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4 juillet 2022
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
19/06227
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 04 JUILLET 2022
N° RG 19/06227 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LKTF
Madame [X] [P]
Madame [K] [P] ÉPOUSE [O]
c/
Monsieur [H] [M]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 novembre 2019 (R.G. 2018003701) par le Tribunal de Commerce d’ANGOULÊME suivant déclaration d’appel du 27 novembre 2019
APPELANT :
Madame [X] [P], née le 21 Juillet 1948 à [Localité 4], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Madame [K] [P] ÉPOUSE [O], née le 06 Mars 1959 à [Localité 3], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représentées par Maître Caroline PECHIER de la SELARL JURICA, avocat au barreau de CHARENTE
INTIMÉ :
Monsieur [H] [M], né le 24 Août 1980 à [Localité 6], de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]
représenté par Maître Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assisté par Maître Philippe BERTAUX, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 31 mai 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie PIGNON, Président chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nathalie PIGNON, Présidente,
Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
M. [F], administrateur et directeur général de la société Soliere a proposé à M. [N] [P], par l’intermédiaire de sa fille, Mme [X] [P], l’achat de l’action qu’il détenait auprès de ladite société pour un montant de 700 euros, par courrier du 27 juin 2017.
Par courrier du 24 août 2017, M. [P] a indiqué : ‘En réponse à votre lettre du 27 juin dernier, je vous confirme que je souhaite céder ma part de la société SOLIERE SA à [H] [M]. La valeur de cette part étant de 700 euros’.
Par courrier du 29 juin 2018, M. [H] [M], a adressé à M. [P] l’ordre de mouvement et un chèque de 800 euros.
Par courrier en date du 22 juillet 2018, un courrier de M. [N] [P] a informé M. [H] [M] qu’il n’était plus désireux de céder sa part dans la société Solière SA.
Par courrier du 14 septembre 2018, M. [M] a vainement mis en demeure M. [P] d’avoir à régulariser la vente conclue entre les parties, puis par acte d’huissier du 18 septembre 2018, il l’a assigné devant le tribunal de commerce d’Angoulême aux fins de dire et juger parfaite la vente de l’action détenue par M. [P].
Par jugement contradictoire du 14 novembre 2019, le tribunal de commerce d’Angoulême a :
– jugé parfaite la vente à Monsieur [H] [M] de l’action détenue par Monsieur [N] [P] au sein du capital social de la société Soliere pour un prix de 700 euros,
– ordonné la réalisation de la vente à Monsieur [H] [M] de l’action détenue par Monsieur [N] [P] au sein du capital social de la société Soliere pour un prix de 700 euros,
– ordonné à Monsieur [N] [P] de signer l’ordre de mouvement emportant cession de son action au profit de Monsieur [H] [M] et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification au présent jugement,
– dit qu’à défaut de signature par Monsieur [N] [P], de l’ordre de mouvement dans le délai précité, le présent jugement emportera transfert de propriété de l’action concernée,
– condamné Monsieur [N] [P] à payer à Monsieur [H] [M] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Monsieur [N] [P] à tous les dépens,
– débouté les parties de leurs demandes entres, plus amples ou contraires.
Par déclaration du 27 novembre 2019, M. [P] a interjeté appel de cette décision à l’encontre de l’ensemble des chefs qu’il a expressément énumérés, intimant M. [M].
Le 24 janvier 2020, une mesure de médiation judiciaire a été proposée aux parties, qui n’ont pas donné suite à cette proposition.
Le 4 avril 2020, M. [P] est décédé, laissant pour lui succéder deux héritières, Mmes [X] et [K] [P].
Par conclusions du 6 mai 2022, Mmes [X] et [K] [P] sont intervenues volontairement à la présente instance.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions d’intervention volontaire et de reprise d’instance transmises par RPVA le 6 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, Mmes [X] et [K] [P] demandent à la cour de :
– leur donner acte de leur intervention volontaire et de la reprise à leur compte de l’instance engagée par leur père de son vivant, du fait de leur qualité d’héritières de M. [N] [P],
– leur adjuger en conséquence l’entier bénéfice des écritures antérieurement signifiées au nom de M. [N] [P],
– en conséquence,
– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Angoulême le 14 novembre 2019 dans l’ensemble de ses dispositions,
– statuant à nouveau,
– rejeter l’ensemble des demandes formées par Monsieur [M],
– condamner Monsieur [H] [M] à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d’appel de Bordeaux,
– condamner Monsieur [H] [M] à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal de commerce d’Angoulême,
– condamner le même aux entiers dépens d’appel ainsi qu’à ceux exposés devant le tribunal de commerce d’Angoulême.
Mmes [X] et [K] [P] font valoir qu’en vertu de l’article L 228-1 in fine du code de commerce, le transfert de propriété résulte de l’inscription des valeurs mobilières au compte de l’acheteur, et que M. [M] ne peut par conséquent invoquer un droit antérieur qui n’existe plus et qui a été réformé pour fonder ses demandes.
Subsidiairement; elles soutiennent qu’aucun échange de consentements n’est intervenu, qu’il n’y a pas eu d’accord entre les parties sur la chose et le prix, de sorte que la vente ne peut être considérée comme parfaite.
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 7 janvier 2021, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, M. [M] demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le Jugement du tribunal de commerce d’Angoulême du 14 novembre 2019 en ce qu’il a fait droit à l’ensemble de ses prétentions,
– débouter Madame [K] [P] et Madame [X] [P] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
– en conséquence,
– dire et juger parfaite au sens de l’article 1583 du Code civil la vente à son profit de l’action détenue par Monsieur [N] [P] au sein du capital social de la société Soliere pour un prix de 700 euros,
– ordonner la réalisation de la vente à son profit de l’action détenue par M. [N] [P] au sein du capital social de la société Soliere pour un prix de 700 euros,
– ordonner à Madame [K] [P] et Madame [X] [P] de signer l’ordre de mouvement emportant cession de l’action de feu Monsieur [N] [P] à son profit et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification du Jugement à intervenir,
– dire qu’à défaut de signature de l’ordre de mouvement emportant cession de l’action de feu Monsieur [N] [P] à son profit dans le délai précité, le jugement à intervenir emportera transfert de propriété de l’action concernée,
– condamner in solidum Madame [K] [P] et Madame [X] [P] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum Madame [K] [P] et Madame [X] [P] aux entiers dépens.
M. [M] fait notamment valoir que son offre d’achat ainsi que l’acceptation de M. [P] sont valides et qu’ainsi les parties se sont parfaitement entendues sur la chose et le prix ; que M. [P] ne pouvait pas valablement rétracter son acceptation.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 mai 2022 et le dossier a été fixé à l’audience du 31 mai 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les appelantes soutiennent qu’aucune inscription au compte de M. [M] n’ayant été effectuée, celui-ci ne peut se prétendre propriétaire de l’action qui était détenue par M. [N] [P].
L’intimé réplique que le fait que le transfert de propriété de droits sociaux puisse résulter d’une inscription en compte n’enlève rien au fait que le caractère parfait d’une cession de droits sociaux obéisse au principe du consensualisme par l’existence d’un accord de volonté entre les parties.
Les articles 1582 et 1583 du code civil disposent que ‘la vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose et l’autre à la payer’ et qu’elle est ‘parfaite entre les parties, et la propriété acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée et le prix payé’ ; l’accord sur la chose et le prix suffit pour dire la vente parfaite.
Les cessions de droits sociaux relèvent du droit commun de la vente. Conformément à l’article 1583 du code civil, la cession est réalisée entre les parties dès que celles-ci se sont mises d’accord sur la chose et sur le prix.
Cependant, l’article L.228-1 du code de commerce dispose qu’en cas de cession, le transfert de propriété résulte de l’inscription des valeurs mobilières au compte de l’acheteur, dans des conditions fixées par décret.
Il en résulte que l’article L. 228-1 du code de commerce déroge au principe du transfert de la propriété dès l’échange des consentements sur la chose et le prix posé par l’article 1583 du code civil en prévoyant que le transfert de propriété résulte de l’inscription des actions au compte de l’acheteur, laquelle est faite à la date fixée par l’accord des parties aux termes de l’article R. 228-10 du code de commerce.
Il ne déroge pas cependant aux conditions posées par les articles 1582 et 1583 du Code civil relatives à l’échange des consentements et au caractère parfait de la vente en cas d’accord sur la chose et le prix.
En l’espèce, l’offre d’achat faite par M. [F], mandataire de M. [M], porte expressément sur l’action détenue par M. [P] dans le capital social de la société SOLIERE SA, est ferme puisqu’elle n’est assortie d’aucune réserve, et précise le prix offert, 700 euros.
Les appelantes ne sont pas fondées à remettre en cause la validité du mandat de M. [F], seul M. [M] pouvant l’invoquer.
De plus, dans son courrier en date du 24 août 2017 , M. [P] précise qu’il souhaite céder sa part de la société SOLIERE SA à [H] [M], de sorte qu’il est parfaitement informé de l’identité de son co-contractant.
De la même façon, il importe peu que l’offre d’achat ait été adressée à la fille de M. [P], dès lors qu’il n’est pas contesté que c’est bien M. [P] qui est l’auteur du courrier d’acceptation du 24 août 2017.
Ce courrier est ainsi rédigé : ‘ En réponse à votre lettre du 27 juin dernier, je confirme que je souhaite céder ma part de la société SOLIERE SA à [H] [M]. La valeur de cette part étant de 700 euros …’ Figure à côté de la signature de M. [P] la formule manuscrite suivante : ‘Accord pour céder ma part’.
Des termes de ce courrier, il ressort que M. [P] a expressément donné son accord sur la chose, la part qu’il détenait dans la société SOLIERE SA, le prix, 700 euros, et a donc accepté l’offre faite par M. [M].
C’est à tort que les appelantes soutiennent que ce courrier ne constitue qu’une invitation à entrer en pourparlers, alors que les termes en sont dépourvus d’équivoque ou de réserve, et que toutes les conditions nécessaires pour que la vente soit déclarée parfaite sont en conséquence réunies.
M. [M] ayant adressé par courrier en date du 29 juin 2018 l’ordre de mouvement afférent à la cession de ladite action à son profit, ainsi qu’un chèque d’un montant de 800 euros en règlement du prix, la rétractation notifiée postérieurement, le 22 juillet 2018, par M. [P] ne peut produire aucun effet.
L’augmentation du prix payé de 700 à 800 euros pour couvrir, comme le soutient l’intimé, les frais éventuels afférent à l’opération de cession de titre, n’est pas de nature à invalider la vente, dès lors que le prix payé est supérieur à celui contractuellement convenu.
Aucun délai n’ayant été convenu entre les parties pour l’exécution du contrat, la caducité invoquée par les appelantes ne peut être retenue.
Conformément à l’article 1221 du Code civil, après mise en demeure infructueuse du 14 septembre 2018, M. [M] est bien fondé à solliciter l’exécution forcée de la vente conclue entre les parties.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions, sauf à préciser que l’astreinte prononcée commencera à courir à compter du 30 ème jour suivant la signification du présente arrêt.
Compte tenu de la décision intervenue, les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de Mme [X] [P] et Mme [K] [P] Épouse [O] .
Il est équitable d’allouer à M. [H] [M] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, que les appelantes seront condamnées in solidum à lui payer.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit que l’astreinte prononcée par le tribunal de commerce d’Angoulême courra à compter du 30 ème jour suivant la signification du présente arrêt ;
Condamne in solidum Mme [X] [P] et Mme [K] [P] Épouse [O] à payer à M. [H] [M] la somme de 3.000 euros en application, en cause d’appel, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Mme [X] [P] et Mme [K] [P] Épouse [O] aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.