Votre panier est actuellement vide !
20 janvier 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/05655
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRET DU 20 JANVIER 2023
(n°10, 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/05655 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDLQA
Décision déférée à la Cour : jugement du 04 mars 2021 – Tribunal judiciaire de PARIS – 3ème chambre – 1ère section – RG n°19/06216
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
S.A.S. LA COQUE DE NACRE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 3]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 325 844 785
Représentée par Me Pascale DEMOLY, avocate au barreau de PARIS, toque D 594
INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES
S.A.S. GEMSTAR, prise en la personne de son président, M. [Z] [G], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 4]
Immatriculée au rcs de Meaux sous le numéro 389 051 681
S.A.S. GEMSTAR BRANDS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 4]
Immatriculée au rcs de Meaux sous le numéro 831 503 552
Représentées par Me Eric FONTAINE, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque PC 188
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Agnès MARCADE, conseillère
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, présidente de chambre,
Mme Laurence LEHMANN, conseillère,
Mme Agnès MARCADE, conseillère,
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRET :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Véronique RENARD, présidente de chambre, et par Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 4 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a :
– rejeté la demande de mise hors de cause de la société Gemstar,
– déclaré la société La Coque de Nacre recevable à agir en contrefaçon de droits d’auteur,
– débouté la société La Coque de Nacre de ses demandes en contrefaçon de droits d’auteur,
– débouté la société La Coque de Nacre de ses demandes cumulatives en concurrence déloyale et parasitaire,
– débouté la société La Coque de Nacre de sa demande subsidiaire en concurrence déloyale,
– débouté les sociétés Gemstar et Gemstar Brands de leur demande reconventionnelle en procédure abusive et atteinte à leur image et à leur intégrité,
– condamné la société La Coque de Nacre à payer aux sociétés Gemstar et Gemstar Brands la somme totale de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société La Coque de Nacre aux dépens de l’instance,
– admis maître [N] [X] au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision,
Vu l’appel interjeté le 24 mars 2021 par la société La Coque de Nacre,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 décembre 2021 par la société La Coque de Nacre, appelante, qui demande à la cour de :
– déclarer la société La Coque de Nacre recevable et bien fondée en son appel,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Gemstar de sa demande de mise hors de cause et de leurs demandes reconventionnelles et en ce qu’il a déclaré la société La Coque de Nacre recevable à agir en contrefaçon de droits d’auteur,
– réformer pour le surplus.
– déclarer recevable et bien fondée la société La Coque de Nacre en son action contre les sociétés Gemstar et Gemstar Brands,
– débouter les sociétés Gemstar et Gemstar Brands de l’intégralité de leurs demandes,fins et prétentions,
en conséquence,
– dire et juger que l’importation, la détention, l’utilisation, la commercialisation, la mise sur le marché et l’offre en vente par les sociétés Gemstar et Gemstar Brands de bracelets référencés 831-189, 832.105.J et 832-105.R, reproduisant les caractéristiques du modèle antérieur de la société La Coque de Nacre constituent des actes de contrefaçon de droits d’auteur conformément aux dispositions du Livre I du CPI (code de la propriété intellectuelle),
– dire et juger que les sociétés Gemstar et Gemstar Brands se sont également rendues coupables de faits de concurrence déloyale et parasitaire,
– interdire aux sociétés Gemstar et Gemstar Brands la poursuite de tels actes illicites, et ce sous peine d’une astreinte de 1 000 euros par infraction constatée et de 1 000 euros par jour de retard chacune, à compter de la signification de la décision à intervenir lesdites astreintes devant être liquidées par la cour de céans,
– faire injonction aux société Gemstar et Gemstar Brands de produire l’ensemble des documents commerciaux et comptables permettant d’établir la quantité de produits contrefaisant commercialisés, livrés, reçus ou commandés ainsi que le prix d’achat et de vente pour ces produits et ce sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne ainsi que les noms et adresses des fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs de produits contrefaisant ainsi que des grossistes destinataires des détaillants, et ce dans les 30 jours de la signification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros chacune par jour de retard, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte,
– condamner les sociétés Gemstar et Gemstar Brands, conjointement et solidairement, à payer à la société La Coque de Nacre la somme provisionnelle de 112 000 euros, à parfaire au regard des informations comptables obtenues dans le cadre de la présente instance et ce, au titre de son gain manqué du fait des actes de contrefaçon au titre des droits d’auteur,
– condamner les sociétés Gemstar et Gemstar Brands, conjointement et solidairement, à payer à la société La Coque de Nacre la somme provisionnelle de 66 400 euros, à parfaire au regard des informations comptables obtenues dans le cadre de la présente instance et ce, au titre du bénéfice réalisé par le contrefacteur du fait des actes de contrefaçon au titre des droits d’auteur,
– condamner les sociétés Gemstar et Gemstar Brands, conjointement et solidairement, à payer à la société La Coque de Nacre une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des atteintes portées à ses droits moraux d’auteur,
– condamner les sociétés Gemstar et Gemstar Brands à payer à la société La Coque de Nacre la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
A titre subsidiaire,
– condamner les sociétés Gemstar et Gemstar Brands à payer à la société La Coque de Nacre la somme de 112 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale découlant de la copie servile,
– condamner les sociétés Gemstar et Gemstar Brands à payer à la société La Coque De Nacre la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral,
En tout état de cause,
– condamner les sociétés Gemstar et Gemstar Brands, conjointement et solidairement, à payer à la société La Coque de Nacre une somme de 3525 000 euros (sic) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC (code de procédure civile),
– condamner les sociétés Gemstar et Gemstar Brands, conjointement et solidairement, en tous les dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me Pascale Demoly, avocat aux offres de droit conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC (code de procédure civile),
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 19 août 2022 par les sociétés Gemstar et Gemstar Brands, intimées et appelantes incidentes, qui demandent à la cour de :
– dire et juger la SAS Coque de Nacre tant irrecevable que mal fondée en son appel,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société La Coque de Nacre de ses demandes en contrefaçon de droits d’auteur et de ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire, condamné la société La Coque de Nacre à payer aux sociétés Gemstar et Gemstar Brands la somme totale de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance,
– infirmer partiellement le jugement entrepris et, statuant à nouveau :
– prononcer la mise hors de cause de la SAS Gemstar,
– condamner la SAS La Coque de Nacre à régler à la SAS Gemstar une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et atteinte à son image et sa réputation,
– condamner la SAS La Coque de Nacre à régler à la SAS Gemstar Brands une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et atteinte à son image et sa réputation,
Subsidiairement,
– réduire à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de la SAS La Coque de Nacre,
– débouter la SAS La Coque de Nacre de ses demandes de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et pour préjudice moral,
En tout état de cause,
– condamner la SAS La Coque de Nacre à régler à la SAS Gemstar une somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SAS La Coque de Nacre à régler à la SAS Gemstar Brands une somme de
15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SAS La Coque de Nacre aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Eric Fontaine, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 8 septembre 2022.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que la société La Coque de Nacre a pour activité la vente en gros d’articles de bijouterie fantaisie. A ce titre, elle expose réaliser ses collections de bijoux sous la marque Bijoux CN [Localité 5] et les commercialiser dans le monde entier.
La société Gemstar a également pour activité la vente en gros d’articles de bijouterie. Elle est titulaire des noms de domaine gemstar-brands.com et phebusandco.com.
La société Gemstar Brands, créée en 2017, commercialise et distribue, sous le nom Phebus, les produits approvisionnés par la société Gemstar, soit par l’intermédiaire du site internet www.phebusandco.com, soit par le biais d’une clientèle de détaillants.
La société La Coque de Nacre expose avoir créé en 2016 un bracelet jonc en argent faisant partie de sa collection permanente ci dessous représenté :
Elle indique avoir découvert que les sociétés Gemstar et Gemstar Brands commercialisaient par le biais de son site internet www.phebusandco.com. un bracelet référencé 831-189 sous le nom Phebus, dont elle estime qu’il reproduit les caractéristiques essentielles de son jonc.
La société La Coque de Nacre a, par courrier du 25 mars 2019, mis en demeure la société Gemstar de cesser la commercialisation du bracelet référencé 831-189, de supprimer toutes références au produit litigieux et de lui communiquer une série d’informations notamment le nombre de produits vendus en vue de l’indemnisation du préjudice qu’elle estimait avoir subi.
Par courrier du 23 avril 2019, la société Gemstar a contesté l’originalité du modèle revendiqué par la société La Coque de Nacre, tout en retirant néanmoins le bracelet litigieux de son catalogue et en en supprimant toute référence publicitaire.
C’est dans ce contexte que la société La Coque de Nacre a, par actes d’huissier des 27 mai et 6 novembre 2019, fait assigner les sociétés Gemstar et Gemstar Brands devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon de droit d’auteur ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitaire.
Les procédures ont été jointes.
Sur la mise hors de cause de la SAS Gemstar
Les sociétés Gemstar et Gemstar Brands font grief aux premiers juges d’avoir rejeté la demande de mise hors de cause de la SAS Gemstar alors que seule la SAS Gemstar Brands commercialise les produits de la marque Phebus, dont le modèle de bracelet incriminé, via son site internet Phebus & Co, ses comptes de réseaux sociaux (Facebook, Instagram) et son catalogue et est responsable du contenu des sites concernés par les actes incriminés en sa qualité d’éditeur.
La société La Coque de Nacre réplique qu’il existe des liens incontestables entre les sociétés Gemstar et Gemstar Brands dès lors qu’elles partagent le même siège social, que la société Gemstar est le président de la société Gemstar Brands, que le site internet https://www.gemstar-brands.com/ indique que le groupe Gemstar est la maison mère de Gemstar Brands, et que son président est en charge de la production en Asie, que la société Gemstar est propriétaire du nom de domaine gemstar-brands.com figurant sur le catalogue Gemstar Brands et du nom de domaine phebusandco.com qui correspond à l’adresse du site internet sur lequel le bracelet litigieux est commercialisé, enfin que la société Gemstar a reconnu importer, stocker et expédier les produits pour le compte de la société Gemstar Brands qui les commercialise, notamment via un site internet dont les noms de domaines appartiennent à Gemstar.
Les sociétés intimées indiquent en effet dans leurs écritures que la SAS Gemstar Brands a été créée en 2017 aux fins de commercialiser et distribuer les bijoux fantaisie approvisionnés par la SAS Gemstar, et que depuis lors, l’activité de cette dernière consiste à importer, stocker et expédier les produits pour le compte de son principal client, la SAS Gemstar Brands, laquelle se charge ensuite de les commercialiser sous la marque Phebus, soit directement par l’intermédiaire de son site internet, soit par le biais de sa clientèle de détaillants et de grandes enseignes de la bijouterie.
Par ailleurs, la SAS Gemstar est titulaire des noms de domaine gemstar-brands.com et phebusandco.com, permettant l’accès aux sites Internet par le biais desquels est commercialisé le bracelet incriminé.
C’est donc par des motifs exacts et pertinents que le tribunal a rejeté la demande de mise hors de cause de la SAS Gemstar.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur la titularité des droits d’auteur de la société La Coque de Nacre
Les sociétés Gemstar et Gemstar Brands contestent la qualité à agir de la société La Coque de Nacre tant au titre des droits d’auteur qu’au titre de la concurrence déloyale aux motifs qu’elle a indiqué dans ses écritures que le bracelet qu’elle revendique a été créé par l’intermédiaire de l’équipe de designers de la société SPCN et qu’elle ne justifie pas d’une cession de droits d’auteur à son profit.
Pour autant, il est constant que la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une oeuvre de l’esprit est présumée à l’égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l’absence de toute revendication du ou des auteurs, fussent-ils identifiés, détenir sur ladite oeuvre les droits patrimoniaux de l’auteur.
Pour bénéficier de cette présomption simple, il lui appartient d’identifier précisément l’oeuvre qu’elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; il lui incombe également d’établir que les caractéristiques de l’oeuvre qu’elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom.
Enfin, si les actes d’exploitation propres à justifier l’application de cette présomption s’avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie des droits patrimoniaux de l’auteur.
En l’espèce, la société La Coque de Nacre décrit dans ses écritures le bracelet qu’elle revendique et verse aux débats :
– un procès-verbal de constat en date du 25 mai 2019, duquel il résulte que l’huissier de justice instrumentaire s’est vu remettre une enveloppe Soleau fermée, oblitérée par le bureau de Poste La Défense PPDC Haut de Seine le 10 mars 2016, et a constaté à l’ouverture de celle-ci la présence de huit feuilles au format A4 contenant la référence 560460, la date du 07.03.16 et des modèles de bijoux dont un jonc doré, présentant un motif identique à celui supporté par le jonc en argent revendiqué dans le cadre de la présente procédure,
– des extraits de ses catalogues additifs des mois de mars et avril 2016 ainsi que de ses catalogues 2017/2018 et 2018/2019 sur lesquels figure le bracelet revendiqué référencé 721-408 ou 821-408 lorsqu’il est en argent, 921-408 lorsqu’il est en plaqué or et 929-408 lorsqu’il est en plaqué or rose,
– des extraits de son catalogue “Success” 2016/17 montrant un jonc identique appartenant à la collection ethnique,
– des factures de 2016 à 2017 adressées à des destinataires dont l’adresse se situe en France, faisant état de la vente de ces bijoux.
Ces éléments précis et concordants, qui se réfèrent au bracelet revendiqué permettent d’identifier celui-ci, de déterminer ses caractéristiques et d’établir son exploitation non équivoque, au moins depuis 2016 et ne sont contredits par aucun élément contraire ; ils suffisent ainsi à établir une présomption de titularité des droits patrimoniaux d’auteur au profit de la société La Coque de Nacre sur ce bijou sans qu’il soit besoin que cette dernière rapporte la preuve d’un processus créatif ou d’une cession de droits intervenue à son profit.
En conséquence, la société La Coque de Nacre doit être déclarée recevable à agir en contrefaçon de droits patrimoniaux d’auteur.
Sur le caractère protégeable du bijou revendiqué par la société La Coque de Nacre
Les dispositions de l’article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par le droit d’auteur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, pourvu qu’elles soient des créations originales.
Selon l’article L 112-2 10° du même code, sont considérées notamment comme oeuvres de l’esprit les oeuvres des arts appliqués.
En l’espèce, les sociétés intimées soutiennent que le bracelet jonc opposé ne peut être protégé par le droit d’auteur dès lors qu’il se caractérise par un cercle ou un anneau de grosseur uniforme qui constitue une forme classique de bijou connue depuis l’antiquité. Elles ajoutent que de simples motifs triangulaires reprenant le graphisme d’une pyramide aztèque relevant du fonds commun public, gravés sur le pourtour d’un bracelet jonc, n’apparaissent pas révéler un effort créatif particulier ni conférer au bijou un aspect esthétique propre et original, reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Le bracelet jonc revendiqué est ainsi décrit par la société La Coque de Nacre :
– un bracelet jonc ouvert d’une largeur de 6 millimètres et d’un diamètre de 54 ou 58 millimètres selon la matière utilisée,
– comportant sur toute sa surface un dessin géométrique gravé,
– composé de deux lignes zigzagant d’un côté à l’autre de la surface du bracelet,
– lesdites lignes étant elles-mêmes en escalier donnant ainsi une impression de
successions pyramidales, la base de chaque pyramide mesurant environ 14 mm,
– le creux de chaque pyramide étant décoré d’un triangle dont la base mesure 14 mm soulignant la ligne inférieure de chaque pyramide.
Elle ajoute avoir souhaité évoquer, par un motif graphique original, la silhouette des pyramides de la civilisation aztèque et plus particulièrement leurs marches, que si cette création emprunte certains éléments décoratifs aux lignes de l’architecture aztèque selon un agencement spécifique celui-ci, appliqué au bijou, donne une impression de finesse et de modernité que les pyramides aztèques n’évoquaient pas, cette finesse des traits gravés sur tout le pourtour du bracelet contrastant avec la silhouette massive d’une pyramide aztèque, que le bracelet présente ainsi des motifs géométriques dans une composition associant des motifs horizontaux en escalier donnant un effet d’alignement de pyramides et des espaces lisses triangulaires et que cette association de motifs géométriques gravés dans un agencement spécifique, en combinaison avec un jonc fin et ouvert et appréciée de manière globale, traduit des choix propres et un parti pris esthétique reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur.
La société La Coque de Nacre revendique ainsi des droits d’auteur, non pas seulement sur un bracelet jonc fin et ouvert comportant des motifs triangulaires reprenant le graphisme d’une pyramide aztèque, mais sur un bijou dont l’originalité est caractérisée par l’association de motifs horizontaux en escalier donnant un effet d’alignement de pyramides et d’espaces lisses triangulaires mais aussi par la finesse de ces motifs, la gravure fine, en combinaison avec les éléments graphiques et la forme du bracelet conférant à celui-ci un aspect esthétique propre et original reflétant ainsi l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Il s’ensuit que cette oeuvre doit bénéficier de la protection au titre des droits d’auteur des livres I et III du code de la propriété intellectuelle.
Sur la contrefaçon
En application des articles L 122-4 et L 335-3 du code de la propriété intellectuelle, toute reproduction, intégrale ou partielle, ou transformation d’une ‘uvre faite sans le consentement du titulaire des droits d’auteur constitue une contrefaçon.
En l’espèce, les sociétés intimées concluent à l’absence de contrefaçon de droits d’auteur en faisant valoir que les bracelets en cause diffèrent totalement dans leurs dimensions, leur aspect d’ensemble et leurs motifs.
Si les différences de dimensions sont inopérantes en droit d’auteur et si l’examen des deux bijoux en cause révèle la présence de motifs géométriques inspirés de l’univers aztèque, il n’en demeure pas moins que le bracelet incriminé ne reprend pas le parti pris esthétique liée à la finesse de la gravure des motifs et présente au contraire une gravure en relief. Cette différence essentielle, immédiatement perceptible, crée sur ledit bracelet une impression visuelle d’ensemble différente de celle du bracelet commercialisé par la société La Coque de Nacre dont l’originalité repose essentiellement sur la finesse de ses motifs.
Dans ces conditions, la contrefaçon de droit d’auteur n’est pas établie et le jugement qui a débouté la société La Coque de Nacre de ses demandes à ce titre sera confirmé.
Sur la concurrence déloyale et le parasitisme
La société La Coque de Nacre poursuit les sociétés intimées en concurrence déloyale tant à titre principal pour des faits distincts de la contrefaçon qu’à titre subsidiaire.
S’agissant du premier chef de demande, force est de constater que l’appelante ne caractérise dans ses dernières écritures devant la cour aucun fait distinct de concurrence déloyale. La demande ne peut donc prospérer.
Il en est de même de l’action subsidiaire en concurrence déloyale en l’absence de risque de confusion entre les bracelets en cause tant sont essentielles les dissemblances relevées.
Les demandes formées au titre de la concurrence déloyale doit seront en conséquences rejetées.
S’agissant du parasitisme, l’appelante soutient avoir engagé des investissements importants de création et de conception du bracelet qu’elle oppose.
La société La Coque de Nacre ne justifie cependant pas des investissements spécialement consacrés à la promotion du bracelet en cause ; elle ne peut utilement soutenir que les sociétés intimées se sont immiscées dans son sillage en profitant de ses investissements en commercialisant un bracelet d’inspiration aztèque, dont il n’est pas contesté qu’il s’inscrit dans une tendance de mode, celle des bijoux dit ethniques, massivement suivie par tous les intervenants du secteur à l’époque considérée alors que ce bijou ne peut être considéré comme un de ses produits phare dont les intimées auraient cherché à tirer profit de la notoriété sans bourse délier et qu’au surplus la société Gemstar Brands justifie s’être dotée elle-même d’un service de création interne.
La demande formée au titre du parasitisme sera en conséquence rejetée.
Sur les autres demandes
Le droit d’ester en justice appartient à toute partie qui y a intérêt, sous réserve toutefois d’abus, et le fait d’intenter une action ou d’opposer des moyens de défense à une demande n’est pas en soi générateur de responsabilité. Il y a lieu en conséquence de débouter les sociétés Gemstar et Gemstar Brands de leur demande de dommages intérêts pour procédure abusive portant atteinte à son image et à sa réputation.
Le jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts doit en conséquence être confirmé de ce chef également.
La société La Coque de Nacre qui succombe sera condamnée aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Enfin les sociétés intimées ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne la SAS La Coque de Nacre à payer à la SAS Gemstar Brands et à la SAS Gemstar, ensemble, la somme totale de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SAS La Coque de Nacre aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La greffière La présidente