Bijouterie : 10 novembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01095

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Bijouterie : 10 novembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01095

10 novembre 2022
Cour d’appel de Versailles
RG
20/01095

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/01095

N° Portalis DBV3-V-B7E-T4AU

AFFAIRE :

[V] [P]

C/

S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 mars 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de ST GERMAIN EN LAYE

N° Section : C

N° RG : F18/00083

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sami SKANDER

la SELARL RMBF

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [V] [P]

née le 26 février 1965 à [Localité 7] ([Localité 7])

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Sami SKANDER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau du VAL D’OISE, vestiaire : 202

APPELANT

****************

S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES

N° SIRET : 451 321 335

[Adresse 1]

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représentant : Me Mathilde ROY-MASUREL substitué par Me Elodie COUVRAND de la SELARL RMBF, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1407

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 septembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Stéphanie HEMERY

Greffier placé lors du prononcé : Madame Virginie BARCZUK

La société Carrefour Hypermarchés (ci-après la société Carrefour), dont le siège social se situe [Adresse 2], est spécialisée dans le secteur d’activité des hypermarchés. Elle emploie plus de dix salariés.

La convention collective nationale applicable est celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 17 juillet 2001.

Mme [V] [P], née le 26 février 1965, a été engagée par la société Carrefour Hypermarchés par contrat de travail à temps partiel et à durée déterminée du 8 janvier 2002 au 6 avril 2002 en qualité de conseillère de vente au sein du magasin de [Localité 9] ([Localité 9]).

Le 6 avril 2002, la relation de travail s’est poursuivie selon contrat de travail à durée indéterminée.

Le 7 octobre 2011, Mme [P] a été victime d’un accident du travail à la suite duquel elle a été placée en mi-temps thérapeutique.

En 2013, elle a fait l’objet d’un reclassement en qualité d’hôtesse de caisse au sein du magasin de [Localité 8] ([Localité 4]).

Puis, à la suite d’une hospitalisation le 17 février 2016, Mme [P] a bénéficié de divers arrêts de travail jusqu’au 27 septembre 2016.

Une procédure de licenciement a été engagée en 2016, sans aboutir.

Le 7 avril 2017, à l’issue d’une visite médicale de reprise, le médecin du travail a conclu que Mme [P] était inapte au poste d’hôtesse de caisse et présentait des contre-indications à certains gestes et contraintes.

Par courrier du 15 juin 2017, la société Carrefour Hypermarchés a proposé à Mme [P] deux postes au magasin de [Localité 8] : un poste d’assistante de caisse au service carburant et un poste d’assistante de caisse au service pré-accueil.

Mme [P] a refusé ces propositions par courrier du 20 juin 2017.

Par courrier du 19 juillet 2017, la société Carrefour Hypermarchés a convoqué Mme [P] à un entretien préalable fixé au 27 juillet 2017.

Par courrier du 4 août 2017, la société Carrefour Hypermarchés a notifié à Mme [P] son licenciement pour impossibilité de reclassement à la suite de son inaptitude d’origine professionnelle.

Par requête reçue le 8 mars 2019, Mme [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye aux fins de contester la rupture de son contrat de travail et de voir condamner la société Carrefour Hypermarchés au versement de diverses sommes indemnitaires et salariales.

La société Carrefour Hypermarchés avait quant à elle conclu au débouté de la salariée et avait sollicité sa condamnation à lui verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’issue de l’audience de jugement du 19 décembre 2019, les conseillers se sont mis en partage de voix. L’affaire a été évoquée à l’audience du 4 février 2020, sous la présidence du juge départiteur.

Par jugement rendu le 10 mars 2020, la section commerce du conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye a :

– dit le licenciement de Mme [V] [P] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– débouté Mme [V] [P] de l’ensemble de ses demandes,

– dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les parties conserveront la charge des dépens par elles avancés,

– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire de la décision qui est sans objet.

Mme [V] [P] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 11 juin 2020.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 septembre 2022, Mme [V] [P] demande à la cour de :

Concernant l’exécution du contrat de travail,

– constater le manquement de la SAS Carrefour (à) son obligation de sécurité résultat,

– constater le manquement de la SAS Carrefour en son obligation de reclassement,

– constater l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Mme [V] [P],

En conséquence,

– condamner la SAS Carrefour à verser à Mme [V] [P] les sommes suivantes :

. 28 532,39 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 26 340,36 euros au titre du préjudice distinct,

– condamner la SAS Carrefour à un montant de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision (à) intervenir.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 septembre 2022, la société Carrefour Hypermarchés demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

– dire le licenciement de Mme [V] [P] parfaitement fondé,

– débouter Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un licenciement prétendument infondé,

– débouter Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un prétendu préjudice distinct,

– condamner Mme [P] à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 21 septembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 30 septembre 2022.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’obligation de sécurité

Mme [P] soutient, au visa des articles L. 4112-1 et suivants du code du travail, que la société Carrefour a manifestement manqué à son obligation de sécurité de résultat en lui imposant un environnement de travail nuisible à sa santé, dès lors qu’elle l’a fait travailler en qualité d’hôtesse de caisse alors qu’elle ne pouvait effectuer cette tâche sur une longue période conformément aux prescriptions du médecin du travail, la mettant en danger d’une façon consciente ; qu’en conséquence, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et qu’elle doit recevoir une indemnisation.

La société Carrefour réplique, sur le fondement des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité de moyens renforcée et non plus de résultat ; que Mme [P] est défaillante dans sa démonstration de sorte qu’on ne peut comprendre quels ont été les manquements réels de son employeur ; qu’il ressort des pièces produites par Mme [P] que cette dernière a eu des soucis de santé en 2012 et 2013 et qu’elle a été affectée au poste d’hôtesse de caisse auquel elle avait été déclarée apte, en mi-temps thérapeutique. Elle fait valoir qu’elle a toujours apporté un soin particulier à l’adaptation des postes de travail au regard de la situation médicale de Mme [P] et que cette dernière a bénéficié de la mise en place d’un bilan de formation dans le cadre de la mission handicap du groupe Carrefour. Elle ajoute que Mme [P] ne caractérise l’existence ni d’un préjudice certain ni d’un lien de causalité avec un quelconque fait dommageable.

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, ‘l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1,

2° des actions d’information et de formation,

3° la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’

L’employeur met en oeuvre les mesures prévues par ces dispositions dans le respect des principes généraux de prévention énoncés à l’article L. 4121-2 du code du travail.

Constitue une faute contractuelle engageant la responsabilité de l’employeur le fait d’exposer un salarié à un danger sans avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés, alors que l’employeur doit assurer l’effectivité de l’obligation de sécurité qui lui incombe en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise.

Respecte l’obligation de sécurité, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

L’obligation de sécurité de l’employeur est une obligation de moyen et non de résultat.

En cas de licenciement pour inaptitude d’un accidenté du travail, le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, lorsqu’il est à l’origine de l’inaptitude du salarié, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse et permet d’allouer des dommages et intérêts au salarié qui justifie en avoir subi un préjudice.

En l’espèce, il ressort des pièces versées au débat (certificats et avis des médecins traitants et de la médecine du travail, courriers, bilan de compétence, etc) que Mme [P], qui était alors conseillère de vente au rayon textile du magasin Carrefour de Chambourcy, a été victime d’un accident du travail le 7 octobre 2011 en chutant, ce qui lui a occasionné un traumatisme à l’épaule droite, et placée en arrêt de maladie.

1 – sur le premier avis d’inaptitude

Mme [P] a fait l’objet de plusieurs visites de pré-reprise entre le 19 avril 2012 et le 5 novembre 2012, le docteur [J], médecin du travail, indiquant qu’elle présentait une ‘contre-indication médicale au port de charges de plus de 3 kgs (en particulier en élévation des bras), aux gestes répétitifs en élévation des bras et aux sollicitations répétées du rachis’ et proposant un essai de reprise soit sur le poste antérieur avec aménagement (sans travail en réserve ni impératif de temps, en utilisant les tables roulantes et l’escabeau sécurisé si besoin) soit sur un poste de vente sans port de charges type ‘Faim de journée’ ou en bijouterie, en caisse station service ou sur un autre poste respectant les contre-indications citées, de préférence en temps partiel thérapeutique (pièce n°14 de l’appelante).

Au regard de l’état de santé général de Mme [P] et de ses douleurs à l’épaule droite lors de certains gestes et efforts, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées a préconisé le 3 mai 2012 une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé qui permettrait de solliciter la mission handicap de l’entreprise, un bilan de compétences avant formation externe étant par ailleurs demandé (pièce n°13 de l’intimée).

Le 10 décembre 2012, le médecin du travail a déclaré Mme [P] inapte totalement au poste de conseillère de vente textile et, faute d’aménagement de poste proposable, médicalement apte au poste d’hôtesse de caisse, en caisse CLS, en caisse station service, à la collecte et au rangement des ‘petits articles’ et/ou antivols, dans le cadre d’un temps partiel (pièce n°32/2 de l’appelante).

Suite à cet avis, un bilan de compétence financé par la société Carrefour s’est déroulé du 18 décembre 2012 au 30 avril 2013 (pièces n°10 et 11 de l’intimée).

Le 5 avril 2013, la société Carrefour a proposé à Mme [P] un reclassement au poste d’assistante de caisse niveau 2B au sein du magasin de [Localité 8], conforme au dernier avis du médecin du travail, qui a été accepté par la salariée en mai 2013 après des premiers refus.

L’employeur a ainsi reclassé Mme [P] sur un poste de travail conforme aux préconisations de la médecine du travail et n’a donc pas manqué à son obligation de sécurité.

Les attestations produites par Mme [P], de connaissances s’étant étonnées de la voir occuper un poste de caissière malgré son état de santé, ne sauraient contredire l’avis du médecin du travail.

2 – sur le second avis d’inaptitude

Mme [P] a été placée en arrêt de maladie du mois de juin 2013 au mois de septembre 2013.

Le 15 juillet 2013, le docteur [J] a préconisé la reprise sur un poste d’hôtesse de caisse avec un aménagement des horaires à temps partiel thérapeutique à l’issue de l’arrêt de maladie.

Le bilan établi le 11 décembre 2013 par la médecine du travail (pièce n°29 de l’appelante) montre qu’un essai de reprise en temps partiel thérapeutique a été tenté sur un poste aménagé sans port de charges de plus de 5 kgs et avec un allègement de la cadence de travail, dans l’attente d’un bilan de compétence et d’une formation, Mme [P] étant suivie par la cellule de maintien dans l’emploi interne à l’entreprise ; qu’après plusieurs rechutes et soucis de santé surajoutés, Mme [P] était de nouveau en essai sur un poste très allégé en attente de son départ en formation mais il était jugé que son état locomoteur n’était plus compatible avec les gestes répétitifs et les contraintes physiques du poste de caissière.

Le 8 janvier 2014 (pièce n°32/1 de l’appelante), la médecine du travail a déclaré Mme [P] apte à certaines tâches du poste d’hôtesse de caisse, limitant le travail en caisses ‘traditionnelles’ à 2 heures par jour, de préférence le matin.

Mme [P] a été placée en arrêt de travail et absente de l’entreprise de février 2014 à juillet 2014.

Elle a suivi une formation d’agent administratif dispensée par la société Auxilia du 1er juillet 2014 au 31 janvier 2016, son contrat de travail étant suspendu à cet effet (pièces n°28 de l’appelante et 20 de l’intimée).

A l’issue de cette formation, alors que Mme [P] n’avait pas repris son emploi, l’inaptitude n’était pas prononcée, dans l’attente que Mme [P] soit opérée de l’épaule droite, intervention prévue le 18 février 2016.

Début 2017, le docteur [C], chirurgien, a constaté une amélioration clinique suite à cette intervention chirurgicale, mais la persistance d’une gêne et de souffrances à l’épaule.

La médecine du travail a rendu le 7 avril 2017 un avis d’inaptitude au poste d’hôtesse de caisse dans les termes suivants :

«1. Inapte au poste d’hôtesse de caisse dans l’entreprise Carrefour de la ville de [Localité 8].

Contre-indication médicale aux gestes et contraintes suivantes : aux gestes répétitifs des membres supérieurs, au port répété de charges de plus de 3 kg en particulier en élévation au-dessus de l’horizontale, à la station debout prolongée, sans pose assise.

2. Etude de poste et des conditions de travail faite le 6.04.2017 pour proposition de mutation de poste ou changement de poste. Echanges avec l’employeur effectués les 27 mars et 6 avril 2017.

3. Date d’actualisation de la fiche entreprise : 23.01.2017.

4. Serait médicalement apte à tout poste respectant les indications mentionnées au point 1 : poste de type administratif par exemple.

5. Serait médicalement en capacité de bénéficier d’une formation la préparant à occuper un poste adapté. »

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il est établi que la société Carrefour a suivi chacune des préconisations de la médecine du travail en changeant le poste de travail de Mme [P] suite à son accident du travail et en l’adaptant conformément aux avis médicaux ; qu’elle a mis en oeuvre des mesures d’accompagnement de la salariée (bilan de compétence et formation), de sorte qu’elle justifie avoir satisfait à son obligation de sécurité.

Le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté Mme [P] de sa demande tendant à voir constater le manquement de la société Carrefour à son obligation de sécurité et à voir condamner son employeur à lui verser la somme de 26 340,36 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur le respect de l’obligation de reclassement

Mme [P] fait valoir que la société Carrefour, qui s’inscrit dans un groupe particulièrement important à l’étendue internationale, n’a formulé aucune proposition de poste à l’étranger ni une quelconque formation, de sorte qu’elle ne justifie d’aucune démarche visant au reclassement de la salariée. Elle estime que les deux postes proposés n’étaient pas compatibles avec son état de santé dès lors d’une part que le poste d’assistante de caisse au service carburant la contraignait à effectuer de la maintenance concernant les pompes à essence et à servir les clients en bonbonnes de gaz et que d’autre part le poste au pré-accueil la contraignait à rester debout et à manipuler les objets particulièrement lourds ramenés par les clients. Elle souligne qu’elle avait demandé à incorporer le rayon bijouterie, ce qui lui a été refusé sans justificatif et qu’elle pouvait incorporer le corps administratif.

La société Carrefour réplique qu’elle a parfaitement respecté son obligation de reclassement, en faisant des recherches au sein des autres entités du groupe, et qu’elle n’avait pas l’obligation d’aboutir à un reclassement. Elle souligne que Mme [P] a refusé les propositions émises, conformes aux restrictions médicales et validées à l’unanimité par les délégués du personnel, et qu’elle est de mauvaise foi lorsqu’elle reproche à l’employeur de ne pas avoir effectué de recherches à l’étranger car elle a expressément indiqué qu’elle n’était pas mobile.

Il résulte de l’article L. 1226-10 du code du travail dans sa version en vigueur au jour du licenciement litigieux, que lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement de temps de travail.

L’obligation de reclassement s’impose à l’employeur, lequel doit rechercher les possibilités de reclassement parmi les emplois disponibles, non seulement dans l’entreprise au sein de laquelle travaille le salarié devenu inapte mais également dans toutes les entreprises du groupe auquel appartient l’entreprise. L’employeur peut tenir compte de la position prise par le salarié pour limiter le périmètre de ses recherches de reclassement. Il appartient à l’employeur de justifier des démarches qu’il a effectuées pour parvenir au reclassement.

Par application de l’article L. 1226-12 du code du travail, lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement. Il ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie notamment soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues par l’article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions. L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications de la médecine du travail.

En l’espèce, à la suite de l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail le 7 avril 2017, Mme [P] a été reçue par la société Carrefour à un entretien professionnel en vue d’une recherche de reclassement au cours duquel Mme [P] a mentionné qu’elle était ‘non mobile’ (pièce n°2 de l’intimée).

La société Carrefour justifie avoir adressé le 26 avril 2017 à de nombreux magasins Carrefour du groupe, en région parisienne et en province, des courriels suffisamment précis reprenant les préconisations du médecin du travail, aux fins de rechercher des possibilités de reclassement pour Mme [P], et avoir reçu des réponses négatives. Mme [P] ne peut valablement reprocher à son employeur de ne pas avoir recherché de poste à l’étranger alors qu’elle avait indiqué qu’elle n’était pas mobile.

La société Carrefour justifie avoir réuni le 9 juin 2017 les délégués du personnel, lesquels ont approuvé les propositions de reclassement, soit un poste d’assistante de caisse au service carburant et un poste d’assistante de caisse au service pré-accueil, qui ont été adressées à Mme [P] le 15 juin 2017.

Les postes proposés étaient aussi proches que possible de l’emploi précédemment occupé et respectaient les indications formulées par le médecin du travail.

Il convient en conséquence de retenir, comme l’a fait la juridiction de première instance, que la société Carrefour a respecté son obligation de reclassement et que, dès lors que Mme [P] a refusé les propositions qui lui ont été faites, le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye sera confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement pour inaptitude est fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes accessoires

Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

Mme [P] sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel.

Elle sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à condamner Mme [P] à verser la somme de 250 euros à la société Carrefour au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye le 10 mars 2020,

Y ajoutant

Condamne Mme [V] [P] aux dépens de l’instance d’appel,

Déboute Mme [V] [P] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [V] [P] à payer à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine BOLTEAU-SERRE, président, et par Mme Virginie BARCZUK, greffier placé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER placé, LE PRÉSIDENT,

 


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