Cession de droits : 6 juin 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/01616

·

·

Cession de droits : 6 juin 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/01616
Ce point juridique est utile ?

6 juin 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
21/01616

06/06/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/01616

N° Portalis DBVI-V-B7F-OC3C

CR / RC

Décision déférée du 01 Février 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO,

JCP de TOULOUSE – 16/04256

M. [J]

[F] [Y]

S.A.S.U. DGBM

C/

S.A.R.L. ACSO CONSEILS L’UNION

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SIX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTS

Monsieur [F] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Stéphane PIEDAGNEL, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.S.U. DGBM

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de TARBES sous le numéro 813 184 553, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane PIEDAGNEL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.R.L. ACSO CONSEILS L’UNION (anciennement dénommée ACTITUDES), immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de TOULOUSE sous le numéro 478 013 170, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Damien DE LAFORCADE de la SELARL CLF, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 13 Février 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : R. CHRISTINE

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par M. DEFIX, président, et par R. CHRISTINE, faisant fonction de greffier.

OBJET DU LITIGE ET PROCÉDURE

Courant 2014, M. [F] [Y] s’est intéressé à la Sarl Société Pyrénéenne d’agencement de Magasins, Société Nouvelle (Spam Sn), exploitée par MM [S] et [Z] [M], détenant chacun la moitié du capital social, qui souhaitaient vendre leur affaire. Il s’est rapproché pour ce faire du cabinet d’expertise comptable Actitudes, exploité par MM. [B] [V] et [I] [L], experts comptables, avec lesquels son précédent employeur avait l’habitude de travailler.

Une lettre d’intention était signée le 10 février 2015.

M.[Y] créait en juin 2015 la Sas Dgbm, immatriculée en août 2015, dont l’objet était d’acquérir l’intégralité des parts sociales de la société Spam Sn.

Un acte de cession sous conditions suspensives, dont l’obtention d’un ou plusieurs prêts, la démission de M.[S] [M] de sa fonction de gérant, l’absence d’offre de rachat des parts sociales par les salariés, intervenait le 29 juillet 2015 portant sur la vente des 120 parts sociales détenues par MM.[S] et [Z] [M] à hauteur de 60 parts chacun, moyennant un prix de 1.107.000 €, dont 850.000 € payables au jour de la réitération de la cession par chèque de banque ou virement et 257.000 € au moyen d’un paiement à terme.

Les actes de cession intervenaient le 1er octobre 2015. Une convention de garantie d’actif et de passif à hauteur de 300.000 € était signée le même jour entre les parties, ainsi qu’une convention de tutorat avec M.[S] [M].

Invoquant un défaut de délivrance conforme résultant de la révélation par les comptes de référence d’une diminution du chiffre d’affaires de l’ordre de 500.000 € entre les comptes arrêtés au 31/12/2014 et la situation arrêtée au 30 septembre 2015, ainsi que la découverte d’un recours au chômage partiel en masse depuis le début de l’année 2015 sans qu’il en ait été informé, M.[Y] a entendu mettre en ‘uvre la garantie d’actif et de passif à l’égard des cédants.

Reprochant à la société Actitudes en qualité de conseil l’ayant accompagné dans son projet d’acquisition et de rédacteur d’actes divers manquements à sa mission d’assistance juridique, de contrôle et de conseil, à savoir, l’absence d’audit sérieux et approfondi de la société Spam tant comptable, fiscal que juridique, l’absence de vision sur les 9 mois écoulés depuis la clôture du précédent exercice lors de la cession, la suggestion inopportune du recours à une société holding pour réaliser l’opération de reprise, l’absence de clause de révision de prix, l’absence d’efficacité de la convention de garantie en l’absence de remise exigée des délégations de créance lors de la signature de l’acte définitif de cession, par acte d’huissier de justice du 22 novembre 2016, la Sas Dgbm a fait assigner la Sarl Actitudes, désormais devenue Acso Conseils l’Union, en responsabilité et dommages et intérêts aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 608.000 euros qui correspondrait à la différence entre le prix de cession des parts et la valeur de la société acquise augmentée de sa trésorerie. M. [F] [Y] est intervenu volontairement à cette procédure à titre personnel.

La société Actitudes ayant appris qu’un litige s’était élevé entre la société Dgbm et les cédants s’agissant de la garantie de passif, a saisi le juge de la mise en état afin que soit ordonnée la production de la transaction ayant mis fin à ce litige.

Par ordonnance du 14 juin 2018, le juge de la mise en état, sursoyant à statuer sur l’incident, a fait injonction à la société Dgbm de conclure au fond en détaillant les préjudices qu’elle réclamait.

Puis par ordonnance du 14 février 2019, relevant qu’il s’était avéré que l’action introduite en justice par les cédants s’était soldée par un désistement à la suite d’une transaction qui aurait réduit le prix de cession de 308.000 € et au regard des dernières écritures au fond de la société demanderesse sollicitant une indemnisation à hauteur de 183.092,26 € en réparation d’une perte de chance de contracter dans des conditions plus avantageuses, outre 50.000 € en raison du montage financier préconisé et 40.000 € au titre des frais, études et procédures, le juge de la mise en état a ordonné une expertise judiciaire afin que soit communiquée la transaction et que l’expert retrace les termes de l’accord intéressant uniquement le litige, mettant l’avance de la consignation à la charge de la Sarl Actitudes.

La Sarl Actitudes, après consignation, a finalement renoncé à cette expertise sans opposition de la part de son adversaire.

Par jugement contradictoire en date du 1er février 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

– dit que la société Acso Conseils l’Union a engagé sa responsabilité,

– condamné la société Acso Conseils l’Union à payer à [F] [Y] la somme de 8.000 euros pour son préjudice moral avec les intérêts au taux légal à compter du jugement,

– débouté la société Dgbm de ses demandes aux titres de la perte de chance, du préjudice financier et des frais engagés, ainsi que des mesures conservatoires et du préjudice moral,

– dit qu’une copie du jugement sera communiquée par le greffe au Procureur de la République (service financier).

– condamné la société Acso Conseils l’Union aux dépens dont distraction au profit de Maître Martinet et à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

– débouté la société Acso Conseils l’Union de sa demande reconventionnelle.

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré que la société Acso Conseils l’Union , professionnel en charge du conseil et de la rédaction des actes, et professionnel du chiffre et du droit, avait commis une faute pour n’avoir pas attiré l’attention de son client sur l’explosion entre avril et juin 2015 des volumes de chômage partiel, en s’étant abstenue de veiller à ce que les données financières et sociales soient actualisées au jour de la cession en se faisant communiquer un état proche de la cession intervenue effectivement plus de cinq mois après le dernier état ayant servi de base aux négociations, ou, à tout le moins, si elle avait considéré ne pas avoir à effectuer cette actualisation, en s’étant abstenue d’attirer l’attention de son client sur les risques engendrés.

Retenant comme fait juridique dont un tiers pouvait se prévaloir l’intervention d’une transaction entre les parties à la cession dont les termes restaient ignorés mais qui comportait une importante réfaction du prix de cession, il en a déduit qu’il n’existait pas de perte de chance raisonnable d’avoir pu contracter dans des conditions plus favorables puisque les conditions de la transaction emportaient nécessairement que le juste prix avait finalement été payé, écartant toute demande d’indemnisation au titre du préjudice matériel. Il a retenu qu’il n’était pas justifié de frais d’études ou autres frais exposés pour la recherche de la responsabilité de l’expert-comptable en dehors des frais de conseil propres à la procédure dont il était saisi. Il a estimé que le préjudice moral propre à la confiance placée en l’expert-comptable recevant une mission complète, subi exclusivement par M.[Y] au regard de la date d’immatriculation de la société Dgbm des suites des manquements de l’expert-comptable à ses obligations, n’était pas réparé par la transaction et justifiait une indemnisation à hauteur de 8.000 €.

Par déclaration en date du 9 avril 2021, Ia Sasu Dgbm et M. [Y] ont relevé appel de ce jugement ce qu’il a :

– condamné la Sarl Acso Conseils l’Union à payer à [F] [Y] la somme de 8.000 euros pour son préjudice moral avec les intérêts au taux légal à compter du jugement,

– débouté la société Dgbm de ses demandes aux titres de la perte de chance, du préjudice financier et des frais engagés, ainsi que des mesures conservatoires et du préjudice moral.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 18 janvier 2023, M. [F] [Y] et la Sasu Dgbm, appelants, demandent à la cour, au visa des articles1147 et suivants dans leur rédaction antérieure, 2044 et suivants du code civil, de :

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a jugé que la société Acso Conseil l’Union a engagé sa responsabilité,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société Acso Conseil l’Union de sa demande reconventionnelle au titre de ses honoraires impayés,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Acso Conseil l’Union aux dépens et à payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société Dgbm de ses demandes indemnitaires au titre de la perte de chance et du préjudice financier et cantonné le préjudice moral de M. [Y] à la somme de 8 000 euros tout en le déboutant de ses demandes financières,

Et statuant à nouveau,

– condamner la société Acso Conseil l’Union à payer à la société Dgbm la somme de 258.000 euros au titre de la perte de chance de ne pas avoir contracté dans des conditions plus favorables, majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2016 et jusqu’à parfait paiement,

– condamner la société Acso Conseil l’Union à payer à la société Dgbm la somme de 22.481€ à titre de dommages et intérêts au titre du trop payé en termes de droits d’enregistrement,

– condamner la société Acso Conseil l’Union à payer à M. [Y] la somme de 40.000 euros au titre de son préjudice moral,

A titre subsidiaire, si la Cour devait condamner la société Dgbm à payer la somme de 5.000 € HT au titre des honoraires de la société Acso Conseil l’Union,

– ordonner la compensation de cette somme avec les sommes allouées à la société Dgbm à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause,

– condamner la société Acso Conseil l’Union à leur payer à chacun la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 27 janvier 2023, la Sarl Acso conseils l’Union (anciennement dénommée Actitudes), intimée, appelante incidente, demande à la cour, au visa de l’article 1231-1 du code civil, de :

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

* dit que la société Acso Conseils l’Union a engagé sa responsabilité,

* l’a condamnée à payer à [F] [Y] la somme de 8.000 euros pour son préjudice moral avec les intérêts au taux légal à compter du jugement,

* condamné la société Acso Conseils l’Union aux dépens dont distraction au profit de Maître Martinet et à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

* débouté la société Acso Conseils l’Union de sa demande reconventionnelle.

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* débouté la société Dgbm de ses demandes au titre de la perte de chance, du préjudice financier et des frais engagés, ainsi que des mesures conservatoires et du préjudice moral,

Et statuant à nouveau,

– juger qu’elle n’a commis aucun manquement dans l’accomplissement de sa mission

– juger en tout état de cause que la société Dgbm et M. [Y] ne rapportent pas la preuve qui leur incombe d’un préjudice à caractère indemnisable

– débouter en conséquence la société Dgbm et M. [Y] de leurs demandes et prétentions

– condamner par ailleurs la société Dgbm à lui verser la somme de 20.528,11 euros correspondant à des honoraires impayés,

– condamner enfin la société Dgbm et M. [Y] à lui payer la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 janvier 2023.

L’affaire a été examinée à l’audience du 13 février 2023.

SUR CE, LA COUR :

En première instance la Sas Dgbm sollicitait la condamnation de la société Acso Conseils l’Union anciennement dénommée Actitudes à lui payer la somme de 250.000€ en réparation d’une perte de chance de contracter à des conditions plus avantageuses, une somme de 50.000 € en raison du montage financier préconisé, et une somme de 50.000 € au titre des études, procédures et autres frais engagés pour la défense de ses intérêts, toutes demandes dont elle a été déboutée par le premier juge. M.[Y] sollicitait quant à lui 40.000 € d’indemnisation au titre d’un préjudice moral, préjudice admis par le premier juge à hauteur de 8.000 €.

La déclaration d’appel de la Sas Dgbm et de M.[Y] a été limitée d’une part, à la somme allouée par le premier juge à M.[Y] au titre de son préjudice moral, d’autre part au débouté de la société Dgbm de ses demandes au titre de la perte de chance, du préjudice financier et des frais engagés ainsi que des mesures conservatoires et du préjudice moral.

Devant la cour, au vu du dispositif de ses dernières écritures qui seul lie la cour, la société Dgbm ne sollicite qu’une indemnisation au titre de la perte de chance de ne pas avoir contracté dans des conditions plus favorables, portée à 258.000 €, et une somme de 22.481 € à titre de dommages et intérêts au titre d’un trop payé en termes de droits d’enregistrement. En conséquence, les dispositions du jugement entrepris ayant débouté la société Dgbm de ses demandes au titre des frais engagés ainsi que des mesures conservatoires et du préjudice moral ne peuvent qu’être confirmées, la cour ayant uniquement à statuer sur la perte de chance invoquée et le préjudice financier ramené à 22.481 €.

1°/ Sur l’action en responsabilité exercée par la Sas Dgbm à l’encontre de la société Acso Conseils l’Union anciennement dénommée société Actitudes

Selon les dispositions de l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L’octroi de dommages et intérêts implique de la part du demandeur à l’indemnisation la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

L’expert-comptable qui accepte dans l’exercice de ses activités juridiques accessoires d’établir un acte sous seing privé pour le compte d’autrui, est tenu, en sa qualité de rédacteur, d’informer et d’éclairer de manière complète les parties sur les effets et la portée de l’opération projetée, y compris sur ses incidences fiscales. Il n’est pas déchargé de ces obligations par les compétences personnelles de l’une des parties à l’acte qu’il dresse ou la présence à ses côtés d’un conseiller personnel.

En l’espèce, s’il n’est pas justifié de l’établissement d’une lettre de mission, il résulte tant des écritures concordantes des parties sur ce point, que de la facture d’honoraires adressée par la Sarl Actitudes devenue Acso Conseils l’Union le 31/08/2015 à la Sasu Dgbm, ainsi que de la lettre d’intention établie par ladite société d’expertise comptable et signée par M. [F] [Y], que ce dernier a effectivement chargé la Sarl Actitudes de l’accompagner dans l’opération de rachat des parts de la société Spam Sn, lui a confié la réalisation d’un audit comptable, fiscal, social, juridique et commercial de ladite société sur les années d’exercice 2012, 2013 et 2014, ainsi que la création de la holding Sas Dgbm, l’a chargée de l’élaboration de la lettre d’intention, de la réalisation des prévisionnels Spam et Dgbm, de l’élaboration de l’acte d’achat de 100% des titres de la société Spam, de l’acte de garantie d’actif et de passif, tout comme de l’accompagnement de la négociation avec les vendeurs et les banques.

L’audit général comptable, fiscal, social, juridique et commercial de la société Spam Sn, facturé par la société d’expertise comptable qui en demande paiement, tel que prévu à la lettre d’intention établie le 10/02/2015 comme devant être réalisé sur les trois derniers exercices clos (31 décembre 2014, 2013, 2012) devant porter sur la structure du chiffre d’affaires (par client, par produit, etc…), l’organisation de l’entreprise, la situation financière, le contenu des contrats principaux (clients, fournisseurs, salariés, bail…) n’est pas produit au débat. Seul un « résumé d’audit social » est produit comme ayant été transmis par mél à M.[Y] le 24 juillet 2015, portant essentiellement sur les aspects juridiques des rémunérations des dirigeants et le calcul de l’allègement Fillon, ainsi que le projet de statuts de la Sas Dgbm à créer transmis à M.[Y] par mèl le 5 juin 2015, l’organigramme du personnel de l’entreprise Spam transmis par M.[Y] par mèl du 30 octobre 2014, la balance de la société Spam arrêtée au 30/09/2014 ayant servi à l’édition du pré-bilan, l’état des crédits en cours au 30/10/2014. Les prévisionnels des sociétés Spam et Dgbm, facturés le 31/08/2015, auquel M.[Y] fait allusion dans son mèl du 14 mai 2015 comme restant à intégrer au projet de reprise à soumettre aux banquiers ne sont pas produits. Il ressort néanmoins du mèl de M.[Y] du 26 juin 2015 adressé notamment à M.[B] [V], expert-comptable de la société Actitudes, que ces prévisionnels ont bien été établis, mais qu’étant estimés « trop tendus », M.[Y] a demandé, avant transmission aux banquiers, qu’ils soient retravaillés par augmentation des « CA » (chiffres d’affaires). Ces prévisionnels modifiés concernant tant la société Spam que la société Dgbm ont été annoncés comme transmis, notamment à M.[Y], par M.[V] par mèl du 11/06/2015. Si les comptes annuels de l’exercice de la Sarl Spam Sn clos au 31/12/2013 sont produits en intégralité par M.[Y], reportant ceux de l’exercice 2012 (pièce 3), ceux de l’exercice clos au 31/12/2014 ne sont identifiables qu’à partir de la situation établie par la société Actitudes au 30 septembre 2015, après la signature de l’acte de cession et la demande de contrôle de M.[Y] postérieurement à sa prise de fonction de direction de la société acquise.

Cela étant, la lettre d’intention signée par M.[Y] le 10 février 2015 et préparée par la société d’expertise comptable Actitudes énonce que le dirigeant de la société Spam estimait le prix global de l’ensemble des parts sociales à 1.400.000 €, les parties convenant que l’arrêté définitif du prix découlerait des opérations d’expertise devant permettre l’évaluation de l’ensemble immobilier appartenant à la société ainsi que de l’audit général à réaliser et que la période de négociation ne pourrait s’étendre au delà du 30 avril 2015, l’exclusivité du projet de cession étant octroyée pendant cette période de négociations à M.[Y].

L’immeuble appartenant à la société Spam Sn constituant 1700 m2 de bâtiments industriels couverts dans lesquels elle exploitait ses activités, construits sur un terrain de 5700 m2 clos, a été évalué, suite à expertise du 10 avril 2015, à 610.000 €, étant relevé qu’une telle valorisation n’apparaissait pas à l’actif du bilan de la société au 31/12/2014 dans lequel terrains et constructions étaient inscrits respectivement pour 19.137,66 € et 30.932,15 €.

Une situation provisoire au 30/04/2015 a été établie par les services administratifs de la Spam Sn. Cette situation ne révèle pas de dégradation particulière sur les cinq premiers mois de l’année 2015 ni quant au chiffre d’affaires, ni quant aux achats de matières premières nécessaires à l’activité, ni quant aux salaires et traitements. M. [Y] l’admet dans ses écritures en approuvant la motivation du premier juge selon laquelle la comparaison du chiffre d’affaires de 2014 et celle au 30 avril 2015 montre une cohérence, la baisse massive de chiffre d’affaires et le recours massif au chômage partiel s’étant produits, selon ses propres écritures, à compter de mai 2015 (page 23 des écritures).

L’acte de cession de parts sociales sous conditions suspensives d’obtention d’un ou plusieurs prêts bancaires par le cessionnaire, de la démission de M.[S] [M] de ses fonctions de gérant, de l’absence d’offre de rachat des parts sociales par les salariés, et de l’autorisation de la cession à la société Dgbm par l’assemblée générale extraordinaire de la société avec agrément du cessionnaire est intervenu le 29 juillet 2015, prévoyant une garantie de passif et d’actif net à consentir par MM.[S] et [Z] [M], et ce pour un prix alors arrêté à 1.107.000 €, substantiellement inférieur à celui prévu dans la lettre d’intention du 10 février 2015 où il était estimé par les cédants à 1.400.000 €. En l’absence de toute production de l’audit réalisé par la société Actitudes devant permettre l’aboutissement des négociations dont le terme était contractuellement fixé au 30/04/2015, date de la dernière situation provisoire fournie par la société cédante, les conditions de la détermination de la valeur des parts ne sont pas identifiables, étant juste relevé que la société cédante était propriétaire d’un bien immobilier évalué à 610.000 € représentant 55% du prix de cession.

Au regard de l’ensemble de ces éléments et de la date conventionnellement arrêtée au 30 avril 2015 par le cédant et le cessionnaire pour mettre un terme aux négociations, il ne peut être reproché à la société Actitudes de ne pas avoir sollicité au 30 août ou au 15 septembre 2015 une vérification de la situation de l’entreprise, l’accord des parties sur la chose et sur le prix ayant été arrêté lors de la signature du compromis sous conditions suspensives signé le 29 juillet 2015 en fonction des éléments comptables actualisés au 30 avril 2015, terme fixé pour les négociations, de l’audit complet de la société Spam par la société d’expertise comptable Actitudes entre la lettre d’intention du 10 février 2015 et la signature du compromis, dont la réalisation effective n’est pas contestée, de l’évaluation du bien immobilier réalisée par expertise, et des prévisionnels des deux sociétés retravaillés.

En revanche, il n’a pas été prévu dans le contrat de cession de parts sociales préparé par la société d’expertise comptable une clause de révision de prix au jour de l’intervention de l’acte effectif de cession qui était prévue pour le 1er octobre 2015 au plus tard, soit dix mois après l’arrêté des comptes du dernier exercice de la société Spam, c’est à dire quasiment à l’issue d’un nouvel exercice d’activité. Un projet de lettre d’intention avait été élaboré par la société d’expertise comptable Actitudes adressée à M.[Y] par mèl du 28/11/2014, lequel prévoyait en son temps une clause de révision de prix si les capitaux propres de la société venaient à être inférieurs à 500.000 € et si la valeur de l’immobilier était inférieure à 800.000 € au moins, hors droits et net de tous travaux pour mise aux normes d’hygiène et de sécurité sur conclusions d’un expert immobilier. Par mèl du 29 décembre 2014 M.[Y] indiquait à M.[V], expert-comptable, qu’outre une garantie de passif sur la base de 5 ans, il acceptait une base de capitaux propres de 470.000 € et demandait à l’expert-comptable, auquel il renouvelait sa confiance, de trouver « la formule adéquate afin que le chiffre d’affaires du début d’année et ce jusqu’à la reprise ne subisse pas une chute vertigineuse ». M.[Y] s’en est donc totalement remis à son expert-comptable pour l’élaboration des garanties, exigeant d’être prémuni d’une chute conséquente du chiffre d’affaires jusqu’à la reprise effective de la société Spam. Il s’est de fait avéré, ainsi que cela résulte du rapport d’évaluation réalisé par @com.Sofec-pyrénées le 4 décembre 2015 produit en pièce 25 par les appelants, que les résultats prévisionnels de l’exercice au 31/12/2015 faisaient ressortir un déficit d’exploitation estimé à plus de 222.000 € au 31 décembre 2015, le cabinet Actitudes ayant fait une estimation à -92K€ au 30/09/2015 tandis que le cabinet @com Sofec Tarbes avait fait une estimation à -130K€ au 31/10/2015, cette situation résultant d’une très forte baisse du chiffre d’affaires constatée au 30/09/2015 et de la quasi-absence de commande en cours à la date de la cession de l’entreprise. La chute vertigineuse de chiffre d’affaires entre le début de l’année 2015 jusqu’à la reprise effective de l’entreprise, dont M.[Y] avait expressément demandé à son conseil expert-comptable chargé de la rédaction des actes dès fin décembre 2014 de trouver la formule adéquate pour l’en prémunir, s’est donc effectivement produite, sans que la société d’expertise comptable justifie avoir préconisé quelque clause que ce soit pour en prémunir son client dans le compromis de cession sous-conditions suspensives et dans l’acte de cession définitif à laquelle M.[Y] aurait en toute connaissance de cause renoncé. Aucun conseil à ce titre n’est justifié par la société d’expertise comptable à laquelle incombe la charge de la preuve du conseil donné, ni aucune renonciation de M.[Y] à ce titre n’est justifiée. L’absence de reprise dans la lettre d’intention signée le 10 février 2015 de la clause de révision de prix initialement prévue dans celle proposée le 28/11/2014 ne peut suffire à établir ni que l’expert-comptable a effectivement attiré l’attention de son client avant tout engagement sur la nécessité de prévoir une clause de révision de prix, ni que ce dernier y aurait renoncé en toute connaissance de cause dans le cadre de discussions avec les vendeurs.

L’absence de conseil et de mise en garde à ce titre de l’expert-comptable auquel M.[Y] s’en était remis en toute confiance pour l’élaboration des clauses destinées à le garantir, notamment d’une baisse conséquente du chiffre d’affaires, caractérise un manquement du professionnel prestataire à ses obligations de nature à engager sa responsabilité.

Ce manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde, qui n’est qu’une obligation de moyens, compte tenu des aléas inhérents à toute opération de cession et de reprise d’entreprise commerciale, ne peut avoir pour conséquence préjudiciable qu’une perte de chance pour la société Dgbm, société holding cessionnaire, d’acquérir les parts sociales de la société Spam Sn à des conditions moins onéreuses, perte de chance qui ne peut en toute hypothèse être mesurée qu’à hauteur de la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

En l’espèce, par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 28 octobre 2015, au vu des déclarations faites par les cédants dans la convention de garantie d’actif et de passif à hauteur de 300.000 € effectivement signée le 1er octobre 2015 concomitamment à la cession de parts sur projet préparé par la société d’expertise comptable Actitudes et de l’arrêté comptable réalisé après la cession par la même société d’expertise comptable au 30 septembre 2015, la société Dgbm, invoquant une dégradation des capitaux propres de la société Spam par rapport à ceux inscrits dans les comptes de référence arrêtés au 31 décembre 2014, du chiffre d’affaires en nette diminution par rapport à celui figurant dans ces comptes de référence et à celui indiqué dans le reporting du 30 avril 2015 établi par les services administratifs de la société Spam, de frais engagés dans le cadre de la cession qu’elle estimait incomber à la société Spam et d’un retrait de l’actif de la société d’un véhicule cédé sans contrepartie financière à l’ancien dirigeant M.[S] [M], a notifié aux cédants sa décision de mettre en ‘uvre la garantie d’actif et de passif, estimant alors son préjudice à 190.300 € correspondant à l’addition de la différence entre le montant des capitaux propres au 30 septembre 2015 (370.396,19 €) par rapport à celui figurant aux comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2014 (462.562,47 €), soit 92.166,28 €, du résultat net comptable théorique auquel elle aurait pu prétendre du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2015 si les déclarations des cédants et leurs attestations avaient été exactes, soit 68.194,49 €, et de la valeur argus du véhicule Audi A5 estimée à 29.940 €, précisant que cette notification ne préjugeait en rien de nouvelles demandes ultérieures de mise en jeu de la garantie dans l’hypothèse où se révéleraient de nouveaux faits susceptibles de porter atteinte à ses intérêts ou à ceux de la Spam Sn.

Par acte du 13 novembre 2015, les consorts [M] ont quant à eux assigné la société Dgbm en paiement du solde du prix de cession s’élevant à 257.000 € devant le tribunal de commerce de Tarbes. Dans le cadre de cette procédure, la société Dgbm a formé une demande reconventionnelle à l’encontre des cédants, invoquant des man’uvres et réticences dolosives, sollicitant alors une somme de 608.000 € en réparation de son préjudice.

Parallèlement à cette procédure au fond, par acte du 9 février 2016 la société Dgbm a introduit une action en référé devant la même juridiction à l’encontre des cédants au titre de la garantie d’actif et de passif . Ayant fait appel de l’ordonnance du 5 avril 2016 l’ayant déboutée de ses demandes, une médiation a été proposée aux parties par la cour d’appel de Pau.

Dans ce contexte, cédants et cessionnaire se sont rapprochés et sont parvenus à un accord matérialisé par un protocole transactionnel signé le 18 janvier 2017, produit au débat devant la cour, et aux termes duquel :

– les cédants ont accepté une diminution du prix de cession de 308.000 €, le ramenant ainsi de 1.107.000 € à 799.000 € ; après compensation du solde de 257.000 € resté impayé, MM.[M] se sont trouvés débiteurs envers la société Dgbm d’une somme de 51.000 € qui a été réglée le jour de la signature du protocole par chèques Carpa,

– corrélativement, la société cessionnaire a accepté à titre de concession réciproque de réduire l’étendue de la convention de garantie d’actif et de passif, ramenée à 50.000 € pour une expiration au 1er octobre 2018, ainsi que d’en limiter la portée aux seuls risques fiscal et social, pour l’exécution de laquelle les consorts [M] s’engageaient à lui fournir une garantie à première demande d’une banque française à concurrence de 25.000 € chacun.

Des suites de ce protocole la société Dgbm d’une part, et MM.[S] et [Z] [M] d’autre part, se sont respectivement engagés à renoncer aux demandes qu’ils avaient formées devant le tribunal de commerce de Tarbes saisi sur le fond tant de la demande en paiement du solde du prix de cession par les cédants que de la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée à hauteur de 608.000 € par la société Dgbm, la société Dgbm s’étant en outre engagée à se désister de l’appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance de référé du 5 avril 2016 l’ayant déboutée de sa demande au titre de la garantie contractuelle d’actif et de passif, chacune des parties ayant déclaré s’estimer en pleine connaissance de cause satisfaite dans l’intégralité de ses droits.

 Si l’effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l’autorité d’une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ces mêmes tiers peuvent néanmoins invoquer comme fait juridique produisant un effet extinctif, la renonciation à un droit que renferme cette transaction.

En l’espèce, la société Dgbm et les cédants ont bien transigé sur le prix de cession des parts sociales au regard de la dégradation de la situation financière et commerciale de la société Spam Sn telle qu’invoquée à la date de la cession par la société cessionnaire par rapport aux éléments de référence ayant servi de base aux négociations (baisse d’activité, diminution importante du chiffre d’affaires, dégradation des capitaux propres de la société) , la société Dgbm ayant obtenu des cédants une diminution du prix de cession des parts sociales fixée entre les parties à 308.000 €, et renonçant à toute action contre les cédants prenant sa source dans le contrat de cession des parts sociales.

Il en résulte qu’ayant convenu avec les cédants de l’incidence sur le prix de cession des données financières d’actif et de passif de la société Spam Sn actualisées à la date de la cession et du montant de la réfaction de prix en résultant, renonçant à toute réclamation ultérieure à ce titre, le prix de cession finalement réduit à 799.000 € représente le juste prix convenu en toute connaissance de cause entre les parties à la cession, de sorte que la perte de chance de conclure l’acte de cession à des conditions plus favorables pouvant résulter des manquements ci-dessus retenus à l’encontre de la société d’expertise-comptable Actitudes à ses obligations de conseil et de mise en garde s’agissant de l’absence de préconisation d’une clause de révision de prix à la date de la cession effective pour prémunir la société cessionnaire de toute chute conséquente du chiffre d’affaires a nécessairement d’ores et déjà été intégralement indemnisée par la réduction du prix de cession des parts consentie par les cédants dont la société Dgbm a admis qu’elle la remplissait de ses droits au titre du prix de cession.

Le premier juge a donc justement débouté la Sas Dgbm de sa demande d’indemnisation à ce titre.

Aucun manquement préjudiciable ne peut par ailleurs utilement être reproché à l’expert-comptable s’agissant de l’établissement de l’acte portant garantie d’actif et de passif et de son efficacité.

La convention de garantie élaborée par la société Actitudes était établie pour 300.000€. Elle était notamment destinée à garantir toute inexactitude ou insuffisance de l’une quelconque des déclarations faites par les cédants dans le cadre de la convention, notamment celles figurant à l’article 2-1-2 relatives à la gestion de la société depuis la date des comptes de référence jusqu’à l’intervention du protocole, selon lesquelles aucun changement dans la conduite normale des affaires n’était intervenu, aucun changement défavorable dans la situation financière de la société ou dans son actif ou dans son passif n’était intervenu, aucun événement ou fait n’avait affecté à la date de la convention de manière significative et défavorable l’activité, les biens, les actifs, affaires ou situation de la société, ou encore que la société avait été gérée de manière prudente et avisée, dans le cadre du cours normal des affaires, dans la continuité de son exploitation, de ses méthodes et pratiques de gestion. Elle était aussi destinée à garantir selon son article 3 l’exactitude et la fiabilité des comptes de référence.

Cette garantie s’est trouvée judicieuse et efficiente puisque c’est sur le fondement de sa signature et de ses clauses que la société Dgbm a été en mesure d’en exiger la mise en ‘uvre dès le 25 octobre 2015, invoquant le caractère mensonger voire dolosif des déclarations des cédants, et de transiger finalement avec ces derniers sur la réfaction du prix de cession.

Si cette convention prévoyait effectivement, la remise par chacun des garants d’une délégation de créance d’un montant total de 300.000 € au prorata de la détention en capital de chacun des garants, payable à première demande dans le cadre d’une assurance dite de garantie d’actif et de passif pour toute la durée de la garantie à compter de la date du transfert de propriété des parts sociales au bénéficiaire et pour une durée de 8 années à compter de la cession, l’absence de remise effective par chacun des garants de cette garantie d’assurance, non imputable au demeurant à l’expert-comptable, s’est trouvée sans incidence préjudiciable pour la société Dgmb dans la mesure où le solde revenant à cette dernière après réfaction transactionnelle du prix de cession a effectivement été réglé par chacun des cédants, la garantie d’actif et de passif ayant corrélativement été réduite tant dans sa portée que dans son montant ramené à 50.000 €, MM.[M] s’engageant à fournir une garantie bancaire à première demande. Au demeurant dans leurs dernières écritures, les appelants ne tirent aucune conséquence en terme de préjudice du reproche qu’ils font à la société d’expertise comptable de ne pas avoir exigé des cédants la remise des délégations de créance ni de conseiller, si ce n’est d’exiger, le report de la date de signature des actes en l’absence de ces délégations qu’ils estiment essentiels à l’efficacité immédiate de la garantie d’actif et de passif, étant relevé qu’en toute hypothèse l’article 3-8 de la convention prévoyait que toute somme qui serait due par le garant au titre de la garantie d’actif et de passif devrait être payée au bénéficiaire ou à la société dans les 30 jours ouvrables de la détermination du préjudice subi par ces derniers, détermination résultant soit d’une acceptation tacite ou explicite, soit d’une décision judiciaire, soit d’un accord transactionnel. Ainsi en toute hypothèse, toute garantie d’assurance qui aurait pu être donnée lors de la signature de la convention par les garants cédants, n’aurait pu être efficiente avant la détermination de l’indemnité due par les garants dans les conditions fixées par la convention.

La société Dgbm reproche en outre à la société d’expertise comptable de ne pas lui avoir conseillé préalablement à la cession la transformation de la Sarl Spam en Sas ce qui, selon elle, lui aurait permis de réaliser une économie certaine sur le montant des droits d’enregistrement, estimant avoir subi de ce fait un préjudice de 22.481 €. La société intimée soutient quant à elle d’une part, que l’option de transformation en Sas de la Sarl Spam a été évoquée mais écartée par la Sas Dgbm au regard des coûts générés, d’autre part, qu’outre les frais inhérents à la seule transformation de la Sarl, cette dernière, transformée en Sas aurait dû nommer un commissaire aux comptes sur une durée de 6 exercices représentant un coût annuel de 6.000 €, de sorte que l’économie alléguée au titre des droits d’enregistrement aurait été manifestement compensée par le coût de la transformation.

Il ne peut qu’être observé que dans le devis estimatif des honoraires établi le 4 juin 2015 par la société d’expertise comptable Actitudes, accepté par M.[Y] le 8 juin 2015, concernant l’achat par la holding de la totalité des parts de la société Spam étaient précisés les débours prévisionnels pour le paiement des droits d’enregistrement au Trésor Public selon que la société cible était une Sarl (droits de mutation des parts sociales de 3% du prix de cession après application sur la valeur de chaque part sociale d’un abattement égal au rapport entre la somme de 23.000 € et le nombre total de parts sociales de la société) ou qu’elle était une Sas (droits de mutation des actions de 0,1% du prix de cession sans abattement), le coût de la modification de la gouvernance et des statuts de la société Spam (rédaction des actes et pièces, modification des statuts, formalités légales de greffe, annonces légales et autres) étant mentionné comme devant donner lieu à un autre devis après appréhension de l’ensemble des modifications à apporter à la société cible.

Au vu de ce devis M.[Y] était donc informé du montant de la taxation des droits de mutation dans les deux hypothèses de forme sociale ainsi que de l’existence de coûts supplémentaires restant à chiffrer en cas de transformation de la Sarl en Sas. Il était d’ailleurs conscient qu’en cas de transformation de la Sarl en Sas il pouvait faire une économie sur les droits de mutation mais qu’une telle transformation générait un coût de commissaire aux comptes à l’année puisque dans un mèl du 26 juin 2015, entre autres questions, il interrogeait son expert-comptable sur le montant de l’économie réalisable en cas de transformation de la Sarl Spam en Sas mais aussi sur le coût d’un commissaire aux comptes à l’année. Certes, la société Acso Conseils l’Union ne justifie pas de la réponse qu’elle a apportée à ces interrogations, mais les éléments susvisés établissent suffisamment que l’information en termes de taux des droits d’enregistrement et de possibilité d’abattement selon l’une ou l’autre des formes sociales a été donnée, de même que celle inhérente à des coûts supplémentaires à prévoir en cas de changement de forme sociale et d’intervention d’un commissaire aux comptes. L’intervention d’un commissaire aux comptes est en effet obligatoire en application des dispositions de l’article L 227-9-1 alinéa 3 du code de commerce pour les Sas holding contrôlant une ou plusieurs sociétés au sens de l’article L 233-16 du même code, ce qui était précisément le cas de la Sas Dgbm en l’espèce, laquelle acquérait la totalité des titres sociaux de la Sarl Spam Sn, les seuils de chiffre d’affaires et de nombre moyen de salariés prévus par l’article R227-1 étant dans une telle hypothèse sans incidence. Par ailleurs, la durée légale du mandat d’un commissaire aux comptes est de 6 exercices en application des dispositions de l’article L823-3 du code de commerce. Au regard du coût prévisible annuel de l’intervention d’un commissaire aux comptes, estimé par la société intimée, non démentie sur ce point, à 6.000 € sur la base du barème du Conseil National des Commissaires aux Comptes, l’économie dont l’appelante prétend avoir été privée sur les droits d’enregistrement à hauteur de 22.481 € aurait été annuellement réduite à hauteur de 6.000 € pour être totalement anéantie en moins de quatre années d’exercice, hors frais de transformation proprement dits, avec au contraire une charge financière supplémentaire certaine à l’issue de ce délai, de sorte qu’elle ne peut utilement prétendre avoir subi un préjudice financier par perte d’économie du fait de l’absence de conseil de transformation de la Sarl en Sas et qu’elle doit être déboutée, ajoutant au jugement entrepris, de sa demande d’indemnisation formée spécifiquement à ce titre devant la cour.

2°/ Sur la demande d’indemnisation de M.[Y] d’un préjudice moral

L’opération de rachat des parts de la Sarl Spam Sn a effectivement été initiée par M.[F] [Y] personnellement, opération pour la réalisation de laquelle il a eu recours à l’accompagnement et aux conseils de la société d’expertise comptable Actitudes dans les conditions rappelées ci-dessus .

Si la Sas Dgbm a finalement été indemnisée du surcoût initial du prix de cession suite à transaction avec les cédants, le manquement de la société d’expertise comptable à ses obligations de conseil et de mise en garde tel que retenu ci-dessus alors que M.[Y] s’en était totalement remis à elle pour prévoir les garanties de nature à le prémunir particulièrement d’une baisse conséquente du chiffre d’affaires jusqu’à l’intervention effective de la cession a généré pour ce dernier de nombreux tracas pour tenter de faire valoir à l’égard des cédants les droits de la Sas Dgbm qu’il avait constituée spécifiquement pour la réalisation de l’opération de reprise, dont la nécessité de défendre et d’agir en justice devant le tribunal de commerce de Tarbes, de faire procéder à de nouvelles analyses des comptes de référence et à des situations transitoires pour l’exercice 2015, pour obtenir finalement après négociations une réfaction transactionnelle du prix de cession en janvier 2017. L’ensemble de ces tracas, subis à titre personnel par M.[Y], résultant des manquements de la société d’expertise comptable à ses obligations de prestataire, sur l’indemnisation desquels la transaction conclue exclusivement entre les cédants et la société cessionnaire est sans incidence, caractérisent un préjudice moral dont la société Acso Conseils l’Union doit réparation à M.[Y] que le premier juge a justement indemnisé à hauteur de 8.000 €, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.

3°/ Sur la demande en paiement de la société Acso Conseils l’Union

Selon les dispositions de l’article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

L’exception d’inexécution d’une prestation ne peut quant à elle être utilement invoquée par un contractant par application de l’article 1184 devenu 1219 du code civil que s’il y a défaut d’exécution de l’obligation dont le paiement est sollicité ou si l’inexécution invoquée est suffisamment grave pour justifier un refus de paiement.

En l’espèce, la société Acso Conseils l’Union au titre de la mission confiée à la société Actitudes sollicite la condamnation de la société Dgbm à lui payer une somme de 20.528,11 € sur le fondement de diverses notes d’honoraires, n° 026027 du 31/08/2015 pour 15.240 € TTc, n°026337 du 31/10/2015 pour 3.821,40 €, n° 026463 du 31/10/2015 pour 1.097,11 € Ttc et n° 026491 du 31/10/2015 pour 369,60 € Ttc qu’elle produit en pièce 8.

La note d’honoraires n° 026027 du 31/08/2015, après remise de 6.000 € expressément consentie, fait ressortir un solde d’honoraires de prestations, de 15.240 € Ttc mentionnant les postes suivants :

– la création de la holding selon devis dit du 2/06/2015 accepté le 3/06/2015 (900 € Ht)

– l’acte d’achat de 100% des titres, l’acte de garantie d’actif et de passif, la convention de tutorat selon devis du 4/06/2015 accepté le 8/06/2015 (5.000 € Ht)

– la rédaction de la lettre d’intention (800 € Ht)

– l’audit de la société Spam (5.000 € Ht)

– les prévisionnels Spam et Dgbm (2.000 € Ht)

– l’accompagnement de la négociation avec les vendeurs et les banques (5.000 € Ht).

Le seul devis estimatif d’honoraires approuvé par M;[Y] produit au débat (pièces 27 de l’intimée et 29-1 des appelants ) valant accord sur les prestations confiées et leur coût est celui du 4/06/2015, approuvé par M.[Y] le 8/06/2015, prévoyant un forfait d’honoraires de 5.000 € Ht pour l’opération d’achat des droits sociaux de la société Spam, comprenant au titre du conseil et de la rédaction des actes et pièces, les accords préliminaires sous conditions suspensives, l’acte de cession de droits sociaux, la garantie d’actif et de passif, l’obligation de non concurrence du cédant et autres dispositions particulières issues des négociations, la convention de tutorat, les relations Rsi, enfin les formalités légales d’enregistrement de l’acte de cession de parts.

Au regard du caractère global de ce devis valant accord des parties, et à défaut de tout autre devis spécifique accepté préalablement au titre de la réalisation de l’audit , de la lettre d’intention et des prévisionnels Spam et Dgbm, de même qu’au titre de l’accompagnement de la négociation avec les vendeurs et les banques, l’ensemble de ces prestations dont la réalisation effective n’a pas été remise en cause, étaient nécessairement incluses dans le tarif de 5.000 € Ht accepté par M.[Y], soit Tva à 20% incluse, un montant global d’honoraires toutes prestations incluses au titre de l’accompagnement, du conseil et de la formalisation de tous les actes et formalités inhérents à la réalisation de la cession de 6.000 € Ttc . Il ressort des pièces du dossier que M.[Y] a remis un chèque d’acompte de 1.000 € à l’ordre du cabinet Actitudes en date du 8 juin 2015 en exécution de la provision sollicitée sur le devis, dont l’encaissement effectif n’est pas remis en cause, de sorte que la Sas Dgbm reste devoir sur ce devis accepté la somme de 5.000 € Ttc.

Le devis visé comme étant du 2/06/2015 accepté le 3/06/2015 concernant la création de la société holding n’est pas produit et aucune lettre de mission préalable n’a été signée entre les parties.

Les autres prestations facturées le 31/10/2015 à savoir « accompagnement litiges anciens associés de la Spam, courriers à ProBtp, exception d’inexécution, mise en jeu de la garantie d’actif et de passif, gestion de paye, frais postaux, frais de greffe », « changement de gérant et de régime social de la direction de la Spam devenue à associé unique, option IS, formalités, frais de greffe, chambre des métiers, annonces légales », « expertise comptable, travaux juridiques, gestion de paye régularisation septembre 2015 » ne sont étayées ni par une lettre de mission préalable ni par un ou des devis acceptés, étant rappelé que la signature d’une lettre de mission est imposée par le Conseil National de l’Ordre des experts-comptables avant tout commencement d’intervention.

En conséquence, l’obligation à paiement revendiquée par la société d’expertise comptable au titre de ses honoraires n’est justifiée, compte tenu de l’acompte de 1.000 € réglé le 8/06/2015 sur devis accepté, qu’à hauteur de 5.000 € Ttc.

Le seul manquement retenu à l’encontre de l’expert-comptable mandaté quant à l’absence de préconisation et/ou de prévision dans les actes établis en vue de la cession de parts d’une clause de révision de prix au jour de la cession n’est pas suffisamment grave pour justifier le non paiement du solde des honoraires dû au titre de l’ensemble des prestations réalisées, ses conséquences préjudiciables ayant au surplus été indemnisées, ainsi que retenu ci-dessus, des suites de la transaction sur la réfaction du prix de cession.

En conséquence, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la Sasu Dgbm à payer à la Sarl Acso Conseils l’Union au titre du solde d’honoraires lui restant dus la somme de 5.000 € Ttc, outre intérêts au taux légal, en application de l’article 1231-6 du code civil, à compter de la date de notification en première instance, à justifier lors du recouvrement, des premières conclusions de la Sarl Acso Conseil l’Union portant demande reconventionnelle en paiement de ses honoraires à défaut de toute mise en demeure antérieure, le surplus des demandes devant être quant à lui rejeté.

4°/ Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Principale partie succombante, la Sasu Dgbm supportera les dépens de première instance, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, et les dépens d’appel. Elle ne peut dès lors prétendre à une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. L’équité ne commande pas que soit mise à sa charge une indemnité sur ce même fondement au profit de la Sarl Acso Conseils ni au titre de la procédure de première instance ni au titre de la procédure d’appel.

Succombant dans ses rapports avec M.[F] [Y] à titre personnel, la Sarl Acso Conseil l’Union se trouve redevable envers ce dernier d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance telle que justement appréciée par le premier juge sauf à compléter le jugement de première instance quant au bénéficiaire de cette condamnation omis dans le dispositif. L’équité ne commande pas en revanche que soit allouée à M.[F] [Y] une indemnité complémentaire sur ce même fondement au titre de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement entrepris uniquement en ce que le premier juge a débouté la Sarl Acso Conseils l’Union anciennement dénommée Actitudes de sa demande reconventionnelle en paiement d’honoraires ainsi qu’en sa disposition relative aux dépens de première instance

Le confirme pour le surplus de ses dispositions

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, complétant le jugement entrepris et y ajoutant,

Déboute la Sasu Dgbm de sa demande d’indemnisation à hauteur de 22.481 € au titre du trop payé de droits d’enregistrement

Condamne la Sasu Dgbm à payer à la Sarl Acso Conseils l’Union la somme de 5.000€ Ttc au titre du solde d’honoraires, outre intérêts au taux légal à compter de la date de notification en première instance, à justifier lors du recouvrement, des premières conclusions de la Sarl Acso Conseil l’Union portant demande reconventionnelle en paiement desdits honoraires

Condamne la Sasu Dgbm aux dépens de première instance et d’appel

Dit que la condamnation prononcée par le premier juge à l’encontre de la Sarl Acso Conseils l’Union sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile l’est au profit de M.[F] [Y] à titre personnel

Rejette toutes les demandes d’indemnité formées devant la cour sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.

Le Greffier Le Président

R. CHRISTINE M. DEFIX

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x