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12 mai 2020
Cour d’appel de Besançon
RG n°
19/00076
ARRÊT N°
AC/CM
COUR D’APPEL DE BESANÇON
– 172 501 116 00013 –
ARRÊT DU 12 MAI 2020
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 03 mars 2020
N° de rôle : N° RG 19/00076 – N° Portalis DBVG-V-B7D-EBQH
S/appel d’une décision
du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE VESOUL
en date du 27 mai 2008 [RG N° 07/07]
Code affaire : 50A
Demande en nullité de la vente ou d’une clause de la vente
[H] [J] C/ [L] [J]
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [H] [J]
né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 5] – de nationalité française,
demeurant [Adresse 4]
APPELANT
Représenté par Me Claude VICAIRE, avocat au barreau de BESANCON
ET :
Monsieur [L] [J]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 5] – de nationalité française,
demeurant [Adresse 3]
INTIMÉ
Représenté par Me Emilie BAUDRY de la SELARL BALLORIN-BAUDRY, avocat au barreau de HAUTE-SAONE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.
ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER et A. CHIARADIA (magistrat rapporteur), Conseillers.
GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier.
lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre
ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER, et A. CHIARADIA, Conseillers.
L’affaire, plaidée à l’audience du 03 mars 2020 a été mise en délibéré au 07 avril 2020 et prorogée au 12 mai 2020 pour un plus ample délibéré. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
**************
Faits et prétentions des parties
Saisi par jugement d’incompétence du tribunal de commerce de Vesoul-Gray des demandes de M. [L] [J] à l’encontre de M. [H] [J], le tribunal de grande instance de Vesoul, par jugement rendu le 27 mai 2008, a :
– prononcé la résolution de la cession par M. [L] [J] à M. [H] [J] des 829 actions de la SA [J] Industrie en date du 31 octobre 2001,
– condamné M. [H] [J] à payer à M. [L] [J] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– condamné M. [H] [J] aux dépens.
M. [H] [J] a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 22 juillet 2008.
Suivant arrêt prononcé le 24 mars 2010, la cour d’appel de ce siège a :
– déclaré l’appel recevable en la forme,
– sursis à statuer jusqu’à la décision définitive sur la plainte pénale déposée par M. [H] [J] à l’encontre de M. [L] [J],
– ordonné le retrait de l’affaire du rôle.
L’affaire a été rétablie au rôle en suite de l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction de Vesoul le 6 janvier 2017 concernant la plainte pour faux et usage de faux déposée à l’encontre de M. [L] [J].
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 14 mai 2019, M. [H] [J] sollicite la réformation du jugement déféré et demande à la cour de :
à titre principal,
– déclarer les demandes de M. [L] [J] irrecevables, infondées et injustifiées, au besoin en ordonnant toute mesure d’instruction utile,
– « enjoindre, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt, M. [L] [J] à produire l’original de ses pièces n° 1, 2 et 3, le registre des mouvements de titre de la société [J] Industrie depuis 1996, le compte individuel d’actionnaires de [L], [E] et [H] [J], et l’assemblée générale ordinaire de juin 2001 permettant de vérifier le nombre des actions possédées par les enfants [J], antérieurement à la prétendue cession invoquée d’octobre 2001 »,
– condamner M. [L] [J] à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
subsidiairement,
– « constater qu’il n’existe pas de manquement grave dans le règlement du prix de cession des actions et accorder à M. [H] [J] deux années de délai de paiement pour s’acquitter du solde du prix de cession restant dû »,
à titre encore plus subsidiaire, dans l’hypothèse où la résolution serait prononcée,
– « condamner M. [L] [J] à payer à M. [H] [J] la somme de 67 864,40 euros avec intérêts à compter de l’assignation introductive d’instance, outre les intérêts des intérêts »,
en toute hypothèse, « constater que M. [L] [J] demande à tout le moins que le jugement de première instance soit émendé »,
– débouter M. [L] [J] de sa demande à hauteur de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile »,
– condamner M. [L] [J] au paiement de 3 000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ces derniers au profit de M. Claude Vicaire, avocat aux offres de droit.
Selon écritures déposées le 27 mars 2019, M. [L] [J] conclut comme suit :
« Confirmer sur le principe le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Vesoul le 27 mai 2008.
Emendant, prononcer la résiliation de la cession par M. [L] [J] à M. [H] [J] de 829 actions de la SA [J] Industrie en date du 31 octobre 2001 avec effet à la date de l’assignation du 24 avril 2006.
Réformant, condamner M. [H] [J] à payer à M. [L] [J] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Débouter M. [H] [J] de l’intégralité de ses demandes.
Condamner M. [H] [J] à payer en voie d’appel à M. [L] [J] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ».
Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions ci-dessus rappelées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 février 2020.
Motifs de la décision
– Sur les demandes principales,
Les premiers juges ont estimé qu’une cession de droits sociaux était intervenue entre les parties le 31 octobre 2001, cette cession ayant fait l’objet d’une déclaration aux services fiscaux le même jour comportant la signature du cédant et celle du cessionnaire.
Ils ont également tenu compte d’une reconnaissance de dette en date du même jour enregistrée le 30 novembre 2001, par laquelle M. [H] [J], cessionnaire, reconnaissait devoir à son frère, cédant, la somme de 427 764 francs, soit 65 212,20 euros au titre d’un prêt de même montant en contrepartie de la cession de 829 actions de la SA [J] Industrie et s’engageait à rembourser cette somme en une annuité de 109 000 francs (16 616,94 euros) au 30 septembre 2002 puis en sept annuités de 45 537,71 francs (6 942,18 euros) jusqu’en septembre 2009, le prêt faisant l’objet d’une déclaration fiscale en date du 12 février 2002.
Le tribunal a retenu que la signature figurant sur cette reconnaissance de dette correspondait effectivement à celle de M. [H] [J], « par ailleurs auteur et signataire des deux déclarations fiscales du 31 octobre 2001 et du 2 février 2002 » et a estimé que les parties ont eu pour commune intention de permettre au cessionnaire des actions sociales d’en régler le prix par un échelonnement constitutif de délais de paiement sous le qualificatif de prêt.
Il a ajouté que, quand bien même l’existence du prêt litigieux ne serait pas retenue, M. [H] [J] ne rapportait pas la preuve du paiement de la valeur des actions dont il a été le cessionnaire et que l’absence de paiement du prix des actions cédées constituait un manquement grave justifiant la résolution de la cession, la résolution étant seule possible, bien que M. [L] [J] ait demandé la résiliation de la vente, dans la mesure où il s’agissait d’un contrat prévoyant un transfert immédiat de la propriété des actions et non d’un contrat à exécutions successives.
Reprenant l’argumentation développée en première instance et critiquant les conclusions des experts qui ont conduit le juge d’instruction à prononcer, le 6 janvier 2017, un non-lieu dans le cadre de sa plainte pour faux et usage de faux, M. [H] [J] nie avoir accepté les cessions de droits sociaux et signé les reconnaissances de dette correspondantes dont se réclament son frère et sa s’ur ([L] et [E] [J]). Il fait valoir qu’à tout le moins, il n’existe aucune certitude selon laquelle la signature qui lui est imputée de ces actes soit véritablement la sienne, les experts émettant, selon lui, des réserves et n’apportant pas la certitude recherchée.
Il souligne, notamment, que M. [L] [J] ne pouvait lui céder 829 actions dans la mesure où pour ce faire il aurait dû posséder plus de la moitié des actions de la société alors que selon les déclarations de celle-ci chacun des enfants [J] possédait un tiers du capital de 5 000 actions. Il ajoute que M. [L] [J] est dans l’incapacité de justifier du règlement de 427 764 francs qu’il aurait pu lui prêter, ce règlement n’étant jamais intervenu, alors que le prêteur non professionnel doit faire la preuve de la remise de fonds pour en obtenir remboursement, même s’il bénéficie d’une reconnaissance de dette.
Enfin, il soutient que le tribunal n’a pas tiré toutes les conséquences de sa décision lorsqu’il a prononcé la résolution de la cession, de sorte que si celle-ci était confirmée, il y aurait lieu de condamner M. [L] [J] à lui payer la somme de 67 864,40 euros.
M. [L] [J] conteste le règlement d’une telle somme par son frère, lequel, selon attestation de l’expert comptable de la SA [J] Industrie, lui a réglé 2 652,20 euros par des virements bancaires en déduction de son salaire net, selon 4 virements de juillet à octobre 2002, ce qui, selon l’intimé, prouve la réalité de l’engagement contractuel de l’appelant.
M. [L] [J] s’oppose à la demande de production de documents originaux sous astreinte réclamée par M. [H] [J], dans la mesure, notamment où, d’après lui, elle n’a pas d’intérêt eu égard aux expertises en écritures réalisées. Il s’oppose également à la demande subsidiaire de délais de paiement.
Enfin, M. [L] [J] sollicite la résiliation et non la résolution de la vente, compte tenu des conséquences ingérables pour la SA [J] Industrie d’une résolution juridique affectant la période 2001-2006.
L’ordonnance de non-lieu du 6 janvier 2017 ne permet pas de retenir que les documents des 31 octobre 2001, 30 novembre 2001 et 12 février 2002 dont se prévaut M. [L] [J] ont été falsifiés.
Par ailleurs, le fait que le capital de l’entreprise (5 000 actions) ait été réparti, en janvier 2001, en suite de la modification de la forme de la société [J] Industrie, par tiers entre les trois enfants [J], (1 666 actions pour [L], 1 664 pour [E] et 1 662 pour [H]), n’interdit nullement qu’en octobre-novembre de la même année M. [L] [J] ait entendu céder 829 de ses actions à son frère [H].
En outre, la concordance de l’ordre de mouvement du 31 octobre 2001, de la cession de droits sociaux du même jour objet d’une déclaration aux services fiscaux invoquée par M. [L] [J], de la reconnaissance de dette faisant état d’un engagement de M. [H] [J] à régler en huit annuités à M. [L] [J] la somme de 427 764 francs (soit 65 212,20 euros) en contrepartie de la cession de 829 actions de l’entreprise familiale et de la déclaration fiscale du 12 février 2002 rendent les allégations de M. [L] [J] crédibles, que l’opération soit qualifiée de « prêt » à son frère ou de « crédit vendeur ».
Cela est, au demeurant, conforté par les propres allégations de M. [H] [J] qui revendique avoir réglé à M. [L] [J] 2 652,20 euros, ce dont atteste d’ailleurs le comptable de l’entreprise, selon lequel ladite somme a été versée en quatre virements, de juillet à octobre 2002, opérés à partir du salaire de M. [H] [J].
Enfin, ladite cession est d’évidence intervenue puisque, subsidiairement, M. [H] [J] sollicite « deux années de délai pour s’acquitter du solde du prix de cession restant dû ».
Dès lors, sans qu’il soit besoin d’ordonner la production en original des pièces réclamées par M. [H] [J], il s’avère que ce dernier ne s’est pas acquitté de l’obligation contractée auprès de son frère [L], le remboursement opéré jusqu’ici s’étant borné à 2 652,20 euro et la demande de délais subsidiaire formée par l’appelant ne pouvant, par ailleurs, pas raisonnablement prospérer pour intervenir plus de 18 ans après la conclusion de la cession.
Sa demande très subsidiaire en paiement d’une somme de 67 864,40 euros outre intérêts sera également rejetée faute par M. [H] [J] de justifier d’un tel règlement auprès de son frère.
En conséquence, dans la mesure où l’opération litigieuse prévoyait un paiement à échéances successives sur huit années en contrepartie de la cession des 829 actions de la société [J] Industrie, il y a lieu de prononcer la résiliation de ladite cession avec effet à la date de l’assignation initiale du 24 avril 2006, le jugement entrepris étant réformé en ce sens.
– Sur les demandes réciproques en dommages et intérêts,
M. [H] [J] succombant et M. [L] [J] ne justifiant pas davantage en cause d’appel qu’il ne l’avait fait en première instance du préjudice invoqué, leurs demandes respectives en dommages et intérêts doivent être rejetées, le jugement querellé étant confirmé sur ce point.
– Sur les demandes accessoires,
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’intimé la totalité des frais qu’il a dû engager pour se défendre en appel. Une somme de 3 000 euros lui sera donc allouée à ce titre, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Succombant, M. [H] [J] sera condamné aux dépens d’appel, les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance étant, par ailleurs, confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Vesoul en date du 27 mai 2008, sauf à ordonner non pas la résolution de la cession par M. [L] [J] à M. [H] [J] des 829 actions de la société [J] Industrie en date du 31 octobre 2001, mais sa résiliation avec effet à la date de l’assignation du 24 avril 2006.
Y ajoutant,
Déboute M. [H] [J] de ses demandes en production de pièces, en octroi de délais de paiement et en remboursement d’une somme de 67 864,40 euros outre intérêts.
Condamne M. [H] [J] à payer à M. [L] [J] la somme de trois mille (3 000) euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [H] [J] aux dépens d’appel et accorde le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile aux avocats de la cause qui en ont fait la demande.
Ledit arrêt a été signé par Monsieur Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Madame Dominique Borowski, greffier.
Le greffier,le président de chambre