Contrefaçon de marque en ligne : l’effacement total sur internet

Contrefaçon de marque en ligne : l’effacement total sur internet

En matière de contrefaçon de marque en ligne assortie d’une astreinte de retrait, si les difficultés d’effacement sur internet doivent être prises en compte par la juridiction et que le contrefacteur ne peut être tenu responsable de la présence d’avis clients, il doit toutefois justifier de diligences suffisantes pour être déréférencées sur le moteur de recherche Google.

En l’absence de diligence, la juridiction pourra considérer que l’ordonnance a été incomplètement exécutée et liquider le montant de l’astreinte provisoire.


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D’APPEL DE PARIS



Pôle 5 – Chambre 1



ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2023



(n°119/2023, 10 pages)



Numéro d’inscription au répertoire général : 22/12268 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCCG



Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 23 Mai 2022 rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 21/58933





APPELANTES



SAS T.N. exerçant sous le nom commercial SMATCH BURGER

Société au capital de 500 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 848 833 695

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliès ès qualités audit siège

[Adresse 8]

[Localité 6]



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Coralline MANIER de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2180





S.A.S. N.K exerçant sous le nom commercial LUKS KEBAB

Société au capital de 500 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 850 626 870

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliès ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Coralline MANIER de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2180



























S.A.S.U. SAS B exerçant sous le nom commercial LUKS KEBAB

Société au capital de 1 000 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 841 957 731

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliès ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Coralline MANIER de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2180







INTIMES



Monsieur [U] [F]

Né le 31 janvier 1990 à [Localité 10]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 7]



Représenté par Me Antoine MORAVIE, avocat au barreau de PARIS, toque : D363

Assistée de Me Ségolène HAUTH, avocat au barreau de PARIS, toque D2144





S.A.R.L. CHICHE

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 829 647 031

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par Me Antoine MORAVIE, avocat au barreau de PARIS, toque : D363

Assistée de Me Ségolène HAUTH, avocat au barreau de PARIS, toque D2144





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente, et Françoise BARUTEL, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.



Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,

Mme Françoise BARUTEL, conseillère,

Mme Déborah BOHEE, conseillère.





Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON





ARRET :




Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige







***





EXPOSE DES FAITS





M. [U] [F] a créé la société Chiche, immatriculée le 16 mai 2017, dont il est le président, et qui exerce une activité de restauration et de traiteur, sous le même nom commercial et la même enseigne à [Localité 9].



M. [F] est titulaire de la marque verbale française Chiche n°4479045 déposée le 30 août 2018 et enregistrée pour désigner les produits et services suivants en classes 30 et 43 ‘sauces (condiments) ; services de restauration (alimentation); services de traiteurs’.



Par acte du 15 août 2019, ayant fait l’objet d’une inscription à l’INPI, M. [F] a consenti une licence exclusive d’exploitation à la société Chiche.



La société TN, immatriculée le 4 mars 2019 au RCS de Paris, dont le président est M. [T], exerce une activité de restauration rapide à [Localité 9].



La société NK, immatriculée le 9 mai 2019 au RCS de Paris, présidée par M. [E], exerce également une activité de restauration rapide à [Localité 9].



La société B, immatriculée le 28 août 2018 au RCS de Paris, dont le président est M. [Z], exploite un restaurant situé à [Localité 9].



MM. [T], [E] et [Z] ont déposé le 19 mars 2019 une marque verbale française CHICH et une marque semi-figurative française CHICH qui ont été enregistrées pour désigner en classe 43 les ‘services de restauration (alimentation), services de bars et services de traiteurs’.



Par exploits d’huissier de justice des 3 et 4 décembre 2020, M. [F] et la société Chiche ont fait assigner la société TN, la société NK, MM. [T], [E] et [Z] devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé aux fins de voir interdire l’utilisation du signe CHICH ou tout autre signe similaire et condamner les sociétés TN et TK in solidum au paiement de provisions à valoir sur le préjudice subi.



Par exploit d’huissier de justice du 11 février 2021, M. [F] et la société Chiche ont également fait assigner la société B.



Par ordonnance rendue le 6 avril 2021 rectifiée par ordonnance du 15 avril 2021, le juge des référés, après avoir dit que les sociétés TN, NK et B ont commis des actes de contrefaçon de la marque verbale française Chiche n°4479045, a notamment :





‘fait interdiction aux sociétés TN, NK et B de faire usage du terme CHICH sous quelque forme, sur tout support et à quelque titre que ce soit, notamment à titre d’enseigne ou de promotion commerciale, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, laquelle commencera à courir à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance’.



Aux termes de cette ordonnance, le juge des référés s’est réservé la liquidation de l’astreinte.



Les ordonnances des 6 et 15 avril 2021, ont été signifiées par la société Chiche et M. [F] à la société NK le 19 avril 2021 et aux sociétés TN et B le 22 avril 2021.



Selon déclaration du 19 avril 2021, les sociétés TN, NK et B et MM. [T], [Z] et [E] ont interjeté appel de l’ordonnance du 6 avril 2021.



Par ordonnance du 2 novembre 2021, la caducité de la déclaration d’appel a été prononcée.



Faisant valoir que les sociétés TN, NK et B ne s’étaient pas conformées aux mesures d’interdiction prononcées à leur encontre, M. [F] et la société Chiche les ont fait assigner par exploits d’huissier de justice du 4 novembre 2021 à l’audience du 3 janvier 2022 devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, en liquidation d’astreinte provisoire et fixation d’une astreinte définitive.



Dans une ordonnance de référé rendue le 23 mai 2022, le juge des référés, a :



– condamné les sociétés TN, NK et B à payer chacune à M. [F] et la société Chiche 5 000 euros au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire fixée par l’ordonnance de référé du 6 avril 2021, rectifiée par ordonnance du 15 avril 2021 ;

– assorti l’obligation fixée par l’ordonnance du 6 avril 2021 rectifiée par ordonnance du 15 avril 2021, mise à la charge des sociétés TN, NK et B de ne plus faire usage du terme CHICH en particulier à titre de promotion commerciale, d’une astreinte définitive de 500 euros par jour de retard passé le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance, pour une durée de six mois ;

– décidé de se réserver la liquidation de l’astreinte définitive ;

– condamné in solidum les sociétés TN, NK et B aux dépens ;

– condamné in solidum les sociétés TN, NK, et B à payer à M. [F] et à la société Chiche de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.



Les sociétés TN, NK et B ont interjeté appel de cette ordonnance le 1er juillet 2022.

Moyens




Dans leurs dernières conclusions, numérotées 2, signifiées par RPVA le 7 octobre 2022 les sociétés TN, NK et B demandent à la cour de :

Infirmer l’ordonnance du 23 mai 2022 en toutes ses dispositions, en ce qu’elle a notamment :

– condamné les sociétés TN, NK et B à payer chacune à M. [F] et la société Chiche 5.000 euros au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire fixée par l’ordonnance de référé du 6 avril 2021, rectifiée par ordonnance du 15 avril 2021 (RG21/50225 et 21/51741) ;

– assorti l’obligation fixée par l’ordonnance de référé du 6 avril 2021, rectifiée par ordonnance du 15 avril 2021, mise à la charge des sociétés TN, NK et B de ne plus faire usage du terme CHICH, en particulier à titre de promotion commerciale, d’une astreinte définitive de 500 euros par jour de retard passé le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance, pour une durée de six mois ;

– s’est réservé la liquidation de l’astreinte définitive ;

– condamné in solidum les sociétés TN, NK et B aux dépens ;



– condamné in solidum les sociétés TN, NK et B à payer à M. [U] [F] et la société Chiche 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé que l’exécution provisoire était de droit.

Statuant à nouveau,

– confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté les demandes de condamnation formulées par la société Chiche et M. [F] visant à :

– condamner la société N.K. à 167.500 euros au titre de la liquidation de l’astreinte ;

– condamner la société T.N. à 165.000 euros au titre de la liquidation de l’astreinte ;

– condamner la société B. à 165.000 euros au titre de la liquidation de l’astreinte ;

– condamner la société T.N. à une astreinte définitive de 1000 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir et jusqu’à parfaite exécution de l’ordonnance de référé du 6 avril 2021 et rectifiée le 15 avril 2021 ;

– condamner la société N.K. à une astreinte définitive de 1000 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir et jusqu’à parfaite exécution de l’ordonnance de référé du 6 avril 2021 et rectifiée le 15 avril 2021 ;

– condamner la société B. à une astreinte définitive de 1000 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir et jusqu’à parfaite exécution de l’ordonnance de référé du 6 avril 2021 et rectifiée le 15 avril 2021 ;

– condamner à titre subsidiaire la société N.K. à leur verser la somme de 161.500 euros en liquidation de l’astreinte provisoire ;

– condamner à titre subsidiaire la société T.N. à leur verser la somme de 159.000 euros en liquidation de l’astreinte provisoire ;

– condamner à titre subsidiaire société B à leur verser la somme de 159.000 euros en liquidation de l’astreinte provisoire.

En conséquence,

– juger que la société TN a exécuté loyalement les obligations mises à sa charge par l’ordonnance du 6 avril 2021, rectifiée le 15 avril 2021, et qu’il n’y avait donc pas lieu de la condamner (i) au paiement d’une astreinte provisoire de 5.000 euros à verser à M. [F] et à la société Chiche (ii) ainsi qu’à une astreinte définitive à la charge de 500 euros par jour pour une durée de six mois ;

– juger que la société NK a exécuté loyalement les obligations mises à sa charge par l’ordonnance du 6 avril 2021, rectifiée le 15 avril 2021, et qu’il n’y avait donc pas lieu de la condamner (i) au paiement d’une astreinte provisoire de 5.000 euros à verser à M. [F] et à la société Chiche (ii) ainsi qu’à une astreinte définitive de 500 euros par jour pour une durée de six mois;

– juger que la société B a exécuté loyalement les obligations mises à sa charge par l’ordonnance du 6 avril 2021, rectifiée le 15 avril 2021, et qu’il n’y avait donc pas lieu de la condamner (i) au paiement d’une astreinte provisoire de 5.000 euros à verser à M. [F] et à la société Chiche (ii) ainsi qu’à une astreinte définitive de 500 euros par jour pour une durée de six mois;

– rejeter la demande de liquidation de l’astreinte :

– restituer la somme de 20 403,55 euros versée par les sociétés TN, NK et B à M. [F] et la société Chiche en exécution de l’ordonnance du 23 mai 2022.

A titre subsidiaire,

– ordonner la modulation du montant de l’astreinte au vu des éléments objectifs constatés et ce, conformément aux dispositions de l’article L.131-4 alinéa 3 du code des procédures civiles d’exécution ;

– réduire à de plus sensiblement justes proportions, soit à l’euro symbolique la liquidation de l’astreinte.

En tout état de cause,

– condamner la société Chiche et M. [F] à payer la somme de 6.000 euros à la société T.N. au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Chiche et M. [F] à payer la somme de 6.000 euros à la société N.K. au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile ;



– condamner la société Chiche et M. [F] à payer la somme de 6.000 euros à la société B. au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Chiche et M. [F] aux entiers dépens.





Dans leurs dernières conclusions, signifiées par RPVA le 22 mai 2023, M. [F] et la société Chiche demandent à la cour de :

– confirmer l’ordonnance de référé du 23 mai 2022 en ce qu’elle a assorti l’obligation fixée par l’ordonnance du 6 avril 2021, rectifiée par ordonnance du 15 avril 2021, mise à la charge des sociétés TN, NK et B de ne plus faire usage du terme “CHICH”, en particulier à titre de promotion commerciale, d’une astreinte définitive de 500 euros par jour de retard passé le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance, pour une durée de six mois ;

– infirmer ladite ordonnance en ce qu’elle a limité à 5 000 euros la condamnation des sociétés TN, NK et B au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire fixée par l’ordonnance de référé du 6 avril 2021, rectifiée par ordonnance du 15 avril 2021 (RG 21/50225 et 21/51741).

Statuant à nouveau de ce chef,

A titre principal,

– liquider l’astreinte provisoire prononcée contre la société NK à 166 000 euros, et donc la condamner à payer à M. [F] et à la société Chiche la somme de 166 000 euros;

– liquider l’astreinte provisoire prononcée contre la société TN à 164 000 euros, et donc la condamner à payer à M. [F] et à la société Chiche la somme de 164 000 euros;

– liquider l’astreinte provisoire prononcée contre la société B à 164 000 euros, et donc la condamner à payer à M. [F] et à la société Chiche la somme de 164 000 euros.

A titre subsidiaire,

– liquider l’astreinte provisoire prononcée contre la société NK à 159 000 euros, et donc la condamner à payer à M. [F] et à la société Chiche la somme de 159 000 euros;

– liquider l’astreinte provisoire prononcée contre la société B à 157 500 euros, et donc la condamner à payer à M. [F] et à la société Chiche la somme de 157 500 euros.

A titre infiniment subsidiaire,

– liquider l’astreinte provisoire prononcée contre la société NK à 105 500 euros, et donc la condamner à payer à M. [F] et à la société Chiche la somme de 105 500 euros;

– liquider l’astreinte provisoire prononcée contre la société B à 135 000 euros, et donc la condamner à payer à M. [F] et à la société Chiche la somme de 135 000 euros.

En tout état de cause,

– condamner les sociétés TN, NK et B à payer à la société Chiche et à M. [F] la somme de 6 000 euros chacune au titre des frais irrépétibles en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner in solidum les sociétés TN, NK et B aux entiers dépens.



L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2023.

Motivation






MOTIFS DE LA DECISION





Sur la liquidation de l’astreinte provisoire



La société TN fait valoir qu’elle n’exploitait plus aucun restaurant sous l’enseigne ou la dénomination CHICH/ CHICH KEBAB depuis plus d’un an et demi avant le prononcé de la liquidation de l’astreinte ; qu’elle n’utilisait plus à titre de promotion commerciale le signe CHICH sur internet et notamment sur les sites pagesjaunes.fr, Yelp, Google, mapstr.com, mappy.com, eatlist.fr et hoodspot.fr ; que les seules mentions restantes sont demeurées en raison d’une cause étrangère, liée à la publication des photos et avis clients restés sur internet ; que la suppression de la fiche commerce a été intentée mais s’avérait en pratique impossible, la seule manière de la supprimer étant d’entamer une procédure judiciaire contre la plateforme ; qu’aucune astreinte n’aurait dû être prononcée contre la société TN laquelle avait dès le prononcé de l’ordonnance changé de dénomination sociale pour devenir Smatch Burger depuis septembre 2020 et n’avait plus aucune raison d’utiliser la dénomination CHICH sur internet à titre de promotion commerciale.



Les sociétés NK et B soutiennent qu’elles ont changé de marque, d’enseigne et de nom commercial au plus vite ; que la recherche d’antériorités a été réalisée le 23 avril 2021 sur le signe LUKS/ LUKS KEBAB soit près de 15 jours après le prononcé de l’ordonnance, et avant même que l’ordonnance ne devienne exécutoire ; qu’après avoir choisi la nouvelle marque, elles ont modifié la devanture avec la nouvelle enseigne LUKS KEBAB ; qu’elles ont également changé l’ensemble des tenues vestimentaires du personnel avec le nouveau logo et entrepris une modification des emballages livrés au mois de mai ; que la date du 19 avril 2021 sur la facture correspond non pas au jour de la commande mais au reçu ; qu’elles ont entrepris du mois de mai au mois de novembre 2021 une campagne de marketing sur les diverses plateformes ; qu’elles ont dûment rempli le formulaire en ligne relatif à la suppression d’informations et se sont heurtées à plusieurs contraintes extérieures à leur volonté concernant notamment la suppression des avis et photos figurant sur Google ; que le nom de domaine chich-paris.fr ne leur appartient pas et qu’elles ne peuvent être responsables des commentaires clients présents sur divers sites internet ; qu’elles ont été contraintes de procéder à des dépenses importantes et à trouver en un temps très court un nouveau nom ; que le temps de traitement relatif au déréférencement du signe CHICH sur internet a été plus important en lien avec la crise sanitaire ; que la société Chiche et M. [F] ne justifient pas d’un préjudice ; qu’il doit être tenu compte des circonstances entourant l’exécution de l’obligation ; que le quantum de l’astreinte doit être réduit à l’euro symbolique.



La société Chiche et M. [F] soutiennent qu’il a été constaté que les sociétés TN, NK et B continuaient d’utiliser le signe Chiche pour désigner leurs restaurants sur des sites internet de référence pour la clientèle (21 mai 2021) mais également dans leurs restaurants (26 mai 2021) ; qu’il a également été constaté que les sociétés NK et B ont continué à l’utiliser respectivement jusqu’au mois de décembre 2021 et février 2022 en se servant frauduleusement d’emballages personnalisés CHICH ; qu’il a été constaté une utilisation sur internet, les 4 mars et 1er avril 2022 ; que les sociétés TN, NK et B ont fait preuve de mauvaise foi et de négligence dans l’exécution de l’ordonnance de référé, sans rapporter la preuve de difficultés ou d’une cause étrangère les ayant empêchées de s’y conformer dans les délais ; que cela justifiait donc une liquidation de l’astreinte selon les prescriptions de l’ordonnance du 6 avril 2021 ; qu’elles ont fait preuve de mauvaise foi et de négligence fautive dans leur déréférencement sur internet en ce que la société B a utilisé le site www.chich-paris.fr encore actif le 6 septembre 2022, que le site www.chich-kebab.com a été fermé tardivement le 25 juillet 2022, que le déréférencement auprès de Google n’a pas été effectué ou en tout cas pas avec succès, que la demande de fermeture de la page Facebook CHICH n’est intervenue que le 20 mai 2021 tandis que la demande de modification des autres sites a été fait encore plus tardivement ; que l’absence de déréférencement sur internet des restaurants CHICH ne résulte pas de difficultés rencontrées ou de causes étrangères aux sociétés TN, NK et B mais bien de négligence de leur part, celles-ci n’ayant pas engagé les démarches requises dans les délais ; que l’astreinte doit se faire selon les prescriptions du jugement qui l’ordonne, à savoir en multipliant le taux journalier par le nombre de jours de retard; qu’il est donc demandé à la cour d’infirmer l’ordonnance du 23 mai 2022 en ce qu’elle a limité l’astreinte à 5 000 euros forfaitaires par société, et de statuer à nouveau sur la liquidation de l’astreinte provisoire par application de l’astreinte fixée de 500 euros et du nombre de jours de retard à prendre en compte.



Sur ce,



Aux termes de l’article L.131-2 du code des procédures civiles d’exécution, l’astreinte est indépendante des dommages-intérêts.



L’astreinte est provisoire ou définitive. L’astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n’ait précisé son caractère définitif.



Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l’une de ces conditions n’a pas été respectée, l’astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire.



Aux termes de l’article L.131-3 du code des procédures civiles d’exécution, l’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir.



L’article L.131-4 du même code dispose : ‘Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.

Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.

L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère’.



L’ordonnance rendue le 6 avril 2021, rectifiée par ordonnance du 15 avril 2021, a été signifiée à la société NK le 19 avril 2021 et aux sociétés TN et B le 22 avril suivant, de sorte que les astreintes ont commencé à courir les 5 et 8 mai 2021.



L’ordonnance de référé litigieuse a notamment ordonné :

‘fait interdiction aux sociétés TN, NK et B de faire usage du terme CHICH sous quelque forme, sur tout support et à quelque titre que ce soit, notamment à titre d’enseigne ou de promotion commerciale, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, laquelle commencera à courir à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance’.



La cour constate, comme le premier juge, qu’il résulte du procès-verbal de constat Internet du 21 mai 2021 que la société B est désignée sur Facebook par le signe ‘CHICH’, avec une adresse e-mail chich.paris13, que la société TN est identifiée par le signe ‘CHICH” sur les sites ‘pagesjaunes.fr’ et ‘yelp’, tout comme la société NK sur le site ‘fodman.com’, et du procès-verbal de constat du 26 mai 2021, que la société NK présente un menu sur son présentoir portant la mention ‘LES NOUVEAUTES CHICH’ et ‘MENU CHICH et que les sacs disposés à l’intérieur du restaurant reproduisant le terme ‘CHICH’, le packaging et les emballages utilisés par la société B, ainsi que les sacs, présentant également le signe ‘CHICH’. Il résulte enfin du procès-verbal du 5 septembre 2021 que, sur le moteur de recherche Google, les mots-clés ‘Chich Kebab Paris’ renvoient au restaurant ‘CHICH’ situé à l’adresse de la société TN, tandis que, sur le site ”deliveroo.fr’, le restaurant exploité par la société B est identifié sous le signe ‘LUKS Kebab (EX: CHICH)’ et toujours désigné sous l’appellation ‘CHICH [Localité 9]’ sur Facebook.



Le juge des référés a également relevé à juste titre que les sociétés TN, NK et B ont procédé à partir de juin 2021 à des commandes de nouveaux emballages, de vêtements étiquettés du personnel et de produits d’exploitation de leur activité afin de se mettre en conformité avec la mesure d’interdiction , et qu’elles établissent avoir sollicité la modification de la page ‘CHICH’ sur Facebook le 20 mai 2021 et la mise en oeuvre de référencement des nouveaux restaurants exploités en juillet et septembre 2021, avec un lancement par la société NK de ‘Facebook Ads/Instagram’ à partir de mai 2021, la suppression de photographies comportant le signe ‘CHICH’ sur Google ayant été sollicitée le 17 novembre 2021.









Il est au demeurant également établi par la production de deux constats d’huissier des 24 et 25 mars 2022 que les sociétés NK et B ont changé leur enseigne, adoptant le signe ‘LUKS KEBAB’ et leurs éléments d’identification tels que les vêtements et les emballages, un autre procès-verbal du 24 mars 2022 établissant en outre que les mots-clés ‘luks kebbab paris 13″ et ‘luks kebbab paris 10″ renvoient aux restaurants exploités par les sociétés NK et B référencés sur de nombreux sites Internet et réseaux sociaux, une campagne promotionnelle ayant été faite sur Youtube pour les restaurants ‘luks kebbab’ et la société TN exploitant désormais un restaurant ‘Smatch.Burger’. Il est enfin justifié d’un courriel de l’agence Com’kani du 18 mars 2022 indiquant avoir procédé à la suppression des redirections du nom de domaine ‘chich-kebab.com’ vers le site de luks-kebab.com, précisant que ce nom de domaine ne sera plus renouvelé à partir du 25 juillet 2022.



Le juge des référés, après avoir ainsi procédé, comme la cour, à l’examen des démarches entreprises par les sociétés TN, NK et B pour se mettre en conformité avec la mesure d’interdiction prononcée sous astreinte, a également pertinemment relevé que les sociétés TN, NK et B n’ont pas procédé au changement des supports digitaux, des devantures des restaurants, des stickers des vitrines, des pancartes et signes à la date du 7 mai 2021, et que des pages émanant du moteur de recherche Google, les plus récentes étant datées du 1er avril 2022, établissent que les mots-clés ‘chich paris’ renvoyaient toujours vers des sites Internet désignant, sous l’appellation ‘Chich restaurant’, les restaurants exploités par les sociétés NK et TN, la page concernant la société TN sur les sites ‘yelp.com’, ‘mapstr.com’, ‘mappy.com’, ‘eat-list.fr’, ‘hoodspot.fr’ et ‘pagesjaunes.fr’ continuant à la désigner sous le signe ‘Chich” et mentionnant un site Internet ‘chich-kebab.com’, le site ‘hoodspot.fr’ décrivant le ‘CHICH’-THE REAL TASTE OF KEBAB’ avec deux adresses ‘CHICH’Place d’Italie’ et ‘CHICH’ Colonel Fabien’ correspondant aux sociétés TN et NK. Par ailleurs, la société B était encore présentée sur Google sous l’appellation ‘Chich [Localité 9]’, l’adresse ‘chich-paris.fr’ étant toujours active pour renvoyer au restaurant ‘LUKS KEBAB’.



La cour considère que si les difficultés d’effacement sur internet doivent être prises en compte, et que les appelantes ne peuvent être tenues responsables de la présence d’avis clients, elles n’ont cependant pas justifié de diligences suffisantes pour être déréférencées sur le moteur de recherche Google à partir du mot-clé ‘CHICH’ afin de ne plus figurer sous cette appellation sur plusieurs sites Internet, et pour que soit supprimé le nom de domaine chich-kebbab.fr, n’ayant pas davantage justifié d’une cause qui leur serait étrangère les ayant empêchées d’y procéder dans les délais requis.



Au vu de ces éléments établissant que l’ordonnance du 6 avril 2021 était incomplètement exécutée, le premier juge a justement liquidé et modéré le montant de l’astreinte provisoire et l’a pertinemment fixée à 5 000 euros pour chaque société TN, NK et B.





Sur le prononcé d’une astreinte définitive



Les sociétés appelantes soutiennent que le juge a la faculté de supprimer l’astreinte en présence d’une impossibilité d’exécution et qu’il ne peut pas prononcer une astreinte en présence d’une telle impossibilité ; qu’en l’espèce il leur était impossible de procéder au déréférencement du signe CHICH sur internet dans les délais impartis ; qu’il n’existe aucune résistance abusive de leur part à exécuter les termes de l’ordonnance précitée, d’autant plus qu’elles ont procédé au changement de leur marque et de leur enseigne dès le prononcé de l’ordonnance et qu’elles ont entrepris toutes les diligences possibles dans les meilleurs délais possibles ; qu’il n’existait donc aucune nécessité impérieuse à la conversion de l’astreinte provisoire en astreinte définitive, dès lors qu’elles se sont bien conformées à l’ordonnance du 6 avril 2021 rectifiée le 15 avril 2021 ; qu’il apparaît déraisonnable de fixer un montant de 500 euros par jour pour une durée de six mois alors que les charges financières supportées par les sociétés appelantes sont élevées à cette date après avoir entrepris plusieurs mesures pour changer de dénomination sociale et d’enseigne ; que l’action de M. [F] et de la société Chiche est une action purement indemnitaire ; que par conséquent il est demandé à la cour d’infirmer l’ordonnance du président du tribunal judiciaire de Paris, en ce qu’il a fixé une astreinte définitive de 500 euros par jours sur une durée de six mois.



Les intimés soutiennent que les sociétés TN, NK et B ne justifient pas avoir réalisé dans les délais les démarches requises pour le déréférencement des restaurants CHICH sur internet, tant auprès des sites litigieux que sur le moteur de recherche Google ; que le 6 septembre 2022, la société B continuait d’utiliser le site www.chich-paris.fr et les restaurants CHICH étaient toujours référencés sur Google ; que face à la mauvaise foi et à la particulière négligence des sociétés appelantes, il apparaît nécessaire de fixer une astreinte définitive de 500 euros par jour de retard pendant une durée de six mois pour que l’ordonnance de référé soit correctement exécutée ; qu’il est donc demandé à la cour de confirmer l’ordonnance.



Sur ce,



Les sociétés TN, NK et B, qui n’ont pas accompli les diligences nécessaires dans les délais requis pour être déréférencées sur le moteur de recherche Google à partir du mot-clé ‘CHICH’ et pour que soit supprimé le nom de domaine chich-kebbab.fr., ne justifient pas d’une impossibilité juridique ou matérielle caractérisant une cause étrangère de nature à supprimer l’astreinte qui a été prononcée.



Au vu de ces éléments démontrant que l’ordonnance du 6 avril 2021 était incomplètement exécutée, le premier juge a pertinemment assorti l’obligation d’une astreinte définitive de 500 euros par jour de retard pour une durée de six mois.




Dispositif

PAR CES MOTIFS,





Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Condamne in solidum les sociétés TN, NK et B aux dépens d’appel, et vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne in solidum à verser à M. [U] [F] et à la société Chiche la somme globale de 5 000 euros.





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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