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30 août 2022
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
21/01610
ARRÊT N°
N° RG 21/01610 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IAVM
CJP
PRESIDENT DU TJ D’AVIGNON
06 avril 2021
RG :21/00031
[L]
[Y]
C/
[R]
Société LA SOCIETE DE PARTICIPATION FINANCIERE DE PHARMACIENS D’OFFICINE A RESPONSABILITE LIMITE [R]
Grosse délivrée
le
à
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section B
ARRÊT DU 30 AOUT 2022
APPELANTS :
Monsieur [C] [L]
né le [Date naissance 5] 1948 à [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Stéphanie ROUSSEL, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Antoine LANDON, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
Madame [E] [Y] épouse [L]
née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Stéphanie ROUSSEL, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Antoine LANDON, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
INTIMÉS :
Monsieur [Z] [R]
né le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté par Me Julien HERISSON de la SELARL P.L.M.C AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d’AVIGNON, substitué par Me Géraldine BRUN, avocat au barreau de NIMES
Société LA SOCIETE DE PARTICIPATION FINANCIERE DE PHARMACIENS D’OFFICINE A RESPONSABILITE LIMITE [R]
immatriculée au RCS d’AVIGNON sous le n° 812 887 958
Prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège social
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Julien HERISSON de la SELARL P.L.M.C AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d’AVIGNON, substitué par Me Géraldine BRUN, avocat au barreau de NIMES
Statuant sur appel d’une ordonnance de référé
Ordonnance de clôture rendue le 10 janvier 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre
Mme Chantal JACQUOT-PERRIN, Conseillère
Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère
GREFFIER :
Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l’audience publique du 20 Juin 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 30 Août 2022.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Nicole GIRONA, Présidente de Chambre, le 30 Août 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.
M. [Z] [R] et la société de participation financière de pharmaciens d’officine à responsabilité limitée [R] (ci-après dénommée SPFPLARL [R]) ont fait l’acquisition auprès de M. [C] [L] et de Mme [E] [Y] ép. [L] de parts sociales au sein de la SELAS Pharmacie Cap Sud.
Par actes d’huissiers du 16 décembre 2020, M. [Z] [R] et la SPFPLARL [R] ont assigné les époux [L] devant le président du tribunal judiciaire d’Avignon, statuant en référé pour voir ordonner une expertise aux fins de déterminer notamment la valeur des titres du GIE GERCA, composants une partie de l’actif de la SELAS Pharmacie Cap Sud et permettant de déterminer le prix définitif des parts de la SELAS Pharmacie Cap Sud qui lui ont été cédées.
Par ordonnance contradictoire du 6 avril 2021, le président du tribunal judiciaire d’Avignon a :
-rejeté la demande de nullité de l’assignation,
-ordonné un expert et commis pour y procéder Mme [G] [M] avec pour mission, en substance, d’établir la valeur réelle des titres du GIE GERCA, à ce jour, ainsi qu’au moment de chacun des actes de cession, soit au mois février 2012, au mois de janvier 2016 et au mois de février 2017, d’établir la valeur des titres de la SELAS Pharmacie Cap Sud, au regard de la valeur des titres du GIE GERCA, de dresser un bordereau des documents communiqués, étudier et analyser ceux en rapport avec le litige, de fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction saisie et de déterminer le préjudice de la société SPFPLARL [R] et de M. [Z] [R],
-rejeté l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
-et laissé à la charge de chacune des parties les dépens par elle exposés.
Par déclaration du 22 avril 2021, les époux [L] ont interjeté appel de cette ordonnance en ce qu’elle a ordonné une expertise et commis Mme [G] [M], rejeté l’application de l’article 700 du code de procédure civile et laissé à la charge de chacune des parties les dépens par elle exposés.
Aux termes de leurs conclusions notifiées le 3 janvier 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, les époux [L], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 54 et 145 du code de procédure civile d’infirmer l’ordonnance entreprise, de débouter M. [Z] [R] et la SPFPLARL [R] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, de condamner la SPFPLARL [R] et M. [Z] [R], chacun, à leur payer, ensemble, la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens in solidum.
Au soutien de leur appel, les époux [L] font valoir :
-que la demande d’expertise de M. [Z] [R] ne repose sur aucun motif légitime ; que pour caractériser un motif légitime, celui-ci aurait dû justifier d’éléments permettant de présumer de l’existence d’un dol, c’est-à-dire de man’uvres dolosives qu’ils auraient commises ; que, d’une part, il est indifférent de savoir quelle était la valorisation réelle de départ du GIE, dans la mesure où il s’agissait d’une composante du prix de cession, arrêté entre les parties ; qu’il est de jurisprudence constante qu’en matière de cession de droits sociaux, l’erreur sur la valeur n’est pas une cause de nullité de la cession ; que, d’autre part, M. [Z] [R] ne justifie à aucun moment du moindre élément qui laisserait supposer une tromperie ; que les « inexactitudes et incertitudes » dans les comptes sociaux, inexistants au cas d’espèce, ne suffisent pas à établir l’existence de man’uvres dolosives à l’occasion d’une cession de droits sociaux ; que c’est l’expert-comptable de la société, et non M. [C] [L], qui a rédigé les actes, déterminer la formule du prix et effectuer les calculs ; que les éléments dont M. [Z] [R] fait état sont purement et simplement mensongers ; que l’expertise a été sollicitée uniquement pour paralyser le jeu de l’option de vente dont dispose M. [C] [L] aux termes du pacte et ne repose sur aucun indice tangible de dol ;
-que cette expertise est au surplus inutile dès lors que M. [Z] [R] dispose tous les éléments nécessaires, puisqu’il les a mis en demeure de l’indemniser en chiffrant précisément le montant de son prétendu préjudice ; qu’il dispose donc des éléments pour engager son action au fond ;
-que la mesure sollicitée est au surplus illégale et disproportionnée ; qu’elle nécessiterait, en effet, une violation du domicile de l’ensemble des sociétés exerçant leur activité dans le centre ; que le travail titanesque, sinon impossible, demandé à l’expert, pour procéder à l’évaluation à ce jour mais également à des dates antérieures, aboutira à des résultats qui n’auront aucune incidence sur le litige.
M. [Z] [R] et la SPFPLARL [R], en leurs qualités d’intimés, par conclusions en date du 7 janvier 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, demandent à la cour, au visa des articles 145 du code de procédure civile, 1130 et 1137 du code civil, de confirmer l’ordonnance déférée, de rejeter les arguments développés par les époux [L], de les condamner au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
M. [Z] [R] et la SPFPLARL [R] exposent :
-qu’un élément essentiel de la valorisation des parts sociales est précisément la valorisation des titres du GIE GERCA fixé à hauteur de 1 000 000 € et ce sans que l’acquéreur ne dispose des éléments nécessaires pour vérifier ladite valorisation ; que ce n’est qu’ultérieurement, suite à la publication d’une annonce de vente d’un local dans la galerie commerciale, qu’il a constaté que la valorisation aurait dû être bien moindre ; qu’en tenant compte de ces nouveaux éléments, la valeur des titres du GIE aurait diminué de 50 % à 65 % de la valeur donnée dans les actes de cession et ce alors que la galerie marchande du centre commercial Cap Sud n’a pas perdu de valeur au cours des dernières années ;
-qu’au regard des éléments apportés, il existe un dol qui a vicié leurs consentements ; que c’est bien en connaissance de cause que les époux [L] ont imposé une valorisation à 1 000 000 €, sachant que M. [Z] [R] se trouvait à ce moment là dans la structure depuis seulement quelques semaines ; que M. [C] [L] est l’un des décideurs de la société Sud Invest en charge du GIE GERCA et les a, en toute connaissance, floué sur la valeur du GIE ; que les premiers éléments de l’expertise confirment que cette valorisation est largement erronée ;
-que la mesure d’expertise n’est aucunement illégale, dès lors qu’il n’a pas lieu d’entrer dans les commerces de chacun des membres du GIE et que la visite de la pharmacie est parfaitement autorisée ; que contrairement à ce que soutiennent les époux [L], ce n’est pas l’expert-comptable qui a valorisé les parts du GIE, mais bien M. [C] [L] ; que l’argument selon lequel la valeur des titres du GIE n’a pas d’impact sur la valeur des titres de la société est erroné et inopérant.
La clôture de la procédure est intervenue le 13 juin 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 10 janvier 2022 pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 30 août 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
1) Sur la mesure d’expertise :
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Le premier juge a fait droit à la demande d’expertise de M. [Z] [R] et la SPFPLARL [R] considérant que l’action qui pourrait ensuite être intentée au fond par M. [Z] [R] et la SPFPLARL [R] à l’encontre des époux [L] n’est pas manifestement vouée à l’échec, que la mesure a seulement pour objet de rassembler les éléments nécessaires et de recueillir les avis techniques utiles à l’appréciation d’éventuelles responsabilités et qu’enfin elle ne met pas en péril les intérêts légitimes des époux [L].
Comme justement rappelé dans l’ordonnance déférée, le juge du référé, souverain dans l’appréciation du motif légitime, doit considérer la vraisemblance des faits recherchés en preuve et leur influence sur la solution du litige qui pourrait être porté devant les juges du fond. Ainsi, pour caractériser l’existence d’un motif légitime, le juge des référés doit s’assurer que le demandeur établit qu’un procès au fond sera possible entre les parties, que la mesure sera utile et pertinente et que l’action au fond n’est pas d’avance manifestement vouée à l’échec.
En l’espèce, la demande d’évaluation des titres du GIE GERCA, composants une partie de l’actif de la SELAS Pharmacie Cap Sud, a pour objet de permettre aux requérants de déterminer le prix définitif des parts de la SELAS Pharmacie Cap Sud qui leur ont été cédées, M. [Z] [R] soutenant que la valorisation faite par les époux [L] est trop importante au regard de la valeur réelle de ces titres.
Les époux [L] soutiennent qu’il n’existe aucun motif légitime à voir ordonner la dite expertise dès lors, d’une part, que la valorisation des titres du GIE GERCA a été faite de manière conventionnelle entre les parties et que la valeur réelle de ces titres est donc indifférente et, d’autre part, qu’il n’est aucunement démontré par M. [Z] [R] de man’uvres dolosives de leur part à l’occasion d’une cession de droits sociaux.
Cependant, ces arguments ne sauraient suffire à anéantir tout motif légitime à la réalisation d’une expertise. En effet, même dans l’hypothèse d’une valeur fixée de manière conventionnelle entre les parties, la valeur réelle des titres est susceptible de constituer un élément de preuve nécessaire influant sur un éventuel futur litige entre les parties. Également, il n’appartient pas au demandeur à l’expertise de démontrer, à ce stade de la procédure, l’existence ou non de man’uvres dolosives, cette démonstration relevant d’un procès au fond et les éléments de l’expertise sollicitée pouvant justement constituer des éléments de preuve nécessaires à ce procès, notamment s’agissant d’un éventuel dol.
Les époux [L] soutiennent, par ailleurs, que cette demande d’expertise a uniquement pour objet de paralyser le jeu de l’option de vente dont dispose M. [C] [L], mais n’apportent pour autant aucun élément de preuve à l’appui de cette affirmation.
Quant à l’utilité de cette expertise, elle résulte de la nécessité pour les requérants d’obtenir des informations précises permettant de déterminer la valeur des titres litigieux. Il est inexact et non démontré de dire que ceux-ci disposent d’ores et déjà de toutes les informations nécessaires sans qu’il y ait lieu à désigner un expert.
Enfin, les époux [L] ne précisent pas en quoi l’expertise sollicitée est illégale, dès lors qu’il n’est absolument pas nécessaire pour l’expert qui devra réaliser l’expertise de pénétrer, sans autorisation préalable, dans les commerces de la galerie commerçante pour pouvoir évaluer la valeur des titres du GIE.
Force est de constater que les arguments avancés par les appelants sont insuffisants pour démontrer qu’il n’existe aucun motif légitime à voir ordonner l’expertise et que c’est de manière erronée que le premier juge a fait droit à la demande de M. [Z] [R] et la SPFPLARL [R] en ce sens.
Il en résulte que c’est à bon droit que le juge des référés a retenu qu’exister un motif légitime à désigner un expert conformément à la demande des requérants, dès lors qu’une éventuelle action au fond opposant les parties n’est pas manifestement vouée à l’échec et que la mesure sollicitée sera utile et pertinente. La décision entreprise sera, en conséquence, confirmée sauf à préciser s’agissant de la mission de l’expert qu’il n’y a pas lieu de procéder au « chiffrage des travaux de reprise et de réfection », cette mention ayant été portée manifestement par erreur dans la mission de l’expert.
2) Sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement réglé par le premier juge.
En cause d’appel, il convient d’accorder à M. [Z] [R] et la SPFPLARL [R], contraints d’exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel.
Les époux [L], qui succombent, devront supporter les dépens de l’instance d’appel et ne saurait bénéficier d’une somme au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,
Confirme l’ordonnance de référé rendu 6 avril 2021 par le président du tribunal judiciaire d’Avignon en toutes ses dispositions portées à la connaissance de la cour, sauf à supprimer dans la mission de l’expert la demande relative au « chiffrage des travaux de reprise et de réfection »,
Déboute les époux [L] de leur demande de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [C] [L] et de Mme [E] [Y] ép. [L] à payer à M. [Z] [R] et la SPFPLARL [R], ensemble, la somme de
2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,
Condamne M. [C] [L] et de Mme [E] [Y] ép. [L] aux dépens d’appel.
Arrêt signé par Madame GIRONA, Présidente et par Madame PELLISSIER, Greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE