29 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/06158
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRÊT DU 29 JUIN 2023
(n° 366, 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/06158 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCMVW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 août 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MEAUX – RG n° 16/00163
APPELANTE
Madame [G] [H]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS, toque : P0157
INTIMÉES
Société HOUR PASSION SAS – RCS de Paris sous le numéro 501 364 541
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Société ROYAL AIRPORT – RCS de Nanterre sous le numéro 421 166 315
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR.
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société Tech Airport [8] avait pour activité l’exploitation de magasins d’horlogerie, de bijouterie et de joaillerie dans l’enceinte de l’aéroport de [Localité 7] [8]. Elle était une filiale du groupe Swatch.
La société Royal Airport exerce une activité similaire.
Les activités commerciales des deux sociétés, qui employaient à titre habituel au moins onze salariés, étaient réalisées dans l’enceinte de l’aéroport dans le cadre de baux accordés par la société Aéroport de [Localité 7] (ci-après désignée la société ADP) suite à des appels d’offre ayant lieu en général tous les cinq ans.
Mme [G] [H] a été engagée par la société Tech Airport [8] par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein prenant effet le 1er janvier 2009 en qualité de vendeuse hautement qualifiée avec reprise d’ancienneté au 9 février 1995.
La relation de travail était régie par les stipulations de la convention collective nationale de la bijouterie, joaillerie, orfévrerie et activités s’y rattachant.
En décembre 2010, la société Aéroport de [Localité 7] (ci-après désignée la société ADP) a lancé un appel d’offres aux fins de renouvellement des baux.
La société Tech Airport [8] s’est portée candidate au renouvellement de son bail (également appelé ‘concession’ par les parties). Cependant, en mai 2011, elle a été informée par la société ADP que le bail était attribué à la société Royal Airport.
La perte du bail a eu pour conséquence la perte du droit pour la société Tech Airport [8] d’exploiter ses points de vente au sein de l’aéroport. Cependant, par lettre du 19 décembre 2011, la société ADP a accordé à la société Tech Airport [8] une prorogation de ses baux selon les échéances suivantes :
– boutique terminal 1 : 31 décembre 2012,
– boutique terminal 2C : 28 février 2012,
– boutique terminal 2 A Ouest : 30 juin 2012,
– boutique terminal 2 A Est : 28 février 2012,
– boutique terminal 2 A : 30 juin 2012,
– boutique terminal 2 D : 30 juin 2012.
Des négociations ont eu lieu entre la société Tech Airport [8] et la société Royal Airport pour la reprise des contrats de travail de tout ou partie des 44 salariés de cette première entreprise affectés sur les points de vente de l’aéroport. Considérant que les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail ne s’appliquaient pas, la société Royal Airport a proposé à la société Tech Airport [8] la reprise de 25 salariés dans le cadre de conventions tripartites. 17 salariés ont accepté de conclure une telle convention. Les salariés n’ayant pas signé la convention tripartite ont fait l’objet d’un licenciement pour motif économique.
Mme [H], la société Tech Airport [8] et la société Royal Airport ont signé le 16 février 2012 une convention tripartite prenant effet le 1er janvier 2013 ayant pour objet, d’une part, de mettre fin à la relation de travail entre la salariée et la société Tech Airport [8] et, d’autre part, de transférer le contrat de travail à la société Royal Airport.
La société Tech Airport [8] a été absorbée par la société Tech Airport Holding dans le cadre d’une opération de fusion du 25 novembre 2014.
En 2015, la société Tech Airport Holding a pris la dénomination sociale ‘Hour Passion’.
La société Hour Passion (ci-après désignée la société HP) vient ainsi aux droits de la société Tech Airport [8].
Considérant que son contrat de travail devait être transféré à la société Royal Airport en application des dispositions de l’article L. 1244-1 du code du travail, Mme [H] a saisi le 17 février 2016 le conseil de prud’hommes de Meaux aux fins d’obtenir la condamnation des sociétés HP et Royal Airport à des sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement du 27 août 2020, le conseil de prud’hommes a :
– Débouté Mme [H] de l’ensemble de ses demandes ;
– Débouté la société HP et la société Royal Airport de leurs demandes reconventionnelles ;
– Laissé les dépens à la charge de chacune des parties.
Le 28 septembre 2020, Mme [H] a interjeté appel du jugement.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 22 février 2023, Mme [H] demande à la cour de :
– Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– Condamner la société HP du fait de l’illicéité des conventions tripartites ayant mis fin à son contrat de travail à lui verser une indemnité de licenciement de 22.260 euros ;
– Condamner la société HP à lui verser une indemnité compensatrice de préavis de 9.006 euros et des congés payés afférents de 901 euros ;
– Condamner la société HP à lui payer la somme de 98.300 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
A titre subsidiaire,
– Condamner in solidum les sociétés intimées du fait de l’inapplication frauduleuse de l’article L. 1224-1 du code du travail à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi à hauteur de 10.000 euros ;
A titre plus subsidiaire,
– Condamner in solidum les sociétés intimées du fait de leur situation de coemployeur à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi à hauteur de 10.000 euros ;
En tout état de cause,
– Condamner la société HP à lui verser la somme de 6.468 euros à titre de rappel de salaire pour inapplication des minima conventionnels en termes de rémunération ;
– Assortir les condamnations à intervenir d’intérêts au taux légal ;
– Condamner les sociétés intimées à lui payer une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner les sociétés intimées aux entiers dépens.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 20 mars 2023, la société HP demande à la cour de :
A titre principal :
– Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Et ce faisant,
– Fixer le salaire brut mensuel moyen de Mme [H] à la somme de 3.421,24 euros ;
– Juger que les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas applicables en l’absence de la reprise par elle de l’activité de la société HP, laquelle a totalement et définitivement disparu ;
– Juger que le contrat de travail de Mme [H] a été maintenu et transféré valablement et qu’il n’a pas été rompu ;
– Juger que la convention tripartite régularisée entre les parties est parfaitement valable et licite ;
– Constater l’absence de démonstration d’un préjudice par Mme [H] ;
– Débouter Mme [H], de ses demandes de rappel de salaires infondées ;
– Débouter Mme [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire,
– Juger que les sommes sollicitées par Mme [H] sont inexactes et qu’en tout état de cause elles ne sauraient être supérieures au sommes suivantes :
‘ indemnité de licenciement : 14.719 euros,
‘ indemnité de préavis et congés payés afférents inclus : 7.526,73 euros,
En tout état de cause,
– Juger que ces procédures procèdent de l’abus ;
– Condamner Mme [H] à lui verser la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
– Dire que ceux d’appel seront recouvrés par Maître Matthieu BOCCON-GIBOD, SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 17 mars 2021, la société Royal Airport demande à la cour de :
– Confirmer le jugement en ce qu’il a dit n’y avoir de sa part une « inapplication frauduleuse » des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, et par ailleurs en ce qu’il a déclaré la convention tripartite signée par Mme [H] licite et donc valide ;
En conséquence,
– Débouter Mme [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;
– Condamner Mme [H] à lui verser la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de l’instance.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
L’instruction a été déclarée close le 12 avril 2023.
MOTIFS :
Sur le transfert du contrat de travail en application de l’article L. 1224-1 du code du travail :
Aux termes de l’article L.1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. Il en est de même en cas de transfert d’une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels qui poursuit un objectif économique propre.
La salariée reproche à la société HP d’avoir signé et de lui avoir fait signer la convention tripartite du 13 février 2012 de transfert de son contrat de travail afin d’échapper aux dispositions impératives de l’article L. 1224-1 du code du travail qui imposaient le transfert de plein droit de son contrat à la société Royal Airport. Afin de justifier l’application de ce texte législatif, la salariée soutient qu’il y a eu entre la société HP et la société Royal Airport, transfert :
– des mêmes locaux et installations, en ce qui concerne la boutique du Terminal 1, ces actifs corporels constituant des éléments significatifs pour l’exploitation de l’horlogerie bijouterie,
– du droit exclusif d’exploiter ce magasin au sein du Terminal 1 de l’aéroport, cet élément immatériel constituant également un élément important pour l’exploitation de l’horlogerie bijouterie,
– des divers contrats conclus par la société HP, à savoir : contrats d’abonnement d’eau, d’électricité, abonnement de maintenance, etc.,
– d’une partie du personnel de la société HP.
La salariée ajoute que la société HP avait pour objet l’exploitation du magasin d’horlogerie bijouterie du Terminal 1 de l’Aéroport [8], ce qui impliquait donc l’installation de stands de vente au sein du magasin, l’utilisation de vitrines sécurisées et la vente de montres et de bijoux.
En défense,les sociétés intimées soutiennent que les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail n’étaient pas applicables puisque la société Royal Airport n’a repris ni le matériel de la société HP, ni ses locaux, ni sa clientèle, ni ses contrats, ni son activité qui a totalement et définitivement disparu. Elles précisent que l’inapplication des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail était acquise par les salariés, l’inspecteur du travail et le comité d’établissement.
En l’espèce et en premier lieu, il ressort des factures et des attestations d’entrepreneurs produites par la société HP qu’après la perte de son autorisation d’exploiter des magasins d’horlogerie, bijouterie et joaillerie dans l’enceinte de l’aéroport, cette société a fait démonter la totalité de ses structures de vente et que tous les éléments ainsi enlevés ont été mis en décharge aux fins de destruction. A la fin de ces opérations, la société HP justifie avoir signé le 10 janvier 2013 avec la société ADP un état des lieux de sortie attestant qu’elle avait libéré les surfaces concédées des ‘locaux, installations et équipements’. Il se déduit de ces éléments qu’aucun élément corporel lié aux boutiques de la société HP n’a été transféré à la société Royal Airport.
En deuxième lieu, il n’est nullement justifié par la salariée et il ne ressort d’aucun élément produit, comme le soutient la société Royal Airport, que la société HP lui aurait cédé tout ou partie de son fichier clientèle.
En troisième lieu, la salariée reconnaît dans ses écritures (p.13) que, d’une part, la société Royal Airport n’a pas repris ‘les coques’ dans lesquelles la société HP exploitait l’activité de vente d’horlogerie et, d’autre part, dans le terminal 1 de l’aéroport, la coque de la société Royal Airport était distante de 70 mètres de celle où était située la société HP.
En quatrième lieu, dans sa lettre explicative adressée le 23 mai 2012 à la société HP, la société ADP relève, parmi les avantages de l’offre du candidat retenu (société Royal Airport) :
– un ‘concept mobilier très identifiable et identique à celui du centre ville’, ce qui implique une différence très marquée dans la conception des points de vente entre la société HP et la société Royal Airport,
– ‘la mise en place de services spécifiques renforçant l’image de spécialiste du secteur d’horlogerie’ et ‘un portefeuille de marques très riches et couvrant toutes les gammes de prix’, par opposition à l’offre de la société HP à l’encontre de laquelle la société ADP a relevé ‘l’absence de marques leaders dans (le) portefeuille d’horlogerie, notamment Rolex et [X], l’absence de présentation d’une offre de marques précises par point de vente (et) une offre de service réduite’.
En cinquième lieu, il ressort des conventions tripartites versées aux débats que l’embauche des anciens salariés de la société HP par la société Royal Airport a été réalisée sur la base du volontariat et sans qu’il y soit mentionné que les dispositions de l’article L. 1224-1 code du travail s’appliquaient auxdites conventions.
En sixième et dernier lieu, contrairement aux allégations de la salariée, il ne ressort d’aucun élément produit que la société Royal Airport a repris des contrats conclus par la société HP.
Il résulte de ce qui précède que :
– la société Royal Airport n’a repris ni les éléments corporels ni les éléments incorporels des boutiques antérieurement exploitées par la société HP,
– les boutiques de la société Royal Airport n’ont pas été installées sur l’emplacement des anciennes boutiques de la société HP,
– bien qu’exerçant également dans le domaine de la bijouterie, de la joaillerie et de l’horlogerie, la société Royal Airport a une activité présentant des différences substantielles avec celle de la société HP en ce qui concerne la clientèle, l’image et les services associés.
Il se déduit de ces éléments que la société HP n’a pas transféré à la société Royal Airport une entité économique autonome lorsque cette première n’a pas vu son bail renouvelé par la société ADP.
Dès lors, la salariée ne peut utilement soutenir que son contrat de travail a été transféré à la société Royal Airport en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail.
Sur les demandes pécuniaires de la salariée liées au transfert de plein droit allégué par elle de son contrat de travail :
Au préalable, il ressort des stipulations de la convention tripartite que : ‘le contrat de travail de Mme [G] [H] jusqu’alors employée de la (société HP) est transféré à compter du 1er janvier 2013 auprès de la société Royal Airport et emporte cessation de toute relation de travail entre Mme [G] [H] et (la société HP) à compter de la date prévue pour le transfert, sans l’allocation d’aucune indemnité de rupture, ni de préavis.
La société Royal Airport n’étant pas tenue par les usages et autres accords d’entreprise en vigueur auprès de la (société HP) quelques aménagements sont proposés comme suit :
– Mme [G] [H] se verra appliquer les dispositions de la convention collective commerce de détail de l’horlogerie bijouterie (3240) régissant l’ensemble du personnel de la société Royal Airport en lieu et place de celles applicables chez le précédent employeur jusqu’au jour du tranfert,
– Mme [G] [H] devra adhérer aux régimes de mutuelle prévoyance et retraite complémentaires auxquels sont obligatoirement affiliés l’ensemble des salariés de la société Royal Airport,
– Mme [G] [H] se verra appliquer l’organisation du temps de travail actuellement en vigueur auprès des salariés de la société Royal Airport’.
* Sur la demande principale :
Mme [H] considère que la cessation de sa relation de travail avec la société HP par l’effet de la convention tripartite s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l’illicéité de cette convention qui a méconnu les dispositions impératives de l’article L. 1224-1 du code du travail imposant un transfert de plein droit de son contrat de travail à la société Royal Airport. Elle sollicite ainsi de la société HP des sommes au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.
Les sociétés intimées s’opposent à ces demandes pécuniaires.
En l’espèce, la cour constate que la salariée ne fonde ses demandes pécuniaires que sur l’illicéité de la convention tripartite au regard des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail. Toutefois, comme il a été dit précédemment, ces dispositions n’étaient pas applicables à la salariée. Par suite, leur méconnaissance ne peut entâcher d’illicéité la convention tripartite signée par la salariée.
De même, il n’est ni allégué ni justifié par l’appelante qu’un vice du consentement entacherait d’irrégularité la convention tripartite ou qu’elle n’aurait pas compris la portée de celle-ci. Or, comme il a été dit précédemment, il ressort des stipulations de la convention litigieuse que celle-ci ’emporte cessation de toute relation de travail entre Mme [G] [H] et (la société HP) à compter de la date prévue pour le transfert, sans l’allocation d’aucune indemnité de rupture, ni de préavis’.
Par suite, les demandes pécuniaires de Mme [H] ne peuvent qu’être rejetées et le jugement sera confirmé en conséquence.
* Sur la demande subsidiaire :
Dans le dispositif de ses écritures qui seul saisit la cour en application de l’article 954 du code de procédure civile, Mme [H] sollicite la condamnation in solidum des sociétés intimées du fait de l’inapplication frauduleuse de l’article L. 1224-1 du code du travail qui lui a causé un préjudice à hauteur de 10.000 euros.
Or, comme il a été dit précédemment, les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail n’étaient pas applicable en l’espèce.
Par suite, la salariée sera déboutée de sa demande pécuniaire.
* Sur la demande infiniment subsidiaire :
Au préalable, la cour rappelle que le coemploi correspond à la situation d’un salarié qui se trouve juridiquement, dans le cadre d’un contrat de travail, lié avec une autre personne que celle que le contrat écrit désigne comme employeur. Une immixtion permanente de cette dernière dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière, doit alors être caractérisée.
Dans le dispositif de ses écritures, Mme [H] sollicite la condamnation in solidum des sociétés intimées du fait de leur qualité de coemployeurs qui lui a causé un préjudice à hauteur de 10.000 euros.
En défense, les sociétés intimées concluent au débouté au motif qu’il n’existe aucune situation de coemploi entre elles ou entre la société Tech Airport [8] et la société Tech Airport Holding.
En premier lieu, il ressort du dispositif des dernières écritures de la salariée que son préjudice serait né d’une situation de coemploi existant entre les ‘sociétés intimées’, c’est-à-dire entre la société HP et la société Royal Airport. Or, il ressort de la partie discussion de ses écritures que les coemployeurs concernés ne seraient pas ces deux sociétés mais les sociétés Tech Airport [8] et Tech Airport Holding qui, comme il a été dit dans l’exposé des faits du présent arrêt, ont fusionné en 2015 pour donner naissance à la société HP.
En deuxième lieu, la salariée ne se réfère à aucun élément pour établir le fait que la société Tech Airport Holding exerçait à l’égard de sa filiale Tech Airport [8] une immixtion permanente conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière, se bornant à affirmer que les dirigeants des deux entreprises étaient les mêmes et que les deux sociétés avaient un siège social situé à la même adresse. Or, ces seules affirmations sont insuffisantes à établir l’existence d’un coemploi à l’égard de la salariée impliquant la société mère et sa filiale.
En troisième et dernier lieu, la salariée n’entend justifier d’un préjudice lié la situation de coemploi alléguée entre ces deux sociétés qu’en indiquant dans ses écritures( p.28-29) : ‘Au total, la société Tech Airport Holding a exercé son activité sur les salariés en veillant à ce que son pouvoir juridique ne soit pas reconnu. Or, le fait d’avoir été soumis pendant des années à ce pouvoir aussi puissant que clandestin a nécessairement causé un préjudice moral aux salariés qui l’ont subi. Par la faute de la société Tech Airport Holding, les salariés ont perdu un emploi stable et mieux rémunéré que celui que leur ont offert les repreneurs. Le préjudice matériel et moral des exposants se trouve considérablement accru’. Or, ces seules affirmations que ne viennent compléter aucun élément produit ne permettent de caractériser ni une faute imputable à la société mère et à sa filiale ni l’existence d’un préjudice à l’égard de l’appelante.
Il se déduit de ce qui précède que la demande indemnitaire de la salariée ne peut qu’être rejetée.
Sur le rappel de salaire :
La société HP et la salariée s’accordent sur le fait qu’au titre de la convention collective de la bijouterie, joaillerie, orfévrerie et activités s’y rattachant qui s’appliquait à leur relation contractuelle, l’appelante devait bénéficier d’un salaire minimum conventionnel de :
– 2.172 euros sur la période de mai 2010 à janvier 2011,
– 2.213 euros sur la période de février 2011 à janvier 2012,
– 2.266 euros sur la période de février 2012 à décembre 2012.
La société HP et la salariée s’accordent également sur le fait que cette dernière a bénéficié d’un salaire mensuel de base d’un montant de :
– 2.000 euros sur la période de mai 2010 à janvier 2011,
– 2.050 euros sur la période de février 2011 à décembre 2012.
Mme [H] reproche à l’employeur de lui avoir versé un salaire de base inférieur au salaire minimum conventionnel au titre des mois de mai 2010 à décembre 2012 et sollicite de la société HP un rappel de salaire d’un montant de 6.468 euros correspondant à la différence entre ce qu’elle aurait dû percevoir et ce qu’elle a perçu, congés payés afférents inclus.
En défense, la société HP conclut au débouté au motif qu’en application de l’article 14 de la convention collective, le minimum social conventionnel s’apprécie au regard d’une rémunération mensuelle incluant les primes versées par l’employeur.
En l’espèce et en premier lieu, la société HP produit en pièce 58 un tableau comparant, sur la période concernée, le minimum conventionnel et la rémunération mensuelle versée à la salariée comprenant le salaire de base et les primes perçues au titre du plan de commissionnement versé aux débats en pièce 61. Or, il ressort de ce tableau, dont les mentions ne sont pas critiquées par la salariée dans ses conclusions d’appel, que cette rémunération est d’un montant supérieur au minimum conventionnel sur l’intégralité de la période concernée.
En second lieu, comme le soutient la société HP, les primes allouées à la salariée au titre du plan de commissionnement (commission sur chiffre d’affaires, commission sur chiffres d’affaires sur marques ou produits désignés et commission pour vente exceptionnelle) ne correspondent pas aux rémunérations devant être exclues, selon les stipulations de l’article 14 de la convention collective applicable, de l’assiette de la rémunération venant en comparaison avec le minimum conventionnel.
Il se déduit de ce qui précède que, sur la période concernée, la société HP n’a pas versé à la salariée un salaire inférieur au minimum conventionnel garanti par la convention collective applicable.
Mme [H] sera donc déboutée de sa demande salariale.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive de la société HP :
La société HP soutient que l’action en justice menée par la salariée est abusive dans la mesure où celle-ci se borne à reprendre à l’appui de ses demandes les moyens qui avaient déjà été rejetés par la cour d’appel de Paris dans des arrêts de mai 2017 dans un litige similaire opposant quatre salariés de la société HP aux sociétés intimées. Elle réclame ainsi à l’appelante la somme de 1.500 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive.
La salariée s’oppose à cette demande.
Selon l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
S’il est vrai que Mme [H] a repris les moyens rejetés par la cour afin de fonder ses demandes pécuniaires formées à titre principal et subsidiaire, il n’en demeure pas moins que celle-ci a également soumis à la cour une demande de rappel de salaire et une demande pécuniaire à titre infiniment subsidiaire s’appuyant sur des moyens non examinés par la cour d’appel de Paris en 2017.
En tout état de cause, le seul fait de reprendre des moyens déjà examinés par la cour dans une précédente affaire dans laquelle la salariée n’était pas partie ne peut suffire à établir la mauvaise foi ou l’intention de nuire de l’appelante et, par voie de conséquence, un abus de voie de droit de sa part au sens de l’article 32-1 du code de procédure civile.
Il convient par conséquent de débouter la société HP de sa demande indemnitaire.
Sur les demandes accessoires :
La salariée qui succombe est condamnée à verser la somme de 200 euros à chacune des sociétés intimées en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.
Elle sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera condamnée aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE Mme [G] [H] à verser :
– 200 euros à la société Hour Passion en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,
– 200 euros à la société Royal Airport en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,
DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes ;
CONDAMNE Mme [G] [H] aux dépens d’appel dont distraction au profit de Maître Matthieu BOCCON-GIBOD, SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile s’agissant des dépens concernant la société Hour Passion.
La greffière, La Présidente.