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18 novembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n°
18-16.413
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 novembre 2020
Rejet non spécialement motivé
M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10355 F
Pourvoi n° N 18-16.413
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 NOVEMBRE 2020
1°/ M. N… Y…,
2°/ Mme K… E…, épouse Y…,
domiciliés tous deux […],
3°/ M. M… Y…, domicilié […] , agissant en qualité de liquidateur amiable de la société […] ,
4°/ la société […] , société à responsabilité limitée, dont le siège est […] , prise en la personne de son liquidateur amiable M. M… Y…,
5°/ la société B… et associés, dont le siège est […] , prise en la personne de M. Q… B…, en qualité de liquidateur judiciaire de la société […] ,
ont formé le pourvoi n° N 18-16.413 contre l’arrêt rendu le 27 février 2018 par la cour d’appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. T… A…, domicilié […] ,
2°/ à M. R… A…, domicilié […] ,
3°/ à Mme L… S…, épouse A…, domiciliée […] ,
4°/ à la société Sofar, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
5°/ à la Caisse de crédit mutuel de Roche U…, société coopérative de crédit à capital variable et à responsabilité statutairement limitée, dont le siège est […] ,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. N… Y…, de Mme K… Y…, de M. M… Y…, ès qualités, et des sociétés […] et B… et associés, ès qualités, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Sofar, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la Caisse de crédit mutuel de Roche U…, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de MM. T… et R… A… et de Mme L… S…, épouse A…, et l’avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l’audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Il est donné acte à la société B… et associés de ce qu’elle reprend l’instance en qualité de liquidateur judiciaire de la société […] .
2. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. N… Y…, Mme K… Y… et M. M… Y…, ès qualités, aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. N… Y…, Mme K… Y… et M. M… Y…, ès qualités, et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à MM. T… et R… A… et Mme L… A…, la somme globale de 3 000 euros à la société Sofar et la somme globale de 3 000 euros à la Caisse de crédit mutuel de Roche U… ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l’audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt et signé par Mme Darbois, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, empêché.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. N… Y…, Mme K… Y…, M. M… Y…, ès qualités, la société […] , ès qualités, et la société B… et associés.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté les consorts Y… et la société […] de leurs demandes tendant à la condamnation du cabinet d’expertise comptable Sofar à leur payer la somme de 146 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice causé par le manquement de ce cabinet à son devoir de conseil ainsi que la somme de 20 000 € en réparation de leur préjudice moral, et de les avoir condamnés à payer au cabinet Sofar la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs propres que « Sur les fautes imputées au cabinet Sofar ; que les consorts Y… font grief au cabinet Sofar, expert-comptable « historique » du laboratoire d’avoir manqué à ses obligations en n’appelant pas l’attention de l’acquéreur sur l’importance de Mme I… ; qu’ils estiment que cette omission a influencé le consentement de l’acquéreur, a modifié son appréciation, qu’il a été trompé sur l’objet de l’acquisition ; que le cabinet qui ne pouvait conseiller vendeur et acquéreur aurait manqué à ses devoirs d’assistance, de conseil, d’investigation et d’alerte ; que devant la cour, les critiques des consorts Y… portent en substance sur les éléments suivants : le protocole d’accord signé le 24 mars 2011 s’il identifiait la répartition du capital social entre les associés, ne disait rien de la situation antérieure, situation qui était caractérisée par le fait que Mme I… avait été associée ; que la cession de ses parts, les raisons de cette cession ont été occultées ; que le protocole serait imprécis quant à la qualification de Mme I… décrite comme simple prothésiste dentaire PQ3, aurait dû rappeler sa qualité d’ancienne associée depuis la création de la société ; que le caractère « lapidaire » du protocole se limitant à une liste « sommaire » des six salariés ne permettait pas à l’acheteur d’appréhender la « position patronale », la qualité de « co-propriétaire » de Mme I… ; que le cabinet-comptable aurait dû prévoir une clause de non-concurrence, n’a pas sécurisé la cession ; que la durée de l’accompagnement prévue (deux mois) était insuffisante ; qu’il fait valoir qu’il appartient au cabinet de démontrer qu’il a rempli son devoir d’information et de conseil, qu’il n’était pas lui-même formé à la gestion, était accaparé par les démarches d’obtention de prêt, ne maîtrisait pas les opérations financières en cause ; que le cabinet Sofar fait valoir à juste titre que sa qualité connue d’expert-comptable du vendeur n’empêchait nullement qu’il rédige le protocole d’accord, les actes de cession des parts sociales ; qu’il rappelle que ces actes successifs ont été établis à la demande des deux parties, parties qui étaient d’accord sur l’objet de la vente et le prix, que sa mission ne comprenait nullement une prestation de conseil de l’acquéreur ; que la société Sofar démontre avoir annexé au protocole d’accord qu’elle a rédigé le 24 mars 2011 le bilan de la société au 31 décembre 2010, les statuts de la société ; que les statuts mentionnaient la cession des parts sociales de Mme I… intervenue en février 2011 (cf. statuts mis à jour après cession des parts) ; que M. Y… ne conteste pas cet élément, fait valoir seulement qu’il n’a pas lu les annexes du protocole ; que s’agissant du départ de Mme I…, de son installation future, le cabinet fait observer qu’il ne disposait d’aucune information sur ce départ, que rien ne permettait de l’anticiper à la date de la cession ; qu’il fait observer pareillement qu’il ne lui appartenait pas de suggérer une modification du contrat de travail de Mme I…, de prévoir la stipulation d’une clause de non-concurrence alors que rien ne permettait de présager alors de son installation future ; que la cour relève en effet que Mme I… a attesté avoir envisagé de démissionner courant octobre 2011 après avoir constaté le manque d’investissement de son employeur, avoir décidé de s’installer en novembre après que M. Y… eût refusé de la nommer chef de laboratoire, avoir démissionné en décembre et quitté l’entreprise le 12 février 2012 ; qu’elle impute son départ au seul comportement de M. Y… ; que force est de relever qu’en février 2011, soit un mois avant la signature du compromis, elle avait renoncé à racheter le cabinet, fait le choix de vendre ses parts afin de faciliter la cession, décisions parfaitement cohérentes avec son désir de rester salariée du laboratoire ; que les consorts A… produisent en outre des attestations concordantes qui démontrent que la situation du laboratoire s’est rapidement dégradée du fait des manquements, absences, insuffisances du nouveau gérant ; que le docteur F… atteste le 6 février 2013 n’avoir pu rencontrer le nouveau gérant du fait de rendez-vous annulés, repoussés, précise qu’il était absent lorsque M. A… s’est déplacé pour le lui présenter ; que « Très vite, des incidents se sont répétés ; prothèses non livrées, pas réalisées, non-conformes aux directives données, délais non respectés. Autant de rendez-vous qu’il me fallait en catastrophe annuler, déplacer, reporter, ne respectant plus les plans de traitement prévus avec les patients autant de patients agacés, mécontents, prisonniers de trop nombreux aléas, autant de préjudices pour l’image de mon cabinet, du sérieux, des compétences » ; qu’il indique avoir informé M. Y… sans résultat, avoir perdu confiance et travaillé de moins en moins avec lui … ; que d’autres confrères lui ont relaté les mêmes problèmes ; que sont produites d’autres attestations émanant de professionnels confirmant les dires du vendeur ; que les éléments produits crédibilisent les dires du vendeur et du cabinet Sofar selon lesquels la démission de Mme I… est imputable à la seule gestion de M. Y… entre juin et novembre 2011 ; que s’agissant des modalités relatives à l’accompagnement stipulé, le cabinet Sofar rappelle que le protocole a prévu cet accompagnement ; que l’article 11 intitulé “mise au courant-accompagnement” indiquait que : « M. T… A… accompagnera M. Y… après la reprise pendant une durée de deux mois. Il l’assistera dans la gestion courante de l’entreprise, le présentera à sa clientèle et au fournisseur et le mettra au courant de toutes les affaires en cours, M. A… ne sera pas rémunéré pendant cette période d’accompagnement” ; qu’il appartient à M. Y… de démontrer que la clause est d’une durée inhabituelle en la matière, d’établir son insuffisance, ce qu’il ne fait pas ; que le cabinet fait observer à bon escient que le chiffre d’affaires du laboratoire a baissé de 49% en juillet 2011, de 39% en novembre, de 35% en décembre 2011, que Mme I… a commencé son activité le 27 février 2012 ; qu’il s’induit donc des chiffres précités, chiffres qui ne sont pas contestés, que la relation causale entre les actes rédigés par le cabinet Sofar et les résultats du laboratoire n’est pas démontrée ; qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’acquéreur de ses demandes à l’encontre du cabinet Sofar » (arrêt attaqué, p. 12 à 14) ;
Et que « M. Y… réitère sa demande de condamnation du cabinet Sofar, des vendeurs à lui payer la somme de 20 000 € qui correspond au préjudice moral qu’il subit du fait de sa déconfiture ; qu’il ressort des éléments précités que les fautes qu’il impute au cabinet-comptable et aux vendeurs ne sont en rien établies » (arrêt attaqué, p. 15, §8 et 9).
Et aux motifs adoptés des premiers juges que « Sur les demandes dirigées contre le cabinet d’expertise comptable Sofar ; que les demandeurs exposent que tous les actes ont été établis par le même conseil, le cabinet Sofar, expert-comptable du laboratoire dentaire A… ; qu’ils soutiennent au visa des articles 1147 et 1382 du code civil que le cabinet Sofar a manqué à son devoir de conseil à leur égard en n’attirant pas leur attention sur l’insuffisance d’accompagnement par le vendeur et en ne sécurisant pas la cession afin d’empêcher tout acte de concurrence de la principal du laboratoire et qu’il a failli à son obligation de résultat en ne sécurisant pas la transmission du laboratoire ; que le cabinet Sofar conteste cette argumentation et estime que sa responsabilité ne peut être engagée en l’absence d’une part de toute démonstration d’une faute lui étant imputable et d’autre part d’un préjudice indemnisable en lien avec son intervention ; qu’il est tout d’abord reproché au cabinet d’expert-comptable de ne pas avoir anticipé la démission de Madame I… en vue de s’établir à son compte ; que la démission litigieuse est intervenue plusieurs mois après la signature de la vente du laboratoire et il n’est pas établi que l’expert-comptable était en mesure de connaître l’intention de Mme I…, quant à une éventuelle démission, aucune preuve n’étant rapportée par les demandeurs de ce que cette intention existait déjà lors de la régularisation du protocole d’accord et de ce que les consorts A… et l’expert-comptable en avaient été informés ; que de plus, Monsieur A… avait déclaré dans le protocole d’accord qu’aucune démission et aucun licenciement du personnel du laboratoire n’était en cours ; que cette démission n’était donc pas prévisible contrairement à ce qui est affirmé par les consorts Y… ; le cabinet Sofar souligne également, sans être utilement contredit par les demandeurs, qu’il n’entrait pas dans sa mission, en présence d’un accord entre les parties, de suggérer une modification du contrat de travail de Mme I… ou de la convention de cession des parts d’associée pour y introduire une clause de non-concurrence et qu’il ne disposait en tout état de cause d’aucun moyen de faire intervenir celle-ci à la signature du protocole d’accord de cession du laboratoire auquel elle n’était pas partie ; que sur l’insuffisance d’accompagnement du vendeur, l’expert-comptable note que la clause d’accompagnement figurant dans le protocole d’accord stipulait clairement une durée d’accompagnement de deux mois et qu’il n’est pas démontré que M. A… a failli à son obligation d’assistance ; qu’en outre, l’obligation de résultat de l’expert-comptable sur ce point portait sur la validité de l’acte mais pas sur la vérification du respect par les parties de leurs engagements respectifs ; qu’aucune faute et aucun manquement de la Sofar à son obligation de conseil et d’assistance n’est établi ; qu’au surplus, il ressort de l’examen de l’évolution du chiffre d’affaires du laboratoire A…/Y… sur les exercices 2010/2011 (pièce 11 de la Sofar) que le chiffre d’affaires a enregistré des baisses dès le mois de juillet 2011, puis en août, novembre et décembre 2011, alors que l’activité du laboratoire I… n’a démarré qu’à compter du mois de mars 2012, ce qui démontre que la baisse du chiffre d’affaires est consécutive à une mauvaise gestion du laboratoire par M. Y… et à une perte de confiance des chirurgiens-dentistes les ayant conduit à ne plus travailler avec le laboratoire ; que dès lors, aucune preuve d’un lien de causalité direct et certain entre l’intervention de la Sofar et le préjudice allégué par les demandeurs n’est établie ; que la responsabilité du cabinet Sofar n’est pas engagée et les demandes dirigées à son encontre seront rejetées » (jugement entrepris, p. 5 et 6) ;
Et que « M… Y… sera débouté de sa demande non justifiée au titre d’un préjudice moral » (jugement entrepris, p. 8, §3).
1) Alors que l’expert-comptable qui accepte, dans l’exercice de ses activités juridiques accessoires, d’établir un acte de cession de droits sociaux pour le compte d’autrui, est tenu, en sa qualité de rédacteur, d’informer et d’éclairer de manière complète les parties sur les effets et la portée de l’opération projetée ; qu’en retenant que la mission du cabinet Sofar, expert-comptable ayant rédigé le protocole d’accord du 24 mars 2011 ainsi que l’acte de cession de parts du 3 juin 2011, ne comportait nullement une prestation de conseil de l’acquéreur, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble l’article 22 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 modifiée réglementant la profession d’expert-comptable ;
2) Alors que l’expert-comptable rédacteur d’acte, débiteur d’une obligation de conseil vis-à-vis des parties, est tenu de se renseigner sur les caractéristiques de l’opération envisagée ; qu’en écartant toute faute du cabinet Sofar au constat qu’il ne disposait d’aucune information sur le départ envisagé par Mme I…, quand il lui incombait, au titre de son obligation de conseil, de se renseigner sur la possibilité d’une installation future de celle-ci, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble l’article 22 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 modifiée réglementant la profession d’expert-comptable ;
3) Alors que l’expert-comptable rédacteur d’acte a l’obligation d’attirer l’attention de l’acquéreur sur la nécessité de conserver certains salariés qu’il sait indispensables à la pérennité de l’entreprise ; qu’en jugeant qu’il n’appartenait pas au cabinet Sofar de suggérer une modification du contrat de travail de Mme I… en prévoyant la stipulation d’une clause de non-concurrence, quand il avait pourtant connaissance du caractère indispensable de celle-ci au sein du Laboratoire, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble l’article 22 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 modifiée réglementant la profession d’expert-comptable.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté les consorts Y… et la société […] de leur demande tendant à voir condamner les consorts A… à leur payer la somme de 146 000 € à titre de dommages-intérêts pour s’être abstenus de les informer sur la position de Mme I… au sein du cabinet dentaire, ainsi que la somme de 20 000 € en réparation de leur préjudice moral, de les avoir condamnés à payer aux consorts A… la somme de 1 500 € chacun en réparation de leur préjudice moral et de les avoir condamnés à payer aux consorts A… la somme de 6 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs propres que « sur les fautes du vendeur ; que l’article 1116 ancien du code civil prévoit que l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet ; qu’elle n’est point une cause de nullité, lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a l’intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention » ; que M. Y… fait grief au vendeur de ne pas l’avoir informé de la place spécifique qu’occupait Mme I… qualifiée de « dauphine appelée à succéder » ; qu’il soutient que s’il avait eu conscience de l’importance de Mme I… dans le laboratoire, de l’impossibilité de pouvoir s’imposer face à une personne qui connaissait le laboratoire mieux que lui, personne qui avait été formée pour le reprendre, qui considérait être dans son entreprise, il n’aurait pas acquis le laboratoire ; que le tribunal a relevé que la situation de Mme I… était parfaitement connue de l’acquéreur puisque le protocole d’accord du 24 mars 2011 indiquait qu’elle était salariée prothésiste dentaire du laboratoire depuis juin 2000, et qu’elle avait été associée du laboratoire avant de céder ses parts le 21 février 2011 à M. A… ; que l’acte final de cession, reprend également la cession de parts du 21 février 2011 au titre de l’origine de propriété des parts ; que force est de rappeler que le personnel du laboratoire se limitait à cinq personnes dont trois prothésistes dentaires, que l’acquéreur avait une connaissance précise de la qualification, de l’ancienneté de la salariée, que l’acquéreur ne saurait faire grief au vendeur de sa négligence ; que la cour observe de plus que la qualification et l’expérience de Mme I… étaient connues de l’acquéreur, constituaient une plus-value au regard de son jeune âge, que l’acquéreur ne démontre pas en quoi le fait que Mme I… ait effectivement envisagé de succéder à M. T… avant d’y renoncer et ait détenu dans le passé des parts qu’elle avait cédées, transformait cette plus-value en handicap, handicap qui l’aurait conduit à renoncer à la vente s’il en avait été conscient ; qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu l’absence de toute réticence dolosive imputable à l’acquéreur » (arrêt attaqué, p. 14) ;
Et que « M. Y… réitère sa demande de condamnation du cabinet Sofar, des vendeurs à lui payer la somme de 20 000 € qui correspond au préjudice moral qu’il subit du fait de sa déconfiture ; qu’il ressort des éléments précités que les fautes qu’il impute au cabinet-comptable et aux vendeurs ne sont en rien établies ; (
) ; que les vendeurs demandent la condamnation des acquéreurs à leur payer une somme de 9 000 € au motif que la procédure est abusive ; qu’ils produisent des attestations concordantes et des certificats médicaux qui établissent que la procédure engagée a causé une souffrance psychologique qui excède l’inquiétude, les contrariétés habituellement éprouvées du fait d’un procès ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné l’acquéreur à payer aux vendeurs une somme de 1 500 € chacun en réparation du préjudice psychologique causé » (arrêt attaqué, p. 15, §8, 9, et 12 à 14).
Et aux motifs adoptés des premiers juges que « Sur les demandes dirigées contre les consorts A… ; que les demandeurs soutiennent au visa des articles 1110, 1116 et 1382 du code civil que les consorts A… ont engagé leur responsabilité à leur égard lors de la vente du laboratoire ; qu’ils considèrent avoir été victimes d’une part d’une erreur provoquée par le silence des vendeurs sur un fait substantiel de ce qu’ils rachetaient, à savoir la décision historique de la première salariée du laboratoire Madame J… épouse I… de devenir non salariée, d’autre part d’un vice du consentement, le délai d’accompagnement de deux mois pour la mise au courant du cessionnaire étant insuffisant ; que les consorts A… s’opposent à cette argumentation ; qu’ils soutiennent que lors de la vente, ils ne connaissaient pas les intentions de Mme I… de s’installer, qu’ils ne pouvaient donc en informer les acquéreurs, que la durée d’accompagnement était clairement stipulée dans l’acte de cession, qu’ainsi l’acquisition s’est faite en pleine connaissance de cause ; que plusieurs point ne sont pas contestés ; qu’il est ainsi établi que Mme J… épouse I… a envisagé de racheter le laboratoire lors du départ en retraite de M. T… A… prévu à l’été 2011, qu’au début de l’année 2011, elle a renoncé à la réalisation de ce projet, en raison de sa situation familiale (naissance de sa fille en […]) et a cédé le 21 février 2011 à M. T… A… sa participation d’associée dans le laboratoire tout en restant salariée ; que c’est dans ces conditions que les consorts A… ont recherché un autre acquéreur pour le laboratoire et que la vente a finalement été signée au profit de la société […] le 3 juin 2011 ; que pour autant, il n’est nullement démontré par les acquéreurs qu’à cette date Mme I… avait l’intention de s’installer à son compte, qu’elle en avait informé les consorts A… et qu’ils auraient agi de concert à l’insu de M. Y…, le fait qu’elle ne soit plus associée du laboratoire lui donnant une totale liberté d’installation ; qu’il ressort de l’attestation de Mme I… qu’elle a pris la décision de s’installer en novembre 2011, compte tenu des difficultés qu’elle rencontrait à travailler avec M. Y… et de l’incompétence de celui-ci dans la gestion de l’entreprise, la désorganisation du laboratoire étant par ailleurs attestée par six chirurgiens-dentistes travaillant avec le laboratoire ; que ni le témoignage de Mme P… qui situe en juillet 2011 la proposition faite par Mme I… à l’ensemble du personnel d’embauche en vue d’une prochaine installation, ni le fait que Mme I… ait suivi des formations en 2009/2010 en vue de la reprise d’entreprise, ne prouve qu’elle avait projeté, avant le 3 juin 2011, de démissionner et de s’installer à son compte une fois la cession du laboratoire réalisée, et, a fortiori, que les consorts A… avaient connaissance de ce projet ; qu’au surplus, la situation de Mme I… J… au sein du laboratoire était parfaitement connue des acquéreurs puisqu’il est indiqué dans le protocole d’accord du 24 mars 2011 qu’elle était salariée prothésiste du laboratoire depuis juin 2000, et qu’elle avait été associée du laboratoire avant de céder ses parts le 21 février 2011 à M. T… A… ; que l’acte final de cession reprend également la cession de parts du 21 février 2011 au titre de l’origine de propriété des parts ; que Mme I… demeurant salariée du laboratoire après la cession de ses parts d’associée, M. A… souligne à juste titre qu’il n’avait pas d’obligation de lui imposer une modification de son contrat de travail et d’y inclure une clause de non-concurrence ; que les demandeurs ne rapportent donc pas la preuve d’une dissimulation d’information lors de la cession ou d’une faute des vendeurs en lien de causalité avec le préjudice qu’ils allèguent ; qu’en ce qui concerne la durée d’accompagnement de deux mois pour la mise au courant du cessionnaire, celle-ci figurant expressément dans le protocole d’accord, les consorts Y… ne sont pas fondés à soutenir que leur consentement aurait été vicié sur ce point ; qu’ils ne démontrent pas davantage que cette durée était insuffisante pour permettre la transmission du laboratoire ; que les consorts A… n’ont pas engagé leur responsabilité à l’égard des acquéreurs qui seront déboutés de leurs demandes dirigées à leur encontre » (jugement entreprise, p. 4 et 5) ;
Que « M… Y… sera débouté de sa demande non justifiée au titre d’un préjudice moral » (jugement entrepris, p. 8, §3) ;
Et que « M. T… A…, Mme L… A… et Monsieur R… A… ne démontrent pas le caractère abusif de la présente procédure ; qu’ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts à ce titre ; qu’ils ont incontestablement subi un préjudice moral et il leur sera alloué à ce titre la somme de 1 500 € chacun, au paiement de laquelle seront condamnés in solidum les époux Y…, et la société […] représentée par son liquidateur » (jugement entrepris, p. 7 in fine et p. 8 in limine) ;
1) Alors que les juges du fond sont tenus de ne pas dénaturer les écrits clairs et précis soumis à leur examen par les parties ; que le protocole d’accord du 24 mars 2011 signé entre les consorts A… et M. M… Y… indique que le capital social de la société Laboratoires dentaire T… A… est divisé en 1 500 parts réparties entre M. T… A…, Mme L… A… et M. R… A… (p. 2 in limine) ; qu’il indique en outre que Mme C… J… épouse I… est salariée de cette société en tant que « prothésiste dentaire PQ3 sous contrat à durée indéterminée avec une ancienneté de juin 2000 » (art. 4 in fine) ; qu’en retenant que la situation d’ancien associé de Mme I… était parfaitement connue de l’acquéreur dès lors que le protocole d’accord du 24 mars 2011 indiquait qu’elle était salariée prothésiste dentaire du laboratoire depuis juin 2000 et qu’elle avait été associée du laboratoire avant de céder ses parts le 21 février 2011 à M. A…, quand ce protocole ne contenait aucune information relative à la qualité d’ancienne associée de Mme I…, la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l’article 1192 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
2) Alors que le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant au cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter ; qu’en retenant que M. Y… était parfaitement informé de la situation de Mme I… au moment de l’acquisition des parts de la société Laboratoires dentaire T… A…, dès lors que le protocole d’accord du 24 mars 2011 indiquait qu’elle était prothésiste dentaire du laboratoire depuis juin 2000 et qu’elle avait été associée du laboratoire avant de céder ses parts le 21 février 2011 à M. A…, et que l’acte final de cession reprenait également la cession de parts du 21 février 2011 au titre de l’origine de propriété de ses parts, sans expliquer, comme elle y était invitée (cf. conclusions d’appel des exposants, p. 14 à 17), en quoi ces circonstances permettaient à M. Y… d’appréhender la position privilégiée de Mme I… au sein du laboratoire, de sorte qu’elle excluait toute réticence dolosive des vendeurs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1382 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.