Cession de droits : 24 juin 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 19-81.724

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Cession de droits : 24 juin 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 19-81.724
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24 juin 2020
Cour de cassation
Pourvoi n°
19-81.724

N° Y 19-81.724 F-D

N° 907

SM12
24 JUIN 2020

DECHEANCE
CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JUIN 2020
MM. O… V…, E… I…, Q… H… et la société Pleins feux organisation ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 17 janvier 2019, qui les a condamnés, le premier du chef d’atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics à six mois d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende, le deuxième du chef d’atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics et de complicité de ce délit à six mois d’emprisonnement avec sursis, le troisième du chef de recel à quatre mois d’emprisonnement avec sursis, et la quatrième du chef de recel à 20 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié et de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocats de MM. O… V…, Q… H… et la société Pleins feux organisation, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Mairie de […], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l’audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Mareville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 1er février 2010, le procureur de la chambre régionale des comptes (CRC) du Languedoc-Roussillon a signalé les irrégularités survenues dans la procédure de passation de plusieurs marchés publics conclus par la […] au procureur de la République qui a diligenté une enquête préliminaire permettant d’établir les faits suivants.

3. Tout d’abord, la commune a payé une somme totale de 62 766,46 euros par plusieurs mandats signés par M. I…, directeur général des services de la commune, et tous émis le 19 février 2008 en faveur de la société Avenir JC Decaux (Decaux), en paiement d’une campagne d’affichage commandée en 2007, hors toute procédure de marché public.

4. Au cours de son contrôle, la CRC a également constaté que la commune a payé au cabinet Ernst & Young une somme totale de 151 294 euros pour des contrats d’assistance conclus en 2007, également sans procédure de marché et en l’absence d’un quelconque cahier des charges.

5. Enfin, les investigations ont permis d’établir que la société Pleins feux organisation, qui a pour activité l’organisation de spectacles et pour dirigeant M. H…, a, entre février et juillet 2007, conclu avec la commune neuf contrats de prestations de service, signés par M. V…, hors toute procédure de marché, pour un montant total de 554 422 euros.

6. M. H… a expliqué que les prestations avaient été définies lors de réunions à la mairie en début d’année en présence, notamment, de MM. V… et I…, et qu’une fois le programme arrêté, il avait acheté les programmes choisis aux différents producteurs et les avait revendus à la commune moyennant une marge conséquente.

7. M. V… a reconnu avoir signé trois contrats et rejeté la responsabilité de la gestion des opérations sur M. I… qui a déclaré que M. H…, ami du maire, avait été imposé par ce dernier.

8. A l’issue de l’enquête, M. V… a été cité devant le tribunal correctionnel pour avoir à […], sur le département du Gard, étant investi d’un mandat électif public, en l’espèce maire de […], d’une part, de courant février 2007 à courant novembre 2007, par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public, procuré ou tenté de procurer à autrui un avantage injustifié au préjudice de la […], en l’espèce en faisant réaliser par le cabinet de consultant Ernst & Young deux études pour le compte de la commune, portant sur le remplacement de la taxe d’enlèvement des ordures par une redevance, et sur la situation financière de la ville, pour un montant total de 151 294 euros sans marché à procédure adaptée, et ce alors qu’en 2007, le seuil prévu par le code des marchés publics était fixé à 4 000 euros pour la réalisation d’une telle opération, d’autre part, du 28 mars 2007 au 26 juillet 2007, par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public, procuré ou tenté de procurer à autrui un avantage injustifié au préjudice de la […], en l’espèce en signant avec la société Pleins feux organisation neuf contrats de commandes de spectacles musicaux et d’humoristes pour un montant total de 554 422 euros, hors toute procédure de mise en concurrence, sachant que la société Pleins feux étant un simple intermédiaire qui se contentait de réserver des artistes auprès de producteurs qui eux seuls en avaient l’exclusivité, ne disposait en aucune manière de contrat d’exclusivité avec les artistes.

9. M. Q… I… a été cité, d’une part, du chef de complicité de ces deux délits, d’autre part, pour avoir, à […] et sur le département du Gard, courant février 2007 à courant juillet 2007, agissant pour le compte de M. O… V…, maire de […], en tant que directeur général des services de la commune, par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public, procuré ou tenté de procurer à autrui un avantage injustifié au préjudice de la […], en l’espèce en signant des bons de commandes auprès de la société Decaux pour la mise en place d’une campagne d’affichage pour un montant total de 62 766,46 euros, hors toute procédure de mise en concurrence.

10. M. H… et la société Pleins feux organisation ont été cités pour avoir à […], sur le département du Gard, du 28 mars 2007 au 26 juillet 2007, sciemment recelé la somme de 554 422 euros correspondant au versement de prestations d’intermédiaire pour la fourniture d’artistes et de spectacles à l’occasion des festivités de l’été 2007 hors tout marché à procédure adaptée tel que rendu obligatoire par l’article 28 du code des marchés publics en vigueur au moment des faits qu’il savait provenir, du délit de favoritisme commis par MM. O… V… et E… I… au préjudice de la […].

11. Par jugement en date du 27 janvier 2017, le tribunal correctionnel, après avoir rejeté l’exception de prescription de l’action publique invoquée par les prévenus, a déclaré ces derniers coupables de l’ensemble des faits et les a condamnés, M. V… à quatre mois d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende, M. I… à six mois d’emprisonnement avec sursis, M. H… à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et la société Pleins feux organisation à une amende de 20 000 euros.

12. Sur l’action civile, le tribunal, après avoir constaté que MM. V… et I… avaient commis une faute personnelle détachable des fonctions les a condamnés à indemniser la […] solidairement et dans la limite des faits commis par chacun, avec les autres prévenus.

Déchéance du pourvoi formé par M. I…

13. M. E… I… n’a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l’article 590-1 du code de procédure pénale.

Examen des moyens

Sur les premier moyen, troisième moyen pris en sa cinquième branche, cinquième moyens proposés pour M. V… et sur les deuxième moyen, pris en ses deux premières branches, et troisième moyen proposés pour M. H… et la société Pleins feux organisation

14. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen proposé pour M. V… et sur le premier moyen proposé pour M. H… et la société Pleins feux organisation

Enoncé des moyens

15. Le moyen proposé pour M. V… est pris de la violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l’homme, 432-14 du code pénal, 7, 8 et 593 du code de procédure pénale.

16. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a écarté la prescription de l’action publique du chef d’atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics, alors :

« 1°/ que le délit d’atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics est une infraction instantanée dont le point de départ de la prescription commence à courir à compter du jour de sa commission ; qu’à titre exceptionnel, le point de départ du délai de prescription court, en cas de dissimulation des actes irréguliers, à compter du jour où ces actes dissimulés ont pu être constatés dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique ; qu’en retenant que les bons de commandes et les contrats avaient fait l’objet de délibérations du conseil municipal et en déduisant cependant l’existence d’une dissimulation en ce qu’il n’a pas été possible de vérifier si les règles avaient été respectées, la cour d’appel n’a pas caractérisé une opération occulte mais une négligence de la commune ; que dès lors la cour d’appel a méconnu les articles 6 de la convention européenne des droits de l’homme, 432-14 du code pénal, 7, 8 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu’il n’est pas exigé que les faits aient été connus du ministère public mais seulement que ces faits aient été connus de personnes mises à même d’agir en justice que sont les victimes potentielles ou toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire au sens de l’article 40 du code de procédure pénale ; qu’en énonçant qu’« aucun élément de nature à pouvoir affirmer que l’autorité judiciaire de poursuite était en capacité d’être utilement informée avant la transmission de la note de la CRC en date du 27/04/2012 », la cour d’appel qui a reporté le point de départ de la prescription à la date à laquelle les faits étaient connus du ministère public, a méconnu les articles 6 de la convention européenne des droits de l’homme, 432-14 du code pénal, 7, 8 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que la cour d’appel est tenue de répondre aux moyens des parties ; que le prévenu faisait valoir que le comptable public de la commune ayant pour mission de vérifier le contenu des documents comptables, avait eu connaissance des marchés publics le 4 juillet 2007 ; qu’en s’abstenant de toute réponse à ce moyen, la cour d’appel a de nouveau méconnu les articles 6 de la convention européenne des droits de l’homme, 432-14 du code pénal, 7, 8 et 593 du code de procédure pénale. »

17. Le moyen proposé pour M. H… et la société Pleins feux organisation est pris de la violation de l’article 8 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, critique l’arrêt en ce qu’il a rejeté l’exception de prescription de l’action publique soulevée par M. H… et par la société Pleins feux organisation, alors :

« 1°/ que pour retenir que les actes irréguliers reprochés aux prévenus avaient été accomplis de manière occulte, et reporter en conséquence le point de départ de la prescription de l’action publique visant les faits de favoritisme prétendument commis à l’occasion de la conclusion de contrats portant sur les festivités organisées par la […], la cour d’appel s’est bornée à relever que les contrats litigieux n’avaient été soumis à aucune forme de publicité, en méconnaissance des dispositions légales et réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics ; qu’en se fondant de la sorte sur l’élément matériel de l’infraction poursuivie, dont la constatation est, à elle seule, insusceptible d’établir que les actes irréguliers avaient été dissimulés ou accomplis de manière occulte, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 8 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 ;

2°/ qu’en retenant qu’il importait peu que les festivités, objet des contrats litigieux, aient été rendues publiques et évoquées devant le conseil municipal de […], au motif inopérant qu’il n’avait pas été possible de vérifier, à ces occasions, si les règles des marchés publics avaient été scrupuleusement respectées, cependant qu’il résultait de ces constatations que l’existence des marchés avait été rendue publique et qu’il était dès lors loisible à quiconque de s’enquérir, dès ce moment, des conditions dans lesquelles ils avaient été conclus, la cour d’appel a violé l’article 8 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017. »

 


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