Cession de droits : 25 juillet 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00121

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Cession de droits : 25 juillet 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00121
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25 juillet 2023
Cour d’appel de Fort-de-France
RG n°
21/00121

ARRET N°

N° RG 21/00121 – N° Portalis DBWA-V-B7F-CGU3

[Y] [K]

S.C.I. TI BAMBOU

C/

[T] [W] épouse [X]

S.A.R.L. ANCO

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 25 JUILLET 2023

Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal judiciaire de Fort-de-France en date du 02 février 2021, enregistré sous le n° 20/00782

APPELANTS :

M. [Y] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Claudine PORTEL, avocat au barreau de MARTINIQUE

S.C.I. TI BAMBOU, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Claudine PORTEL, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMES :

Mme [T] [W] épouse [X]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Myriam BASSELIER-DUBOIS de la SCP DUBOIS & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE

PARTIE INTERVENANTE :

S.A.R.L. ANCO, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Myriam BASSELIER-DUBOIS de la SCP DUBOIS & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 mars 2023 sur le rapport de Mme Claire DONNIZAUX, devant la cour composée de:

Présidente : Mme Christine PARIS, présidente de chambre

Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, conseillère

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 2 mai 2023, puis prorogé au 6 juin 2023 et au 25 juillet 2023

ARRÊT : contradictoire

prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’alinéa 2 de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [T] [W] épouse [X] et M. [Y] [K] sont associés au sein de la société Ti Bambou, propriétaire d’appartements sur la commune de Schoelcher.

Par assignation en date du 29 octobre 2013, Mme [T] [W] épouse [X] a fait citer M. [Y] [K] devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France aux fins de voir avant-dire droit désigner un expert avec pour mission de définir la valeur de ses parts sociales, fixer la consignation à payer et en ordonner le paiement par M. [Y] [K], ensuite ordonner le retrait à la valeur fixée par l’expert et condamner M. [Y] [K] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Dubois et associés et au paiement de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SCI Ti Bambou est intervenue à l’instance.

Par jugement du 10 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Fort-de-France a notamment :

– ordonné une mesure d’instruction afin de fixer la valeur des parts sociales détenues par Mme [X] dans la société Ti Bambou, et désigné un expert ayant pour mission de dire si les comptes comportent des anomalies, d’évaluer les parts sociales de la SCI et plus généralement d’apporter tous éléments pour permettre de dégager une solution ;

– ordonné à M. [K] de communiquer toutes les pièces comptables, les documents administratifs (procès-verbaux de tenues des assemblées générales et des délibérations ainsi que les relevés de compte de la SCI depuis sa création jusqu’à ce jour et ce dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision et passé ce délai, sous astreinte de 500 euros par jour pendant un an,

– réservé toutes les autres demandes ainsi que les dépens.

Par arrêt du 27 juin 2017, la cour d’appel de Fort-de-France a confirmé le jugement du 10 novembre 2015 en toutes ses dispositions et, y ajoutant, dit que la mission de l’expert telle que prévue par le tribunal comprendra en outre la vérification de la conformité aux décisions sociales des prélèvements effectués par M. [K].

Sur pourvoi formé par M. [K] et la société Ti Bambou, la Cour de cassation a, par arrêt du 30 janvier 2019, cassé et annulé l’arrêt du 27 juin 2017 mais seulement en ce qu’il a confirmé le jugement ayant ordonné une mesure d’expertise confiée à M. [V] aux fins d’évaluation des parts sociales de la SCI Ti Bambou, au motif que le tribunal n’avait pas le pouvoir de désigner un expert afin de déterminer la valeur des droits sociaux de Mme [X] dans la SCI et que la cour d’appel, en confirmant cette décision, a excédé ses pouvoirs et violé l’article 1843-4 du code civil qui est d’ordre public.

Suivant acte sous seing privé en date du 30 décembre 2019, Mme [X] a cédé une partie de ses parts sociales (766 sur 1172) à la SARL Anco, gérée par son époux M. [X].

Par conclusions du 10 juin 2020, Mme [X] a sollicité la remise au rôle devant le tribunal judiciaire de Fort-de-France afin qu’il soit statué sur son droit de retrait de la société Ti Bambou.

Par jugement du 2 février 2021, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a :

– autorisé le retrait de l’associée Mme [T] [W] épouse [X] de la société Ti Bambou,

– dit que la valeur de ses parts sociales est d’un montant égal à 293 388,08 euros,

– dit que l’astreinte prononcée par le tribunal est définitive,

– condamné M. [Y] [K] à payer à Mme [T] [W] épouse [X] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [Y] [K] aux dépens,

– ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration électronique du 26 février 2021, M. [Y] [K] et la SCI Ti Bambou ont interjeté appel du jugement du 2 février 2021 en toutes ses dispositions.

L’affaire a été orientée à la mise en état.

La SARL Anco est intervenue volontairement à l’instance par conclusions du 23 septembre 2021.

Par ordonnance du 22 juillet 2021, le conseiller de la mise en état a débouté Mme [X] de sa demande de radiation de l’affaire du rôle au motif que l’exécution du jugement querellé serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives.

Par ordonnance du 20 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l’intervention volontaire de la SARL Anco et enjoint à M. [Y] [K] de produire aux débats les bilans et comptes de résultat pour l’exercice 2020 dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant 3 mois.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives n° 2 notifiées par voie électronique le 10 mars 2022, M. [Y] [K] et la société Ti Bambou demandent à la cour de :

– déclarer M. [Y] [K] et la SCI Ti Bambou recevables et biens fondés en leur appel,

– infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions déférées à la cour et statuant à nouveau de ces chefs,

– déclarer Mme [T] [W] épouse [X] irrecevable en sa demande de retrait faute de saisine préalable de l’assemblée générale en application des articles 122 et 123 du code de procédure civile et 1869 du code civil,

en conséquence,

– débouter Mme [T] [W] épouse [X] de toutes ses demandes fins et conclusions,

subsidiairement,

– constater que les justes motifs de retrait ne sont pas caractérisés,

en conséquence,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a autorisé le retrait de l’associée Mme [T] [W] épouse [X],

statuant à nouveau,

– débouter Mme [T] [W] épouse [X] de toutes ses demande fins et conclusions,

à titre infiniment subsidiaire,

– constater qu’en l’absence d’expertise judiciaire sur la valeur des parts sociales, le tribunal ne pouvait procéder lui-même à ladite évaluation,

en conséquence,

– infirmer le jugement querellé en ce qu’il a fixé la valeur des parts sociales de Mme [X] à la somme de 239 388,08 euros,

statuant à nouveau,

– renvoyer les parties à mieux se pourvoir sur ce point,

à titre encore plus subsidiaire,

– constater que le jugement querellé a fixé la valeur des parts sans tenir compte du passif de la société,

en conséquence,

– infirmer le jugement querellé en ce qu’il a fixé la valeur des parts sociales de Mme [T] [W] épouse [X] à la somme de 239 388,08 euros,

statuant à nouveau,

– surseoir à statuer sur la valeur des parts dans l’attente du bilan de l’année 2020,

en tout état de cause,

– constater que la demande tendant à voir « ordonner à M. [K] de racheter ou faire racheter les 1172 parts initialement propriété de Mme [X] et vendues pour 766 d’entre elles à Anco et ce sous astreinte de 500 euros par jour à compter de l’arrêt à venir » est une prétention nouvelle présentée pour la première fois en cause d’appel;

– dire en conséquence que la demande tendant à voir « ordonner à M. [K] de racheter ou faire racheter les 1172 parts initialement propriété de Mme [X] et vendues pour 766 d’entre elles à Anco et ce sous astreinte de 500 euros par jour à compter de l’arrêt à venir » est irrecevable ;

– en tout état de cause, débouter Mme [T] [W] épouse [X] de toutes ses demandes fins et conclusions,

– constater que par arrêt rendu le 30 janvier 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel en ce qu’il a confirmé le jugement ordonnant une mesure d’expertise aux fins d’évaluation des parts sociales aux motifs que le tribunal n’avait pas le pouvoir de désigner un expert en application de l’article 1843-4 du code civil,

– constater que l’astreinte était relative à la communication de pièces à l’expert irrégulièrement désigné par le tribunal,

– dire que l’arrêt de la cour d’appel confirmant le jugement ordonnant la mesure d’expertise ayant été annulé l’astreinte est devenue sans objet,

en conséquence,

– dire que l’astreinte est devenu sans objet,

– condamner Mme [T] [W] épouse [X] à payer la somme de 7000 euros à M. [K] et à la SCI Ti Bambou au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la même aux dépens.

Aux termes de leurs conclusions devant la cour d’appel de Fort-de-France notifiées par voie électronique le 22 avril 2022, Mme [X], intimée, et la SARL Anco, intervenante volontaire, demandent à la cour de :

– confirmer la décision entreprise,

y ajoutant,

– ordonner à M. [K] de racheter ou faire racheter les 1172 parts initialement propriété de Mme [X] et vendues pour 766 d’entre elles à Anco et ce sous astreinte de 500 euros par jour à compter de l’arrêt à venir,

– le débouter de toutes ses demandes,

– condamner M. [K] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Dubois et associés et au paiement de la somme de 6000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence à la décision entreprise ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.

La procédure a été clôturée le 19 mai 2022, et l’affaire appelée à l’audience collégiale du 3 mars 2023.

MOTIFS :

1/ Sur la recevabilité de la demande de retrait

Dans la décision querellée, le tribunal n’a pas statué sur la recevabilité de la demande de retrait de Mme [X], estimant que la cour avait déjà tranché cette question par arrêt du 27 juin 2017, ce qui est pourtant inexact.

Il ressort en effet du dispositif du jugement du 10 novembre 2015 et de l’arrêt du 27 juin 2017 que le tribunal et la cour n’ont statué que sur la demande d’expertise, et non sur la recevabilité de la demande de retrait de Mme [X], les motifs des décisions n’ayant pas autorité de chose jugée.

L’article 1869 du code civil dispose que « sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice. » Il précise également qu’« à moins qu’il ne soit fait applicable de l’article 1844-9 (3e alinéa), l’associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixée, à défaut d’accord amiable, conformément à l’article 1843-4. »

Les appelants soutiennent qu’une demande de retrait judiciaire doit, aux termes de l’article 1869 du code civil, être précédée d’une demande de retrait à l’ensemble des associés, et que ce n’est qu’en cas d’échec de cette procédure que le tribunal peut être saisi d’une demande de retrait judiciaire.

Ce faisant, les appelants ajoutent une condition aux dispositions claires de l’article 1869 du code civile, qui n’impose aucune formalité préalable à la demande de retrait judiciaire, à moins que les statuts ne le prévoient, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

La demande de retrait de Mme [X] est donc recevable.

2/ Sur la demande de retrait pour de justes motifs

Contrairement à ce qu’a jugé le tribunal dans son jugement du 2 février 2021, la demande de retrait de parts sociales de Mme [X] pour de justes motifs n’a pas été tranchée par la cour d’appel dans son arrêt du 27 juin 2017.

Comme précédemment indiqué, au regard du dispositif de ces décisions, le tribunal, par jugement du 10 novembre 2015, puis la cour, par arrêt du 27 juin 2017, n’ont statué que sur la demande d’expertise. Ils n’ont statué ni sur la recevabilité de la demande de retrait de Mme [X], ni sur le bien fondé de cette demande. Le fait que le tribunal et la cour aient porté une appréciation sur l’existence de justes motifs dans leur motivation est indifférent dès lors que la demande n’a pas été tranchée dans le dispositif, qui a seul autorité de chose jugée.

Il doit en outre être observé que le jugement querellé du 2 février 2021 a lui-même statué sur cette demande puisque le tribunal a « autorisé le retrait de l’associé Mme [T] [W] épouse [X] de la société Ti Bambou », aux termes d’un chef critiqué en appel, dont la cour est donc saisie et sur lequel elle doit statuer.

Mme [X] et la société Anco invoquent, au titre des justes motifs justifiant leur demande de retrait, le fait qu’aucune assemblée n’ait jamais été tenue et le fait que M. [K] détienne seul les moyens de paiement, gère seul, encaisse et décaisse sans jamais informer ses associés.

M. [K] soutient que Mme [X] est mal fondée à prétendre ne pas être informée dès lors qu’elle a le statut de gérante de la SCI Ti bambou, ce que confirme l’extrait Kbis.

Il admet pourtant, se contredisant ainsi, que Mme [X] a seulement servi de prête-nom à son mari M. [X], gérant de la société Anco, qui était en charge du contrôle technique lors de la construction de l’immeuble constituant l’actif de la SCI Ti bambou, et qui ne pouvait dès lors être associé au sein de la société qu’il était chargé de contrôler. Ce faisant, il reconnaît que Mme [X] n’exerce en réalité aucune responsabilité au sein de la SCI.

Par ailleurs, il convient de relever que les parties sont en conflit sur cette question depuis 10 ans, en témoigne l’ancienneté du présent litige qui est pendant depuis 2013, date de délivrance de l’assignation aux fins de retrait judiciaire de Mme [X] et d’évaluation du montant de ses parts sociales, pour les mêmes motifs tenant à l’impossibilité d’obtenir des informations sur la situation financière de la société, que M. [K] gérerait seul et sans rendre compte de sa gestion.

Mme [X] produit en outre un courrier daté du 21 janvier 2013 qu’elle indique avoir adressé à M. [K] pour solliciter son retrait, ne parvenant à faire respecter ses droits d’associé au sein de la société Ti Bambou, que M. [K] conteste toutefois avoir reçu. Si ce courrier n’est accompagné d’aucune preuve d’envoi ni de réception, force est de constater qu’en défense, M. [K] n’allègue ni ne justifie de la tenue d’aucune assemblée générale, d’aucune information délivrée aux associés ni même de la tenue des comptes de la société, alors que Mme [X] produit une mise en demeure avant poursuite que lui a délivré le Crédit Sodéma le 24 juin 2003 en sa qualité de caution de la société Ti Bambou pour non paiement des échéances d’un prêt.

Ces griefs d’absence d’information des associés sont en outre corroborés par le fait que M. [K] n’a jamais produit les pièces administratives et comptables sollicitées, et ce dépit :

– de l’injonction qui lui a été faite par arrêt de la présente juridiction en date du 27 juin 2017, confirmant en cela le jugement du 10 novembre 2015, aux termes d’un chef non censuré par la Cour de cassation, de communiquer toutes les pièces comptables, les documents administratifs et les relevés de compte de la SCI depuis sa création, et ce sous astreinte,

– de l’injonction qui lui en a été faite par ordonnance du conseiller chargé de la mise en état du 20 janvier 2022, de produire les bilans et comptes de résultat pour l’exercice 2020, et ce sous astreinte.

Ces éléments, tenant à l’ancienneté et à la persistance du différend entre les parties et à l’absence d’information des associés sur la situation comptable et financière de la société, et qui témoignent de la disparition de l’affectio societatis, constituent de justes motifs autorisant Mme [X], ainsi que la société Anco, venant aux droits de Mme [X] s’agissant des 766 parts sociales qu’elle lui a cédées sur les 1172 qu’elle détenait, à obtenir leur retrait de la SCI Ti Bambou.

Le jugement querellé sera donc confirmé en ce qu’il a autorisé le retrait de l’associée Mme [T] [W] épouse [X] de la société Ti Bambou, et complété en ce qu’il convient d’autoriser le retrait de la société Anco, venant aux droits de Mme [X] s’agissant des 766 parts sociales qu’elle lui a cédées le 30 décembre 2019, de la société Ti Bambou.

3/ Sur l’évaluation des parts sociales

Aux termes du deuxième alinéa de l’article 1869 du code civil, « à moins qu’il ne soit fait applicable de l’article 1844-9 (3e alinéa), l’associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixée, à défaut d’accord amiable, conformément à l’article 1843-4. »

L’article 1843-4, dans sa version applicable au litige, dispose que « dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d’une cession de droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible. »

Il résulte de l’application de ces dispositions d’ordre public qu’encourt la cassation l’arrêt qui procède lui-même à l’évaluation des parts sociales alors qu’il appartient au seul expert désigné conformément à l’article 1843-4 du code civil de déterminer la valeur des droits sociaux (Civ 1e 25 novembre 2003, n° 00-22.089 et 12 juillet 2012 n° 11-18.453)

En l’espèce, le tribunal a procédé lui-même à l’évaluation des parts sociales, dont la valeur est contestée, et ce en violation des dispositions précitées.

Le jugement doit donc être infirmé sur ce point.

La cour ne peut qu’inviter Mme [X] et la société Anco, en cas de persistance de la contestation de la valeur des parts sociales, à saisir la juridiction compétente aux fins de désignation d’un expert qui sera chargé de la déterminer, conformément aux dispositions de l’article 1843-4 du code civil.

Mme [X] et la société Anco sollicitent en outre en appel qu’il soit ordonné à M. [K] de racheter ou de faire racheter leurs parts sous astreinte, à la valeur fixée par le tribunal.

Cette demande nouvelle est recevable en appel sur le fondement des articles 564 et 566 en ce qu’elle tend à faire écarter les prétentions adverses s’opposant au retrait et à l’évaluation des parts sociales par la juridiction et en ce qu’elle n’est que l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la prétention tendant à obtenir le retrait de la société et l’évaluation des parts sociales.

Elle ne peut cependant qu’être rejetée en l’absence d’accord des parties sur la valeur des parts sociales, puisque M. [K] conteste l’évaluation proposée par les intimés, et compte tenu de l’incompétence de la présente juridiction pour procéder elle-même à cette évaluation ou pour désigner un expert à cette fin.

4/ Sur la demande tendant à dire que l’astreinte est définitive

Le jugement querellé a fait droit à la demande Mme [X] tendant à faire juger que l’astreinte ordonnée par jugement du 10 novembre 2015 est définitive.

Mme [X] sollicite la confirmation de ce chef de jugement. Elle ne sollicite ni la fixation d’une astreinte définitive, ni la liquidation de l’astreinte précédemment ordonnée.

Il convient en premier lieu d’observer que, contrairement à ce que soutient M. [K], la Cour de cassation, qui n’a censuré l’arrêt du 27 juin 2017 qu’en ce qu’il a confirmé le jugement ayant ordonné une mesure d’expertise aux fins d’évaluation des parts sociales de la SCI Ti Bambou, n’a pas censé cette disposition ayant ordonné la production de pièces administratives et comptables sous astreinte.

Cependant il y a lieu de rappeler les termes de l’article L. 131-2 du code de procédures civiles d’exécution qui dispose que l’astreinte est provisoire ou définitive, qu’elle est considérée comme provisoire à moins que le juge n’ait précisé son caractère définitif, qu’une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire, et que si l’une de ces conditions n’a pas été respectée, l’astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire.

En l’espèce, l’astreinte fixée par le jugement du 10 novembre 2015, confirmé par arrêt du 27 juin 2017, est provisoire, dès lors que le tribunal n’a pas prononcé son caractère définitif et qu’en tout état de cause, les conditions n’étaient pas remplies pour prononcer une astreinte définitive, en l’absence d’astreinte provisoire antérieurement ordonnées.

Cette astreinte ayant été ordonnée à titre provisoire, elle ne peut être qualifiée d’astreinte définitive.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point et cette demande sera rejetée.

5/ Sur les demandes accessoires

Succombant partiellement au litige, M. [Y] [K] sera tenu aux dépens de première instance et d’appel.

Il sera en outre condamné à payer à Mme [X] et à la société Anco, outre la somme mise à sa charge par le tribunal à ce titre, la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe en dernier ressort,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Fort-de-France du 2 février 2021 uniquement en ce qu’il a :

– dit que la valeur des parts sociales de Mme [T] [W] épouse [X] est d’un montant égal à 293 388,08 euros ;

– dit que l’astreinte prononcée par le tribunal est définitive ;

Statuant à nouveau,

REJETTE la demande tendant à obtenir la fixation de la valeur des parts sociales litigieuses à la somme de 293 388,08 euros ;

REJETTE la demande de Mme [T] [W] épouse [X] et de la société Anco tendant à faire juger que l’astreinte ordonnée par jugement du 10 novembre 2015 est définitive ;

CONFIRME le jugement querellé en toutes ses autres dispositions frappées d’appel, et notamment en ce qu’il a autorisé le retrait de l’associé Mme [T] [W] épouse [X] de la société Ti Bambou ;

Y ajoutant,

AUTORISE le retrait de la SARL Anco, venant aux droits de Mme [X] s’agissant des 766 parts sociales qu’elle lui a cédées par acte sous seing privé du 30 décembre 2019, de la société Ti Bambou;

DECLARE recevable la demande de Mme [T] [W] épouse [X] et de la société Anco tendant à obtenir qu’il soit ordonné à M. [Y] [K] de racheter ou faire racheter les 1171 parts initialement propriété de Mme [X] et vendues pour 766 d’entre elles à la société Anco et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard;

REJETTE la demande de Mme [T] [W] épouse [X] et de la société Anco tendant à obtenir qu’il soit ordonné à M. [Y] [K] de racheter ou faire racheter les 1171 parts initialement propriété de Mme [X] et vendues pour 766 d’entre elles à la société Anco et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

INVITE Mme [T] [W] épouse [X] et la société Anco, en cas de persistance de la contestation de la valeur des parts sociales de la SCI Ti Bambou, à saisir la juridiction compétente aux fins de désignation d’un expert qui sera chargé de la déterminer, conformément aux dispositions de l’article 1843-4 du code civil ;

CONDAMNE M. [Y] [K] aux dépens d’appel ;

CONDAMNE M. [Y] [K] à payer à Mme [T] [W] épouse [X] et à la société Anco la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en appel.

Signé par Mme Christine PARIS, présidente de chambre, et par Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, greffière, à qui la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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