalidants réactionnels à des difficultés professionnelles sur le lieu de son travail. La pathologie présente révèle de l’angoisse, insomnie, troubles de l’humeur, repli sur soi, dévalorisation, épuisement physique et psychique. Cette pathologie réactionnelle relève de la reconnaissance en maladie professionnelle’ ;
– un certificat médical établi le 15 décembre 2015 par le Docteur [H], médecin généraliste qui certifie avoir vu la salariée le même jour: ‘en pleurs suite à une altercation avec une collègue me dit-elle (conversation enregistrée par la patiente, collègue prévenue, qu’elle me fait écouter ce jour). Sur l’enregistrement on note une agressivité certaine et des insultes de la part de cette collègue’ ;
– plusieurs ordonnances de prescription de médicaments psychotropes, et notamment d’un traitement à base d’anti-dépresseurs.
En réponse, l’employeur soutient que Madame [Z] échoue à démontrer la réalité des conditions de travail dégradées qu’elle prétend avoir subies. Il verse à cet effet trois attestations de salariées travaillant en proche collaboration avec Madame [Z]:
– Selon Madame [V]:
‘Je déclare que Mme [Z] a été ma responsable au manège à bijoux. J’atteste que durant les six années passées à travailler avec Mme [Z], elle ne s’est jamais plaint de la direction et ne nous a jamais parlé ni fait ressentir aucune pression de la part de la direction. Du fait que Mme [Z] ne pointait pas elle faisait ses horaires à sa convenance et avait beaucoup de liberté étant donné que Mr [E] lui donnait toute sa confiance.
Il y a toujours eu une bonne ambiance au sein de l’équipe que ce soit entre les trois titulaires ainsi qu’avec les remplaçants. Il n’y a jamais eu de débordements entre nous ou envers Mme [Z]. A son retour d’arrêt maladie suite à ses problèmes de santé, Mr [E] lui a accordé une reprise en douceur étant donné qu’il lui a accordé des horaires allégés et qu’il a également embauché une étudiante supplémentaire pour la soulager. Mme [Z] nous toujours affirmé qu’elle était soutenue par la direction et que Mr [E] était compréhensif et à l’écoute.
Mme [Z] a alors repris son rythme de travail, on travaillait toujours dans une bonne ambiance et quelques temps plus tard elle a annoncé à Mr [E] son souhait de quitter l’entreprise puis l’équipe en a été informé. C’était son choix de partir et elle avait des projets car elle m’avait soumis l’idée de vouloir ouvrir un magasin. Mme [Z] nous a affirmé qu’elle s’engageait à former la future responsable et qu’elle ne nous abandonnerai pas étant donné que l’on approchai à grand pas à la période de Noël. Chose qui n’a pas été respecté puisqu’elle s’est mis en arrêt maladie lorsque Mr [E] a trouvé sa remplaçante. Et Mme [Z] n’est jamais revenue à son poste.’
– Madame [C] atteste:
‘[Mme [Z]] a toujours été soutenue par la direction pendant toutes ces années et n’a jamais prétendue avoir subi de pression. En effet, lors de ses problèmes de santé, une étudiante a été embauchée pour la soulager et a eu des horaires allégés. J’atteste également qu’il y a toujours eu une bonne ambiance au sein de l’équipe et notamment entre les 3 titulaires. Il n’y a jamais eu de débordement envers elle et entre nous. C’est une personne qui a souvent fait nos horaires en fonction de son emploi du temps personnel et qui était peu présente à son poste. De plus, lors d’une absence les horaires étaient changés et imposés à la dernière minute sans notre avis, toujours à sa convenance. Il est même arrivé que les congés d’été (en 2012) soient changés au dernier moment par elle-même.
J’ajouterais que Mme [Z] [W] est partie de l’entreprise d’elle-même et n’a pas soutenu son équipe pendant les festivités de la fin d’année 2015.’
– Enfin, Madame [N] témoigne:
‘Mme [Z] ne s’est jamais plainte d’avoir subit de pression de la part de la direction et ce pensant la durée de son poste de Responsable du manège à bijoux au contraire… Mme [Z] m’a souvent dit combien elle se sentait soutenue par Mr [E] et qu’il était très à son écoute. Quand Mme [Z] a eu ces problèmes de santé, Mr [E] a embauché une étudiante pour la soulager puis Mme [Z] a amenagé ces horaires. J’atteste également que Mme [Z] était très libre sur ces horaires qui étaient toujours à son avantage.
Je tiens à souligner la très bonne entente entre les 3 titulaires ainsi que les étudiantes (renfort dans les périodes de vacances).
Une anecdote me reviens.
J’ai perdu mon ami d’enfance en Juin 2012 très très cher à mon coeur. Mme [Z] me devais des heures. J’ai pu me rendre à son enterrement avec l’obligation de prendre mon poste à 17h pour finir à 20h…
J’ajoute que nous avions une responsable très peu présente sur le manège à Bijoux sauf pour les périodes de très forte affluences, fête des mères, fête de fin d’année.’
Il résulte des trois attestations ainsi produites par l’employeur que si les trois salariées se félicitent de la bonne ambiance au sein du rayon bijoux manège et du fait que Madame [Z] ne subissait aucune pression dans l’exercice de ses fonctions, bénéficiant notamment de l’appui et du soutien de la direction, ces témoignages sont cependant colorés de sous-entendus portant sur le peu de présence effective de Madame [Z], le fait qu’elle aménageait les horaires et les congés à son avantage, qu’elle se vantait du soutien de ses supérieurs hiérarchiques, qu’elle a refusé d’accorder une journée à l’une des salariées pour se rendre à un enterrement et que ses arrêts de travail ont été mal vécus, Madame [C] évoquant même un ‘abandon’ de sa part.
Ainsi, s’agissant des conditions de travail de Madame [Z], il convient de relever que la salariée produit deux attestations extrêmement circonstanciées et précises d’anciennes collègues. En outre, le contenu de la retranscription par huissier de l’altercation du 15 décembre 2015, qui s’est certes déroulé pendant l’arrêt de travail de la salariée, mais également le fond des trois attestations produites par l’employeur témoignent de l’existence d’une tension dans les rapports professionnels et d’une ambiance de travail relativement délétère.
Par ailleurs, la société BELLERIVEDIS conteste l’absence de lien entre la pathologie présentée par la salariée et ses conditions de travail en se fondant sur l’absence de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie par la CPAM et le médecin du travail, les deux avis d’inaptitude ne faisant pas état du caractère professionnel de celle-ci.
Cependant, le juge n’est pas lié par la décision d’un organisme de sécurité sociale ou du médecin du travail et doit rechercher lui-même l’existence d’un lien de causalité entre l’accident du travail ou la maladie professionnelle et l’inaptitude.
La société BELLERIVEDIS prétend également que la pathologie de Madame [Z] est ancienne, la salariée ayant déjà fait l’objet d’un arrêt de travail en 2013 pour dépression en raison de difficultés d’ordre personnel. Elle conteste aussi les conclusions du Docteur [M] car ce médecin n’était pas présent sur les lieux du travail et ne ferait que rapporter des propos de sa patiente.
Pour autant, il ressort du certificat médical établi par le Docteur [M] qu’il donnait ‘des soins réguliers à Madame [Z] [W] depuis août 2013 pour une pathologie anxio-dépressive réactionnelle à des conditions de travail conflictuelles et déstabilisantes’ et que dès lors ces premiers arrêts de travail étaient déjà liés aux conditions de travail de la salariée.
En outre, le Docteur [M] n’est pas le seul médecin à mettre en évidence l’existence d’un lien de causalité direct et exclusif entre les conditions de travail de la salariée et sa pathologie puisque le sapiteur psychiatre, Docteur [O], requis par le médecin-conseil de la CPAM, indique à l’issue d’un avis établi le 13 février 2016 que:
‘- 1 il n’existe pas d’état antérieur susceptible d’expliquer la pathologie présentée.
– 2 le travail joue un rôle exclusif dans la pathologie présentée
– 3 le taux d’IP prévisible sera inférieur à 25%.’
Au vu de l’ensemble de ces éléments, et notamment des attestations des salariées de la société et des certificats et avis médicaux produits, il convient de considérer que Madame [Z] apporte bien la preuve qu’elle a subi des conditions de travail relativement dégradées et surtout que sa pathologie, liée à un syndrome anxio-dépressif, présente bien un lien de causalité direct et exclusif avec lesdites conditions de travail.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a dit que l’origine professionnelle de l’inaptitude n’est pas démontrée et, statuant à nouveau, la cour dit que l’inaptitude de Madame [W] [Z] a une origine professionnelle.
– Sur l’existence d’une cause réelle et sérieuse du licenciement –
Les articles L.1226-6 à L.1226-12 du code du travail contiennent les règles particulières aux salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle qui s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
Le licenciement pour cause d’inaptitude du salarié est abusif si l’employeur a manqué à son obligation de reclassement (défaut de consultation des représentants du personnel ou consultation irrégulière ; absence de preuve de l’impossibilité de reclassement ou d’un refus du salarié des postes de reclassement…), ou si la rupture du contrat de travail a été notifiée en réalité par l’employeur pour un autre motif que l’inaptitude physique et l’impossibilité de reclassement mentionnées dans la lettre de licenciement.
Aux termes de l’article L.1226-10 du code du travail, dans sa version applicable au moment du litige:
‘Lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.’
Concernant le licenciement, Madame [Z] considère que, puisque selon sa démonstration la maladie est d’ origine professionnelle, en l’état du droit au moment des faits les délégués du personnel auraient dû être consultés.
De plus, elle estime que l’obligation de reclassement n’a pas été respectée. En effet, l’employeur doit rechercher une solution de reclassement même si le médecin du travail a conclu à une inaptitude du salarié à tout poste. Elle reproche à l’employeur de ne pas avoir procédé à une recherche sur l’ensemble des sociétés E.LECLERC, expliquant que la société appartient à un même groupe et que les permutations sont donc possibles.
Elle soutient ainsi que son licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, dès lors que l’employeur n’a pas réalisé de recherche de reclassement complète au sein du groupe auquel il appartient. Elle ajoute avoir eu un motif légitime en refusant les propositions au sein de la société AVERMES DISTRIBUTION étant donné que les dirigeants étaient les mêmes que ceux de la société BELLERIVEDIS et qu’ainsi elle aurait été exposée aux mêmes conditions de travail délétères et pathogènes.
La société BELLERIVEDIS réplique que les délégués du personnel n’avaient pas à être consultés puisque l’origine professionnelle de la maladie n’a pas été prouvée.
Concernant le reclassement elle explique qu’il n’était pas obligatoire. Elle s`appuie sur l’article L1226-12 du code du travail qui dispense de cette obligation lorsque le médecin du travail indique que le reclassement serait gravement préjudiciable pour le salarié et sur la jurisprudence de la Cour de cassation qui confirme la dispense lors d’une inaptitude à tout poste dans l’entreprise. Elle explique, au soutien de son propos, que le médecin du travail a indiqué dans l’avis d’inaptitude que Madame [Z] était inapte à tous les postes dans l’entreprise.
Elle estime au surplus, avoir tenté de reclasser la salariée en interne en lui proposant pas moins de 7 postes disponibles en son sein, mais aussi à l’extérieur dès lors que la société AVERMES DISTRIBUTION lui a quant à elle fait état de la disponibilité de 6 postes . Or, la salariée a refusé tous ces postes.
La société BELLERIVEDIS ajoute que son appartenance au groupe LECLERC n’est pas démontrée. Elle argue qu’en outre il n’existe aucune permutabilité entre les personnels des différentes enseignes LECLERC.
En l’espèce, la cour a déjà retenu que l’inaptitude de Madame [Z] avait une origine professionnelle.
Il est constant que la société BELLERIVEDIS n’a pas procédé à la consultation des délégués du personnel avant de procéder au licenciement de la salariée alors que cette consultation était obligatoire dans le cadre d’un licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle.
Dès lors, sans qu’il n’y ait lieu d’étudier les moyens surabondamment évoqués par la salariée, il échet de dire qu’en l’absence de consultation des délégués du personnel alors que l’inaptitude de la salariée avait une origine professionnelle, le licenciement de Madame [W] [Z] est dénué de cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera également infirmé sur ce point.
– Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail-
Aux termes de l’article L. 1226-14 du code du travail: ‘La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L. 1234-5 ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L. 1234-9. Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l’employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif. Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l’emploi consécutive à l’accident du travail ou à la maladie professionnelle.’.
Aux termes de l’article L. 1226-15 du code du travail, dans sa version applicable au moment du litige: ‘Lorsqu’un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié, prévues à l’article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12. En cas de refus de réintégration par l’une ou l’autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3-1. Elle se cumule avec l’indemnité compensatrice et, le cas échéant, l’indemnité spéciale de licenciement, prévues à l’article L. 1226-14. Lorsqu’un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l’article L. 1235-2 en cas d’inobservation de la procédure de licenciement.’.
La cour a déjà retenu que l’inaptitude de la salariée avait une origine professionnelle et que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse.
Au moment du licenciement, Madame [W] [Z], âgée de 38 ans, bénéficiait de 6 ans et 11 mois d’ancienneté et percevait un salaire mensuel moyen brut de 2.945,59 euros.
Au vu éléments d’appréciation dont la cour dispose et des principes de droit sus-visés, il convient de condamner la SAS BELLERIVEDIS à payer à Madame [W] [Z] les sommes de 5.891,18 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 4.130,72 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement et de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Sur les intérêts de droit –
Madame [Z] demande que les sommes allouées produisent intérêts légaux avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales.
Il y a lieu de dire que les intérêts légaux seront décomptés, avec capitalisation selon les règles légales, à compter de la saisine du conseil des prud’hommes pour les condamnations à caractère salarial et à compter du présent arrêt pour les condamnations à caractère indemnitaire.
– Sur la demande de remise des documents –
Madame [Z] demande à la cour d’ordonner, sans astreinte, à la société BELLERIVEDIS de lui remettre un bulletin de salaire et une attestation de Pôle Emploi rectifiés.
Dans la mesure où il importe que Madame [Z] dispose de documents à jour, il convient d’ordonner la remise la remise des documents de fin de contrat, comprenant attestation Pôle Emploi et bulletin de salaire portant le solde.
– Sur les frais irrépétibles et les dépens –
Au vu de la solution apportée en cause d’appel au présent litige, il convient d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné Madame [W] [Z] au paiement des dépens de première instance et, statuant à nouveau, de condamner la SAS BELLERIVEDIS au paiement des dépens de première instance.
En cause d’appel, la société BELLERIVEDIS sera condamnée, outre aux entiers dépens, à payer à Madame [Z] une indemnité de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
– Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau:
– Dit que l’inaptitude a une origine professionnelle ;
– Dit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse;
– Condamne la SAS BELLERIVEDIS à payer à Madame [W] [Z] les sommes de 5.891,18 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 4.130,72 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement et de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Dit que les sommes sus-visées porteront intérêts au taux légal, avec capitalisation selon les règles légales, à compter de la convocation de l’employeur à comparaître devant le bureau de conciliation pour les condamnations à caractère de salaire et à compter du présent arrêt pour les condamnations à caractère d’indemnité ;
– Ordonne à la SAS BELLERIVEDIS de remettre à Madame [W] [Z] un bulletin de salaire et une attestation Pôle Emploi rectifiés ;
– Condamne la SAS BELLERIVEDIS au paiement des dépens de première instance ;
Y ajoutant,
– Condamne la SAS BELLERIVEDIS à payer à Madame [W] [Z] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamne la SAS BELLERIVEDIS au paiement des dépens d’appel ;
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N. BELAROUI K. VALLEE