5 octobre 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
22/03304
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 05/10/2023
****
N° de MINUTE : 23/329
N° RG 22/03304 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UMCE
Jugement (N° 20/01857) rendu le 20 Janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Douai
APPELANTE
SA la Banque Postale Assurances Iard prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉS
Madame [S] [L]
née le 21 Janvier 1981 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Monsieur [O] [L]
né le 07 Juillet 1983 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentés par Me Caroline Follet, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assistée de Me Aurélien Boudeweel, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 08 juin 2023 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Guillaume Salomon, président de chambre
Claire Bertin, conseiller
Yasmina Belkaid, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 octobre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 mai 2023
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EXPOSE DU LITIGE
M. [O] [L] et Mme [S] [L] sont propriétaires d’un immeuble à usage d’habitation situé au [Adresse 2] à [Localité 4].
M. [L] a souscrit auprès de la société Banque postale assurances iard (Banque postale) un contrat d’assurance habitation prenant effet le 22 avril 2013.
Le 29 décembre 2018, un vol par effraction a été commis au domicile des époux [L], en leur absence.
Après avoir déposé plainte le 4 janvier 2019, les époux [L] ont demandé à la Banque postale de prendre en charge le sinistre.
La Banque postale a alors mandaté le cabinet d’expertise Texa afin de procéder à une expertise au domicile des époux [L] le 1er février 2019.
Par lettre du 4 juin 2019, la Banque postale a informé M. [L] du virement de la somme de 7 065,06 euros effectué à son profit.
Par lettre du 14 juin 2019, les époux [L] ont mis en demeure la Banque postale de leur payer la somme de 17 275,95 euros en indemnisation de leur préjudice.
Par acte du 22 décembre 2020, les époux [L] ont fait assigner la Banque postale devant le tribunal judiciaire de Douai afin de la voir condamner à leur payer notamment les sommes de 11 126,45 euros à titre d’indemnité immédiate, 5 000 euros de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral, 5 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par jugement contradictoire du 20 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Douai a :
condamné la Banque postale à régler aux époux [L] la somme de 5 479,29 euros en réparation de leur préjudice mobilier ;
débouté les époux [L] de leurs demandes au titre du préjudice moral et de la résistance abusive ;
condamné la Banque postale aux dépens ;
condamné la Banque postale à payer aux époux [L] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 8 juillet 2022, la Banque postale a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il l’a condamnée à régler aux époux [L] les sommes de 5 479,29 euros en réparation de leur préjudice mobilier, de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 mars 2023, la Banque postale demande à la cour, au visa des articles 9, 514-1, 542 et 954 du code de procédure civile, 1353 du code civil, de :
réformer le jugement rendu le 20 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Douai en ce qu’il l’a condamnée à régler aux époux [L] les sommes de :
5 479,29 euros en réparation de leur préjudice mobilier ;
1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Statuant à nouveau,
débouter les époux [L] de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;
constater que la cour n’est pas saisie d’un appel incident par les intimés ;
en conséquence, confirmer le jugement rendu le 20 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Douai en ce qu’il a débouté les époux [L] de leurs demandes au titre du préjudice moral et de la résistance abusive ;
En tout état de cause,
condamner les époux [L] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens.
A l’appui de ses prétentions, la Banque postale expose que :
il incombe aux époux [L] de démontrer que les conditions d’application de la garantie dont ils se prévalent sont réunies ;
la parure de bijoux acquise au Maroc, mentionnée dans le rapport d’expertise, n’a pas été intégrée au chiffrage, faute pour les époux [L] de fournir un justificatif de dédouanement et donc de démontrer que ce bien se trouvait à leur domicile lors du vol ;
les époux [L] ont justifié le vol de certains biens par la production de factures non-nominatives, ce qui ne permet pas d’établir que ces biens leur appartenaient ;
le dispositif des conclusions des époux [L] ne comporte pas de demande d’infirmation du jugement, de sorte que la cour n’est saisie d’aucun appel incident.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 13 décembre 2022, les époux [L] demandent à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du code civil et L. 111-8 du code des assurances, de :
confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Douai en ce qu’il a condamné la Banque postale à leur payer leur préjudice consécutivement au vol ;
condamner la Banque postale à leur payer l’entier préjudice subi consécutivement au vol ;
Statuant à nouveau,
condamner la Banque postale à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au regard du préjudice moral ;
condamner la Banque postale à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au regard de la résistance abusive ;
condamner la Banque postale à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la Banque postale aux entiers frais et dépens de l’instance.
A l’appui de leurs prétentions, M. et Mme [L] exposent que le tribunal judiciaire a fait une exacte appréciation des stipulations contractuelles et du comportement fautif de la Banque postale qui, par sa mauvaise foi et sa résistance abusive, leur a causé un préjudice.
Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’appel incident
Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.
L’appel incident n’étant pas différent de l’appel principal par sa nature ou son objet, cette solution est applicable aux conclusions de l’intimé, lesquelles, ne comportant aucune prétention tendant à l’infirmation ou l’annulation du jugement attaqué, ne constituent pas un appel incident valable.
En l’espèce, le dispositif des dernières conclusions des époux [L] notifiées le 13 décembre 2022 ne comporte aucune prétention tendant à l’infirmation ou l’annulation du jugement rendu le 20 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Douai.
Par conséquent, la cour n’est saisie d’aucun appel incident et ne peut que confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les époux [L] de leurs demandes au titre du préjudice moral et de la résistance abusive.
Sur le montant de l’indemnité d’assurance
L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, et, aux termes de l’article 1104 du même code, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Il en résulte que l’assureur est tenu d’une obligation de loyauté dans la mise en ‘uvre du processus d’indemnisation de son assuré après la survenance d’un sinistre.
L’article 1353, alinéa 1, du code civil, dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. De plus, il résulte de l’article 9 du code de procédure civile qu’il appartient à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au soutien de ses prétentions.
Il appartient par conséquent à l’assuré d’établir que sont réunies les conditions requises pour mettre en jeu la garantie. A défaut de rapporter une telle preuve, la garantie n’est pas acquise.
En l’espèce, la Banque postale ne conteste ni la survenance du sinistre ni son obligation à garantie. Les parties s’opposent en revanche sur le montant de l’indemnité d’assurance.
Les conditions générales du contrat d’assurance prévoient dans leur paragraphe spécifique « en cas de vol, et tentative de vol », en page 37 que « cette garantie prend en charge les conséquences financières de la disparition, la destruction ou la détérioration des biens mobiliers (y compris les objets précieux) résultant d’un vol ou d’une tentative de vol commis dans le logement assuré dont l’adresse est indiquée aux conditions particulières ».
Dans un encadré présent sur cette même page, le bien mobilier est défini comme « un meuble ou objet à usage non professionnels situés à l’intérieur du bâtiment vous appartenant ainsi qu’à toute autre personne résidant de façon permanente avec vous ».
Les pages 41 et 42 de ces mêmes conditions générales précisent notamment « au titre des biens mobiliers et des objets précieux, l’indemnité s’élève au montant des préjudices subis, dans la limite du montant des capitaux indiqués sur vos conditions particulières » (en l’espèce 40 000 euros).
Si les biens mobiliers ont été volés, « le montant des dommages est estimé sur la base, en cas de disparition totale, de la valeur d’achat attestée par la facture d’achat. A défaut de cette facture, le bien mobilier sera indemnisé en valeur à dire d’expert ».
Dans l’encadré de la page 42, la valeur d’achat est définie comme « le prix payé pour l’achat d’un bien mobilier, comme par exemple, un canapé, un téléviseur, un ordinateur, attesté par l’original de la facture d’achat nominative et acquittée, délivrée lors de l’achat spécifiant précisément la date et la valeur payée et les éventuelles réductions commerciales ».
Concernant la mise en jeu des garanties, le mode d’emploi fourni par l’assurance stipule « vous devez nous fournir les éléments justificatifs qui vous seront demandés par nous ».
En application de ce contrat qui constitue la loi des parties, les époux [L] doivent rapporter la preuve que les objets volés leur appartiennent en propre ou à toute personne résidant habituellement avec eux.
S’agissant des bijoux acquis au Maroc, la Banque postale refuse de les indemniser motif pris de l’absence de certificat de dédouanement permettant d’établir la présence des biens sur le territoire national.
En effet, la seule facture du 27 août 2015 de la bijouterie Louarradi à Oujda au Maroc ne suffit pas à rapporter la preuve de la présence des bijoux au domicile des époux [L] au moment du vol.
S’agissant des tickets de caisse, la Banque postale justifie également de l’exclusion de certains biens mobiliers par l’absence de factures nominatives permettant d’établir leur appartenance aux époux [L].
C’est en vertu des clauses contractuelles que l’assureur a refusé d’indemniser les époux [L] pour le vol des objets mobiliers pour lesquels ils ne produisaient pas les pièces justificatives nécessaires, telles un certificat de dédouanement et des factures nominatives, échouant ainsi à justifier de l’appartenance de ces biens.
Si la Banque postale n’a pas réclamé de pièces justificatives complémentaires à ses assurés avant de refuser de les indemniser, il reste pour autant que le manquement allégué de l’assureur à l’obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat n’est pas démontré en l’espèce, d’autant que la charge de la preuve de la réunion des conditions d’application de la garantie, et notamment de l’appartenance des objets volés, pèse sur les assurés.
En conséquence, le jugement sera réformé en ce qu’il a condamné la Banque postale à payer à M. et Mme [L] la somme de 5 479.29 euros en réparation de leur préjudice mobilier.
Sur les dispositions annexes
Le sens du présent arrêt conduit à réformer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile, et à condamner M. et Mme [L] aux dépens de première instance et d’appel.
L’équité commande de débouter la Banque postale de sa demande d’indemnité de procédure de première instance et d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit que M. [O] [L] et Mme [S] [L] n’ont sollicité ni la réformation ni l’annulation du jugement et n’ont pas donc pas formé appel incident ;
Confirme le jugement rendu le 20 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Douai en ce qu’il a :
– débouté M. [O] [L] et Mme [S] [L] de leur demandes au titre du préjudice moral et de la résistance abusive ;
– rappelé que l’exécution provisoire du jugement était de droit ;
L’infirme pour le surplus ;
Prononçant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M. [O] [L] et Mme [S] [L] de leur demande d’indemnité d’assurance ;
Condamne M. [O] [L] et Mme [S] [L] aux dépens de première instance et d’appel ;
Déboute les parties de leurs demandes d’indemnité de procédure de première instance et d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier
Harmony Poyteau
Le Président
Guillaume Salomon