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12 septembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/04911
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 12 SEPTEMBRE 2023
(n° , 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04911 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZFT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mai 2021 -Conseil de Prud’hommes de PARIS 10 – RG n° F 20/00094
APPELANTE
Madame [Z] [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
INTIMEE
S.A.S. EDITIONS DU SEUIL
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [Z] [F], née en 1958, a été engagée par la SAS Éditions du Seuil, à la suite de plusieurs contrats à durée déterminée, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er décembre 1982 en qualité de secrétaire de direction 2, échelon 1, avec une reprise d’ancienneté au 1er septembre 1982.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l’édition.
Mme [F] a été promue au poste de « chef de service des droits étrangers » à compter du 1er janvier 2001, indice C4 statut cadre.
Au dernier état de la relation contractuelle, elle occupait le poste de Directrice du département des cession de droits (droits étrangers), statut cadre.
Par lettre datée du 31 janvier 2019, Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 13 février 2019 avec mise à pied conservatoire, puis a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre datée du 21 février 2019 motif pris d’un management fautif réitéré entretenant une ambiance de travail lourde et oppressante pour les collaborateurs.
A la date du licenciement, Mme [F] avait une ancienneté de 36 ans et 5 mois et la société Éditions du Seuil occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant à titre principal la légitimité de son licenciement, et à titre subsidiaire l’existence d’une faute grave, et sollicitant outre des rappels de salaires, des heures supplémentaires, une indemnité pour travail dissimulé outre des dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire, perte de chance de droits à la retraite et manquement à l’obligation de sécurité, Mme [F] a saisi le 8 janvier 2020 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 7 mai 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
– Requalifie le licenciement de Mme [Z] [F], notifié pour faute grave, en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
-Condamne la société Éditions du Seuil au paiement à Mme [Z] [F] de :
19.109,25 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis
1.910,90 € à titre de congés payés sur préavis
4.234,13 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied
423,40 € à titre de congés payés afférents sur la période de mise à pied
114.655,50 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation
rappelle qu’en vertu de l’article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire
1000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
-Déboute Mme [Z] [F] du surplus de ses demandes ;
– Déboute la société Éditions du Seuil de sa demande reconventionnelle.
-Condamne la société Éditions du Seuil au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 3 juin 2021, Mme [F] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 19 mai 2021.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 avril 2023, Mme [F] demande à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondée Mme [F] en son appel,
Y faisant droit,
-infirmer la décision rendue le 7 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Paris, et statuant à nouveau :
A titre principal :
– juger que le licenciement de Mme [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse
-condamner en conséquence la société Editions du Seuil au paiement à Mme [F] de 142.330,05€ nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
A titre subsidiaire :
-juger que le licenciement de Mme [F] ne repose pas sur une faute grave ;
En tout état de cause :
-condamner la société Éditions du Seuil au paiement à Mme [F] de 21.349,51 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, et 2.134,95 € bruts au titre des congés payés afférents ;
-condamner la société Éditions du Seuil au paiement à Mme [F] de 4.981,55 € bruts à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied à titre conservatoire (21 jours), et 498,16 € bruts au titre des congés payés afférents ;
-condamner la société Éditions du Seuil au paiement à Mme [F] de 128.097,04 € bruts à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
-condamner la société Éditions du Seuil au paiement à Mme [F] de 42.699,01 € nets à titre de dommages intérêts pour rupture brutale et vexatoire ;
-condamner la société Éditions du Seuil au paiement à Mme [F] de 42.699,01 € nets à titre de dommages intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;
-condamner la société Éditions du Seuil au paiement à Mme [F] de 46.655,71 € bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires accomplies entre le 21 février 2016 et le 21 février 2019, et 4.665,57 € bruts au titre des congés payés afférents ;
-condamner la société Éditions du Seuil au paiement à Mme [F] de 42.699,01 € nets à titre de dommages intérêts pour travail dissimulé ;
-condamner la société Éditions du Seuil au paiement à Mme [F] de 194.741 € nets à titre de dommages intérêts pour perte de chance de bénéficier d’une retraite à taux plein;
-assortir ces condamnations d’une condamnation de la société Éditions du Seuil à verser à Mme [F] des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes ;
-condamner la société Éditions du Seuil au paiement de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance, 2.000 € additionnels pour la procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Lexavoué Paris-Versailles, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
-rejeter l’appel incident formé par la société Éditions du Seuil.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 mai 2023, la société Éditions du seuil demande à la cour de :
A titre principal,
-Juger que le licenciement pour faute grave de Mme [F] est fondé ;
-Débouter Mme [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
-Infirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave ;
-Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [F] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires ;
A titre subsidiaire,
-Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse
-Débouter Mme [F] de l’ensemble de ses demandes de dommages et intérêts ;
En toutes hypothèses,
-Condamner Mme [F] à verser à la société Éditions du seuil la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 16 mai 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur les heures supplémentaires
Pour infirmation du jugement déféré, Mme [F] fait valoir que ses horaires de travail étaient bien supérieurs aux 38 heures par semaine prévues au contrat de travail.
Pour confirmation de la décision, l’employeur oppose que la salariée ne produit pas d’éléments soutenant la thèse des heures supplémentaires réclamées.
L’article L.3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine.
L’article L.3121-28 du même code précise que toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
En application de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, à l’appui de sa demande, Mme [F] tout en faisant valoir que la mise à pied l’a privée de la possibilité d’accéder à ses agendas et à ses ordinateurs, met en compte, dans la limite de trois années avant la rupture, entre le 21 février 2016 et le 21 février 2019, 8 heures supplémentaires pendant 109 semaines et 12 heures supplémentaires pendant 17 semaines entre janvier et avril 2018 dans l’attente du remplacement d’un collaborateur ayant démissionné en décembre 2017. Elle souligne n’avoir eu de cesse d’alerter sa direction de sa surcharge de travail et de celle de son équipe (pièce 29, 30, 58 et 93) évoquant dès 2001 des journées de travail de 9 à 10 heures (pièce 26) et avoir signalé en date du 5 janvier 2016 effectuer au moins 45 heures de travail par semaine lorsqu’elle a été invitée à mentionner ses plages de travail et qu’il lui a été répondu que l’employeur n’était pas sans ignorer que certains salariés travaillent plus que la seule durée légale. (pièce 27, salariée).
La cour retient que la salariée présente des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires qu’elle soutient avoir effectuées permettant à l’employeur chargé du contrôle de celles-ci de s’expliquer.
Or l’employeur se borne à contester la crédibilité des horaires avancés par la salariée et à soutenir que les éléments de preuve rapportés par cette dernière ne sont pas pertinents.
La cour rappelle que la salariée qui du fait de la mise à pied conservatoire a été privée de l’accès à ses agendas et son ordinateur ne peut se voir reprocher de ne pas produire un décompte plus précis au-delà de l’estimation qu’elle donne dans ses écritures. En revanche, il est relevé que l’employeur ne justifie pas d’un contrôle effectif de sa part des horaires de travail de l’appelante et ne rapporte pas la preuve des horaires effectivement réalisés selon lui par la salariée. De surcroît, la référence aux horaires de la remplaçante de Mme [F] qui a mis en place une autre organisation n’est pas pertinente et l’employeur qui a lui-même déclaré ne pas ignorer que le temps de travail de certains salariés ne se limitait pas à l’horaire légal ne peut soutenir qu’il n’est pas démontré que les heures supplémentaires étaient accomplies à la demande de l’entreprise.
En conséquence, eu égard aux éléments présentés par la salariée et aux observations faites par l’employeur, la cour a la conviction que la salariée a exécuté des heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées mais, après analyse des pièces produites, dans une moindre mesure que ce qui est réclamé, de telle sorte que, par infirmation du jugement déféré, la société Editions du Seuil sera condamnée à verser à Mme [F] la somme de 25.551,90 euros en paiement des heures supplémentaires au titre des trois années précédant la rupture, outre la somme de 2.555,10 euros de congés payés afférents.
Le salaire de base intégrant les heures supplémentaires retenues s’élève par conséquent à un montant de 6.354,50 euros.
Sur le travail dissimulé
Aux termes de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’article L. 8221-5 2° du code du travail précise qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
Il est constant que la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
Au constat toutefois, qu’il résulte d’un écrit de l’employeur qui en réponse à un échange avec Mme [F] lui signalant que les plages de travail qu’elles devaient renseigner dans un document ne correspondaient pas à la réalité puisqu’elle précisait réaliser 45 heures par semaine, lui indiquait savoir « que certains salariés travaillaient bien au-delà de la durée légale de travail » (pièce 27), la cour retient que celui-ci a agi de manière intentionnelle.
Par infirmation du jugement déféré, la société Editions du Seuil sera condamnée à payer à Mme [F] une somme de 38.127 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur le licenciement pour faute grave
Pour infirmation du jugement déféré qui a retenu non la faute grave mais une cause réelle et sérieuse de son licenciement, Mme [F] fait valoir que celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Pour infirmation de la décision, sur appel incident, l’employeur réplique que la faute grave est constituée.
La lettre de licenciement de Mme [F] datée du 21 février 2019, signée par M. [T] [K] Président, était ainsi libellée :
«(…) Nous faisons suite à l’entretien préalable du 13 février dernier auquel vous vous êtes présentée assistée de Mme [Y] [S], et qui a été bref malgré nous dans la mesure où vous avez simplement indiqué contester nos griefs sans vouloir apporter d’autres observations et ce, contrairement à l’objet dudit entretien.
Nous n’avons donc pas pu revoir notre appréciation des faits de sorte que la présente lettre constitue la notification de votre licenciement pour faute grave caractérisée par les faits ci-après.
Salariée de l’entreprise depuis le 1er septembre 1982, vous exercez les fonctions de Directrice du département des Cessions de droits depuis le 1er septembre 1982. En dernier lieu, vous managiez 5 personnes au sein de ce service.
A plusieurs reprises, il a été échangé avec vous et vous avez été alertée à la suite de récriminations à votre encontre de vos collaborateurs.
L’entreprise a mis en ‘uvre différentes mesures :
Plusieurs coaching qui se sont succédé dont le dernier en 2018
Une formation sur les risques psychosociaux à laquelle vous n’avez pas pu participer
Une médiation pour l’ensemble du service en 2017
Des entretiens multiples
Votre management étant de nouveau décrié par des salariés, l’entreprise a de nouveau, pour les mêmes motifs, dû organiser un nouveau coaching en 2018.
Pendant cette période, le CHSCT a, au cours de diverses réunions, évoqué cette question de coaching en espérant qu’elle porterait rapidement ses fruits.
Lors de la réunion du 19 décembre 2018, le CHSCT a indiqué à l’entreprise qu’une salariée venait à leur rencontre toutes les semaines pour échanger sur sa situation au sein du service droits des étrangers et a ajouté quelles réponses apporter à cette personne ‘ Comment lui dire que la situation n’avance pas: «C’est terrible», que plusieurs personnes de ce service avaient rencontré le médecin du travail etc…
A la réouverture de l’entreprise fermée pour congés, l’entreprise a été rendue destinataire de deux alertes :
Une du CHSCT du 17 janvier 2019 rappelant notamment à l’entreprise qu’elle était tenue par une obligation de sécurité de résultat au visa de l’article L 4121-1 du code du travail,
Une autre de la part du médecin du travail à une semaine d’intervalle (24 janvier 2019) qui faisait état de quatre personnes du service qui lui ont fait part de RPS et qui expliquait que la situation avec la manager semblait dans un temps s’améliorer pour se détériorer de nouveau ensuite en précisant que force était de constater que la situation de mal être au travail des droits étrangers semblait perdurer avec un risque de dégradation entraînant des conséquences graves pour la santé des salariés.
Ainsi, malgré les nombreuses mesures entreprises de façon soutenue pour que chacun puisse évoluer dans la sérénité, votre comportement fautif réitéré en connaissance de cause, s’est imposé à nous et a valu une alerte du CHSCT comme du médecin du travail qui est l’homme de l’art et le référent en matière de santé au travail, ses avis/ constatations/ préconisations s’imposant à l’entreprise.
Votre management fautif réitéré entretient une ambiance de travail lourde et oppressante pour les collaborateurs, certains ayant rapporté venir travailler «la boule au ventre».
Il y a donc un manquement grave à vos obligations que nous ne pouvons tolérer.
Nous nous rappelons par ailleurs que vous comme nous sommes tenus à une obligation de sécurité de résultat envers les salariés et qu’il ne peut y avoir de manquement à cette obligation;
Votre licenciement sera effectif à la date d’envoi de ce courrier de licenciement pour faute grave privative des indemnités de préavis et de licenciement [‘]».
Il en résulte qu’il est reproché à Mme [F] un management fautif et réitéré de son service des droits étrangers,entretenant une ambiance de travail lourde et oppressante pour les collaborateurs, malgré des alertes et tentatives d’aide de l’employeur.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve étant rappelé que le doute profite au salarié.
Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l’article 12 du code de procédure civile ; qu’en conséquence, si le juge ne peut ajouter d’autres faits à ceux invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l’employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Sur le licenciement verbal
A titre préalable pour infirmation du jugement déféré Mme [F] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que la décision de la licencier avait été prise avant même l’entretien préalable.
L’employeur conteste tout licenciement verbal et réplique que les éléments de preuve invoqués par l’appelante sont inopérants.
En application de l’article L 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre le notifiant au salarié. A défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Il est admis que le licenciement verbal suppose une décision irrévocable de l’employeur de rompre le contrat de travail.
Il appartient à celui qui se prétend licencié verbalement d’en établir l’existence, l’appréciation des éléments produits relevant du pouvoir souverain des juges du fond.
Pour soutenir que la décision de la licencier était prise avant même l’entretien préalable, Mme [F] s’appuie sur l’attestation de Mme [Y] [S] qui affirme « J’atteste avoir été convoquée avec deux autres collègues du service documents du Seuil, le 31 janvier 2019 à 11 heures du matin, par [T] [K] dans son bureau [Adresse 2];(…) [T] [K] nous a annoncé avoir pris la décision de licencier [Z] [F], avec mise à pied à partir de lundi. (‘) A ma question «Pour quels motifs», il a répondu ne pas vouloir s’étendre:«Pour harcèlement»Il a précisé que celui-ci durait depuis plusieurs années. Je lui ai alors demandé si [Z] était au courant. Il a répondu qu’elle allait recevoir la lettre.» (pièce 109, salariée).Elle ajoute par ailleurs que dès la réunion de la DUP du 19 décembre 2018, la DRH indiquait aux élus «Il est difficile d’en dire plus pour l’instant, mais un changement rapide va intervenir», y voyant une façon à peine voilée d’annoncer son départ déjà décidé.
La cour retient qu’il ne peut être déduit de l’annonce d’un « changement rapide », une décision irrévocable de l’employeur de licenciement puisqu’il pouvait tout autant s’agir d’une mutation et non d’une rupture.
En revanche si l’employeur conteste le témoignage de Mme [S] affirmant que « jamais une telle annonce n’a été faite », soulignant par ailleurs que le 31 janvier 2019 à 11 heures il se trouvait en réunion, l’attestation produite par ce dernier à cet égard, se borne à indiquer que la durée de la réunion hebdomadaire se tenant traditionnellement le jeudi matin à 10 heures est fluctuante entre 1h et 1h30 en fonction des sujets à traiter sans affirmer que ce jour-là elle avait dépassé 11 heures. Rien ne permet d’affirmer que la réunion avec Mme [S] n’a pas eu lieu ou ne pouvait avoir lieu.
Toutefois la cour retient que les propos de Mme [S] ne sont corroborés par aucun autre salarié alors même qu’elle affirme avoir été convoquée avec deux autres collègues par M. [T] [K] et que ce dernier « nous a annoncé avoir pris la décision de licencier [Z] [F] avec mise à pied à partir de lundi », sans même que l’identité de ces derniers ne soit révélée, ce qui empêche toute vérification des propos ainsi tenus et de départager la parole de l’employeur contre celle de Mme [S], laquelle a ensuite nécessairement pris partie en assistant la salariée lors de l’entretien préalable.
La cour en déduit à l’instar des premiers juges qu’il n’est pas indubitablement établi que la décision irrévocable de licencier Mme [F] a été annoncée avant la notification de son licenciement, et que celle-ci n’a pas fait l’objet d’un licenciement verbal.
Sur la violation du droit de se défendre de Mme [F]
Au soutien de l’absence de cause réelle et sérieuse, Mme [F] fait valoir que l’entretien préalable n’a duré que trois minutes et que faute pour l’employeur de faire état de faits précis, associés à une personne précise et à une date précise, elle n’a pas été en mesure de se défendre efficacement et de manière contradictoire.
L’employeur réplique que si l’entretien a été très bref c’est parce-que la salariée n’a rien souhaité répondre aux griefs présentés les contestant uniquement sur le principe.
La cour observe que le compte-rendu de l’entretien préalable énonce notamment « (‘) [J] [W] [la DRH] a commencé par expliquer l’objet de cet entretien : décrire les griefs à l’origine de la procédure de licenciement, et recueillir les explications de Mme [F].
Concernant les griefs décrits par [J] [W] à l’encontre de [Z] [F] : un certain nombre de salariés, dont les noms n’ont pas été cités, appartenant au service des droits étrangers que dirige [Z] [F], se sont plaints auprès du CHSCT à plusieurs reprises d’un sentiment de mal-être et de problèmes de management. Le CHSCT a émis une alerte, le 17 janvier 2019, que la direction dit prendre très au sérieux . Cette alerte a été corroborée par la médecine du travail, laquelle a insisté sur l’obligation de sécurité de l’entreprise, dont la responsabilité pénale pourrait être engagée.(…) [Z] [F] a contesté ces accusations. Elle a expliqué les avoir déjà contestées à plusieurs reprises lors de discussions antérieures avec [J] [W], mais n’avoir jamais eu de discussion avec [T] [K] au sujet du management et de l’ambiance dans son service. [Z] [F] a précisé qu’elle ne pensait pas que tous les salariés de son service partagent le sentiment décrit par [J] [W].
[J] [W] a demandé à [Z] [F] si elle avait bien compris les griefs et si elle souhaitait ajouter quelque chose. Cette dernière a répondu qu’elle avait pris note des griefs mais qu’elle les contestait.L’entretien a duré environ trois minutes. Signé [Y] [S] »(pièce 10 salariée). »
La cour retient qu’il ressort de ce compte-rendu, dont les termes ne sont pas contestés, que les griefs ont bien été exposés à la salariée qui ne les a pas découverts puisqu’il est fait état de contestations et de discussions antérieures avec Mme [W] et que la brièveté de l’entretien tient aux deux protagonistes, faute d’échanges plus fournis, sans qu’on puisse en déduire que Mme [F] a été empêchée de se défendre.
Ce moyen est par conséquent rejeté.
Sur le fond
Au soutien de la preuve de la réalité des faits qui lui incombe l’employeur expose que le management fautif de Mme [F] à l’égard de ses collaborateurs existait depuis plusieurs années, en témoigne le rappel à l’ordre non contesté délivré à cette dernier en date du 7 mai 2014, suite au comportement humiliant dénoncé par une collaboratrice démissionnaire Mme [P] (pièce 24, société). Il s’appuie également sur un courriel collectif du 4 avril 2017 de ses collaborateurs dénonçant leurs conditions de travail (pièce 33, société) et sur le PV de la réunion du CHSCT du 27 septembre 2017, dont il ressort qu’il a été acté alors que la DRH confirmait une problématique managériale au sein du service des droits étrangers, que « le CHSCT, qui a rencontré plusieurs des intéressés, a pu constater que la manager du service montait les membres de son équipe les uns contre les autres et que ces derniers avaient une telle peur des représailles qu’ils préféraient se taire » annonçant la mise en place d’une médiation collective au sein du service concerné confiée au Cabinet Colonna à compter de septembre 2017 (pièces 32 et 39, société). A cet égard, l’employeur produit aussi un courriel de Mme [M], membre du CHSCT, daté du 31 janvier 2018 qui expose que le CHSCT a rencontré trois des salariées suite à la mise en place due la médiation qui précise « (‘) Nous sommes face à des personnes en souffrance et qui ont véritablement peur « d’affronter » [Z] [F] ce qui pose évidemment problème quand M. [O] [ du cabinet Colonna]leur demande de « s’affirmer », elle ajoute que alors que « M. [O] parlait de la nécessité d’un management participatif : les trois salariées imaginent mal sa mise en place quand la manager du service accueille toute demande/ proposition de cet ordre par des hurlements et de la colère » en précisant que « A noter que quand [Z] [F] est en congés, les choses fonctionnent sereinement et en bonne intelligence » (pièce 3, société). Il soutient que le coaching difficilement mis en place à compter de l’été 2018 n’a que peu porté ses fruits, puisque dès le 7 septembre 2018, Mme [M] était destinataire et lui relayait une nouvelle plainte de Mme [E] collaboratrice de Mme [F] signalant que cette dernière est à nouveau « odieuse et méprisante à son égard » ajoutant que « cette situation n’a que trop duré ( ‘) il en va de la santé (mentale et physique) d’une salariée »(pièce 11, société.) confirmé lors d’une réunion du 25 septembre 2018 du CHSCT constatant que malgré 8 réunions de coaching et les efforts tentés par la manager, la situation n’évolue pas et celle des salariées restait inquiétante .(pièce 12, société). L’employeur s’appuie également sur la position du médecin du travail qui dans un courriel du 24 janvier 2019 rappelait suivre les salariés de ce service depuis 2015, y compris ceux qui sont partis et que « Sur ceux qui sont présents actuellement , soit 6 personnes , quatre m’ont fait part de RPS [ risques psycho-sociaux] (‘) la nature des plaintes étant variable d’un salarié à l’autre (‘) la situation semblant s’améliorer pour se dégrader de nouveau ensuite de façon assez imprévisible (‘) je ne peux que soutenir la démarche des élus du CHSCT (‘) force est de constater que la situation de mal-être au travail des Droits étrangers semble perdurer. Un risque de dégradation entraînant des conséquences graves pour la santé des salariés n’est donc pas exclu. »(pièce 15, société). Enfin la DUP au cours d’une réunion du 19 décembre 2018 a pris acte de la fin du coaching constant que si une amélioration sensible mais instable au niveau relationnel existait aucune amélioration n’était tangible au niveau organisationnel, faute de modernisation des process. » (pièce 13 , société).
La cour rappelle que Mme [F] dirigeait un service composé de 5 personnes, Mme [H] [L], son adjointe, [R] [G] assistante, Mme [A] [E] chargée de droits, Mme [B] [N] assistante administrative et Mme [X] [I] chargée de droits junior.
Il est acquis aux débats que ce service connaissait depuis quelques années une situation de malaise liée tant à une situation de charge de travail qu’à des difficultés relationnelles interpersonnelles auxquelles il a notamment été tenté de remédier par une médiation puis par un coaching qui s’est déroulé sur plusieurs mois courant 2018.
Il résulte du dossier que les salariées qui se sont plaintes auprès du CHSCT étaient Mme [R] [G], Mme [A] [E] ainsi que [H] [L], même si les relations des deux dernières avec Mme [F] n’ont pas toujours été tendues ainsi qu’en témoignent différents échanges de courriels produits aux débats, tandis qu’il est justifié que Mme [F] est restée en contact amical après la rupture avec [X] [I] et [B] [N] appartenant au même service.
Il n’est pas discuté que les compétences professionnelles de fond de Mme [F] n’ont jamais été remises en cause par l’employeur et étaient parfaitement reconnues au sein du monde de l’édition et des auteurs.
La cour observe par ailleurs que la mise en place d’une médiation voire d’un coaching (dont il n’est au demeurant pas produit les conclusions ni de l’une ni de l’autre) et qui relève de l’initiative de l’employeur en vue d’une bonne organisation de son service, ne suffit pas en soi à mettre en cause la responsabilité notamment du manager.
Par ailleurs, la cour relève que le management décrié par les salariés évoqué dans la lettre de licenciement n’est ni décrit, ni illustré par des attestations des salariées plaignantes de sorte que le management « fautif réitéré [entretenant] une ambiance de travail lourde et oppressante pour les collaborateurs, certains ayant rapporté venir travailler «la boule au ventre». n’est pas rapporté au dossier pas plus que « les hurlements ou accès de colère » cités dans le courriel du 31 janvier 2018 de Mme [M], membre du CHSCT.
C’est à juste titre en effet, que la salariée souligne qu’il n’est indiqué aucun exemple ou fait précis portant sur des situations d’agressivité, d’humiliation ou d’irrespect quelconques de sa part, ni de témoignages sur ce point (alors que le CR de la DUP du 25 septembre 2018, évoque un recueil de plus de 15 pages de témoignages non produit, pièce 12 société) et qu’il n’est produit aucun courriel de plaintes des salariées concernées, dont les doléances ont seulement été relayées par le CHSCT sans que ni Mme [F] ni les deux autres salariées du service n’aient été consultées ou entendues au besoin dans le cadre d’une enquête en bonne et due forme.
De surcroît c’est de façon pertinente que la salariée fait observer que le courriel collectif daté du 4 avril 2017 signé par Mmes [L], [E] et [G] ainsi qu'[C] [V] (qui a démissionné début 2018 pour d’autres fonction en restant en bons termes avec l’appelante)se bornait à dénoncer leurs conditions de travail au sein du service sans mettre en cause Mme [F] qui d’ailleurs s’est ensuite associée à leur démarche. Il est à ce titre justifié qu’elle a à de nombreuses reprises alerté l’employeur sur l’augmentation de la charge de travail du service réclamant sans succès l’informatisation de celui-ci mais aussi des augmentations pour les collaboratrices de son service.(pièce 29,30, 58 et 93).
La cour retient également s’agissant tant de l’alerte du CHSCT du 17 janvier 2019 que du courriel du médecin du travail du 24 janvier 2019 qui seuls s’inscrivent dans le délai de prescription de deux mois précédant le licenciement, que le premier se borne, se référant à l’historique du service droit des étrangers Seuil et sans faire état de nouveaux faits, à inviter la direction en lui rappelant son obligation en matière de santé, à prendre des décisions la situation ne pouvant perdurer et que le second confirme que sur six personnes du service, quatre lui ont fait part de situation de RPS ( en ce compris l’appelante elle-même ainsi que cela ressort de son dossier médical produit) et que la situation qui avait semblé s’améliorer s’est à nouveau dégradée, sans cependant citer à aucun moment Mme [F] et sans la mettre en cause, s’attachant toutefois à souligner un risque de dégradation entraînant des circonstances graves pour la santé des salariés.
Enfin la cour souligne qu’il ne peut être reproché à Mme [F] un défaut de modernisation des process alors qu’il ressort du dossier qu’elle a réclamé vainement depuis des années l’informatisation de son service.
La cour en déduit au vu des éléments contradictoirement discutés, le doute devant profiter au salarié, qu’en l’état du dossier, la réalité des faits reprochés à Mme [F] n’est pas suffisamment rapportée et ne permet de justifier ni une faute grave ni même une faute simple et que par infirmation du jugement déféré son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Mme [F] est par conséquent en droit de prétendre, par infirmation partielle du jugement déféré, aux indemnités de rupture sur la base du salaire moyen retenu plus avant aux sommes suivantes :
-4.218,88 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée.
-19.063,50 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis majorés de 1.910,90 euros de congés payés correspondant aux 3 mois de préavis qu’elle aurait perçus si elle avait travaillé.
-114.381 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement.
En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par un barème soit en l’espèce pour une ancienneté en années complètes de plus de 20 années , entre 3 et 20 mois de salaire.
Eu égard à l’âge de Mme [F] (61 ans) lors de la rupture du contrat de travail, de son ancienneté de plus de 39 années, de ses fiches de paie et de ses difficultés à retrouver un emploi en pleine crise sanitaire alors que son indemnisation par Pôle emploi a cessé en mars 2020 puisqu’à compter du 1er avril 2020 elle a bénéficié de sa retraite, son préjudice sera justement fixé au montant maximum de 127.090 euros.
Conformément aux dispositions de l’article L1235-4 du code du travail, il y a lieu, d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [F] dans la limite de six mois d’indemnités.
Sur la rupture brutale et vexatoire
Pour infirmation du jugement déféré, Mme [F] réclame une indemnité de 42.699,01 euros pour licenciement vexatoire. Elle fait valoir qu’elle a été mise à pied brutalement avant le déménagement de la société sans pouvoir saluer ses collègues et que sous le choc elle s’est évanouie en rentrant à son domicile. Elle souligne que nombre de ses collègues et des intervenants avec lesquels elle a travaillé ont attesté du caractère brutal de cette rupture dont elle ne se remet pas.
Pour confirmation de la décision, l’employeur réplique que la salariée ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui allégué au soutien de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour retient que Mme [F] a été mise à pied sans pouvoir récupérer ses effets personnels alors que rien ne justifiait une telle mesure, la privant le jour-même de son accès à son ordinateur et de la possibilité de saluer ses collègues de travail de presque 40 ans et justifiant que le caractère brutal de cette mesure l’a profondément affectée et a nécessité une prise en charge médicale.
Par infirmation du jugement déféré, la cour alloue à Mme [F] une indemnité de 5.000 euros à ce titre.
Sur la perte de chance de droits à la retraite
Pour infirmation du jugement déféré, Mme [F] réclame réparation intégrale du préjudice résultant du manque à gagner lié à son licenciement à 61 ans alors qu’elle envisageait de prendre sa retraite à 67 ans, qu’elle chiffre à un montant de 194.741 euros.
Pour confirmation de la décision, l’employeur réplique qu’il ne s’agit que d’un préjudice éventuel et non certain et que l’appelante doit être déboutée de sa demande de ce chef.
Il est constant que le licenciement de Mme [F] l’a contrainte à prendre sa retraite en mars 2020 et l’a privée d’une chance de ne la prendre qu’à 67 ans.
Il est constant que la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
Au vu des éléments soumis à l’appréciation de la cour, le préjudice de Mme [F] doit être indemnisé par la somme de 50.000 euros, au paiement de laquelle la société Editions du Seuil sera condamnée, par infirmation du jugement déféré.
Sur l’indemnité pour manquement à l’obligation de sécurité
Pour infirmation du jugement, l’appelante soutient que la société intimée a totalement manqué à son obligation de sécurité, malgré ses différentes alertes quant à sa charge de travail trop importante et à la détresse qu’elle ressentait. Elle sollicite une indemnité de 42.699, 01 euros à ce titre.
Pour confirmation de la décision, la société réplique qu’il ne saurait être formulé aucun grief à son encontre à cet égard, n’ayant eu de cesse d’accompagner l’appelante et de rechercher une solution.
La cour retient qu’il ne peut être reproché à la société une inaction quant à la situation du service puisqu’elle a tenté de remédier à l’ambiance dégradée, notamment par une médiation puis un coaching mais sans succès.Au constat, qu’il résulte du dossier que la médecine du travail a été amenée à consigner l’état de surmenage de la salariée soumise à une charge de travail dont elle avait alerté l’employeur, la cour lui alloue une somme de 1.500 euros de dommages et intérêts à ce titre.
Sur les autres dispositions
La cour rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
Partie perdante la société Editions du Seuil est condamnée aux dépens d’instance et d’appel et à verser à Mme [F] une somme de 2.000 euros au titre de la première instance et de 2.500 euros au titre de la procédure d’appel par application de l’article 700 du code de procédure civile, dont distraction au profit de la société Lexavoué Paris-Versailles en application de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement déféré ;
Et statuant à nouveau :
JUGE que le licenciement de Mme [Z] [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
CONDAMNE la SAS Editions du Seuil à verser à Mme [Z] [F] les sommes suivantes :
-25.551,90 euros en paiement des heures supplémentaires accomplies entre le 21 février 2016 et le 21 février 2019 outre la somme de 2.555,10 euros de congés payés afférents.
-38.127 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé.
-127.395 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-4.218,88 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée.
-19.063,50 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis majorés de 1.910,90 euros de congés payés.
-114.381 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement.
-5.000 euros d’indemnité pour conditions brutales et vexatoires du licenciement
-50.000 euros d’indemnité pour perte de chance de droits à la retraite.
-1.500 euros d’indemnité pour manquement à l’obligation de sécurité.
-2.000 euros au titre de la procédure d’instance et 2.500 euros au titre de la procédure d’appel par application de l’article 700 du code de procédure civile dont distraction au profit de la société Lexavoué Paris-Versailles en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Et y ajoutant :
ORDONNE d’office le remboursement par la société Editions du Seuil à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [Z] [F] dans la limite de six mois d’indemnités.
RAPPELLE que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
CONDAMNE la SAS Editions du Seuil aux dépens d’instance et d’appel.
La greffière, La présidente.