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25 juillet 2023
Cour d’appel de Fort-de-France
RG n°
20/00432
ARRET N°
N° RG 20/00432 – N° Portalis DBWA-V-B7E-CFWV
[O] [R] [G] [M]
S.C.I. NANDINA
C/
[L] [C] [S] [X]
[A] [X]
[J] [X]
[T], [K] [B] épouse [D]
[Y] [D]
S.E.L.A.R.L. [X] [U] FLEURY
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 25 JUILLET 2023
Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal judiciaire de Fort-de-France en date du 02 Septembre 2020, enregistré sous le n° 18/01071
APPELANTS :
Monsieur [O] [R] [G] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3] (ETATS UNIS)
Représentée par Me Sylvette ROMER, avocat postulant au barreau de MARTINIQUE
Me Sarah CHARBIT SEBAG, avocat plaidant au barreau de GUADELOUPE
S.C.I. NANDINA, agissant poursuites et diligences de son gérant, Monsieur [O] [M], domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Sylvette ROMER, avocat postulant au barreau de MARTINIQUE
Me Sarah CHARBIT SEBAG, avocat plaidant au barreau de GUADELOUPE
INTIMES :
Monsieur [L] [C] [S] [X]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représenté par Me Charlène LE FLOC’H, avocat postulant au barreau de MARTINIQUE
Me Grégory STRUGEON, de la SELARL PARTHEMA 2, avocat plaidant au barreau de NANTES
Madame [A] [X], venant aux droits de sa mère Madame [F] [X], décédée
[Adresse 9]
[Localité 4]
Représenté par Me Charlène LE FLOC’H, avocat postulant au barreau de MARTINIQUE
Me Grégory STRUGEON, de la SELARL PARTHEMA 2, avocat plaidant au barreau de NANTES
Madame [J] [X], venant aux droits de sa mère Madame [F] [X], décédée
[Adresse 9]
[Localité 4]
Représenté par Me Charlène LE FLOC’H, avocat postulant au barreau de MARTINIQUE
Me Grégory STRUGEON, de la SELARL PARTHEMA 2, avocat plaidant au barreau de NANTES
Madame [T], [K] [B] épouse [D]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Non représentée
Monsieur [Y] [D]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Non représenté
S.E.L.A.R.L. [X] [U] FLEURY
[Adresse 9]
[Localité 4]
Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Février 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Claire DONNIZAUX, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :
Présidente : Madame Christine PARIS, présidente de chambre
Assesseur : Claire DONNIZAUX, conseillère
Assesseur : Monsieur Thierry PLUMENAIL, conseiller
Greffière lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 25 avril 2023, puis prorogé au 06 juin 2023 et au 25 juillet 2023
ARRÊT : par défaut
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
La SCI Nandina dont le capital social de 10.000 euros divisé en 1.000 parts était détenu par trois associés – M. [Y] [D] à hauteur de 40 %, son épouse Mme [T] [B] à hauteur de 50 % et M. [L] [X] à hauteur de 10 % – était propriétaire d’une villa située au lieudit [Adresse 7] à [Localité 4].
Par acte sous seing privé du 20 décembre 2007, signé au sein de cabinet de Maître [F] [X]-[U], avocate, M. [O] [M] et son épouse, Mme [E] [V], ont acquis l’intégralité des parts de la SCI Nandina pour un montant de 103.000 euros, réparti comme suit :
– M. [D] à hauteur de 41.200 euros ;
– M. [X] à hauteur de 10.300 euros ;
– Mme [B] épouse [D] à hauteur de 51.500 euros.
Les statuts ont été modifiés et M. [O] [M] et son épouse sont devenus titulaires de 500 parts sociales chacun.
Par acte notarié en date du 13 février 2015 signé en l’étude de Me [N], notaire associé à [Localité 5], la SCI Nandina a vendu à la SCI Madysam le bien immobilier dont elle était propriétaire, comprenant la villa sus-évoquée et son terrain sur la parcelle cadastrée AZ [Cadastre 2] au [Adresse 7] à [Localité 4], moyennant le prix de 2 528 600 euros, outre 96 400 euros pour les biens mobiliers.
Le notaire a reversé à la SCI Nandina la somme de 2 365 472,31 euros, après déduction des frais et du remboursement de la somme de 126 862,69 euros au titre d’un prêt consenti par la Banque des Antilles françaises (BDAF), qui se prévalait d’une hypothèque conventionnelle sur le bien vendu.
Soutenant que ce n’est que lors du décompte du notaire dans le cadrede cette vente qu’il a découvert l’existence d’un prêt non soldé pour un montant de 126.862,69 euros, M. [O] [M] a, en son nom et au nom de la SCI Nandina dont il est le gérant, fait assigner par actes des 10 février, 1er et 13 mars 2017 Mme [F] [X]-[U], la SELARL [X]-[U]-Fleury, M. [Y] [D], son épouse Mme [T] [B] et M. [L] [X] devant le tribunal de grande instance de Basse-Terre afin d’obtenir leur condamnation solidaire à verser à la SCI Nandina la somme de 126 862,69 euros outre celle de 1 200 euros au titre des frais de mainlevée de l’hypothèque. M. [O] [M] demandait également la condamnation de Mme [F] [X] [U] seule à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral. M. [O] [M] et la SCI Nandina sollicitaient enfin la condamnation solidaire des défendeurs à leur verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du juge de la mise en état du 18 janvier 2018 statuant sur la demande dépaysement formulée par Mme [F] [X]-[U] et la SELARL [X]-[U]-Fleury, l’affaire a été renvoyée devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France.
Par jugement réputé contradictoire du 2 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a :
– constaté l’interruption de l’instance par le décès de Mme [F] [X]-[U] et sa reprise par la notification qui en a été faite aux autres parties par conclusions du 28 novembre 2018 ;
– reçu les interventions volontaires de Melle [A] [X] et de Melle [J] [X] venant aux droits de Mme [F] [X]-[U] ;
– déclaré l’ensemble des demandes formées à l’encontre de Melle [A] [X] et Melle [J] [X], venant aux droits de Mme [F] [X], et de la SELARL [X]-[U]-Fleury, irrecevables car prescrites ;
– déclaré recevable la demande de remboursement de M. [O] [M] à l’encontre de M. [Y] [D], M. [T] [B] et M. [L] [X], mais au fond, l’a rejetée ;
– déclaré recevable la demande de la SCI Nandina et de M. [O] [M] en réparation de leur préjudice moral à l’encontre de M. [Y] [D], Mme [T] [B] et M. [L] [X], mais au fond, l’a rejetée;
– condamné la SCI Nandina et M. [O] [M] in solidum à payer à Melle [A] [X], Melle [J] [X] et la SELARL [X]-[U]-Fleury la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– condamné la SCI Nandina et M. [O] [M] in solidum à payer à Melle [A] [X], Melle [J] [X] et la SELARL [X]-[U]-Fleury la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
– condamné la SCI Nandina et M. [O] [M] in solidum aux dépens ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Par déclaration électronique du 23 octobre 2020 la SCI Nandina et M. [O] [M] ont fait appel de ce jugement, sollicitant à titre principal son annulation, et subsidiairement son infirmation en ce qu’il a :
– déclaré l’ensemble des demandes formées à l’encontre de Melle [A] [X] et Melle [J] [X], venant aux droits de Mme [F] [X], et de la SELARL [X]-[U]-Fleury, irrecevables car prescrites ;
– déclaré recevable la demande de remboursement de M. [O] [M] à l’encontre de M. [Y] [D], M. [T] [B] et M. [L] [X], mais au fond, l’a rejetée ;
– déclaré recevable la demande de la SCI Nandina et de M. [O] [M] en réparation de leur préjudice moral à l’encontre de M. [Y] [D], Mme [T] [B] et M. [L] [X], mais au fond, l’a rejetée;
– condamné la SCI Nandina et M. [O] [M] in solidum à payer à Melle [A] [X], Melle [J] [X] et la SELARL [X]-[U]-Fleury la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– condamné la SCI Nandina et M. [O] [M] in solidum à payer à Melle [A] [X], Melle [J] [X] et la SELARL [X]-[U]-Fleury la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
– condamné la SCI Nandina et M. [O] [M] in solidum aux dépens ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Seuls Mme [A] [X], Mme [J] [X] et M. [L] [X] se sont constitués le 28 janvier 2021.
La déclaration d’appel, l’avis d’orientation et les premières conclusions d’appel ont été signifiés à la SELARL [X]-[U]-Fleury, prise en la personne de Maître [W], mandataire liquidateur, par acte délivré à personne morale le 20 janvier 2021, et à M. [Y] [D] et à Mme [T] [B] épouse [D] par actes délivrés le 20 janvier 2021 dans les formes de l’article 659 du code de procédure civile à leur dernière adresse connue, celle de l’immeuble litigieux.
Par arrêt avant dire droit rendu par défaut le 17 mai 2022, la cour a :
– sursis à statuer sur les demandes ;
– invité les appelants à communiquer des conclusions conformes aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile
– ordonné le réouverture des débats et renvoyé l’affaire à la mise en état du 13 septembre 2022 pour permettre aux parties, avant le 1er septembre 2022 de s’expliquer sur les points suivants :
– invité les parties à s’expliquer sur l’application des dispositions de l’article 2224 du code civil ;
– invité M. [O] [M] et la SCI Nandina à s’expliquer sur la recevabilité de leurs demandes à l’égard de la SELARL [X]-[U]-Fleury et sur leur déclaration de créance à la procédure collective ;
– invité les parties à produire le jugement d’ouverture de la procédure collective à l’égard de la SELARL [X]-[U]-Fleury ;
– soulevé la prescription de l’action à l’encontre de M. [Y] [D] et de son épouse Mme [T] [B] ;
– invité les appelants à s’expliquer sur leur intérêt et qualité à agir respectifs à l’encontre de M. [Y] [D] et de Mme [T] [B] ;
– invité les appelants à s’expliquer sur l’identité du titulaire d’« un relevé de compte ordinaire clientèle » du 15 décembre 2007 au 22 février 2008 , pièce non numérotée et non visée dans le bordereau, et les intimés à dire s’ils ont eu connaissance de cette pièce ;
– invité les appelants à produire la réponse de la banque au courrier en pièce 18 ;
– invité les appelants à produire les documents comptables de la SCI Nandina communiqués avant la cession de parts et ceux de 2008 qu’ils ont dû tenir ;
– informé les parties que la cour envisageait de communiquer les éléments de la présente instance à l’administration fiscale en application des dispositions de l’article 101 du livre des procédures fiscale et au parquet en application des dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale ;
– réservé les dépens.
Aux termes de leurs conclusions d’appelant récapitulatives suite à la réouverture des débats prononcées par arrêt du 17 mai 2022, notifiées par voie électronique le 5 septembre 2022, la SCI Nandina et M. [O] [M] demandent à la cour de statuer comme suit, le dispositif de leurs conclusions étant repris in extenso :
Vu l’acte de cession du 20 décembre 2007, et sa clause de garantie de passif,
Vu la signature de Me [F] [X] sur l’acte de cession du 20 décembre 2007,
Vu les pièces produites,
– constater l’interruption de l’instance par le décès de Me [X] pendant l’instance et sa reprise par notifications de conclusions ;
– hormis la mention relative à la reprise d’instance précédemment évoquée, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
statuant à nouveau,
– juger les demandes de M. [O] [M] et de la SCI Nandina recevables et les déclarer bien fondées ;
Vu les articles 1134 et 1135 du code civil applicables au 20 décembre 2007,
Vu l’article 1147 du code civil applicables au 20 décembre 2007,
Vu les articles 1991 et 1992 du code civil ancienne codification
Vu l’article 66-3-1 de la Loi de 1971 sur la profession d’avocat
Articles 7.1 et 7.2 du RIN de la profession d’avocat
Vu les articles 1103,1104,1193,1231-1 du code civil selon la nouvelle numérotation
Au titre de la garantie de passif :
– juger que la demande de la SCI Nandina et de M. [M] est recevable et bien fondée ;
– juger que les cédants ont fait une fausse déclaration du montant du prêt de la SCI Nandina auprès de la BDAF, au jour de la vente à M. [M] ;
– juger que les cédants, Mme [D], M. [D] et M. [X], sont tenus au titre de la garantie de passif de rembourser le montant du prêt antérieur à la cession, à M. [O] [M], dans la mesure où ce passif était caché ;
Sur la mise en cause du rédacteur d’acte :
IN LIMITE LITIS
Vu l’article 2224 du code civil
– juger que l’action de M. [M] et de la SCI Nandina n’est pas prescrite ;
SUR LE FOND,
– juger que Maître [X] a fait signer l’acte litigieux au sein de son cabinet ;
– juger que Maître [X] a contresigné l’acte litigieux ;
– juger que Maître [X] n’a jamais invité M. [M] à se faire conseiller et assister par un avocat ;
– juger que Maître [X] est rédacteur unique de l’acte litigieux et avocat des parties à l’acte ;
– juger que Maître [X] a violé ses obligations d’information et de conseil vis-à-vis de M. [O] [M], par négligence ou par acte délibéré
– juger que Maître [X] et les vendeurs n’ont pas informé M. [O] [M] de l’existence d’une dette bancaire au sein de la SCI Nandina d’un surplus de 126 862,69 euros ;
– juger que cette réticence d’information à causé un préjudice tant à la SCI Nandina, qu’à M. [O] [M], dans la mesure où lors de la revente de l’immeuble, celui-ci était grevé d’un passif caché qu’il a fallu honorer ;
– débouter Maître [X], Melle [X] [A] et Melle [X] [J], venant aux droits de leur mère de leurs demandes ;
– débouter M. [L] [X] de ses demandes, fins et conclusions ;
A TITRE PRINCIPAL,
– juger que Maître [X] a obligatoirement apporté son fonds civil libéral à la SELARL [X]- [U]-Fleury ;
– juger de ce fait que la SELARL [X]-[U]-Fleury est responsable des actions de Maître [X] du fait de cet apport de fonds libéral civil;
– juger que Maître [X] et la SELARL [X]-[U]-Fleury, en liquidation judiciaire, représentée par son mandataire Maître [W], engagent leur responsabilité contractuelle vis-à-vis de M. [M] qui est devenue son client ;
A TITRE SUBSIDIAIRE,
Si par extraordinaire, le tribunal de céans venait à considérer que M. [M] n’est pas devenu le client de Me [X], il n’en demeure pas moins, qu’en tant que rédacteur unique, Me [X] avait la même obligation de conseil et d’information,
– juger que Me [X] a violé ses obligations d’information et de conseil vis-à-vis de M. [M] [O], par négligence ou par acte délibéré ;
– juger que Me [X] engage sa responsabilité délictuelle (extra-contractuelle), et de ce fait la SELARL [U]-[X]-Fleury à l’encontre de M. [M] [O] et de la SCI Nandina ;
EN CONSEQUENT
– constater qu’il n’y a pas de confusion de patrimoine entre M. [M] et la SCI Nandina ;
Si le fondement de la garantie de passif est retenu :
– condamner solidairement MM. [Y] [D], [L] [C] [S] [X], Mme [T] [K] [B] épouse [D], à payer la somme de 126 862, 69 euros à M. [M] [O], auquel s’ajoute 1200 euros de frais de mainlevée d’hypothèque ;
Si le fondement de la responsabilité contractuelle de Me [X] est retenu :
– condamner solidairement, Melles [X] [A] et [X] [J] venant aux droits de leur mère Madame [F] [X] et la SELARL [X]-[U]-Fleury, représentée par son mandataire liquidateur Maître [W], à payer la somme de 126 862, 69 euros à M. [M] [O], auquel s’ajoute 1200 euros de frais de mainlevée d’hypothèque ;
Si le fondement de la responsabilité délictuelle de Maître [X] est retenu :
– condamner solidairement, Melles [X] [A] et [X] [J] venant aux droits de leur mère Madame [F] [X] et la SELARL [X]-[U]-Fleury, représentée par son mandataire liquidateur Maître [W], à payer la somme de 126 862, 69 euros à M. [M] [O] et à la SCI Nandina, auquel s’ajoute 1200 euros de frais de mainlevée d’hypothèque ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
– condamner MM. [D], [X], Mme [B], Melles [X] [A] et [X] [J] venant aux droits de leur mère Madame [F] [X] et la SELARL [X] [U] Fleury, représentée par son mandataire liquidateur, à payer à M. [O] [M], et la SCI Nandina la somme de 30 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral et 10 000 euros au titre du préjudice matériel ;
– condamner solidairement MM. [D], [X], Mme [B], Melles [X] [A] et [X] [J] venant aux droits de leur mère Madame [F] [X] et la SELARL [X]-[U]-Fleury, représentée par son mandataire liquidateur, à payer la somme de 6 000 euros à la SCI Nandina et à M. [O] [M], outre les entiers dépens de l’instance dont distraction sera faite par Me Charbit Sebag.
Aux termes de leurs conclusions d’intimés n° 2 notifiés par voie électronique le 21 octobre 2022, Melle [A] [X], Melle [J] [X] et M. [L] [X] demandent à la cour de :
A TITRE PRINCIPAL :
– confirmer en tout point le jugement du tribunal Judiciaire de FORT DE FRANCE du 2 septembre 2020 sauf sur le montant des condamnations prononcées solidairement à l’encontre de M. [M] et de la SCI Nandina au titre de la procédure abusive qu’ils ont intentée ;
– débouter en conséquence M. [M] et la SCI Nandina de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de Melles [A] et [J] [X] ainsi que de M. [L] [X] ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
– limiter à titre subsidiaire toute éventuelle condamnation à l’encontre de M. [L] [X] à hauteur de 10% du montant total, cette proportion correspondant à sa participation dans la SCI Nandina lorsqu’il a cédé ses parts ;
Statuant à nouveau,
– condamner solidairement M. [M] et la SCI Nandina, à payer à Melles [A] et [J] [X] ainsi qu’à M. [L] [X] la somme de 5.000 euros chacun au titre de la procédure abusive qu’ils ont intentée;
– condamner solidairement M. [M] et la SCI Nandina, à payer à Melles [A] et [J] [X], ainsi qu’à M. [X] la somme de 3.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement M. [M] et la SCI Nandina aux entiers dépens.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence à la décision entreprise ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.
L’instruction a été clôturée le 1er décembre 2022 et l’affaire appelée à l’audience du 17 février 2023.
MOTIFS :
Sur la demande en paiement dirigée contre les cédants, M. [Y] [D], M. [L] [X] et Mme [T] [B] épouse [D] sur le fondement de la garantie de passif
M. [O] [M] sollicite la condamnation des trois cédants à lui verser personnellement la somme de 126 862,69 euros sur le fondement de la clause de garantie de passif contenue dans l’acte de cession de parts sociales du 20 décembre 2007, soutenant qu’ils lui ont dissimulé l’existence du prêt qui restait à solder et sur lequel la BDAF s’est prévalue d’une hypothèque conventionnelle au moment de la cession, par la SCI Nandina, de l’immeuble litigieux.
Cette clause stipule que « la présente cession se fait aux conditions de fait et de droit en pareille matière et à celle expresse que les cédants seront tenus de garantir tout passif non comptabilisé ou non provisionné ayant une origine antérieure à la présente cession de droits sociaux, s’engageant en conséquence à prendre en charge ce passif.
En aucun cas les cessionnaires ne pourront être tenus personnellement et indéfiniment des dettes pouvant résulter des contrats de prêt souscrits antérieurement aux présentes. »
Comme l’a justement rappelé le tribunal, cette clause a pour effet de préciser les conditions d’application de l’article 1857 du code civil, qui dispose qu’ « à l’égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements. »
Aux termes de cette clause, les cédants se sont donc engagés à garantir tout passif qui aurait été révélé après l’opération de cession, mais dont l’origine serait antérieure. Ce passif non comptabilisé ou non provisionné à la date de la cession de parts peut consister en un passif dissimulé.
Il résulte du courrier de la BDAF du 3 janvier 2017 que le prêt litigieux a été souscrit par la SCI Nandina le 23 décembre 2002, pour un montant de 288 982 euros remboursable en 180 mensualités de 2 517,34 euros au taux de 6 %. Cette part de passif a donc bien une origine antérieure à la cession.
Il reste cependant à démontrer que son existence a été dissimulée aux cessionnaires.
Il ressort des écritures des parties qu’à travers la cession de la totalité des parts sociales de la SCI Nandina, les parties ‘ cédants et cessionnaires – poursuivaient l’objectif de transmission de l’immeuble constituant l’actif de la société, sans qu’il soit possible, en l’état des allégations contradictoires des parties, de déterminer qui, des cédants ou des cessionnaires, ont préféré cette opération plutôt qu’une cession de bien immobilier.
Cette cession de parts emportait la transmission tant de l’actif que du passif de la société. Bien qu’aucun élément comptable, aucun accord écrit ni même aucun échange ou élément de négociation préalable susceptible d’éclairer la cour sur le contenu de l’accord des parties, M. [O] [M] affirme, sans en apporter la preuve, que les parties se sont mises d’accord sur un prix de vente de 3 millions d’euros, correspondant à la valeur du bien immobilier, réparti de la façon suivante :
paiement par les époux [M] de la somme de 103 000 euros au titre de la cession de parts sociales ;
paiement par les époux [M] des dettes de la SCI Nandina, selon les modalités suivantes :
remboursement du compte courant d’associé de M. [X] pour un montant de 269 167 euros,
remboursement du compte courant d’associé de Mme [B] épouse [D] pour un montant de 1 773 726,70 euros,
remboursement d’une dette à l’égard de la CCPF pour un montant de 26 000 euros,
remboursement d’une dette à l’égard des Bétons contrôlés pour un montant de 17 000 euros,
remboursement d’une dette à l’égard de la BDAF pour un montant de 238 181,30 euros,
soit un total, au titre de la prise en charge du passif, de 2 324 075 euros.
Il convient en premier lieu de relever que le total de la valeur d’acquisition des parts sociales et du montant du passif que M. [M] allègue avoir pris en charge reste bien inférieur à la valeur de 3 millions d’euros avancée par les appelants comme correspondant à la valeur de l’immeuble qui aurait été communément admise par les parties.
En second lieu, outre que les paiements par chèque allégués ne sont pas tous justifiés (la copie du chèque de 1 773 726,70 euros et de 26 000 euros ne sont notamment pas produits), et que M. [M] et la SCI Nandina ne produisent aucun justificatif de débits ni de quittances correspondantes, les appelants ne produisent aucun élément comptable, ni antérieur ni postérieur à la cession de parts sociales, qui permettrait d’éclairer la valeur réelle du passif de la SCI et de déterminer l’existence d’une dissimulation de la part des cessionnaires.
Or il est surprenant de croire que M. et Mme [M] se seraient engagés dans une opération financière d’un montant de près de 3 millions d’euros sans aucun justificatif de la situation comptable de la société dont ils se portaient acquéreurs, sans aucun justificatif du montant des dettes de la société, et notamment des dettes qu’ils se sont engagés à prendre en charge, sans aucun justificatif de l’état hypothécaire de l’immeuble dont ils poursuivaient l’acquisition, et finalement sur la seule foi des déclarations des cédants, et le cas échéant de l’avocate qui les aurait conseillés, étant précisé que celle-ci, épouse de l’un des cédants, a démenti formellement être intervenue à titre professionnel dans cette opération, et uniquement admis avoir mis à disposition une salle au sein de son cabinet pour permettre la signature de l’acte.
Aucun élément des pourparlers ayant précédé la transaction n’est non plus produit.
A supposer même que M. [M] n’ait disposé d’aucune pièce comptable lors de la cession de parts sociales, et qu’il ait pris un engagement d’un montant allégué de 2 427 075 euros, comme il l’affirme, sur la seule foi de ses co-contractants, voire de leur avocate, aucun élément ne permet de démontrer qu’une partie du passif lui a été dissimulée, alors qu’il doit être constaté, au vu des relevés de compte produits par les appelants, que les échéances du prêt litigieux ont, postérieurement à la cession de parts sociales, continué à être honorées régulièrement par prélèvements effectués mensuellement sur un compte dédié et suffisamment approvisionné au nom de la SCI Nandina, dont M. [O] [M] est le gérant, et ce jusqu’à la date de la cession de l’immeuble en 2015, où il a été soldé par anticipation.
M. [M] prétend ne jamais avoir reçu ces relevés bancaires, pour la simple raison qu’ils auraient été adressés à l’ancienne adresse de la société. Or il résulte de l’extrait Kbis de la SCI Nandina qu’il a fait transférer le siège social en décembre 2007, d’un courrier de la BDAF du 11 février 2009 qu’il n’avait à cette date toujours pas informé la banque du nouveau siège social ni même de son statut de gérant de la société, et des relevés bancaires ultérieurs qu’il n’a manifestement jamais donné suite à la demande de la banque du 11 février 2009 de lui adresser des pièces justificatives. Il ne peut donc se prévaloir de sa propre négligence pour prétendre à une dissimulation d’un élément du passif auquel il avait pourtant accès en qualité de gérant de la SCI Nandina.
Finalement, l’absence de tout élément permettant de déterminer les contours exacts de l’accord des parties empêche de démontrer une éventuelle dissimulation d’une partie du passif de la SCI Nandina, alors que les échéances de ce prêt ont continué à être remboursées régulièrement à partir d’un compte bancaire créditeur au nom de la SCI Nandina et faisant nécessairement partie des actifs de la SCI, repris lors de la cession de la totalité des parts sociales.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré recevable la demande de remboursement de M. [O] [M] à l’encontre de M. [Y] [D], M. [T] [B] et M. [L] [X], mais au fond, l’a rejetée.
Sur l’action en responsabilité engagée à l’encontre de Mme [F] [X] et la SELARL [X] [U] Fleury
2. a. Sur la recevabilité de l’action au regard de la prescription
Aux termes de l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction issu de la loi du 17 juin 2008, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
A la date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le 19 juin 2008, lendemain de sa publication au Journal officiel, le délai de prescription des actions personnelles ou mobilière est donc passé de 30 ans à 5 ans.
L’article 26 de la loi du 17 juin 2008 dispose que « les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »
Les appelants recherchent la responsabilité de Mme [F] [X] et de la SELARL [X]-[U]-Fleury en ce que Mme [F] [X] serait la rédactrice de l’acte de cession de parts sociales du 20 décembre 2007. Ils soutiennent ne pas avoir eu connaissance du solde du prêt souscrit par la SCI Nandina auprès de la BDAF que le 13 février 2015, date de la revente du bien immobilier à la SCI Madysam, et que point de départ de la prescription aurait donc été reporté au 13 février 2015.
Or, dès lors que la dissimulation alléguée n’est pas démontrée, pour les motifs précédemment exposés, M. [O] [M] a connu ou aurait dû connaître l’étendue du passif de la SCI Nandina dès qu’il en est devenu le gérant associé et s’est trouvé en charge des comptes de la société, d’autant qu’il est établi par les courriers échangés avec la BDAF qu’il était en lien avec l’établissement bancaire et ne s’est pas soucié de donner suite à la demande de renseignements de la banque afin de clarifier son statut et la nouvelle situation de la SCI Nandina, ce qui lui aurait permis d’accéder au compte bancaire dont il prétend sans le démontrer qu’il ignorait l’existence.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré l’ensemble des demandes formées à l’encontre de Melle [A] [X] et Melle [J] [X], venant aux droits de Mme [F] [X], et de la SELARL [X]-[U]-Fleury, irrecevables car prescrites ;
Sur la demande de dommages et intérêts de M. [O] [M] et de la SCI Nandina
Les prétentions des appelants étant infondées, leur demande de dommages et intérêts des appelants doit être rejetée. Le jugement sera confirmé en ce sens
Sur la demande de dommages et intérêts de Melle [A] [X], Melle [J] [X], venant aux droits de Mme [F] [X]-[U], et de la SELARL [X]-[U]-Fleury pour procédure abusive
Pour constituer une faute une action en justice doit être manifestement dépourvue de fondement et révéler de la part de son titulaire un usage abusif dans le seul dessein de nuire à autrui.
Il appartient au juge de caractériser la faute retenue en relevant les circonstances qui ont fait dériver en abus le droit d’agir.
Le tribunal a condamné les appelants pour procédure abusive en raison de leur mauvaise foi.
Pour autant, si la dissimulation alléguée n’est pas démontrée et qu’il est peu crédible que les cessionnaires se soient portés acquéreurs de la totalité des parts sociales de la SCI Nandina sans autre information comptable et financière et sur la base des seules déclarations de leurs co-contractants, il est inexact de présenter comme abusif le fait pour M. [O] [M] de solliciter à titre personnel un paiement sur le fondement de la garantie de passif au titre d’une dette finalement assumée par la société dont il est associé, alors qu’il est bien le bénéficiaire de cette clause en sa qualité de cessionnaire. Par ailleurs, s’il échoue dans ses prétentions à l’égard de Melle [A] [X], Melle [J] [X], venant aux droits de Mme [F] [X]-[U], et de la SELARL [X]-[U]-Fleury, force est de constater que l’acte litigieux a manifestement été contresigné par Mme [F] [X]-[U] au sein de son cabinet.
Il ne saurait donc être reproché aux appelants d’avoir saisi le premier juge en invoquant des moyens de droit et des éléments de faits à l’appui de ses demandes, ni d’avoir interjeté appel d’une décision qui lui était défavorable en invoquant des moyens de droit à l’appui de ses demandes.
En considération de ce qui précède le demande de dommages et intérêts présentée à leur encontre pour procédure abusive doit donc être rejetée.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur les demandes accessoires
Succombant, M. [O] [M] et la SCI Nandina seront condamnés in solidum aux dépens.
Ils seront en outre condamnés in solidum à payer à Melle [A] [X], Melle [J] [X], venant aux droits de Mme [F] [X]-[U], et à M. [L] [X], ensemble, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement querellé en toutes ses dispositions frappées d’appel, sauf en ce qu’il a condamné la SCI Nandina et M. [O] [M] in solidum à payer à Melle [A] [X], Melle [J] [X] et la SELARL [X]-[U]-Fleury la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau,
DEBOUTE Melle [A] [X], Melle [J] [X], la SELARL [X]-[U]-Fleury et M. [L] [X] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Y ajoutant,
CONDAMNE in solidum M. [O] [M] et la SCI Nandina aux dépens d’appel.
CONDAMNE in solidum M. [O] [M] et la SCI Nandina à payer à Melle [A] [X], Melle [J] [X] et à M. [L] [X], ensemble, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Signé par Madame Christine PARIS, Présidente de chambre e et par Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, greffière, à qui la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,