Bijouterie : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/02684

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Bijouterie : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/02684

30 mars 2023
Cour d’appel d’Orléans
RG
20/02684

C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 2

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 30 MARS 2023 à

la SCP REFERENS

Me GARNIER

LD

ARRÊT du : 30 MARS 2023

MINUTE N° : – 23

N° RG 20/02684 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GIKU

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 1er Décembre 2020 – Section : COMMERCE

APPELANTE :

Madame [P] [G]

née le 05 Juillet 1972 à [Localité 2]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Laurent LALOUM de la SCP REFERENS, avocat au barreau de BLOIS

ET

INTIMÉE :

S.A.S.U. MAGASINS GALERIES LAFAYETTE prise en son établissement de [Adresse 5],

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau D’ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Jérôme DANIEL de l’AARPI EUNOMIE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,

Ordonnance de clôture :17 novembre 2022

Audience publique du 8 décembre 2022 tenue par Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre, et Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assistées lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre et Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller.

Puis le 30 mars 2023 (délibéré prorogé, initialement fixé au 28 février 2023),

Mme Laurence DUVALLET, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [P] [G] a été engagée par la S.A.S.Magasins Galeries Lafayette en qualité de responsable de ventes, statut ETAM, niveau V, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 11 février 2002. La relation contractuelle est régie par la convention collective nationale des grands magasins et des magasins populaires du 30 juin 2000.

Elle a occupé des fonctions d’élue du personnel depuis le 18 octobre 2016 (déléguée suppléante et membre du Comité d’entreprise) et a bénéficié d’un statut protecteur jusqu’en mai 2020.

Dans le cadre d’une réorganisation nationale, il lui a été proposé un poste de manager de vente conditionné à la réussite d’un test de personnalité et un test informatique à la suite duquel l’avis a été défavorable.

Le 1er octobre 2018, Mme [G] a été affectée sur le secteur de la «maison», dont le manager était Mme [O].

A compter du 5 novembre 2018, Mme [G] a été en arrêt de travail pour maladie d’origine non professionnelle après avoir sollicité un rendez-vous auprès de la médecine du travail.

Par requête du 29 novembre 2018, Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Tours d’une demande tendant à prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur en raison de manquements ainsi que le paiement de diverses sommes en conséquence.

Le 2 octobre 2019, la médecine du travail l’a reconnue inapte à son poste en précisant que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.»

Le 4 décembre 2019, puis fin décembre, le conseil social et économique a été convoqué et a émis un avis favorable au licenciement de Mme [G] le 14 janvier 2020.

Le 16 janvier 2020, la société Magasins Galeries Lafayette a sollicité l’autorisation du licenciement auprès de la DIRECCTE : le 5 mars 2020, l’inspecteur du travail a autorisé le licenciement.

Aucun recours n’a été formé à l’encontre de cette décision, elle est donc définitive.

Le 10 mars 2020, la société Magasins Galeries Lafayette a notifié à Mme [G] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, après un entretien préalable fixé au 7 janvier 2020.

Par jugement du 1er décembre 2020, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Tours a :

Débouté Madame [G] de l’ensemble de ses demandes.

Débouté la SAS Magasins Galeries Lafayette de sa demande reconventionnelle fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile .

Condamné Madame [G] aux dépens.

Le 17 décembre 2020, Mme [G] a relevé appel de cette décision.

La société a formé appel incident par voie de conclusions.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 22 juin 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [P] [G] demande à la cour de :

In limine litis, déclarer recevable l’action de Mme [G] et confirmer le jugement

entrepris en ce qu’il a écarté le moyen d’irrecevabilité soulevé par les Galeries Lafayette.

Sur le fond,

Réformer le jugement entreprise en ce qu’il a débouté Mme [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Statuant à nouveau,

Dire et juger que les manquements graves de l’employeur à ses obligations contractuelles sont à l’origine de l’inaptitude de Madame [G], laquelle a conduit à son licenciement.

Dire et juger par suite recevable et bien fondée Madame [G] en son action, ses conclusions et ses réclamations indemnitaires.

Condamner en conséquence les Galeries Lafayette au paiement des sommes suivantes :

– 10.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour manquements de l’employeur à ses obligations contractuelles, en particulier à son obligation de sécurité;

– 5.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour discrimination ;

– 32.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour perte d’emploi ;

– 3.994 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 399,40 euros bruts au titre des congés payés afférents. :

Ordonner la remise d’un bulletin de paie, certificat de travail et attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros à compter du prononcé de la décision.

Condamner les Galeries Lafayette au paiement des sommes de 4.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel, ainsi qu’aux éventuels dépens.

***

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 19 juillet 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la S.A.S.U. Magasins Galeries Lafayette demande à la cour de :

In limine litis :

Déclarer irrecevable la contestation de Madame [G] sur le bien-fondé de son licenciement,

En tout état de cause et à titre principal,

Vu :

– l’exécution parfaitement loyale, par la société des Magasins Galeries Lafayett e, du contrat de travail de Madame [G] ;

– la carence de Madame [G] à rapporter la preuve d’un manquement grave de la société Magasins Galeries Lafayett e à ses obligati ons contractuelles, ;

– l’absence de discriminati on à l’égard de Madame [G] ;

– déclarer mal fondé l’appel de Madame [G], le rejeter et confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Tours du 1er décembre 2020 sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’action de Madame [G] en contestation du bien-fondé de son licenciement ;

En conséquence,

– Débouter Madame [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner Madame [G] à verser à la Société MGL la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du CPC et aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

– Sur la compétence du juge judiciaire :

La société Magasins Galeries Lafayette soutient en application du principe de la séparation des pouvoirs l’irrecevabilité des demandes de Mme [G] aux motifs que son licenciement a été autorisé par l’inspection du travail et que cette décision revêt un caractère définitif.

Elle en déduit que Mme [G] ne saurait contester le caractère réel et sérieux de son licenciement, ce d’autant moins que l’inspecteur du travail a vérifié l’absence de toute discrimination en lien direct ou indirect avec l’exercice de ses mandats. La société relève encore que la salariée n’a formulé aucune observation particulière sur le fond et n’a fait valoir aucun grief auprès de l’inspection du travail.

De son côté, Mme [G] fait valoir que ses contestations ne portent pas sur le licenciement lui-même mais sur les manquements de l’employeur à l’origine de l’inaptitude, et qu’elle peut faire valoir ses droits résultant de l’origine de cette inaptitude.

Si le juge judiciaire ne peut, en l’état de l’autorisation administrative accordée à l’employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste, cependant, compétent pour apprécier les fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement, et notamment l’existence d’une discrimination syndicale du salarié (Soc., 6 avril 2022, pourvoi n° 21-10.768).

Et dans le cas où une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l’administration du travail de vérifier que l’inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement ; qu’il ne lui appartient pas en revanche, dans l’exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d’un harcèlement moral dont l’effet, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, l’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations ( Soc., 29 juin 2017, pourvoi n° 15-15.775, Bull. 2017, V, n° 108).

 

Au cas d’espèce, Mme [G] ne demande pas à la cour de dire que son licenciement est privé d’une cause réelle et sérieuse. Par ailleurs, l’argumentation tirée de l’absence de reconnaissance d’une maladie professionnelle ou accident du travail est inopérante pour conclure que la salariée ne pourrait prétendre imputer à la société Galeries Lafayette la responsabilité de son inaptitude.

La cour constate que l’inspecteur du travail était saisi d’une demande d’autorisation de licenciement en raison d’une inaptitude d’origine non-professionnelle de la salariée bénéficiant du statut protecteur non contesté.

L’autorité administrative a ainsi estimé que le licenciement était fondé sur un motif d’origine médicale.

En conséquence, Mme [G] est recevable à faire valoir devant la juridiction judiciaire aussi bien une discrimination à raison de son statut de représentante du personnel que des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité ayant dégradé son état de santé et entraîné son inaptitude, éléments non appréciés par l’autorité administrative.

L’irrecevabilité soulevée par la société, tirée de l’autorité de la chose décidée, de la décision rendue par l’inspection du travail, sera, par voie de confirmation du jugement, rejetée.

– Sur la discrimination syndicale :

L’article L.2141-5 du code du travail interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Les dispositions de l’article L.1132-1 du code du travail prohibent également toute discrimination fondée notamment sur l’appartenance syndicale.

Les articles L. 1134-1 et suivants du code du travail, concernant les actions en justice fondées sur une discrimination, prévoient que la personne s’estimant discriminée présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels la partie défenderesse doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toute mesure utile.

Mme [G] reproche à la société Galeries Lafayette de lui avoir refusé le passage au statut cadre avec le poste Manager des ventes (MDV) dans le cadre de la réorganisation déployée courant 2017 et 2018 et de l’avoir écartée de ce poste au moyen d’un échec à un test de personnalité et informatique réalisé sur 4 heures dont le résultat lui a été présenté comme défavorable. Elle remet en cause les modalités de ce test dont l’horaire a été avancé de 14h à 10h en la prévenant par sms à 9h49, ne la plaçant pas, ainsi, dans les mêmes conditions que l’autre candidate Mme [W], que celle-ci a été admise en tant qu’«ADM» car elle n’était pas salariée protégée.

Elle expose que la similarité des missions relevant du poste de «manager des ventes», dont elle a été écartée, et celles de son ancien poste de «responsable des ventes» (RDV) qu’elle a occupé durant près de 17 ans ne justifiait pas un tel test. Elle fait valoir qu’elle a été la seule responsable des ventes à être évincée du poste de manager des ventes et que la société Galeries Lafayette a procédé au recrutement externe de deux personnes sur ces postes de manager.

Ces éléments caractérisent un refus programmé de son passage au poste de manager des ventes par le biais d’un avis défavorable à un test qui n’était pas justifié les deux postes étant identiques, ce refus étant lié à sa qualité de représentante du personnel.

Il ressort de la procédure que la société Galeries Lafayette a décidé de faire évoluer son modèle de fonctionnement courant 2017 dans le cadre d’un projet de réorganisation en lien avec l’évolution des modes de consommation et du commerce, projet dont les instances représentatives du personnel ont été régulièrement informées et consultées.

Il n’est pas contesté que l’accès au poste de manager des ventes, statut cadre, nouvellement créé dans le cadre de ce projet de réorganisation, était proposé aux responsables de vente tels que Mme [G] qui bénéficiait du statut d’agent de maîtrise. L’accès à ce nouveau poste était soumis au passage avec succès d’un test de personnalité et informatique, avec accompagnement.

Il est établi que Mme [G] a passé un test et obtenu un résultat défavorable à la suite duquel elle n’a pas été admise au poste de manager des ventes. Elle occupait des fonctions d’élue du personnel depuis le 18 octobre 2016. Elle justifie ainsi d’éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

Il appartient à la société Magasins Galeries Lafayette de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.

Une telle réorganisation entre dans le pouvoir de direction et de gestion de l’employeur qui en fixe les modalités.

La société Galeries Lafayette produit aux débats le compte rendu du test de Mme [G] réalisé le 28 juin 2018 dont il ressort qu’elle a été soumise à diverses situations permettant d’évaluer ses compétences dans différents domaines (adaptabilité ou souplesse, esprit d’équipe, force de conviction, animation d’équipe, sens du résultat, délégation ou contrôle, capacité d’apprentissage et de décision’.), compétences attendues du manager des ventes dont la fiche de poste diffusée au personnel est produite par Mme [G]. A chaque rubrique est portée un commentaire précis et circonstancié sur le comportement et les réactions de cette dernière par rapport à la situation envisagée et l’attribution d’un nombre de points, un schéma fusionnant ces compétences comportementales, l’élaboration d’un profil avec détermination de points d’appui ou de renforcement ainsi que des recommandations en matière de développement. Ce document comporte en conclusion un avis motivé. Au cas particulier, l’avis est défavorable et motivé. Il apparaît ainsi que ce test réalisé par deux évaluateurs présentait un caractère d’objectivité sur le process.

Si l’attestation établie par le directeur des ressources humaines du magasin et produite par la société, qui fait état d’un comportement tendu de Mme [G] lors de l’entretien de ‘débriefing oral’ et du fait qu’elle aurait reconnu ses difficultés à réaliser le test, sera considérée avec précaution par la cour, il ressort néanmoins d’autres éléments de preuve que la salariée était informée que les candidats au poste de manager des ventes n’étaient pas destinataires personnellement du résultat du test mais qu’ils avaient la possibilité d’en faire la demande, cette information ayant été délivrée au cours d’une réunion avec les instances représentatives du personnel à laquelle Mme [G] était présente. Or, celle-ci ne démontre pas avoir présenté une telle demande auprès de son employeur ni que celui-ci lui en aurait refusé la communication.

En outre, il est admis par les parties qu’en réalité sur les cinq responsables de vente auxquelles il a été proposé de passer le test, trois personnes s’y sont refusées, optant pour des postes de catégorie inférieure. Il ne peut en être conclu dans ces conditions que Mme [G] serait la seule responsable des ventes à avoir été exclue de cette promotion. Le fait que l’autre responsable des ventes ait passé avec succès l’assessment n’est pas de nature à établir qu’il a été fait en sorte que Mme [G] échoue, alors que la cour vient de retenir le caractère objectif de l’exercice.

Par ailleurs, s’il n’est pas contesté qu’il a été proposé à Mme [G] de passer ce test en matinée et non pas à 14 heures comme prévu initialement, rien ne démontre que la salariée a effectivement passé le test immédiatement après cette proposition, la société Galeries Lafayette exposant au contraire que le test a été maintenu à 14 heures compte tenu du refus de l’intéressée. Il n’est pas établi que celle-ci aurait passé le test dans des conditions déstabilisantes, ni qu’elle n’aurait pas passé le test dans les mêmes conditions que l’autre candidate admise.

Enfin, il apparaît que la salariée a fait l’objet de l’accompagnement prévu dans le process puisqu’elle ne dément avoir été reçue, ainsi que cela résulte des pièces de l’employeur, en entretien par le service des ressources humaines chargé de procéder à ce test puis par le responsable des ressources humaines du magasin de [Localité 2].

Mme [G] soutient également qu’en réalité un tel test n’était pas justifié les postes de responsable des ventes et de manager des ventes étant identiques et qu’il n’y avait pas lieu de la priver de la possibilité de devenir manager des ventes alors qu’elle avait donné toute satisfaction dans ses fonctions depuis 17 ans.

Pour justifier des différences entre les deux postes et de son refus d’intégrer la salariée au poste de manager de vente, la société Magasins Galeries Lafayette produit notamment le document d’information qui a été communiqué au C.C.E. le 2 mars 2017.

Dans cette présentation il est expressément fait état de la nécessité de réorganiser les différents magasins afin de faire face à des conditions de marché tendues au regard des attitudes de consommation qui évoluent et de la nécessité de s’adapter au contexte, notamment au regard du e-commerce.

Ainsi le poste concernant les employés de vente s’enrichit avec la création d’un employé omnicanal, 3 niveaux de conseillers de vente, conseiller de vente personnel, avec, pour l’ensemble du métier, des parcours de carrière formateurs et certifiants.

S’agissant des responsables de vente, la société indique avoir tiré les conséquences de son modèle qui l’aurait obligé à adapter les métiers dans toute l’organisation de l’entreprise et d’en créer de nouveaux.

C’est dans ce cadre que la société opère une analyse du poste de responsable de vente, qui bénéficiait d’un statut d’agent de maîtrise, et en conclut que ce dernier est trop centré sur les tâches administratives. Elle relève un manque de temps pour manager les équipes de ventes ainsi qu’une absence de clarté avec les tâches de responsables de département. Il est énoncé que le management sera tourné davantage vers le terrain en donnant plus d’autonomie aux MDV, en les dotant d’un statut cadre, les agents de maîtrise pouvant accéder à la fonction.

La société produit également un comparatif entre les postes de responsable de vente et celui de «MDV» consistant en un simple tableau de synthèse des différentes missions établi par la manager opérationnelle qui atteste.

Mme [G] produit quant à elle une attestation d’une ancienne salariée , contrôleur des ventes, et un document intitulé « description de fonction du «MDV»» ainsi que celle du responsable de vente.

Il en ressort que si les fonctions techniques étaient voisines voire similaires, le poste de manager des ventes différait du poste de responsable des ventes dans la mesure où il traduisait une montée en puissance des attributions et des responsabilités du salarié en termes de management d’équipe de ventes et d’autonomie et impliquait des suggestions supplémentaires pour le salarié, auquel était attribué un statut cadre et non plus le statut d’agent de maîtrise. Il apparaît ainsi que le projet impliquait une évolution de poste et une modification des fonctions exercées au moins en partie, ce point étant en outre confirmé par le fait que trois responsables des ventes, collègues de travail de Mme [G], aient renoncé à l’exercice de telles fonctions. Dans ces conditions, il ne peut être retenu que la mise en place d’un test ne puisse être justifiée, quels que soient les mérites passés des salariés agents de maîtrise .

La société Magasins Galeries Lafayette justifie ainsi d’éléments objectifs excluant que Mme [G] ait fait l’objet de la part de son employeur d’un refus injustifié au poste de manager des ventes qui serait en lien avec son mandat de représentant du personnel.

Par voie de confirmation du jugement, il convient de dire que Mme [G] n’a pas fait l’objet d’une discrimination fondée sur son appartenance syndicale et de rejeter sa demande présentée à ce titre.

– Sur les dégradations des conditions de travail et les manquements de l’employeur:

Mme [G] soutient qu’elle a fait l’objet d’une discrimination au regard de son mandat d’élu du personnel et que la société a, à la suite du refus de la faire accéder au poste de manager des ventes, manqué à ses obligations, notamment en matière de sécurité en modifiant de manière unilatérale ses conditions de travail, en réduisant son secteur d’activité, que dès le mois d’octobre 2018 elle a occupé un poste de responsable qui n’existait plus et qu’elle n’apparaissait plus dans les équipes, que le pouvoir de direction ne saurait conduire à une suppression de ses responsabilités et missions, qu’elle s’est trouvée placée sous la responsabilité d’un manager et a été affectée dans un bureau situé au sous sol et sans ordinateur. Ces circonstances ont entraîné son arrêt de travail pour maladie puis son inaptitude.

Il résulte des pièces de la procédure qui ne sont pas utilement combattues par la société Magasins Galeries Lafayette que s’il est possible que le poste de responsable des ventes a été maintenu, il est néanmoins établi que le poste et les responsabilités occupés par Mme [G] avant la réorganisation ont été modifiés par son employeur à la suite de l’échec au test alors qu’en sa qualité de salariée protégée, il ne pouvait être procédé à une modification de ses fonctions sans son accord. Son périmètre d’intervention comprenant la bijouterie, l’horlogerie et la parfumerie, a ainsi été réduit au seul secteur ‘maison’ et Mme [G] s’est trouvé placée sous la responsabilité d’un manager perdant ses attributions de responsable de secteur. En outre, elle n’était pas tenue d’accepter les postes de catégorie inférieure qui lui ont été proposées.

Il est également établi que Mme [G] a quitté, le 27 septembre 2018, le bureau qu’elle occupait au troisième étage avec les responsables de vente et manager, pour être installée dans un bureau situé en sous-sol, beaucoup moins agréable, certes correspondant au secteur d’activité restreint qui venait de lui être attribué, et sans accès immédiat à un ordinateur ainsi que le confirme une réponse par courriel de la direction à une question posée sur ce point.Il importe peu que ce «local» ait été utilisé par d’autres salariés .

Il ressort également des organigrammes et listings du personnel que jusqu’à une intervention de son conseil, la salariée ne figurait plus sur ces documents, la mention ‘les autres postes sont en cours de validation’ avancée par la société ne suffisant pas à démontrer que le poste de Mme [G] était préservé et qu’il s’agissait d’une situation provisoire résultant du traitement des résultats aux tests. Il n’est enfin pas utilement contesté que la salariée n’est plus apparue pendant un temps sur la liste des destinataires de courriels.

Il est fait état dans les pièces et écritures, et notamment dans l’attestation d’une représentante du personnel, Mme [X], ou du directeur des ressources humaines du magasin, d’un projet de rupture conventionnelle du contrat de travail auquel l’employeur n’ a pas donné suite, confirmant que Mme [G] ne se sentait plus à sa place dans l’entreprise en septembre 2018.

Confrontée à de telles conditions de travail, Mme [G] a sollicité le médecin du travail, lequel à l’issue d’une consultation du 19 octobre 2018 , constatant le profond mal-être de l’intéressée au travail l’a orientée vers son médecin traitant en vue d’un éventuel arrêt de travail et d’une prise en charge spécialisée. Celui-ci a été délivré des arrêts de travail, mentionnant une anxiété réactionnelle majeure. Il est également justifié d’un suivi par un psychologue qui s’est prolongé courant 2019.

Il est ainsi établi différents manquements de la société Magasins Galeries Lafayette à ses obligations contractuelles, notamment l’obligation de sécurité.

Il est constant que Mme [G] a été licenciée pour inaptitude le 10 mars 2020 et qu’elle a été en arrêt de travail dès le 05 novembre 2018. L’avis de la médecine du travail précise que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à la santé de Madame [G]».

Il est avéré que la dégradation de l’état de santé de Mme [G] ayant abouti à la déclaration d’inaptitude trouve son origine dans les conditions de travail qui lui ont été imposées à partir de septembre 2018.

Dès lors, par voie d’infirmation du jugement entrepris, il y a lieu de dire de condamner la société Magasins Galeries Lafayette à payer à Mme [G] la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à ses obligations contractuelles et de sécurité.

– Sur l’indemnisation de la perte d’emploi :

Le lien entre les manquements de la société Magasins Galeries Lafayette et l’inaptitude de Mme [G] étant retenu par la cour, celle-ci peut, même en présence d’une autorisation de licenciement, prétendre à une indemnité pour perte d’emploi ou au titre d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ( Soc. 29 juin 2017, pourvoi n° 15-15.775 publié, Soc., 15 juin 2022, pourvoi n° 20-22.430 publié ). Cette indemnité doit être fixée en fonction de son préjudice.

En l’état des éléments portés à la connaissance de la cour, et notamment de son âge (48 ans), de son ancienneté (18 ans), du justificatif de son inscription auprès de Pôle Emploi et des deux formations suivies, il doit être alloué à Mme [G] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts.

– Sur l’indemnité compensatrice de préavis :

Mme [G] a le droit de percevoir une indemnité compensatrice du préavis dont l’inexécution est imputable à l’employeur (Soc. 29 juin 2017, pourvoi n° 15-15.775) ; ce qui est retenu par la cour ;

Le montant demandé par Mme [G] à ce titre et congés payés afférents n’est pas contesté.

Par voie d’infirmation du jugement entrepris, la société Magasins Galeries Lafayette sera condamnée à lui payer la somme de 3994 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 399,40 euros au titre de congés payés afférents.

– Sur l’article L.1235-4 du code du travail

En application de l’article L.1235-4 du code du travail , il convient d’ordonner le remboursement par la société Magasins Galeries Lafayette à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [G], dans la limite de 3 mois d’indemnités de chômage (Soc., 15 juin 2022, pourvoi n° 20-22.430 ).

– Sur la remise des documents de fin de contrat

Il y a lieu d’ordonner à la société Magasins Galeries Lafayette de remettre à Mme [G] un bulletin de paie, une attestation Pôle emploi ainsi qu’un certificat de travail conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d’un mois à compter de sa signification.

Aucune circonstance ne justifie d’assortir ce chef de décision d’une mesure d’astreinte afin d’en garantir l’exécution.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il y a lieu de condamner la société Magasins Galeries Lafayette aux dépens de première instance et d’appel.

Il y a lieu de condamner la société Magasins Galeries Lafayette à payer à Mme [G] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement rendu entre les parties par le conseil de prud’hommes de Tours le 1er décembre 2020, mais seulement en ce qu’il a déclaré Mme [P] [G] recevable en ses demandes et en ce qu’il a rejeté sa demande en paiement de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant :

Condamne la S.A.S. Magasins Galeries Lafayette à payer à Madame [P] [G] les sommes suivantes :

-la somme de 4 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;

-la somme de 15 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour perte d’emploi ;

– la somme de 3994 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 399,40 euros au titre de congés payés afférents ;

Ordonne à la S.A.S. Magasins Galeries Lafayette de remettre à Madame [P] [G] un bulletin de paie, une attestation Pôle emploi ainsi qu’un certificat de travail conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d’un mois à compter de sa signification et dit n’y avoir lieu à astreinte de ce chef ;

Ordonne à la S.A.S. Magasins Galeries Lafayette de rembourser au Pôle emploi les indemnité de chômage versées à Mme [G] dans la limite de trois mois ;

Condamne la S.A.S. Magasins Galeries Lafayette à payer à Madame [P] [G] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;

Condamne la S.A.S. Magasins Galeries Lafayette aux dépens de première instance et d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET

 


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