Cession de droits : 9 juin 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/18210

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Cession de droits : 9 juin 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/18210
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9 juin 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/18210

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2022

N° 2022/208

N° RG 21/18210 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIS4N

Société MILOR SPA

C/

[K] [D]

SAS RED LUXURY JEWELRY

S.A.S. TANA

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Chloé LANCESSEUR

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Me Renata JARRE

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance d’incident du Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en date du 23 Novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/01297.

APPELANTE

Société MILOR SPA, dont le siège social est sis [Adresse 5] – ITALIE

représentée par Me Chloé LANCESSEUR, avocat au barreau d’AIX-EN- PROVENCE, assistée de Me Isabelle MARCUS MANDEL, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEES

Madame [K] [D]

née le 23 Juin 1971 à [Localité 4] (13), demeurant [Adresse 1] – ETATS UNIS

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON- THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Olivier RENAULT, avocat au barreau de PARIS

SAS RED LUXURY JEWELRY, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON- THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Olivier RENAULT, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. TANA, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Renata JARRE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Mathieu PAGENEL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Pierre CALLOCH, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte en date du 27 janvier 2021, la société RED LUXURY JEWELRY et madame [K] [D] ont fait assigner la société MILOR et la société TANA devant le Tribunal judiciaire de MARSEILLE en contrefaçon de droit d’auteur portant sur le modèle de bague dénommé DISC RING et subsidiairement en concurrence déloyale et parasitaire.

Par conclusions notifiées le 5 juillet 2021, la société MILOR a saisi le juge de la mise en état d’un incident tendant à faire déclarer la demande irrecevable pour défaut de qualité à agir.

Suivant ordonnance en date du 23 novembre 2021, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non recevoir et sur demande reconventionnelle a fait injonction à la société MILOR de communiquer sous astreinte de 500 € par jour de retard l’identité et l’adresse des fabricants du modèle DISC RING et l’identité et l’adresse des clients revendeurs ainsi que les quantités et le prix des modèles argués de contrefaçon.

La société MILOR a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration enregistrée au greffe le 13 décembre 2021.

A l’appui de son appel, par conclusions déposées par voie électronique le 26 avril 2022, la société MILOR répond à l’irrecevabilité soulevée par la société RED LUXURY et madame [D] concernant l’appel interjeté concernant les mesures prononcées en application de l’article L 331-1-2 du Code de la propriété intellectuelle en soutenant que ce moyen n’est lui-même pas recevable, relevant de la compétence exclusive du président de la chambre en application des articles 905-1 et 905-2 du code de procédure civile.

Sur le fond, la société MILOR soutient que la présomption de titularité des droits d’auteur prévue par les articles L 1113-1 et L 113-5 du Code de la propriété intellectuelle ne peut s’appliquer dès lors qu’une personne physique, madame [D], revendique être l’auteur. Elle conteste que les documents versés aux débats, notamment un jugement du tribunal de commerce d’EVRY, le dépôt FIDEALIS et le contrat de licence exclusif, ce dernier étant relatif à la cession de marques et de dessins et modèles, établissent l’existence d’une cession valable de ses droits par madame [D] à la société RED LUXURY. Elle invoque en outre la nullité du dit contrat de cession, celui ci portant sur des modèles non existant et non déterminés et son caractère non opposable faute d’enregistrement auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle.

Sur les mesures de communication, elle affirme que celles ci portent atteintes au secret des affaires et qu’en toute hypothèse les intimés ne justifient pas de leur qualité de détenteurs de droit d’auteur. Elle conclut en conséquence à l’irrecevabilité des demandes d’irrecevabilité partielle formées par les intimés, à l’irrecevabilité de leurs demandes sur le fond en l’absence de preuve sur la titularité des droits et en toute hypothèse au débouté de la société RED LUXURY JEWELRY, celles ci étant condamnées à verser une somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame [D] et la société RED LUXURY JEWELRY, par conclusions déposées par voie électronique le 22 avril 2022, demandent à la cour de confirmer l’ordonnance ayant rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir. Elles affirment que la qualité d’auteur de madame [D] est établie au vu des documents versés aux débats ainsi

que la régularité de la cession des droits d’auteur, par acte daté du 15 décembre 2017. Les intimés invoquent en toute hypothèse la présomption de titularité des droits d’auteur du fait de l’exploitation du modèle par la société RED LUXURY JEWELRY.

Madame [D] et la société RED LUXURY JEWELRY soulèvent l’irrecevabilité de l’appel concernant les mesures de communication en application de l’article 795 du code de procédure civile, irrecevabilité relevant de la cour statuant au fond. Sur le fond, elles concluent subsidiairement à la confirmation de la décision sur ce point, excipant de leur qualité à demander les informations et de la proportionnalité des mesures. Elles concluent en toute hypothèse à la condamnation de la société MILOR à leur verser à chacune la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société TANA, par conclusions déposées par voie électronique le 25 avril 2022, demande à la cour, dans l’hypothèse où l’ordonnance serait infirmée sur la recevabilité de l’action des sociétés RED LUXURY et madame [D] de juger que la société RED LUXURY JEWELRY elle-même est irrecevable à agir à son encontre.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’appel concernant les mesures prononcées en application de l’article L 331-1-2 du Code de la propriété intellectuelle

L’article 905-2 du code de procédure civile dispose en son dernier alinéa que les ordonnances du président ou du magistrat désigné par le premier président de la chambre saisie statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application du présent article et de l’article 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal.

Il se déduit de cette disposition que le président de la chambre statuant dans le cadre de la procédure définie par l’article 905 du code de procédure civile est compétent pour connaître des caducités et irrecevabilités prévues par l’article 905-2, mais nullement pour statuer sur l’irrecevabilité de l’appel en application de l’article 795 relatif aux ordonnances du juge de la mise en état ; de surcroît, à supposer cette compétence établie, force est de constater que contrairement à ce qu’édicte l’article 914 relatif à la compétence du conseiller de la mise en état, aucune disposition du code de procédure civile ne prévoit que le président ‘ est seul compétent depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction ‘; en l’absence de compétence exclusive du président, il convient de retenir que la cour est elle-même compétente pour statuer sur l’irrecevabilité d’un appel fondé sur les dispositions de l’article 795 du code de procédure civile.

L’article 795 du code de procédure civile dispose que les décisions du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d’appel ou de pourvoi en cassation qu’avec le jugement sur le fond ; il prévoit dans ses alinéa suivants diverses exceptions à ce principe, mais aucune relative au droit d’information prévu par les dispositions de l’article L 331-1-2 du Code de la propriété intellectuelle; par ailleurs, la société MILOR n’a pas formé de demande auprès du premier président afin d’être autorisé à interjeter appel de la décision dans les conditions prévues par les articles 272 et 380 relatifs à l’appel en matière d’expertise et de sursis à statuer; c’est dès lors à bon droit que madame [D] et la société RED LUXURY JEWELRY soulèvent l’irrecevabilité de l’appel formé sur ce chef à l’encontre de la décision du juge de la mise en état.

Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de madame [D] et de la société RED LUXURY JEWELRY

L’article L 113-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée ; cette présomption n’est édictée qu’au bénéfice des personnes physiques, et est sans incidence sur l’identification du titulaire des droits patrimoniaux attachés à l’oeuvre.

En l’espèce, madame [D] verse aux débats des contrats de licence de marques et de modèles dans lesquelles elle est décrite comme l’auteur des bijoux commercialisés sous la marque GINETTE NY, ainsi que des catalogues établissant que le modèle DISC RING a été commercialisé sous cette marque; elle verse en outre un extrait de presse (magazine AIR FRANCE, pièce 19) l’identifiant comme créatrice des bijoux commercialisés sous la marque GINETTE NY; elle apparaît dès lors fondée à invoquer la présomption de l’article L 113-1 du Code de la propriété intellectuelle, observation étant faite que la société MILOR n’apporte aucun élément de nature à lui contester la qualité d’auteur.

La société RED LUXURY JEWELRY verse aux débats un contrat intitulé ‘contrat de licence exclusive de marques et de dessins et modèles’ (pièce intimées 8), daté du 15 décembre 2017, conclu avec madame [D] et par lequel madame [D] s’engage à concéder de manière exclusive à son cocontractant l’exploitation des dessins et modèles des marques GINETTE NY; il résulte de ce contrat, ainsi que l’ont analysé et interprété les premiers juges, que madame [D] a concédé à la société RED LUXURY JEWELRY l’exploitation de l’intégralité des modèles par elle créée, et ceux à venir ; il résulte du catalogue ‘Fall 10″ qu’à la date de la signature de contrat de licence d’exploitation, madame [D] avait déjà créé le modèle DISC RING ; c’est donc à bon droit que les premiers juges ont interprété cette convention comme une cession par madame [D] de ses créations, et il importe peu que le modèle DISC RING ne soit pas expressément désigné dans le corps de la convention ou dans l’une de ses annexes ; la prohibition de l’article L 131-1 du Code de la propriété intellectuelle concernant les oeuvres futures ne peut être invoquée par la société MILOR en ce qui concerne cette oeuvre DISC RING dont l’existence est établie au jour de la signature de la cession ; enfin, l’existence d’une chaîne de cession des droits d’exploitation, telle que rappelée au demeurant dans le contrat du 15 décembre 2017, n’est pas de nature à annuler cette cession dès lors que la qualité d’auteur de madame [D] du modèle considéré est établie.

L’article L 714-7 du Code de la propriété intellectuelle invoqué par la société MILOR pour faire déclarer le contrat non opposable à son égard concerne les contrats de cession de marque, et non les contrats de cession de droits d’auteur ; le livre 1 du Code de la propriété intellectuelle relatif au droit d’auteur ne prévoit aucune disposition en ce sens ; Le contrat daté du 15 décembre 2017 entraîne à la fois la cession des marques déposées par madame [D] et, ainsi qu’il a été analysé, cession de ses droits d’auteur sur les modèles par elle créés ; en l’absence de dispositions spécifiques, ce contrat, même s’il n’a pas été enregistré au registre national des marques, apparaît opposable aux tiers ; il établit les droits de cessionnaire de la société RED LUXURY JEWELRY, et c’est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non recevoir tirée par la société MILOR de l’absence de qualité et d’intérêt à agir.

Il convient en conséquence de confirmer la décision ayant rejeté la fin de non recevoir présentée par la société MILOR.

Sur les demandes accessoires

En l’état de la procédure, le fond du litige n’ayant pas été tranché, il serait inéquitable de faire application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de l’une quelconque des parties.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

– DÉCLARE irrecevable l’appel interjeté par la société MILOR en ce qui concerne les dispositions de l’ordonnance du juge de la mise en état datée du 23 novembre 2021 prises en application de l’article L 331-1-2 du Code de la propriété intellectuelle.

– CONFIRME l’ordonnance du juge de la mise en état ayant rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société MILOR.

Ajoutant à la décision déférée,

– DÉBOUTE les parties de leurs demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– MET les dépens à la charge de la société MILOR.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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