6 décembre 2022
Cour d’appel d’Angers
RG n°
18/00380
COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – COMMERCIALE
CC/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 18/00380 – N° Portalis DBVP-V-B7C-EIQW
Jugement du 07 Novembre 2017
Tribunal de Grande Instance d’ANGERS
n° d’inscription au RG de première instance 11/04879
ARRET DU 6 DECEMBRE 2022
APPELANTE :
SA MERCIALYS agissant en la personne de son représentant légal domicilié
en cette quaité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe LANGLOIS substitué par Me José MORTREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71180099, et Me Dominique COHEN-TRUMER, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIME :
Monsieur [G] [K]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Antoine BARRET substitué par Me Xavier BLANCHARD de la SCP BARRET & MENANTEAU – AVOCATS & CONSEILS, avocat postulant au barreau d’ANGERS, et Me Françoise DE STOPPANI, avocat plaidant au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 19 Septembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme ROBVEILLE, Conseillère, qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, conseillère
M. BENMIMOUNE, conseillère
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 6 décembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte sous seing privé du 9 août 1995, la SNC Espace 49, aux droits de laquelle vient la société Mercialys, a donné à bail à M. [K], pour une durée de douze années prenant effet à compter de la livraison du local, un local à usage commercial dépendant du centre commercial Espace Anjou, portant le n°13, situé au rez de chaussée, d’une superficie ‘approximative’ de 22 m², destiné à l’exercice d’une activité de «réparation d’horlogerie, bijouterie, gravure, vente au détail de piles et bracelet », moyennant un loyer variable correspondant à 4% du chiffre d’affaires réalisé par le preneur, calculé toutes taxes comprises, et qui ne sera pas inférieur au loyer minimum garanti de 35 000 francs hors taxes par an, indexé.
Le 27 septembre 2007, M. [K] a fait signifier au bailleur une demande de renouvellement du bail restée sans réponse dans le délai de trois mois. A cette date, le loyer minimum garanti s’élevait à 7 209,24 euros hors taxes et hors charges par an.
Par lettre recommandée du 24 septembre 2009 puis par acte d’huissier du 25 septembre 2009, la société Mercialys a fait notifier au preneur un mémoire préalable en fixation du loyer de renouvellement du bail en acceptant le principe du renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2007 et sollicitant la fixation du loyer annuel minimum garanti à un montant de 600 euros ht/hic par m² soit 13 200 euros hors taxe et hors charges.
M. [K], dans un mémoire en réponse notifié le 22 octobre 2009, a sollicité la fixation du loyer minimum garanti à la somme de 374,71 euros ht/hc par m² et par an.
Par acte signifié le 13 juillet 2011, la SA Mercialys a fait savoir à M. [K] qu’elle exerçait son droit d’option conformément aux dispositions de l’article L. 145-57 du code de commerce et refusait donc le renouvellement du bail en offrant le paiement d’une indemnité d’éviction à laquelle M. [K] pourrait prétendre en application de l’article L. 145-14 du code de commerce.
Le 10 novembre 2011, la SA Mercialys a assigné M. [K] devant le tribunal de grande instance d’Angers en fixation de l’indemnité d’éviction et en paiement d’une indemnité d’occupation.
Par ordonnance du 3 juin 2013, le juge de la mise en état de ce tribunal a ordonné une mesure d’expertise confiée à M. [Y] avec la mission de donner au tribunal tous les éléments lui permettant de déterminer la valeur locative des locaux considérés et l’indemnité d’éviction, lesquelles seront déterminées en fonction des caractéristiques des locaux, de leur destination, des obligations respectives des parties, des facteurs locaux de commercialité et des prix couramment pratiqués dans le voisinage, en identifiant les termes de comparaison utilisés.
L’expert a déposé son rapport le 27 mai 2015.
Par jugement du 7 novembre 2017, le tribunal a :
– dit que compte tenu de la durée du bail échu de douze ans, il y a lieu de déterminer au 1er octobre 2007 la valeur locative ;
– fixé la valeur locative à 584,59 euros par m² par application de l’évolution de l’indice des loyers commerciaux du 2ème trimestre 2009 égal à 102,05 et celui du 2ème trimestre 2006 égal à 95 ;
– fixé la surface du bien loué ‘GLA’ à 22 m² sans coefficient de pondération ;
– fixé l’indemnité d’occupation au 1er octobre 2007 à la valeur locative avec un taux de précarité de 10% ;
– dit que l’indemnité d’occupation portera intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts à compter du 1er octobre 2007 ;
– dit que l’indemnisation portera sur la disparition du fonds de commerce non transférable ;
– condamné la SA Mercialys à verser à M. [K] au titre de la valeur du fonds la somme de 130 301 euros arrêtée au 31 décembre 2015 assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2007 avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;
– condamné la SA Mercialys à verser à M. [K] au titre des indemnités accessoires les sommes de :
* Frais de publicité 10 000 euros
* Trouble commercial 4 750 euros
* Frais de déménagement 1 000 euros
* Frais de mutation 5 500 euros
* Frais d’installation non amortis 2 000 euros
– condamné la SA Mercialys à verser à M. [K] les indemnités de licenciement arrêtées au 31 décembre 2015 à la somme de 9 700,10 euros sauf à parfaire jusqu’au départ définitif de M. [K] ;
– rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [K] ;
– condamné la SA Mercialys à verser à M. [K] la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SA Mercialys aux dépens qui comprendront les frais d’expertise.
Par déclaration reçue au greffe le 27 février 2018, la SA Mercialys a interjeté appel de ce jugement.
Les parties ont conclu.
Une ordonnance du 20 juin 2022 a clôturé l’instruction de l’affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SA Mercialys demande à la cour de :
– infirmer le jugement du 7 novembre 2017 ;
statuant à nouveau :
– débouter M. [K] de toutes ses demandes ;
– fixer l’indemnité d’éviction due à M. [K] à la somme de 124 885,09 euros ;
– condamner M. [K] à payer à la SA Mercialys, à titre d’indemnité d’occupation, une somme de 17 600 euros hors taxes et hors charges par an à compter du 1er octobre 2007 jusqu’à parfaite libération des lieux ;
– condamner M. [K] à payer à la SA Mercialys, à compter du 1er octobre 2007 et jusqu’à parfaite libération des lieux, les charges, les accessoires, la TVA et l’indexation dus en vertu du bail échu ;
pour le surplus :
– confirmer le jugement du 7 novembre 2017 en ce qu’il :
* dit que compte tenu de la durée du bail échu de 12 ans, il y a lieu de déterminer au 1er octobre 2007 la valeur locative ;
* fixé la surface du bien loué à 22 m² GLA sans coefficient de pondération ;
* dit que l’indemnité d’occupation portera intérêt au taux légal avec capitalisation des intérêts à compter du 1er octobre 2007 ;
* dit que l’indemnisation portera sur la disparition du fonds de commerce non transférable ;
* rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [K] ;
y ajoutant :
– condamner M. [K] à payer à la SA Mercialys la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [K] aux dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
M. [K] prie la cour de :
– sommer la SA Mercialys de communiquer le loyer commercial de la SARL Jkn cordonnerie ainsi le loyer de renouvellement de la SARL Jkn cordonnerie ;
– débouter la SA Mercialys en ses demandes, fins et conclusions ;
à titre principal :
– confirmer le jugement de première instance en ses dispositions sauf en ce qu’il a dit :
* que compte tenu de la durée du bail échu de 12 ans, il y a lieu de déterminer au 1er octobre 2007 la valeur locative ;
* fixé la surface du bien loué GLA à 22 m² sans coefficient de pondération ;
* dit que l’indemnité d’occupation portera intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts à compter du 1er octobre 2007 ;
* rejeté la demande des dommages intérêts de M. [K] ;
* fixé les frais de publicité à 10.000 euros.
et en conséquence réformer le jugement de première instance, et :
– actualiser la valeur du fonds de commerce de 130.301 euros arrêté au 31 décembre 2015, à la somme de 161.554 euros selon la valorisation actualisée au vu du bilan arrêté au 31 décembre 2017 ;
– fixer la valeur locative à 354,84 euros ht/hc/m²/an ;
– dire que le local de M. [K] a une superficie de 19 m² et en conséquence fixer la valeur locative pour le local par an à 6.741,96 euros ht/hc/an ;
subsidiairement :
– fixer la valeur locative à 600 euros ht/hc/m²/an ;
– dire que le local de M. [K] a une superficie de 19 m² et en conséquence fixer la valeur locative pour le local par an à 11.400 euros ;
– dire que l’indemnité d’occupation doit être calculée après abattement du taux de précarité de 50 % sur la valeur locative fixée ;
– constater que la SA Mercialys n’a pas communiqué spontanément les éléments sollicités par l’expert, et notamment toutes les valeurs locatives de la galerie, et la condamner au paiement de dommages intérêts à hauteur de 20.000 euros ;
– condamner la SA Mercialys au paiement de 15.758 euros ht au titre des frais de publicité ;
– condamner la SA Mercialys au paiement d’une somme de 15.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la SA Mercialys aux dépens de l’appel y compris aux dépens d’expertise, et de première instance.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement :
– du 31 mai 2022 pour la société Mercialys,
– du 2 juillet 2021 pour M. [K].
MOTIFS DE LA DÉCISION
I- Sur l’indemnité d’éviction :
Aux termes de l’article L. 145-14 du code de commerce :
‘Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.’
Sur l’indemnité principale :
L’expert a conclu que le fonds de commerce exploité par M. [K] dans les locaux du centre commercial Espace Anjou ne pourrait être considéré comme transférable en partie, à hauteur de 29,12 %, qu’en se basant sur des hypothèses, de sorte qu’il convenait de considérer que le fonds disparaissait après l’éviction.
Il a proposé de fixer la valeur du fonds de commerce à 120 955 euros sur la base des comptes des années 2012 à 2014.
Le premier juge a adopté la méthode utilisée par l’expert mais a actualisé la valeur en intégrant les résultats de l’année 2015.
Les parties s’accordent pour dire que l’éviction entraîne la perte du fonds de commerce et que l’indemnisation qui revient à M. [K] doit porter sur la valeur marchande de son fonds de commerce, en l’absence de valeur du droit au bail.
Sur la base d’un EBE moyen de 56 371 euros, auquel elle propose d’appliquer un coefficient de 2,58, et d’un chiffre d’affaires moyen non pondéré sur les trois années 2013- 2014-2015, auquel elle applique un taux de 50 % et non pas de 55 % comme le préconise l’expert, la société Mercialys demande de fixer la valeur du fonds à 124 885,09 euros.
M. [K] demande à la cour d’adopter les modes de calcul de l’expert mais de procéder à une valorisation actualisée du résultat obtenu en se basant sur les chiffres d’affaires des années 2015, 2016 et 2017, conduisant à une indemnité principale de 161 554 euros.
La valeur du fonds de commerce est calculée par référence aux usages de la profession, par application d’un certain pourcentage au chiffres d’affaires ou par rapport à l’excédent brut d’exploitation moyen dégagé par l’exploitation au cours des dernières années précédent l’éviction, ce pourcentage de même que le nombre d’années de chiffres d’affaires ou de l’excédent brut d’exploitation (EBE) pris en compte variant en fonction de l’activité exercée par le preneur au moment de l’éviction.
L’expert a retenu comme base d’évaluation les trois dernières années avant l’établissement de son rapport, soit 2012, 2013 et 2014.
Les chiffres d’affaires de M. [K] sont les suivants :
2011 : 159 893,26 €
2012 : 180 126,19 €
2013 : 238 448,00 € dont Espace Anjou : 203 362,54 € et [Adresse 6] : 35 085,46 €
2014 : 271 982,03 € dont Espace Anjou : 196 417,16 € et [Adresse 6] : 75 564,87 €
Et les EBE :
2011 : 19 089,57 €
2012 : 35 972,30 €
2013 : 55 904,87 € dont Espace Anjou : 60 820,69 € et [Adresse 6] : – 4 915,82 €
2014 : 70 636,19 € dont Espace Anjou : 51 416,01 € et [Adresse 6] : 19 220,18 €
La ventilation opérée à compter de 2013 ressort de ce que, selon les éléments du dossier, M. [K], après avoir reçu notification du refus de renouvellement du bail a ouvert un nouveau magasin en centre ville.
L’expert explique que la pondération des chiffres d’affaires et de l’excédent brut d’exploitation (coefficient 1 pour les plus anciens, puis 2 et enfin 3 pour les plus récents) permet de mieux prendre en compte l’évolution conséquente du chiffre d’affaires au cours des années passées et, ainsi, d’insister davantage sur les deux dernières années, en relevant que ne pas l’appliquer conduit à neutraliser l’effet de la croissance pourtant constatée.
La société Mercialys conteste cette pondération en estimant que la moyenne des chiffres d’affaires sur trois ans reflète suffisamment la progression du chiffre d’affaires, laquelle n’est d’ailleurs pas si affirmée dans la mesure où le chiffre d’affaires de l’année 2014 est en recul par rapport à celui de l’année précédente.
Mais la pondération est parfaitement justifiée dans le cas présent pour tenir compte de la progression globale de l’activité depuis 2011, d’autant que l’expert indique que le léger recul constaté en 2014 pourrait être lié à des travaux dans le centre commercial ayant réduit sa fréquentation et que cette progression s’est maintenue les années suivantes.
L’application d’un pourcentage de 55 % sur le chiffre d’affaires est conforme aux barèmes professionnels. La contestation de la société Mercialys se fondant sur deux offres de vente n’est pas suffisamment étayée pour écarter la préconisation de l’expert qui s’est appuyé sur un document de référence.
L’application à la moyenne des EBE d’un coefficient de 2.58 est acceptée par les parties.
Compte tenu de la pondération appliquée, du pourcentage et du taux appliqué respectivement aux chiffres d’affaires et aux EBE, l’expert a retenu un résultat de 107 809,42 € calculé sur la base du chiffre d’affaires et un résultat de 134 100,53 euros basé sur l’EBE, ce qui l’a conduit à retenir une valeur de 120 955 euros qui correspond à la moyenne des deux résultats.
M. [K] demande de revaloriser ce chiffre pour tenir compte de l’augmentation du chiffre d’affaires global depuis 2014.
Cette demande est justifiée en son principe, l’indemnité d’éviction devant être évaluée au jour de l’arrêt puisque le preneur n’a pas quitté les lieux.
La société Mercialys s’y oppose au cas de l’espèce au motif que les comptes annuels produits englobent l’activité de M. [K] à travers trois établissements, à savoir, espace Anjou, [Adresse 6] et [Localité 5], de sorte qu’il serait impossible de vérifier la véracité des chiffres avancés par M. [K] pour les années 2015, 2016, 2017 et qui demandent à être retraités pour individualiser les chiffres relatifs à l’activité exercée dans le local en cause, dans ‘l’espace Anjou’; que le document établi par le comptable de M. [K] qui consiste en un retraitement de la comptabilité générale en comptabilité analytique, seulement pour les années 2016 et 2017, ne suffit pas dans la mesure où le comptable explique, notamment, qu’il n’a pu procéder à une ventilation des achats de marchandises que de façon empirique, en fonction du chiffre d’affaires réalisés sur chaque site, de sorte que si le chiffre d’affaires du commerce situé dans le centre commercial Espace Anjou est précisé, l’EBE n’est distingué entre les trois sites que de façon en partie aléatoire.
Cependant, d’une part, s’agissant des chiffres de l’année 2015, il ne peut qu’être constaté que la société Mercialys, qui a actualisé l’indemnité en valeur 2015, retient elle-même dans sa proposition le même chiffre d’affaires et le même EBE que ceux retenus par M. [K].
D’autre part, les chiffres d’affaires concernant le local en cause ont pu être individualisés pour les deux années suivantes (248 183,16 € en 2016 et 253 953,09 € en 2017), ce qui n’est pas contesté et l’expert comptable de M. [K] a pu faire une répartition des charges selon une méthode rationnelle (en ventilant les charges indirectes et les achats de marchandises en fonction du chiffre d’affaires réalisés sur chaque site en considérant que le taux de marge appliqué est identique dans les trois sites), de sorte que les EBE qui se dégagent des années 2016 (72 175 €) et 2017 (77 913 €) peuvent être retenus.
Il en résulte que la valeur du fonds de commerce sera fixée :
– sur le chiffre d’affaires pondéré moyen (247 407 €) auquel est appliqué un taux de 55 % : 136 074 euros
– sur l’EBE pondéré moyen (72 494 €) auquel est appliqué un coefficient de 2,58 : 187 035 euros.
Soit, par moyenne de ces deux valeurs : 161 554 euros.
Le jugement qui a actualisé en 2015 la valeur retenue par l’expert sera réformé en ce sens.
Sur les indemnités d’éviction accessoires :
En cas de disparition du fonds, l’indemnité d’éviction doit comprendre l’indemnisation de tous les préjudices qu’engendre l’éviction, la liste donnée à l’article L. 145-14 n’étant pas limitative.
Les frais de déménagement :
C’est à tort que la société Mercialys soutient que l’éviction entraînant la perte du fonds de commerce, les frais de déménagement ne sont pas à mettre à la charge du bailleur.
Subsidiairement, elle demande de n’allouer qu’une somme de 920 euros correspondant au devis produit par M. [K], établi en 2014, et seulement sur présentation de la facture.
Il n’y a pas lieu de suivre cette proposition qui n’est pas actualisée.
L’indemnité doit être fixée, comme l’ont fait les premiers juges, à 1 000 euros conformément à la demande de M. [K] et à la préconisation de l’expert.
Indemnisation du trouble commercial :
Les premiers juges ont alloué la somme de 4 750 euros à ce titre.
Le trouble commercial peut consister dans la perte de temps générée par l’éviction, notamment pour la recherche d’un nouveau local.
L’expert a estimé que le trouble commercial était négligeable puisque le déménagement pouvait avoir lieu le dernier jour de l’activité.
En l’absence de caractérisation d’un trouble commercial que pourrait causer l’éviction à M. [K] qui dispose déjà d’autres locaux, la demande sera rejetée et le jugement sera infirmé de ce chef.
Les frais d’installation non amortis :
M. [K] s’estime bien fondé à demander le remboursement des sommes restant dues sur un prêt contracté pour financer des agencements réalisés en 2010, soit une somme de 25 783,45 euros.
La société Mercialys s’oppose à cette demande en faisant valoir que M. [K] a remboursé la totalité de son prêt, qu’il occupe toujours les locaux loués et que les installations réalisées en novembre 2010 ont été amorties.
Il ressort des informations données sur le contrat de prêt invoqué qu’il a été souscrit le 18 novembre 2010 et était remboursable en 60 mois, de sorte qu’il est entièrement remboursé.
Il n’est justifié d’aucun agencement non amorti.
Le jugement sera infirmé de ce chef
Les frais de publicité :
M. [K] sollicite la somme de 15.758 euros HT en s’appuyant sur un plan de communication qu’il a fait établir.
L’expert a évalué le poste de frais de publicité à un montant de 5 000 euros HT.
Considérant qu’il s’agit des frais de publicité pour informer la clientèle de l’existence du local [Adresse 6], la société Mercialys soutient qu’aucune indemnité de cette nature n’a lieu d’être allouée dès lors que l’éviction entraîne la disparition du fonds.
Néanmoins, des frais de publicité peuvent être dus en cas de perte du fond puisque dans ce cas, le preneur évincé, s’il se réinstalle, doit faire venir une nouvelle clientèle dans son nouvel établissement. Dans le cas présent, M. [K] devra supporter des frais de publicité pour faire connaître, après la fermeture du commerce exploité dans les lieux, l’existence de son autre établissement dans lequel il s’est réinstallé.
Le jugement a évalué ce poste de préjudice à 10 000 euros, montant qui excède l’évaluation faite par l’expert, sans que la fourniture de devis d’un montant plus élevé ne le justifie.
L’indemnité allouée sera ramenée à 5 000 euros.
Les frais de mutation et les frais d’honoraires pour le licenciement :
M. [K] demande la confirmation du jugement de ce chef. Il expose qu’il devra débourser des droits de mutation à l’occasion de la perte du fonds, les frais de greffe et les frais de publication légale, soit 500 euros environ. Il évalue à 5.000 euros la somme correspondant aux frais et honoraires pour la rupture des contrats de travail lors de l’éviction.
La société Mercialys estime que des frais de mutation peuvent être retenus à hauteur de 500 euros à condition de justifier ce montant et qu’une somme de 2.000 euros au titre des honoraires de conseil pour le licenciement de deux salariés parait plus adapté que 5.000 euros.
Les frais de mutation seront indemnisés par l’allocation de la somme de 500 euros.
Dès lors qu’aucun justification n’accompagne la demande d’indemnisation au titre des honoraires de conseil pour le licenciement de deux salariés, celle-ci sera fixée à la somme de 2 000 euros, conformément à la proposition de la bailleressse.
Il sera donc allouée une somme de 2 500 euros et non de 5 500 euros comme l’ont retenu les premiers juges.
Les indemnités de licenciement :
L’éviction étant susceptible d’entraîner le licenciement de tout ou partie du personnel du locataire évincé, les indemnités de licenciement doivent être comprises dans l’évaluation de l’indemnité d’éviction, prises en charge par le bailleur sur justificatifs.
Normalement, seules les indemnités de licenciement doivent être mises à la charge du bailleur et non pas les indemnités de préavis et de congés payés sur préavis qui ne sont pas la conséquence de l’éviction dès lors que le preneur évincé peut être en mesure de faire effectuer à ses salariés le préavis.
Dans le cas présent, deux salariés sont employés dans les locaux et n’ont pas été encore licenciés.
Les premiers juges ont condamné la bailleresse à payer les indemnités de licenciement arrêtées au 31 décembre 2015 qu’ils ont fixées à la somme de 9 700,10 euros sauf à parfaire jusqu’au départ définitif du preneur. Ce montant inclut les indemnités de préavis.
La société Mercialys soutient que les congés payés et indemnités sur préavis devront être exclus et que seules les indemnités de licenciement pourront être retenues.
M. [K] répond qu’en cas de licenciement pour motif économique, le préavis doit être payé par l’employeur à Pôle emploi en cas d’acceptation du CSP.
En cas d’acceptation d’un contrat de sécurisation professionnelle, le salarié ne perçoit pas d’indemnité compensatrice de préavis, puisque le contrat est rompu dès la fin du délai de réflexion pour accepter ce contrat. Mais l’employeur doit verser à Pôle emploi une somme qui correspond à l’indemnité compensatrice de préavis, dans la limite de trois mois de salaire sans droit aux congés payés, majorée d’un taux de charges sociales.
Il en résulte que les sommes qui seraient versées aux salariés à ce titre ne dépendent pas de la volonté de l’employeur et constitueraient donc un préjudice réparable en lien direct avec le refus de renouvellement et non une contrepartie résultant de l’exécution du contrat de travail.
En conséquence, les indemnités de préavis seront dues sur la justification par M. [K] de son paiement à Pôle emploi.
II- Sur l’indemnité d’occupation :
Il résulte des dispositions des articles L. 145-28 et L. 145-57 du code de commerce que l’indemnité d’occupation, distincte du loyer auquel elle se substitue de plein droit dès l’exercice par le bailleur de son droit d’option, doit correspondre, à défaut de convention contraire, à la valeur locative et ce, même si le loyer était binaire.
Sur la surface retenue pour le calcul de l’indemnité :
Les parties s’opposent, en premier lieu sur la surface du local. M. [K] estime qu’il faut retenir la surface utile qui est de 19,53 m² quand la société Mercialys approuve l’expert d’avoir retenu la surface réelle de 22 m² qui correspond à la surface ‘GLA’ (Gross leasing area), surface gestion locative.
En effet, l’expert explique que s’agissant d’un centre commercial, il convenait de retenir la surface ‘GLA’ qui est celle retenue contractuellement, à l’article 1er du bail qui détermine comment est calculée la ‘surface contractuelle’, d’autant qu’il a pu constater qu’il en était ainsi pour les autres baux du même centre commercial à chaque fois qu’il a pu en faire la vérification. Il sera donc suivi sur ce point.
Sur la valeur locative :
L’indemnité d’occupation doit correspondre à la valeur locative, laquelle doit être fixée conformément aux critères posés par l’article L. 145-33 et suivants du code de commerce, à savoir d’après :
1) les caractéristiques du local considéré ;
2) la destination des lieux ;
3) les obligations respectives des parties ;
4) les facteurs locaux de commercialité ;
5) les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Dans le cas présent, le local a été décrit par l’expert comme se situant dans le centre commercial à proximité des accès Est et Sud-Est, comportant une zone de vente en façade de l’allée de circulation, un atelier sur l’arrière et une réserve avec sanitaires au fond.
Il est de principe en matière de fixation de la valeur locative de boutiques que les caractéristiques du local s’apprécient en considération des possibilités d’utilisation et d’affectation des surfaces et que les références de prix pratiqués dans le voisinage devant porter sur des locaux équivalents, ces éléments de comparaison doivent être définis selon les mêmes critères, afin de comparer ce qui est comparable, et à défaut, être éventuellement corrigés, ainsi que l’exige l’article R.145-7 du code de commerce.
Selon la société Mercialys, la valeur locative doit être fixée à 800 euros HT/HC/m²/an au vu de cinq références portant sur des locaux qu’elle présente comme équivalents en ce qu’ils auraient la même destination que le bail en cause en soulignant que bien qu’ayant des surfaces plus élevées, le prix moyen du loyer au m² est supérieur à 800 euros HT/HC/m²/an (Marc Orian – Trésor, Marc Orian, Louis Pion, Or et passion, Histoire d’or). Elle rappelle que plus la surface d’un local est petite et plus le prix au m² est élevé.
Elle critique l’expert qui, pour justifier que la valeur proposée de 600 euros HT/HC/m²/an soit de 25 % inférieure au prix moyen constaté ci-dessus, indique que ce prix concerne des franchisés alors qu’un tel critère n’est pas retenu par l’article L. 145-33 du code de commerce.
Elle considère que les 23 autres des 28 références retenues par l’expert ne permettent pas de déterminer la valeur locative des locaux en cause s’agissant de baux retenus indifféremment selon leur destination et leur surface, ce que ne pouvait pas faire l’expert sans leur appliquer des majorations en raison du défaut d’équivalence qui en résulte. Elle estime que l’application de ces corrections devrait aboutir à une valeur moyenne de 794 euros/m² et qu’en intégrant les références les plus pertinentes, la moyenne s’établit à 799 euros/m².
Elle demande d’écarter les références trop anciennes invoquées par M. [K].
M. [K] sollicite la fixation de la valeur locative à un montant de 374,71 euros HT/HC/m2/an. Il fait valoir que doivent être pris en considération des baux anciens et, en particulier, le bail de la société JKN cordonnerie portant sur des locaux situés dans la même allée que son commerce, d’une surface de 24,48 m² dont le loyer du bail conclu en 1994, a été fixé amiablement à compter, rétroactivement, du 1er octobre 2016 à 507 euros HT/HC/m²/an.
Cette référence qui ressort d’une transaction établie entre la société Mercialys et la société JKN cordonnerie porte sur un loyer fixé onze années après la date à laquelle il faut se placer, de sorte qu’elle ne saurait être retenue.
L’indemnité d’occupation courant à compter du terme du bail dont le renouvellement est refusé, soit en l’espèce le 1er octobre 2007, la valeur locative doit être déterminée à cette date et des éléments de comparaison des prix pratiqués dans le voisinage postérieurs à cette date ne peuvent en conséquence être retenus, ce qui conduit à écarter les références trop anciennes.
Pour déterminer la valeur locative, l’expert a écarté les références de locaux dont les caractéristiques sont trop éloignées du local en cause et a retenu 28 références de baux conclus dans les quelques années avant la date du 1er octobre 2007, en incluant celui du kiosque de la Croissanterie. De ce fait, il a calculé une valeur moyenne sur ces 28 références.
Il justifie ne pas avoir retenu exclusivement les cinq références proposées par la société Mercialys, pour trois d’entre elles, par le fait que les baux concernés n’ont pas exactement la même destination que celui en cause qui ne comporte pas, notamment la joaillerie, l’orfèvrerie, l’horlogerie et à titre accessoire, cadeaux ; qu’il fallait prendre en considération le fait que les baux conclus par des enseignes nationales ne peuvent être totalement comparés à celui conclu par un commerçant indépendant n’ayant pas les mêmes pouvoirs financiers et publicitaires. Il a souligné que l’un de ces locaux fait ressortir un loyer égal à 633,33 euros et que pour les locaux exploités par Marc Orian, Trésor, Claire’s, la différence de valeur se justifie par la différence de caractéristiques de ces locaux tenant dans leurs largeurs et leurs surfaces.
L’évaluation proposée par l’expert, qui tient compte à la fois des caractéristiques des locaux, tenant principalement à sa petite surface, et de leur destination, est justifiée au regard des prix pratiqués couramment dans le voisinage, et sera donc retenue.
Ainsi, la valeur locative des locaux est fixée à 13 200 euros HT par an.
Sur la minoration pour précarité :
Selon la société Mercialys, la délivrance du congé n’a eu aucune conséquence négative sur l’exploitation de l’intimé au vu de l’accroissement de son activité. Elle s’oppose donc à un abattement et estime que si néanmoins un abattement devait être devait être retenu, il ne pourrait pas être supérieur à 10%.
Au contraire, M. [K] estime qu’un taux de précarité doit être fixé à 50%.
Il doit être tenu compte, ainsi que l’a fait le premier juge, de la précarité introduite par le refus de renouvellement du bail dans la situation du preneur qui, bien que maintenu dans les lieux, se trouve privé des prérogatives liées à la propriété commerciale.
Il convient de retenir un coefficient de minoration de 10 % comme le préconise l’expert, pour tenir compte de ce que même si elle a continué à se développer, l’activité de M. [K] dans le local dont le bail avait pris fin n’a pu qu’être affectée par la perspective de l’arrêt de cette activité dans ces lieux même si la situation de M. [K] a été favorisée par l’existence d’un autre établissement qui lui permet d’envisager plus facilement la transition.
En conséquence, l’indemnité d’occupation sera fixée à un montant annuel de 11 880 euros HT, avec indexation dans les conditions prévues au bail.
Sur le montant de la condamnation
Lorsque le droit d’option est exercé par le bailleur, le locataire évincé doit l’indemnité d’occupation à compter de la date d’expiration du bail, soit en l’espèce, le 1er octobre 2007, date d’effet de la demande de renouvellement.
Jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, le preneur sortant a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré, le loyer étant seulement substitué par l’indemnité d’occupation.
C’est à juste titre que la société Mercialys demande à la cour de condamner M. [K] à lui payer, en sus de l’indemnité d’occupation, les charges, la TVA, et les accessoires prévus au bail échu jusqu’à parfaite libération des lieux.
L’indemnité d’occupation statutaire ayant une vocation uniquement compensatoire, les intérêts au taux légal sont dus à compter de la demande, soit le 10 novembre 2011 pour les indemnités échues avant cette date puis à compter de leur échéance.
III- Sur la demande de condamnation de la société Mercialys pour refus de communication des prix des loyers pratiqués dans le centre commercial
Faisant valoir que la société Mercialys s’est toujours refusé à communiquer l’intégralité des loyers des locaux de la galerie commerciale, n’a communiqué que des baux récents de points de vente différents de celui en cause, loués par des franchisés, alors que tous les baux de la galerie marchande auraient dû être pris en compte et que, malgré la sommation qui lui a été faite, elle n’a jamais communiqué le bail et le renouvellement de bail de la SARL JKN cordonnerie, M. [K] demande la condamnation de la société Mercialys au paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages intérêts.
La société Mercialys répond avoir communiqué dans son dire du 25 mars 2014 un tableau de références du centre commercial, de sorte qu’aucune faute ne peut lui être reprochée.
Il ressort des explications de l’expert que si la société Mercialys n’a pas communiqué tous les loyers pratiqués dans le centre commercial mais seulement certains d’entre eux, l’expert a pu compléter ce tableau par des références obtenues dans un autre dossier, aboutissant à l’obtention de 62 références. M. [K] a pu, quant à lui, obtenir l’information souhaitée sur le montant du loyer payé par la société JKN.
Il s’ensuit qu’à défaut de justifier d’un préjudice ainsi que l’ont relevé les premiers juges, M. [K] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
IV- Sur les demandes accessoires :
L’appelante sera condamnée aux dépens et à payer à l’intimée une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande au même titre.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en ce qu’il a :
– rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [K] ;
– condamné la SA Mercialys à verser à M. [K] la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SA Mercialys aux dépens qui comprendront les frais d’expertise.
L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne la société Mercialys à payer au titre de l’indemnité d’éviction :
– au titre de l’indemnité principale, la somme de 161 554 euros,
– au titre des indemnités accessoires : 7 500 euros outre les frais liés au licenciement des deux salariés, sur justificatifs des sommes acquittées.
Déboute M. [K] de sa demande d’indemnité accessoire au titre d’un trouble commercial et de frais d’installation non amortis.
Condamne M. [K] à payer à la société Mercialys l’indemnité d’occupation due à compter du 1er octobre 2007 et jusqu’à parfaite libération des lieux fixée à un montant annuel de 11 880 euros HT, indexée dans les conditions prévues au bail, les charges, la TVA, et les accessoires prévus au bail en sus.
Dit que cette indemnité d’occupation portera intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2011 pour les indemnités échues avant cette date puis à compter de leur échéance.
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil.
Y ajoutant,
Condamne la société Mercialys aux dépens d’appel.
Condamne la société Mercialys à payer à M. [K] une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Rejette sa demande au même titre.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL