Cession de droits : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00656

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Cession de droits : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00656
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24 novembre 2022
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/00656

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 24/11/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/00656 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TNM6

Jugement n° 2018014498 rendu le 10 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

Société Avis Europe Holdings Limited, société de droit anglais, prise en la personne de son représentant légal domiciliée de cette qualité audit siège

ayant son siège social à [Adresse 5]

R[Localité 8]

représentée par Me Claire Titran, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

assistée de Me Natasha Tardit et Me Audrey Augusto, avocats au barreau de Paris, avocats plaidants

INTIMÉS

Madame [E] [F]

demeurant [Adresse 3]

Monsieur [G] [F]

demeurant [Adresse 1]

représentés par, Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistés de Me André Leveque, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

Société Overworld Participations 2, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Bertrand Debosque, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l’audience publique du 28 septembre 2022 tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Clotilde Vanhove, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 septembre 2022

****

La SAS AAA France Cars exerce l’activité de loueur de véhicules au sein de nombreuses agences réparties sur le territoire national. La société de droit Belge Overworld Participations 2, M.[G] [F] et Mme [E] [F], qui détenaient conjointement la totalité de son capital ont cédé la totalité de leurs actions à la société de droit anglais Avis Europe Holdings Limited. Pour ce faire, la société cessionnaire a émis une offre définitive de cession le 29juillet 2016, qui a été suivie d’un accord de négociation exclusive conclu par les parties le 3 septembre 2016, puis d’un contrat intitulé Protocole de cession conclu le 16 novembre 2016, la vente ayant été réalisée le 20 décembre 2016. Se plaignant de dégâts et de défauts de conformité concernant les bâtiments loués où les agences sont installées et les cuves de carburant révélés après l’acquisition, le cessionnaire, sur le fondement d’un avis de technicien amiable et non contradictoire, a vainement exigé des cédants des indemnisations, par lettres des 22 septembre 2017, 9 novembre 2017, 19 décembre 2017 et 31 juillet 2018. Par acte extrajudiciaire du 21septembre 2018, la société Avis Europe Holdings Limited a saisi le tribunal de commerce de Lille Métropole en indemnisation de ses préjudices.

C’est dans ces conditions que par jugement du 10 décembre 2020, le tribunal de commerce de Lille Métropole :

– a débouté la société Overword Participations 2 d’une part, M. [G] [F] et Mme [E] [F], d’autre part, de leur demande en irrecevabilité pour mauvaise foi ;

– a débouté les mêmes parties de leur demande en irrecevabilité pour réclamation incomplète ou tardive ;

– a débouté la société Avis de ses demandes au titre de l’indemnisation du patrimoine locatif de la société France Cars ;

– a condamné la société Overword Participations et M. [G] [F] et Mme [E] [F], solidairement, à payer 44 000 euros à la société Avis Europe Holdings Limited pour la mise en conformité des compteurs volumétriques des 22 cuves ;

– s’est déclaré incompétent sur les demandes concernant M. [F] en tant que bailleur de certains locaux utilisés par la société France Cars et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

– a débouté la société Avis de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive ;

– a condamné la société Overword Participations et M. [G] [F] et Mme [E] [F] à payer 2 500 euros chacun à la société Avis Europe Holdings Limited au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

– a condamné la société Overword Participations et M. [G] [F] et Mme [E] [F], solidairement, aux dépens.

La société Avis Europe Limited, par déclaration reçue au greffe de la cour le 27 janvier 2021, a interjeté appel partiel de ce jugement, intimant la société Overword Participations et M. [G] [F] et Mme [E] [F].

 

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 20 septembre 2022 par la voie électronique valant signification, la société Avis Europe Limited demande à la cour, au visa des articles 1103, 1112-1, 1137, 1178, 1193, 1231, 1240, 1383, 1604 du code civil, de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

* l’a déboutée de ses demandes au titre de l’indemnisation du patrimoine locatif de la société France Cars ;

* l’a déboutée de ses demandes en limitant les condamnations de la société Overword Participations et M. [G] [F] et Mme [E] [F], solidairement, à lui payer 44 000 euros pour la seule mise en conformité des compteurs volumétriques des 22 cuves ;

* s’est déclaré incompétent d’office sur les demandes concernant M. [F] en tant que bailleur de certains locaux utilisés par la société France Cars et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

* l’a déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive ;

– confirmer pour le surplus ce jugement ;

– débouter les intimés de leurs appels incidents et de leurs demandes ;

– écarter la pièce n°17 de M. et Mme [F] ;

– et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

– condamner solidairement M. [G] [F] et Mme [E] [F] et la société Overworld Participations 2 à lui payer :

– 1 757 409,60 euros au titre du coût de la remise en état des agences ;

– 85 026,26 au titre du cout de remplacement des 7 cuves à carburant équipées de pompes intégrées déjà remplacées ;

– a minima 169 352,85 euros au titre des coûts de remplacement des 15 cuves restantes, « et au paiement du coût des factures correspondantes au remplacement de ces 15 cuves, si celui-ci s’avérait supérieur au montant du devis d’Alorem augmentées des intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2017 » ;

– condamner les mêmes sous la même solidarité à lui verser :

– 50 000 euros au titre de la résistance abusive ;

– 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

 

Par dernières conclusions déposées et notifiées par la voie électronique valant signification le 20 septembre 2022, M. et Mme [F] demandent à la cour, au visa des articles 1104 et 1112-1 du code civil :

– d’infirmer le jugement entrepris en ce que :

* il les a déboutés de leurs demandes en irrecevabilité tant pour mauvaise foi que pour tardiveté et incomplétude des demandes faites par la société Avis sur le fondement de la garantie d’actif et de passif ;

* il les a condamnés à payer 44 000 euros ;

* il les a déboutés de leur demande au titre de la procédure abusive et au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* il les a condamnés au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

– de confirmer ce jugement pour le surplus ;

– et statuant sur les chefs infirmés, de :

– constater qu’ils communiqué l’ensemble des informations nécessaires à l’information précontractuelle complète d’Avis ;

– dire qu’ils n’ont pas commis de dol ;

– dire que la société Avis ne prouve pas avoir subi un préjudice indemnisable au sens de la garantie ;

– débouter la société Avis de l’ensemble de ses demandes fondées sur le manquement à l’obligation précontractuelle d’information, sur le dol, sur le manquement à l’obligation de délivrance conforme et sur la garantie d’actif et de passif ;

– condamner la société Avis à leur payer :

– 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Avis aux dépens et leur allouer le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

 

Par dernières conclusions déposées et notifiées par la voie électronique valant signification le 05 août 2022, la société Overworld Participations 2 demandent à la cour, au visa de l’article 1103 du code civil, de réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes et, statuant à nouveau, de :

– dire irrecevables et mal fondées les « réclamations » de la société Avis ;

– dire qu’elle n’exerce pas le négoce et débouter la société Avis de ses demandes indemnitaires au titre de la mise en conformité des cuves et des systèmes de distribution ;

– condamner la société Avis à lui payer 50 000 euros pour procédure abusive et 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.

 

L’ordonnance de clôture est du 21 septembre 2022.

 

SUR CE

LA COUR

– Sur la pièce n°17 de M. et Mme [F]

La société Avis demande que soit écartée des débats, pour défaut d’impartialité, la pièce n° 17 de M. et Mme [F], à savoir une lettre de la société Sergic entreprises à la SCI 

de la Pointe datée du 7 juillet 2021, au moyen qu’il s’agirait d’une « attestation » signée par le gendre de M. [F]. Toutefois, la cour ne trouve pas de fondement juridique lui permettant d’écarter des débats une telle pièce pour le moyen soutenu, ce qui ne préjuge d’ailleurs pas de sa force probante par ailleurs contestée du consentement de la société France Cars. La prétention de la société Avis sur ce point sera donc déclarée mal fondée.

– Sur les irrecevabilités des demandes fondées sur la garantie d’actif et de passif 

Si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties.

Ainsi, la mauvaise foi de la société Avis dans la mise en ‘uvre de la garantie d’actif et de passif (GAP) alléguée par la société Overword Participations 2 et par M. et Mme [F], à la supposer établie, ne peut justifier l’irrecevabilité des demandes qui leur sont opposées, ni sur le fondement des articles 1103 et 1104 du code civil, ni sur les dispositions invoquées de la garantie qui, sur ce point, n’y dérogent pas.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté les intimés de leurs demandes d’irrecevabilité pour mauvaise foi de la société Avis.

S’agissant de l’irrecevabilité pour incomplétude et tardiveté des réclamations prévues à la garantie d’actif et de passif (GAP), l’analyse des pièces produites conduit à retenir ce qui suit.

Il est constant que l’article 11.1.1 de l’acte de cession des actions de la société France Cars, que les parties ont entendu dénommer contractuellement « protocole », énonce que pour être recevable la réclamation doit « faire état, de façon détaillée, de son fondement et du montant réclamé et devra être accompagnée des éléments et documents justifiant le préjudice et devant permettre aux cédants de le caractériser, d’en apprécier le bien-fondé et de l’évaluer ».

Alors qu’il est également constant que les réclamations ont pris la forme de trois lettres recommandées : 22 septembre 2017, 9 novembre 2017 et 19 décembre 2017, les intimés soutiennent qu’aucun rapport d’audit n’était joint ni à la première réclamation portant sur une dizaine de sites, ni à la dernière portant sur les sites de [Localité 6] et [Localité 12]. Toutefois, alors que cette première réclamation mentionne expressément : « A ce stade, le Préjudice cumulé relatif aux défauts de conformité constatés à cette date est estimé à 1 036 810 euros, ainsi qu’il résulte des audits réalisés, dont les conclusions sont reflétées dans les rapports ci-joints » et que la dernière contient une mention similaire pour un préjudice distinct de 1 036 810 euros, il doit être relevé que les parties ont ainsi stipulé à l’article 12.7 du protocole déjà indiqué :

 « Les avis, notifications et communications faits en rapport avec le présent protocole ou les opérations qu’il vise, devront être remis en mains propres contre récépissé daté et signé par le destinataire ou adressés par courrier recommandé avec demande d’avis de réception’et seront présumés être reçus à ‘ [la date] mentionnée par le destinataire du courrier recommandé sur l’avis de réception ou à sa date de dernière présentation s’ils n’ont pas été retirés par son destinataire ».

Il appartenait ainsi au destinataire, en vertu de cette clause, de faire savoir que les envois ne contenaient pas les pièces annoncées. Or, les intimés ne produisent aucun élément de nature à renverser la présomption résultant de cette même clause. La cour, par conséquent, doit retenir que les rapports d’audit étaient bien joints à la lettre recommandée du 22 septembre 2017. Il n’est pas contesté, au demeurant, que les rapports d’audit afférents aux sites visés dans la deuxième lettre recommandée étaient bien joints à celles-ci. Toute contestation sur ce point serait d’ailleurs inopérante pour les mêmes raisons. En outre, il n’est pas valablement soutenu, dans ces conditions, que la réclamation initiale n’aurait pas comporté les précisions exigées pour sa recevabilité, rien n’ayant obligé l’appelant, pour la recevabilité des réclamations au titre de l’article 11.1.1, à fournir les premiers rapports d’incident.

Concernant la tardiveté alléguée sur le fondement de l’article 11.2.1 du protocole, qui prescrit en effet que l’acquéreur devra informer les cédants, dans un délai de trente jours calendaires à compter de la date à laquelle il aura eu connaissance de tout événement ou fait constituant un préjudice dans le cadre d’une réclamation directe comme en l’espèce, force est de relever que la sanction du manquement à cette règle n’est pas une irrecevabilité mais une réduction de l’indemnité à due concurrence de l’aggravation du préjudice qui résulterait de ce retard, ainsi que les parties l’ont stipulé à l’article 11.2.2 du même contrat.

Les moyens d’irrecevabilité seront par conséquent rejetés et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a déclaré recevables les réclamations.

– Sur la violation du devoir d’information précontractuel

La cessionnaire se prévaut des dispositions de l’article 1112-1 du code civil qui prévoient que celles des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

La société Avis soutient que les informations sur l’état des locaux et la conformité des cuves à carburant avaient une importance déterminante pour elle, dès lors qu’elles avaient un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, que les cédants avaient connaissance de ces informations et qu’elle-même les ignorait légitimement.

S’agissant de la non-conformité alléguée des cuves, la cessionnaire se prévaut essentiellement de l’article 8 du protocole qui régit les déclarations sous garantie des cédants, pour soutenir que l’information relative au respect des normes et réglementations auxquelles France Cars doit se conformer dans le cadre de son activité, et notamment celles relatives aux cuves à carburant utilisées dans les agences, était déterminante.

A cet égard, le protocole énonce notamment ce qui suit.

8.1.1 « Les déclarations stipulées au présent Article 8 (ensemble les « Déclarations ) constituent sauf cas de dol, les seules et uniques déclarations faites et [‘] garanties données par le cédant à l’acquéreur, à l’occasion de la cession des actions, à l’exclusion de toute autre déclaration ou garantie, légale ou contractuelle, expresse ou tacite, orale ou écrite. Ces déclarations sont soumises à une interprétation stricte et littérale ».

8.9.6 « A l’exception de ce qui est dit en Annexe 8.9.6, la Société exerce ses activités en conformité substantielle avec les lois et les décisions judiciaires ou administratives qui lui sont applicables en matière d’environnement et d’hygiène et de sécurité. Aucun litige de nature environnementale n’est en cours. A l’exception de ce qui est dit en Annexe 8.9.6, la Société n’a pas (et, à la connaissance des cédants, n’est pas susceptible d’avoir) l’obligation d’engager des dépenses significatives au regard de ses activités ou de s’abstenir de prendre toute mesure qui pourrait avoir un impact négatif significatif sur sa situation financière, au titre de toute loi environnementale. Les cédants ne garantissent pas l’absence de toute pollution des immeubles que la Société utilise dans le cadre de son activité.

8.9.7 La société est régulièrement titulaire des autorisations administratives nécessaires à l’exercice de son activité et a accompli toutes déclarations et formalités requises vis-à-vis de toutes administrations. Il n’existe aucun fait ou circonstance qui pourrait, à la connaissance des cédants, remettre en cause la validité, la durée ou les conditions d’une ou de plusieurs de ces autorisations. »

L’annexe 8.9.6, intitulée exceptions au respect des lois environnementales, dresse la liste des agences disposant d’une aire de lavage non dotée d’un séparateur d’hydrocarbure d’une part et, d’autre part, « la liste des agences dont les cuves à carburant ne sont pas conformes (cf.1.3.5 Data Room) ».

La cessionnaire soutient qu’entre dans le champ des déclarations garanties le fait que la réglementation relative aux cuves et pompes à carburant utilisées par plusieurs agences n’est pas respectée. La société Avis se fonde à cet égard exclusivement sur les dispositions de l’ordonnance du 18 octobre 1945 sur le mesurage du volume des liquides, qui prévoient que les volumes de liquides déterminés à l’occasion des transactions commerciales doivent être effectivement mesurés et que ce mesurage se fait au moyen d’instruments de mesure légaux et conformes dont le décret n° 2001-387 du 3 mai 2001 impose un contrôle périodique.

Sur ce, l’article 1112-1 du code civil limite l’obligation légale d’information, hormis le cas de dol prévu par les dispositions distinctes de l’article 1137 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016 dans sa rédaction applicable au litige (soit la rédaction antérieure à la loi du 20 avril 2018 applicable aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2018) aux informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Or, il n’est pas établi que l’ordonnance du 18 octobre 1945 sur le mesurage du volume des liquides et le décret n° 2001-387 du 3 mai 2001, compte tenu de l’interprétation stricte expressément stipulée et déjà mentionnée, entre dans le champ de la législation en matière d’environnement et d’hygiène et de sécurité.

La conformité des pompes à la réglementation relative aux poids et mesures ne fait pas davantage l’objet de stipulations des parties de nature à déterminer un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, étant observé que le contrat litigieux porte sur la cession de droits sociaux et que seul M. [G] [F] cumule dans cet acte la qualité de propriétaire d’actions avec celle de dirigeant de la société cédée.  

Surtout, il ne résulte du contrat en cause aucun lien nécessaire entre, d’une part, l’activité de la société cédée, qui est la location de véhicules sans chauffeur et, d’autre part, la pratique de transactions commerciales sur des volumes déterminés de carburant, cette question étant différente de celle de savoir si la société cédée, dans sa pratique, facturait ou non des volumes déterminés de carburant avant la cession.  

Par conséquent, il n’est pas valablement soutenu de manquement des cédants à l’obligation d’information de l’article 1112-1 du code civil pour violation de la réglementation relative aux cuves et pompes à carburant concernant plusieurs agences.

S’agissant de l’état des locaux et pour l’application de ces mêmes dispositions du code civil, il sera retenu avant tout qu’il résulte des termes mêmes de l’offre définitive d’Avis budget group du 29 juillet 2016 que le cessionnaire a formé celle-ci comme suite à une offre initiale du 6 juin 2016, tout en précisant expressément que cette offre définitive a été formée comme suite aux diligences d’acquisition effectuées, notamment des visites sur site, durant la phase II du Projet Drive.

Le protocole mentionne en préambule notamment que :

– les cédants ont mis à la disposition de l’acquéreur, dans le cadre d’une « data room » un certain nombre de documents (notamment la Vendor Due Diligence) et d’informations sur la société, notamment opérationnelles, commerciales, financières, comptables, sociales, fiscales, juridiques et relatives aux systèmes d’information ;

– l’acquéreur est un professionnel du secteur d’activité de la société cédée ;

– l’acquéreur a eu la possibilité de réaliser un audit environnemental des terrains et des locaux occupés par la société, lequel a toutefois été limité à un audit environnemental de phase I des locaux occupés par la société ;

– l’acquéreur a eu accès à des informations et documents obtenus en réponse aux questions posées (le Q&A ») ;

– l’acquéreur a pu assister à des réunions de présentation de la société cédée par son équipe dirigeante au cours desquelles des documents et des éléments d’informations complémentaires lui ont été fournis (les « Présentations ») ;

– la Data Room, l’audit environnemental, les Q&A et les informations communiquées lors des Présentations étant désignées ensemble par les « Informations » ;

– chacune des déclarations de l’article 8.1 déjà mentionné est faite à la date du protocole et est réputée exacte jusqu’à la date de réalisation de la cession et est faite sous la réserve expresse des Informations dont le contenu constitue une exception à l’ensemble des Déclarations et pourra être invoquée par les cédants en exonération de leur obligation au titre de la garantie.

L’article 8, concernant les immeubles précise notamment que :

– la société cédée n’est propriétaire d’aucun bien immobilier et assure d’un droit d’occupation valable et régulier sur les immeubles loués dont il est fait le point ;

– les cédants ne consentent aucune garantie sur la conformité des installations électriques ;

– ces immeubles loués sont en bon état et aucuns travaux n’est requis par la loi pour la continuation de l’activité de la société dans les immeubles loués à l’exception de ce qui est dit en Annexe 8.9.5. (ii), laquelle ne porte que sur les installations électriques et l’accès aux personnes handicapées.

Il résulte de ce qui précède que le cessionnaire, en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques, doit prouver conformément au droit commun le fait qu’il allègue et selon lequel, contrairement à la déclaration des cédants, certains immeubles loués n’étaient pas, lors de la cession des actions, dans un état permettant l’exploitation des agences. 

En effet, dès lors que les cédants se sont engagés expressément sur le bon état des immeubles loués, toute inexactitude sur ce point, à la supposer établie, présente un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat et, par conséquent, est bien susceptible d’entrer dans le champ de l’obligation précontractuelle d’information des cédants issue de l’article 1112-1 du code civil.

A l’appui de l’inexactitude alléguée, le cessionnaire se prévaut notamment d’un aveu judiciaire pris des conclusions des cédants et dans lesquelles il est indiqué que M. [F], en qualité de propriétaire de six des seize sites de la société cédée, a réalisé des travaux lui incombant dans les agences de [Localité 13], [Localité 14], [Localité 4], [Localité 6], [Localité 10] et [Localité 15].

Toutefois, cette circonstance ne peut valoir aveu judiciaire de l’inexactitude de la déclaration des cédants sur le bon état du fait que les immeubles dans lesquels sont exploités ces agences n’étaient pas dans un état qui permettait de les exploiter et les précisions apportées par les cédants sur les travaux effectués, pour un montant global de 89 179,57 euros, ne corroborent pas les éléments tirés par le cessionnaire de l’avis non contradictoire obtenu du Bureau Veritas.

A l’appui de l’inexactitude alléguée, le cessionnaire se prévaut encore de courriels produits en pièce n°4 concernant les site d'[Localité 9], de [Localité 11], de [Localité 15], de [Localité 7]. En particulier, le constat d’huissier du 25avril 2017 joint à ces courriels, établi à la demande de la SAS Justine, propriétaire du bâtiment d’exploitation du site de [Localité 9], n’établit pas de mauvais état empêchant l’exploitation ni même d’obligation de la société cédée locataire à l’égard du bailleur. Les courriels échangés entre [P] [U] et [H] [K], et entre celle-ci et [O] [T] non plus.

Mais surtout, le cessionnaire se prévaut des mentions de l’avis amiable et non contradictoire établi par la société Bureau Veritas qui, en l’absence de tout autre élément de preuve déterminant des faits allégués, est dépourvu de valeur probante.

Par conséquent, il sera retenu que le cessionnaire échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de la violation par les cédants de leur obligation précontractuelle d’information découlant de l’article 1112-1 du code civil.

– Sur le dol

Concernant le dol allégué, qui ne se présume pas et qui doit être prouvé, il résulte de ce qui précède que celui-ci n’est nullement établi concernant l’état des bâtiments loués par la société cédée, faute de toute inexactitude démontrée de la déclaration des cédants selon laquelle les immeubles loués sont en bon état et aucuns travaux n’est requis par la loi pour la continuation de l’activité de la société dans les immeubles loués.

S’agissant de la non-conformité des cuves, alors qu’il est constant que celles-ci n’étaient pas équipées conformément aux dispositions de la loi du 18 octobre 1945 et au décret du 3 mai 1981, rien n’établit pour autant de fausse déclaration, mensonge ou réticence dolosive à l’égard du cessionnaire professionnel de la même spécialité que la société cédée, qui a manifestement eu la possibilité avant la réalisation de la cession de titres et par la seule visite des sites dont il s’est prévalu expressément dans l’offre définitive, de vérifier par lui-même l’état des lieux à cet égard. Dans ces conditions, les « marges carburant » pour la période postérieure à la cession et dont ont fait état les cédants dans un tableau utilisé lors de la négociation ne peuvent servir à démontrer une man’uvre dolosive visant à faire croire au cessionnaire que les pompes étaient déjà équipées pour vendre du carburant. Il doit être considéré au contraire que cette négociation est intervenue sur ce point en parfaite connaissance de cause du cessionnaire.

Par conséquent, le dol allégué n’est pas établi.

– Sur le manquement à l’obligation de délivrance conforme

Concernant le fondement subsidiaire pris du manquement à l’obligation de délivrance conforme, pour la justification duquel le cessionnaire prend l’exemple de la cession d’un fonds de commerce, non seulement il doit être rappelé que la cession a porté sur des actions et non un fonds de commerce, ces titres ayant été remis conformément aux prévisions contractuelles des parties, tandis que la cour a déjà rejeté les moyens pris de la fausseté des déclarations des cédants, et que rien ne démontre que la description de la société cédée faite par les cessionnaire, même à la supposer inexacte ait été de nature à porter atteinte à la conformité des titres cédés.

Le fondement subsidiaire pris du manquement à l’obligation de délivrance conforme sera également rejeté.

Il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris sera réformé en ce qu’il a condamné les cédants au titre de la mise en conformité des compteurs volumétriques des pompes à carburant.

– Sur les autres prétentions

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le cessionnaire de sa demande en indemnité pour abus de droit.

La cour n’a été saisie par le cessionnanire d’aucun moyen de réformation sur l’incompétence retenue par les premiers juges.

En définitive, le cessionnaire sera entièrement débouté de ses demandes.

Pour autant, si la société Avis Europe Limited a commis une erreur dans l’appréciation de ses droits, elle n’a commis aucune faute dans la mise en ‘uvre de sa défense en justice dans le cadre du présent procès. La demande en dommages-intérêts des cédants pour abus de droit ne peut donc pas prospérer.

La société Avis Europe Holdings Limited, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

En équité, elle versera une indemnité de procédure aux cédants en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

* * * * *

PAR CES MOTIFS

 

La cour,

Dit la société Avis Europe Holdings Limited mal fondée en sa prétention de faire écarter des débats la pièce n° 17 de M. et Mme [F] ;

Réforme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu’il a condamné la société Overworld Participations 2, M. [F] et Mme [F] au titre la mise en conformité des compteurs volumétriques des 22 cuves et en ce qu’il a statué sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile ;

Pour le surplus,

Confirme le jugement entrepris ;

Statuant de nouveau sur les chefs réformés et y ajoutant,

Déboute la société Avis Europe Holding Limited de ses demandes formées à hauteur de 1 757 409,60 euros, de 85 026,256 euros, de 169 352,85 euros de toute demande au titre du remplacement des cuves ;

Condamne la société Avis Europe Holding Limited à payer 10 000,00 euros à la société Overworld Participation 2 et 20 000,00 euros à M. et Mme [F], ensemble, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Avis Europe Limited aux dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile par le conseil de M.et Mme [F] ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

 

Le greffier Le président

Valérie Roelofs Dominique Gilles

 


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