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8 février 2023
Cour de cassation
Pourvoi n°
21-24.980
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 février 2023
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 98 F-D
Pourvoi n° M 21-24.980
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 FÉVRIER 2023
1°/ la société Get Down, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],
2°/ Mme [J] [U] [P], domiciliée [Adresse 8],
3°/ M. [N] [H], domicilié [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° M 21-24.980 contre l’arrêt rendu le 10 septembre 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [I] [C], domicilié [Adresse 5],
2°/ à la société Artiworks, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à Mme [X] [E], domiciliée [Adresse 1],
4°/ à la société Kraked, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7],
5°/ à la société District 6 France Publishing, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Get Down, de Mme [U] [P] et de M. [H], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [C] et des sociétés Artiworks et District 6 France Publishing, après débats en l’audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2021), Mme [U] [P] et M. [H], auteurs-compositeurs et interprètes, ont écrit et composé une oeuvre intitulée « The bridge is broken », dont ils ont confié l’exercice de leurs droits patrimoniaux à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM). L’enregistrement en studio de l’oeuvre a été produit par la société Get Down. Par contrat de cession et d’édition d’oeuvre musicale du 1er novembre 2005, Mme [U] [P] et M. [H] ont cédé leurs droits patrimoniaux sur l’oeuvre à la société Kraked.
2. En février 2015, M. [C] dit [O] a publié l’enregistrement phonographique d’une oeuvre intitulée « Goodbye », créée en collaboration avec Mme [E], dite [W]. L’enregistrement phonographique de cette oeuvre a été produit par la société Artiworks et édité par la société District 6 France Publishing.
3. Estimant que l’oeuvre « Goodbye » contient, répétée pendant la majeure partie de celle-ci, une reprise à l’identique d’un extrait de l’oeuvre « The bridge is broken », Mme [U] [P], M. [H], la société Kraked et la société Get Down ont assigné la société District 6 France Publishing, Mme [E], M. [C] et la société Artiworks en contrefaçon de droit d’auteur et de droits voisins des artistes interprètes et des producteurs de phonogrammes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. M. [H] et Mme [U] [P] font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes fondées sur la contrefaçon de droit d’auteur, alors :
« 1°/ que constitue un acte de contrefaçon de droit d’auteur la reproduction d’éléments caractéristiques dont l’oeuvre tire son originalité ; qu’ainsi, lorsqu’il est appelé à se prononcer sur l’existence d’une éventuelle contrefaçon de droit d’auteur, le juge est tenu d’identifier, au préalable, les caractères dont l’oeuvre première tire son originalité ; que pour débouter M. [H] et Mme [U] [P] de leur demande au titre de la contrefaçon de l’oeuvre « The bridge is broken », dont elle a relevé que l’originalité dans son ensemble n’était pas contestée, la cour d’appel a affirmé que l’extrait de l’oeuvre dont la reprise était reprochée à M. [C] et à Mme [E] n’était pas « un élément déterminant » permettant de caractériser « la personnalité de l’auteur » et ne participait pas de « l’originalité de l’oeuvre première prise en son ensemble » ; qu’en statuant ainsi, sans avoir au préalable défini les éléments caractéristiques dont l’oeuvre première tirait son originalité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-4 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ subsidiairement, que constitue un acte de contrefaçon de droit d’auteur la reproduction d’éléments caractéristiques dont l’oeuvre tire son originalité ; qu’après avoir affirmé d’une part, que l’originalité de l’oeuvre « The bridge is broken » en son ensemble n’était pas contestée et d’autre part, qu’il résultait de l’avis technique établi par Mme [Y] – dont la valeur probante n’était pas utilement contestée par M. [C] et les sociétés Artiworks et District 6 – que l’extrait litigieux était constitué « d’une suite de douze notes articulées selon une métrique propre, exposée une première fois dans l’introduction de l’oeuvre, puis au sein de chacun des quatre couplets de ladite oeuvre » était « bien identifiable et mémorisable », qu’il participait de « la structure harmonique de l’oeuvre », que « la récurrence de ce motif tout au long de celle-ci en faisait une “ritournelle instrumentale” et partant un élément de composition caractéristique de l’oeuvre, la combinaison de ces différents éléments, fussent-ils dépourvus de protection pris isolément, participant de l’originalité de l’oeuvre », la cour d’appel a retenu que cet extrait, dont la reprise était reprochée à M. [C] et à Mme [E], ne constituait pas un élément déterminant participant de l’originalité de l’oeuvre première ; qu’en statuant ainsi, elle a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 122-4 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ subsidiairement, que, pour retenir que l’extrait de l’oeuvre, dont la reprise était reprochée à M. [C] et à Mme [E], ne constituait pas un élément déterminant participant de l’originalité de l’oeuvre première, la cour d’appel a affirmé que « l’accord litigieux », comportant un « accident d’interprétation » ou « un accident de justesse » figurait uniquement en introduction de l’oeuvre et n’était pas repris dans chaque couplet, ledit accord étant par la suite joué de manière plaquée et intégré à une suite d’accords ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure que l’extrait litigieux puisse constituer un élément caractéristique dont l’oeuvre « The bridge is broken » tirait son originalité, la cour d’appel a violé les articles L. 122-4 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
4°/ subsidiairement, que, pour retenir que l’extrait de l’oeuvre, dont la reprise était reprochée à M. [C] et à Mme [E], ne constituait pas un élément déterminant participant de l’originalité de l’oeuvre première, la cour d’appel a affirmé que selon le rapport technique établi par la SACEM, la durée de la première mesure de l’oeuvre « The bridge is broken », dans lequel s’inscrivait l’extrait litigieux, était de « moins de deux secondes » et qu’il ressortait des conclusions du rapport amiable établi par M. [D], mandaté par M. [C] et les sociétés Artiworks et District 6, que les deux chansons bénéficiaient d’une similitude « n’excédant pas une seconde environ » ; qu’en se déterminant ainsi, par référence à la brièveté de l’extrait litigieux – qui était pourtant reproduit dans chacun des quatre couplets de l’oeuvre musicale – la cour d’appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision, en violation des articles L. 122-4 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
5°/ subsidiairement, que, pour retenir que l’extrait de l’oeuvre, dont la reprise était reprochée à M. [C] et à Mme [E], ne constituait pas un élément déterminant participant de l’originalité de l’oeuvre première, la cour d’appel a affirmé que cet extrait était un « accompagnement d’instrument » et « aucunement une partie soliste » ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure que l’extrait litigieux puisse constituer un élément caractéristique dont l’oeuvre « The bridge is broken » tirait son originalité, la cour d’appel a violé les articles L. 122-4 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle. »