27 septembre 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/01438
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4HA
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 SEPTEMBRE 2022
N° RG 22/01438
DBV3-V-B7G-VBTR
AFFAIRE :
[S] [Y]
C/
[V] [O]
….
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Mars 2022 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
N° chambre :
N° Section :
N° RG : 2022P00058
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Typhanie BOURDOT
Me Catherine DE VALLOMBREUSE
Me Franck LAFON
MP
TC VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [S] [Y]
née le [Date naissance 5] 1972 à [Localité 11]
[Adresse 7]
[Localité 10]
Représentant : Me Typhanie BOURDOT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 644 – N° du dossier MARISCHA
Représentant : Me Valentine COUDERT de la SELARL OCTAAV, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1224
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022004688 du 10/06/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANTE
****************
Monsieur [V] [O]
né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 13] (78)
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Catherine DE VALLOMBREUSE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 480
LE PROCUREUR GENERAL
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
[Adresse 6]
[Localité 8]
SELARL ML CONSEILS prise en la personne de Maître [I] [E] ès qualités de liquidateur de Madame [S] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentant : Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20220141
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 Juillet 2022, Madame Sophie VALAY-BRIERE, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN
En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l’avis du 14/03/2022 a été transmis le même jour au greffe par la voie électronique.
Mme [S] [Y], entrepreneur individuel à responsabilité limitée, exploitait une activité de fabrication d’orfèvrerie, joaillerie, bijouterie sous l’enseigne ‘Casaque d’or, la boutique d’orfèvre [Y]’.
Sur saisine de M. [V] [O], invoquant une créance de 2 200 euros à son encontre, le tribunal de commerce de Versailles, par jugement réputé contradictoire du 1er mars 2022, a ouvert à l’égard de Mme [Y] une procédure de liquidation judiciaire et désigné la Selarl ML conseils en qualité de liquidateur judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée provisoirement au 22 juillet 2021.
Par déclaration du 10 mars 2022, Mme [Y] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 21 juin 2022, elle demande à la cour de :
– prononcer la nullité de l’assignation du 25 janvier 2022 ;
– prononcer par conséquent l’annulation du jugement rendu ;
subsidiairement,
– infirmer le jugement ;
plus subsidiairement,
– infirmer le jugement et ouvrir une procédure de redressement judiciaire à son égard ;
– condamner M. [O] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [O] aux entiers dépens.
M. [O], dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 21 juin 2022, demande à la cour de :
– déclarer recevable mais mal fondé l’appel formé par Mme [Y] ;
par conséquent,
– débouter Mme [Y] de l’intégralité de ses demandes ;
à titre principal,
– déclarer régulière la signification effectuée le 25 janvier 2022 par la SCP Lefevre-Schelouch ;
– à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait comme irrégulière la signification intervenue, il sera jugé, en application de l’article 114 du code de procédure civile qu’en l’absence de grief démontré par l’appelante l’assignation du 25 janvier 2022 n’est pas entachée de nullité ;
par conséquent,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
y ajoutant,
– condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Selarl ML conseils, ès qualités, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 17 juin 2022, demande à la cour de :
– statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel formé par Mme [Y] ;
– statuer ce que de droit sur la validité de l’acte introductif d’instance ;
en tout état de cause,
– constater l’état de cessation des paiements de Mme [Y] ;
– confirmer en conséquence la décision et la liquidation judiciaire de Mme [Y] ;
– prononcer la liquidation judiciaire de Mme [Y] ;
très subsidiairement,
Si la cour venait à annuler ou infirmer la décision et juger n’y avoir lieu de prononcer la liquidation judiciaire,
– juger que ses frais seront à la charge de M. [O] ou de Mme [Y] ;
– statuer ce que de droit concernant les dépens dont distraction au profit de maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans son avis notifié par RPVA le 15 mars 2022, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement sauf à ce que l’appelante démontre soit qu’un redressement judiciaire est envisageable soit qu’elle n’est pas en état de cessation des paiements.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 juin 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Aucun moyen n’étant soulevé ou susceptible d’être relevé d’office, il convient de déclarer l’appel de Mme [Y] recevable.
1- Sur la nullité de l’acte introductif d’instance et du jugement
Invoquant les dispositions des articles 655 et 656 du code de procédure civile, Mme [Y] soutient que l’assignation n’a pas été délivrée dans des conditions régulières puisqu’elle avait été expulsée du local dans lequel elle exerçait, qu’un placard avait été apposé le 16 décembre 2021 et que l’huissier instrumentaire, qui ne pouvait pas ignorer que le destinataire de l’acte ne pouvait pas être touché à cette adresse, aurait dû prendre contact avec son confrère qui lui aurait communiqué l’adresse où la joindre. Elle ajoute que les avis Google produits par M. [O] ne sont pas pertinents. Elle fait valoir que cette irrégularité lui a causé un grief puisqu’elle n’a pas comparu devant le tribunal et n’a pas été en mesure de présenter sa défense. Elle conclut à l’annulation, par voie de conséquence, du jugement.
M. [O] réplique que la signification effectuée le 25 janvier 2022 est régulière, que l’huissier de justice n’a pas vu d’avis d’expulsion, que les avis Google montrent que Mme [Y] ouvrait encore sa boutique jusqu’en février 2022, que cette dernière, qui n’a effectué aucun changement d’adresse ni modifié son siège social auprès du tribunal de commerce, l’extrait Kbis indiquant comme adresse le [Adresse 2], ne peut pas se prévaloir de sa propre turpitude. Il conclut en outre à l’absence de grief car si l’avis d’expulsion avait été visible, l’huissier de justice aurait signifié l’assignation selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile et le courrier recommandé adressé à son adresse à [Localité 12] ne lui serait pas parvenu, soulignant que l’huissier de justice en charge de l’expulsion, même s’il avait été contacté, n’aurait pas pu donner d’autres informations sur les coordonnées de l’appelante, faute pour celle-ci de les avoir mises à jour.
La Selarl ML conseils s’en rapporte à justice sur la validité de l’acte introductif d’instance.
L’assignation en date du 25 janvier 2022 a été délivrée au [Adresse 2], selon les modalités des articles 656 et 658 du code de procédure civile, à l’étude de l’huissier de justice, l’acte indiquant ‘Destinataire absent de son domicile’, au titre des vérifications ‘Enseigne commerciale’ et qu’une copie de l’acte a été adressée à son destinataire par lettre recommandée avec avis de réception.
Selon mail en date du 4 mai 2022, l’huissier instrumentaire a indiqué qu’à l’occasion de cette signification, il n’avait pas vu d’affiche d’expulsion.
Mme [Y] est défaillante à rapporter la preuve de ce qu’au jour de la délivrance de l’assignation M. [O] ou l’huissier qu’il avait mandaté aurait eu connaissance de cette expulsion ou d’une autre adresse la concernant.
Ainsi, la photographie de l’avis d’expulsion produit par Mme [Y], qui n’est ni datée ni géolocalisée, ne permet pas de rapporter la preuve qu’au jour de l’assignation, celui-ci était apposé de manière visible au lieu de son siège social.
En outre, l’extrait Kbis qu’elle verse aux débats, en date du 13 avril 2022, s’il mentionne sa radiation d’office au 17 octobre 2021, montre qu’elle y est domiciliée au [Adresse 2].
Elle ne justifie pas plus avoir fait suivre son courrier.
Il se déduit de ces éléments que l’assignation a été délivrée régulièrement à l’adresse du lieu du siège social de l’appelante.
La demande d’annulation de l’acte introductif d’instance et du jugement sera, par conséquent, rejetée.
2- Sur l’ouverture d’une procédure collective
Mme [Y] soutient à titre subsidiaire qu’elle n’est pas en état de cessation des paiements et, à titre encore plus subsidiaire qu’elle est en mesure de présenter un plan de redressement par voie de continuation. Elle fait valoir que le passif qui s’élève à 35 602 euros pourrait être remboursé en dix années, par versements mensuels de 296,68 euros qu’elle s’estime en capacité d’assumer par son activité. Elle précise que le passif, qui résulte de taxations d’office, est susceptible d’être réduit après vérification et qu’elle s’attelle à se mettre en règle. Elle ajoute qu’en cas de redressement judiciaire et dans l’attente d’un accord avec son ancien bailleur, elle pourrait être hébergée par son compagnon et exercer à cette adresse.
M. [O], qui rappelle être créancier d’une somme de 2 231,70 euros, que l’EIRL a été radiée et que Mme [Y] indique elle-même avoir été expulsée, affirme que le redressement de celle-ci est manifestement impossible.
La Selarl ML conseils, ès qualités, fait valoir que Mme [Y], qui ne communique aucune pièce à cet effet, ne démontre pas qu’elle n’est pas en état de cessation des paiements alors que les pièces versées attestent au contraire qu’elle l’est. Elle ajoute que l’expulsion du local établit l’incapacité de l’appelante à poursuivre son activité.
Aux termes de l’article L.640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l’article L.640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
La preuve de la réunion de ces conditions incombe au créancier poursuivant.
M. [O] démontre, par la production de plusieurs actes de saisies-attribution et saisies-vente, avoir tenté en vain de mettre à exécution l’ordonnance du 8 juin 2021 enjoignant à Mme [Y] de lui payer la somme de 1 395 euros.
Selon la liste des créances déclarées dressée par le liquidateur judiciaire, le passif échu à titre définitif s’élève à la somme de 21 464,69 euros.
Mme [Y] ne démontre pas, au jour où la cour statue, avoir le moindre actif disponible pour régler ses créances, en sorte que son état de cessation des paiements est caractérisé. Elle ne conteste pas la date de cessation des paiements fixée par le jugement d’ouverture au 22 juillet 2021, date d’expiration du délai d’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer.
Il est établi par les pièces versées aux débats que Mme [Y] a été radiée d’office du registre du commerce et des sociétés de Versailles le 17 octobre 2021, peu important le motif de la radiation en l’absence de régularisation, et qu’elle a été expulsée du local dans lequel elle exploitait son activité.
L’attestation de concubinage qu’elle produit est insuffisante à établir qu’elle peut exercer son activité chez son compagnon.
Le prévisionnel d’exploitation produit par l’appelante, partiellement lisible, qui n’est pas visé par un professionnel du chiffre, n’est manifestement pas sérieux. En effet, il mentionne pour la première année une trésorerie de 2 700 euros dont l’existence n’est pas démontrée, des capitaux propres négatifs de 5 000 euros, un chiffre d’affaires de 39 000 euros dont la cohérence avec les chiffre d’affaires antérieurs n’est pas justifiée et aucune rémunération pour la dirigeante.
Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que le redressement de Mme [Y] est manifestement impossible.
Il convient par conséquent de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Il ne peut pas y avoir recouvrement direct des dépens par l’avocat de l’intimée compte tenu de l’ouverture de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Déclare recevable l’appel de Mme [S] [Y] ;
Rejette les demandes d’annulation de l’acte introductif d’instance et du jugement ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Déboute les parties de leur demande d’indemnité procédurale ;
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,