21 mars 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
21/05027
ARRET
N°
S.A.R.L. L’ETABLI
C/
Société ASSURANCES MUTUELLES DE PICARDIE
VA/VB
COUR D’APPEL D’AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU VINGT ET UN MARS
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/05027 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IH57
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AMIENS DU QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN
PARTIES EN CAUSE :
S.A.R.L. L’ETABLI prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée et plaidant par Me HANNARD substituant Me Franck DEMAILLY de la SELARL FRANCK DEMAILLY, avocats au barreau d’AMIENS
APPELANTE
ET
Société ASSURANCES MUTUELLES DE PICARDIE, Société d’assurance mutuelle, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me TURPIN substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d’AMIENS
Plaidant par Me Pascal ORMEN de la SELARL ORMEN PASSEMARD, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L’affaire est venue à l’audience publique du 17 janvier 2023 devant la cour composée de M. Pascal BRILLET, Président de chambre, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l’audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
Sur le rapport de M. Vincent ADRIAN et à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 mars 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 21 mars 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
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DECISION :
La Sarl L’Etabli exploite un fonds de commerce de bijouterie à [Localité 4] (80).
Elle a conclu avec la société d’assurance mutuelle Les Assurances mutuelles de Picardie un contrat ‘multi-risques professionnels’ incluant une garantie contre les pertes d’exploitation.
Elle indique avoir dû fermer son commerce pendant la période de confinement obligatoire instaurée par les arrêtés des 14 mars et 15 mars 2020, du 15 mars 2020 au 11 mai 2020.
Elle a sollicité une indemnisation à ce titre auprès de son assureur, lequel lui a répondu que ce risque ne rentrait pas dans les garanties du contrat.
Par acte du 2 octobre 2020, la société L’Etabli a assigné la société d’assurance mutuelle Les Assurances mutuelles de Picardie devant le tribunal judiciaire d’Amiens aux fins de la voir condamnée à lui payer la somme de 70 046,25 € correspondant à la perte de marge brute inhérente à la fermeture administrative de son établissement.
Au soutien de ses prétentions, elle a fait valoir les articles 1103 et 1104 du code civil et les termes des conditions générales de son contrat en son article 8.2 qui distingue ‘la perte de bénéfice brut’, indemnisée sans conditions particulières, et ‘les frais supplémentaires d’exploitation’ indemnisés par suite d’ un événement garanti.
La société mutuelle a comparu et a réfuté cette interprétation erronée de la clause.
Par jugement du 15 septembre 2021, dont la société L’Etabli a relevé appel, le tribunal judiciaire d’Amiens a débouté celle-ci de sa demande.
La cour se réfère aux dernières conclusions des parties par visa.
Vu les conclusions d’appelant notifiées par la société l’Etabli le 24 novembre 2021 visant à l’infirmation du jugement et reprenant la demande d’indemnisation (70 046,25 €) faite en première instance.
La société reprend exactement l’interprétation de l’article 8.2 qu’elle avait soutenue en première instance.
Vu les conclusions d’intimé notifiées par la société d’assurance mutuelle Les Assurances mutuelles de Picardie sollicitant la confirmation du jugement au bénéfice de l’interprétation de la clause retenue à bon droit par le tribunal.
L’instruction a été clôturée le 22 juin 2022.
MOTIFS
Selon la société L’Etabli ‘le contrat distingue de manière limpide deux postes de préjudice :
-la perte de bénéfice brut qui fait l’objet du paragraphe 8.2.1 ;
-les frais supplémentaires d’exploitation faisant l’objet d’un paragraphe 8.2.2. »
Elle ajoute que les deux paragraphes sont séparés par un point-virgule et sont désignés par des numéros propres.
Elle en déduit que la condition tenant à l’indemnisation sous réserve que le préjudice soit constitutif à l’un des évènements garantis par les articles 1 (incendie, chute directe de la foudre, explosions, implosions, dommages de fumées et attentats), 2 (catastrophes naturelles, chute d’appareils de navigation aérienne, chocs de véhicules terrestres) et 5 (dégâts des eaux) ‘ne concerne que le paragraphe 8.2.2″ c’est à dire les frais supplémentaires d’exploitation (conclusions, page 6).
Il convient d’examiner la valeur de cette interprétation du contrat.
L’article 8.2 est inclus dans un article 8 consacré aux ‘pertes d’exploitation’.
L’article 8.1 donne les définitions du bénéfice ou marge brute, de la période d’indemnisation et des frais supplémentaires d’exploitation.
L’article 8.2 est ainsi rédigé :
8.2 EVENEMENTS GARANTIS
la société garantit à l’Assuré le paiement d’ une indemnité correspondant:
8.2.1 A LA PERTE DE BENEFICE BRUT;
8.2.1 AUX FRAIS SUPPLEMENTAIRES D’EXPLOITATION résultant, pendant la période d’indemnisation visée ci-dessus, de l’interruption ou de la réduction de l’activité de son entreprise, par suite d’ un événement garanti par les Articles 1, 2 (sauf ‘Bris de chaudière’) et 5, lorsque ces garanties sont effectivement souscrites (se reporter aux Conditions Particulières).
La garantie du présent article est accordée sous réserve des stipulations de l’Article 8.3 ci-après.
L’article 8.3 concerne la réinstallation dans d’autres lieux-cessation d’activité.
L’article 8.4 énonce, en plus des exclusions générales prévues à l’article 16, des exclusions particulières: dommages aux postes de commandes et aux ensembles électroniques, ordinateurs et périphériques, aux supports d’information, disques, micro-films, etc.
L’article 8.4.2 exclut ‘les pertes d’exploitation résultant d’évènements faisant l’objet d’exclusions aux articles 1, 2 et 5″ et l’article 8.4.3 celles résultant des dommages aux véhicules à moteur, leur remorque et leur contenu.
Il résulte, sans aucun doute possible que l’article 8.2 (8.2.1 et 8.2.2) vise les pertes d’exploitations dans leur deux volets possibles: perte de bénéfice brut ET frais supplémentaires d’exploitation (y compris le cas échéant les frais de réinstallation) lorsqu’ils résultent d’ un événement garanti par les articles 1 (incendie, chute directe de la foudre, explosions, implosions, dommages de fumées et attentats), 2 (catastrophes naturelles, chute d’appareils de navigation aérienne, chocs de véhicules terrestres) et 5 (dégâts des eaux), ce qui n’est pas le cas de la pandémie liée à la COVID 19.
L’article 8.4.2 qui exclut ‘les pertes d’exploitation résultant d’évènements faisant l’objet d’exclusions aux articles 1, 2 et 5″ confirme cette interprétation en visant dans leur globalité les pertes d’exploitations soumises aux articles 1, 2 et 5 du contrat.
Le premier juge a parfaitement interprété la clause.
La société devait être déboutée de ses demandes.
Le jugement sera confirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Amiens le 15 septembre 2021,
Condamne la société L’Etabli aux dépens de l’appel et à payer une somme de 2 000 € à la société d’assurance mutuelle Les Assurances mutuelles de Picardie en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT