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17 septembre 2013
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
12/01601
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
————————–
ARRÊT DU : 17 SEPTEMBRE 2013
(Rédacteur : Monsieur Jean-Pierre Franco, Conseiller)
(PH)
PRUD’HOMMES
N° de rôle : 12/01601
SARL Domoteck Deutschland GMBH
c/
Monsieur [N] [X]
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par
voie de signification (acte d’huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 décembre 2011 (RG n° 10/01776) par le Conseil de Prud’hommes – formation paritaire – de Bordeaux, section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 16 mars 2012,
APPELANTE :
Société Domoteck Deutschland GMBH, siret n° 511 210 072 00019,
agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1]),
Représentée par Maître Pierre-Emmanuel Barois, avocat au barreau de Bordeaux substituant Maître Monika Seidel-Moreau, avocat au barreau de Paris,
INTIMÉ :
Monsieur [N] [X], né le [Date naissance 1] 1964, de nationalité Française, demeurant [Adresse 3],
Représenté par Maître Florian Bécam, avocat au barreau de Bordeaux,
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 10 juin 2013 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Maud Vignau, Président,
Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,
Monsieur Jean-Pierre Franco, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 11 janvier 2008, la
société Advanced Heating Technologies Ltd a embauché M. [N] [X] en qualité de directeur des ventes en France moyennant un traitement fixe mensuel de 5.000 € bruts, outre une prime variable de résultat.
Au mois d’août 2008, cette personne morale a été rachetée par la société
Domoteck Deutschland Gmbh, ayant son siège en Allemagne à Heppenheim, filiale de la société Domoteck Ltd, ayant son siège domiciliée en Israël, laquelle appartient au groupe international Decora.
Le 1er janvier 2009, le contrat de travail de M. [N] [X] a été
transféré à la société Domoteck GMBH, dont il a été ensuite nommé représentant légal pour la France, le 23 mars 2009.
Par courrier électronique en date du 27 mai 2010, M. [X] a été
informé par le dirigeant de la société Domoteck que les responsabilités commerciales et marketing en France étaient transférées à M. [Z] [K].
Par courrier recommandé en date du 11 juin 2010, la société Domoteck a
notifié à M. [N] [X] sa mise à pied.
Puis par lettre recommandée avec avis de réception en date du 14 juin
2010, elle a convoqué [N] [X] à un entretien préalable au licenciement, fixé au 28 juin 2010.
N’ayant reçu aucune lettre de licenciement, ce dernier a saisi le Conseil
de Prud’hommes de Bordeaux le 16 juin 2010 en sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, la remise de l’ensemble des documents de rupture, ainsi que la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes.
Par décision en date du 22 octobre 2010, le bureau de conciliation du
Conseil de Prud’hommes de Bordeaux a ordonné à la société Domoteck Gmbh de verser à M. [N] [X] la somme de 11.717,06 € en paiement de l’indemnité compensatrice de congés payés, et de lui remettre les documents de rupture sous astreinte de 100 € par jour de retard.
Il a, en outre, été ordonné à M. [N] [X] de remettre à la société
Domoteck Gmbh les documents en sa possession appartenant à l’entreprise.
Statuant le 7 mars 2011 en formation de départage, la section des référés
du Conseil de Prud’hommes de Bordeaux a dit n’y avoir lieu à référé concernant la demande formée par M. [N] [X] en paiement de la somme de 3.531,85 € à titre d’indemnité de congés payés, et de la somme de 10.000 € au titre de la liquidation de l’astreinte prononcée le 22 octobre 2010.
Par jugement en date du 20 décembre 2011, le Conseil de Prud’hommes
de Bordeaux a :
‘ prononcé aux torts de la société Domoteck Gmbh la résiliation du contrat de travail de M. [N] [X] au 15 juillet 2010,
‘ dit que cette résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
‘ condamné la société Domoteck Gmbh à payer à M. [N] [X] les sommes suivantes :
– 10.000,00 € à titre de dommages-intérêts,
– 21.960,00 € au titre de l’indemnité de préavis,
– 2.196,00 € à titre de congés payés sur préavis,
– 3.415,51 € à titre d’indemnité de licenciement,
– 11.717,06 € à titre d’indemnité de congés payés, majorée des intérêts au taux légal à compter de la notification de l’ordonnance du bureau de conciliation,
– 32.982,00 € à titre de rappel de prime 2009 et 2010,
– 29.280,00 € à titre d’indemnité de non-concurrence,
– 2.928,00 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur indemnité de
non-concurrence,
– 500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamné la société Domoteck Gmbh à remettre à M. [N] [X] les documents de rupture conforme à la décision,
‘ débouté M. [N] [X] du surplus de ses demandes,
‘ débouté la société Domoteck Gmbh de ses demandes reconventionnelles,
‘ dit n’y avoir lieu à exécution provisoire à l’exception des sommes qui en bénéficient de droit, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois de salaire soit 7.320 €,
‘ condamné la société Domoteck Gmbh aux entiers dépens et frais éventuels d’exécution.
La société Domoteck Gmbh a relevé appel de cette décision le 16 mars
2012.
Dans ses dernières conclusions soutenues oralement lors de l’audience du 10 juin 2013, elle demande à la Cour :
‘ d’infirmer intégralement le jugement entrepris,
‘ de débouter M. [N] [X] de toutes ses demandes relatives à la résiliation judiciaire et à son licenciement intervenu le 11 juillet 2011,
‘ à titre subsidiaire, de débouter M. [N] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif à hauteur de 60.000 €,
‘ de le condamner à lui payer la somme équivalant à huit mois de salaire de référence pour violation de sa clause de non-concurrence,
‘ de condamner M. [N] [X] à restituer le matériel de la société en sa possession dans un délai de trois jours à compter du prononcé de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 € par jour de retard,
‘ de condamner M. [N] [X] à restituer la somme de 100.000 € au titre du préjudice résultant de sa faute lourde et à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Domoteck Gmbh fait principalement valoir :
‘ que M. [N] [X] fonde sa demande de paiement de la prime variable sur le chiffre d’affaires généré par son activité, alors que selon le contrat le mode de calcul est assis sur la marge,
‘ que contrairement à ses affirmations, elle n’a pas rétrogradé M. [X], mais lui a seulement désigné un nouveau responsable hiérarchique, en la personne de M. [Z] [K],
‘ que le licenciement prononcé à l’encontre de M. [N] [X] est fondé d’une part sur une insubordination caractérisée, du fait de l’absence totale de compte rendu d’activités, et d’un refus délibéré de tout lien de subordination et d’autre part sur le non-respect des procédures internes, puisque le salarié concluait des contrats sans l’en avertir,
‘ que M. [X] a pris des fonctions salariées au sein de la société CEF AER, de sorte qu’il est redevable d’une somme de huit mois de salaire au titre de la clause de non-concurrence (la prétention formée à ce titre par le salarié étend totalement infondée),
‘ que le Conseil de Prud’hommes a prononcé une condamnation au règlement du solde des congés payés, alors que ceux-ci avaient déjà été réglés,
‘ que M. [X] a engagé sa responsabilité pour faute lourde en volant des données commerciales confidentielles et des moyens matériels d’exploitation et en se livrant à des actes de concurrence déloyale,
‘ que les documents de fin de contrat lui ont bien été adressés.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 10 juin 2013 et
développé oralement lors de l’audience du 11 juin 2013 M. [N] [X], appelant incident, demande à la Cour :
‘ de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant :
‘ de condamner la société Domoteck Gmbh à lui payer les sommes suivantes :
– 60.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
sérieuse sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail,
– 10.000 € au titre de la liquidation de l’astreinte prononcée selon ordonnance du 22
octobre 2010,
– 1.098 € au titre du droit individuel à formation,
– 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
avec intérêts au taux légal sur toutes les condamnations à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes, et capitalisation de ceux-ci,
Il souligne essentiellement :
‘ qu’en dépit de plusieurs relances depuis trois ans, aucun paiement n’est intervenu au titre de la partie variable de sa rémunération pour les exercices 2009 et 2010,
‘ que la société Domoteck Gmbh a procédé à son égard à une mesure de rétrogradation injustifiée, assimilable à une modification unilatérale du contrat de travail, en transférant ses responsabilités commerciales et de marketing en France à M. [Z] [K], et en lui supprimant l’autorisation d’utiliser le compte bancaire et la carte de crédit de la société en France,
‘ que l’employeur ne justifie pas lui avoir notifié régulièrement la prétendue lettre de licenciement pour faute grave datée du 11 juillet 2010,
‘ qu’en toute hypothèse les pièces produites ne démontrent nullement les fautes alléguées.
MOTIFS DE LA DECISION
Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison
de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée.
C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licen-
ciement invoqué par l’employeur.
Lorsque les manquements sont établis et d’une gravité suffisante, la
résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l’employeur et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l’espèce, le salarié invoque en premier lieu le non-paiement de la
partie variable de sa rémunération pour les années 2009 et 2010.
L’article 6 du contrat de travail stipule qu’en sus du traitement fixe mensuel brut de 5.000 €, la rémunération du travail comporte une prime variable à compter de la fin de la période d’essai, variant de la façon suivante :
– une commission de 3 % sur les revenus nets annuels de la société provenant des ventes de produits sur le territoire français en cas d’atteinte des objectifs fixés par la société jusqu’à 100 %,
– une commission de 2 % sur les revenus nets annuels de la société provenant des ventes de produits sur le territoire français en cas d’atteinte des objectifs fixés par la société de 100 % à 120 %,
– une commission à définir entre les parties sur les revenus annuels nets de la société provenant des ventes de produits sur le territoire français en cas d’atteinte des objectifs fixés par la société au-delà de 120 %.
Il est précisé à cet article que l’on entend par revenus nets annuels de la
société les revenus que la société reçoit actuellement de la vente de produits sur le territoire français desquelles il convient de déduire les réductions, les rabais, les taxes, notamment la TVA et autre charges des sociétés tierces, les taxes d’import et d’export et les commissions payées par la société à des sociétés tierces, les rabais, les avoirs accordés au client au lieu et place des rabais, créances irrécouvrables et coûts associés (y compris des honoraires de mandataire).
Il est en outre mentionné que les commissions seront payées le 15 avril de
chaque année.
Le salarié a produit aux débats un tableau récapitulatif des chiffres
d’affaires réalisés en 2009, mois par mois, dont il résulte qu’à la fin de l’année 2009, le total du chiffre d’affaires s’élevait pour la France à 730.439 €.
Par message électronique en date du 11 mars 2010, M. [N] [X] a demandé à la société Domoteck Gmbh des précisions sur le paiement de ses commissions de 2009.
Le même jour, [Y] [Q], responsable de la société Domoteck, lui a répondu que [Z] [K] avait demandé à [U] de calculer ces commissions pour 2009.
Par courrier électronique en date du 1er mars 2010, [Y] [Q] indiquait à M. [N] [X] : ‘ j’ai reçu les données financières de l’Allemagne concernant des ventes. Je dois avouer que je suis très surpris et selon les informations que j’ai reçues la situation est décevante. Le rabais moyen que tu as accordé à Frico et AER est supérieur de 25 % à notre grille tarifaire. (…), nous perdons de l’argent en France ce qui n’est pas l’objet de nos activités (‘.) J’ai vérifié la liste que tu m’as transmise par exemple : Matt textile FEP 850 watt le prix fait à AER est de 63,80 euros, le prix fait à FRICO et de 59,60 euros et celui proposé à XLPE est de 65,96 or notre prix catalogue est de 85,07. Au regard des informations qui précèdent je suis très embarrassé. Avec des prix si bas pour FRICO et AER comment se fait-il que nous n’ayons pas une meilleure part de marché ”
Il convient toutefois de relever que la société n’a pas justifié des objectifs
annuels pour 2009 et 2010, ni de la grille tarifaire applicable, ni des éléments susceptibles de venir en déduction du chiffre annuel brut des ventes.
L’appelante procède par simple affirmation lorsqu’elle indique qu’aucune marge ne pouvait être réalisée, en raison de la violation permanente par M. [X] de la politique tarifaire applicable.
Dans le cadre de l’exécution de bonne foi du contrat de travail, il incombait à la société de fournir à M. [X] chaque année le 15 avril les éléments comptables permettant de déterminer s’il avait droit ou non à des primes variables.
Il convient de retenir que la société Domoteck Gmbh a, sans raison
objective, refusé de régler les commissions dues au salarié au vu du tableau des chiffres d’affaires, en dépit des demandes qui lui ont été faites le 11 mars 2010, le 28 mai 2010, et le 4 juin 2010.
Le non-paiement de la partie variable de la rémunération, pour un montant important (21.912 € pour l’exercice 2009 et 11.070 € pour l’année 2010) constitue de la part de l’employeur un manquement à l’obligation essentielle née de l’exécution du contrat de travail.
Par ailleurs, dans un courrier électronique du 27 mai 2010 à 9h12, [Y]
[Q] a informé M. [N] [X] qu’il avait décidé de transférer les responsabilités commerciales et de marketing en France à [Z] [K], dont il devait désormais suivre les instructions à compter de cet e-mail.
En outre, par message électronique du 31 mai 2010 à 9 heures 48, [Y] [Q] lui intimait l’ordre de cesser toute utilisation du compte bancaire et de la carte de crédit de la société, sous peine de se voir retenu sur son salaire tout centime dépensé à partir de cette date.
Or, selon les stipulations de l’article 4 du contrat de travail, M. [X] devait, en sa qualité de directeur national des ventes, visiter la clientèle existante et potentielle de la société, prospecter de nouveaux clients de sa propre initiative, afin de développer le potentiel des ventes de la société en France et placer la société comme un leader sur le marché français en produits de chauffage et équipement.
Selon l’article 12 du contrat, il bénéficiait d’une large indépendance dans la gestion de son emploi du temps compte tenu de l’importance des responsabilités ainsi assumées dans le cadre de ses fonctions.
Les directives de l’employeur avaient pour conséquence directe de priver M. [X] de la possibilité d’organiser à son gré ses déplacements et démarches commerciales en vue de prospecter la clientèle.
C’est donc à juste titre que le Conseil de Prud’hommes a retenu que le salarié avait fait l’objet du retrait unilatéral d’un certain nombre de prérogatives attachées à sa fonction, hors de toute procédure disciplinaire ; ce qui constituait une modification unilatérale de son contrat de travail.
Il convient, en conséquence, de confirmer la décision entreprise, en ce
qu’elle a prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur, avec effet au 15 juillet 2010, date de cessation des relations contractuelles indiquée dans le certificat de travail.
Dès lors que la demande de résiliation judiciaire a été formée avant la date
de licenciement, et que la résiliation judiciaire est prononcée, il n’y a pas lieu d’examiner si le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Concernant les réclamations de M. [X]
La résiliation prononcée aux torts de l’employeur produit les effets d’un
licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre en conséquence droit à toutes les indemnités de rupture.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis :
L’article trois du contrat de travail impose aux parties de respecter sauf en
cas de faute grave ou faute lourde un délai de préavis de trois mois.
La rémunération mensuelle de M. [X] au titre des mois de mars, avril et mai 2010 doit intégrer la partie fixe soit 5.000 € et la partie variable correspondant à 3 % des chiffres d’affaires réalisés durant les mois correspondants.
En moyenne, au cours de ces trois derniers mois, le salarié aurait dû percevoir une rémunération totale de :
3 x 5.000) + (3 % x 91.000) + (3 % x 81.000) + (3 % x 60.000) = 21.960 €, soit une moyenne mensuelle de 7.320 €.
L’indemnité compensatrice de préavis s’élève donc à :
3 x 7.320 = 21.960 €, et les congés payés afférents à 2.196 €.
Sur l’indemnité de licenciement :
Selon les dispositions de l’article L.1234-9 du code du travail, M. [X], bénéficiant d’au moins une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit à une indemnité de licenciement d’un montant de : 2.333 x 7.320/5 = 3.415,51 €.
Le jugement sera donc confirmé pour ces condamnations.
Sur les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail sont applicables en l’espèce s’agissant d’un salarié ayant au moins deux ans d’ancienneté et d’une entreprise employant un effectif supérieur à 10 salariés.
M. [X] peut donc prétendre à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal à six mois de salaire.
Compte tenu des circonstances brutales et vexatoires de la rupture du contrat de travail, il convient de porter à 60.000 € le montant des dommages et intérêts dus à M. [X].
Il y aura donc lieu d’infirmer ce point le jugement entrepris.
Sur le paiement des congés payés :
Sauf dans le cas de faute lourde, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité de congés auxquels il avait droit, il reçoit pour la fraction de congés dont il n’a pas bénéficié une indemnité compensatrice de congés payés égale à 1/10ème de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence (article L.3141-26 et L.3141-22 du code du travail).
Il est constant que 15 juillet 2010, date de rupture du contrat de travail, M.
[X] disposait d’un solde de congés non pris égal à 49 jours, ce qui représentait une
indemnité compensatrice de 11.717,08 € brut soit 9.373,29 € nets.
Par sa pièce numéro 18, la société Domoteck Gmbh justifie avoir payé à ce titre à M. [X] le 14 décembre 2010 une somme de 8.125,23 € après avoir déduit un trop versé de 1.188,06 € (en effet, au mois de juin 2010, la société avait payé au salarié la somme de 2.590,87 € qui correspondait en réalité au coût global salarié, alors que le montant net du salaire exigible n’était que 2.402,81 €).
C’est donc à tort que le Conseil de Prud’hommes a, de nouveau, condamné la société au paiement de la somme de 11.717,06 €, celle-ci ayant déjà été réglée.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Sur le paiement de la part variable de rémunération :
Le Conseil de Prud’hommes a fait droit à juste titre à la demande en paiement de la somme de 32.982 € correspondant à la part variable de rémunération exigible au titre des années 2009 et 2010, outre celle de 3.298,20 € au titre des congés payés afférents et la décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.
Sur le paiement de l’indemnité au titre de la clause de non-concurrence :
Compte tenu de ses fonctions de directeur des ventes en France et des informations stratégiques de nature économique et commerciale auxquelles il avait accès, M. [X] s’est vu interdire, par l’article 9 du contrat de travail, d’entrer directement ou indirectement au service d’entreprises concurrentes de la société ou de tiers ou de toute entreprise ou tiers ayant repris ou poursuivi leurs activités sous quelque forme que ce soit, et ceci pendant une durée d’un an sur toute la France.
La licéité de cette clause n’est pas discutée, dès lors qu’elle était limitée dans le temps et dans l’espace, et qu’elle comportait l’obligation faite à l’employeur de verser une contrepartie financière au salarié; elle tenait compte en outre des infor-mations dont avait pu avoir M. [X] sur la stratégie commerciale de la société Domoteck durant l’exécution de son contrat de travail.
En l’espèce, la société reproche à M. [X] d’avoir pris en septembre 2010 des fonctions salariées au sein de la société CEF/AER (appareillage électrique du Rhône) dont l’activité est le montage, assemblage de matériel électrique, achat, vente exclusivement en gros d’appareillage électrique et appareils électroménagers, selon l’extrait K bis produit aux débats.
Cette embauche n’est pas contestée par l’intimé ; et il ressort notamment du courrier électronique adressé le 2 septembre 2010 par [E] [A] de la société AER que M. [N] [X] a été embauché en qualité de chef de produit sur la division chauffage électrique Heatstore, avec pour tâche essentielle l’organisation et la mise en place de nouvelles procédures, la mise en place des outils marketing et d’aide à la vente, les contrôles qualité et développement produit, l’information et accompagnement terrain au niveau national et la prescription sur l’ensemble de la gamme.
Toutefois, dans cet e-mail, M. [A] indique : ‘la plupart d’entre vous le
connaissent déjà pour avoir représenté depuis plus de deux ans notre fabricant en plancher électrique sur le territoire français et pour nous avoir accompagné sur le terrain tant auprès des agences qu’en réunion pour des formations’.
La société AER n’est donc pas un concurrent de la société Domoteck Gmbh, mais un distributeur de ses produits sur le territoire français; ainsi que le confirme d’ailleurs l’e-mail adressé par M. [Q] à M. [N] [X] le 1er mars 2010 à 10 heures 39 dans lesquelles le salarié se voit reprocher de pratiquer vis-à-vis des sociétés FRICO et AER des tarifs de vente inférieurs de plus de 25 % au prix catalogue.
Les sociétés AER et Domoteck sont d’ailleurs toujours en relations
commerciales puisque par courriel en date du 1er octobre 2012 (pièce 26 de l’intimé), [I] [C], nouveau gérant de Domoteck questionnait M. [X] sur la possibilité d’organiser une rencontre, en lui précisant ‘vous connaissez très bien nos produits et ils méritent sûrement plus qu’un chiffre d’affaires de 1000 euros par mois au lieu des 100.000 € que vous aviez prévus’ ; manifestant ainsi clairement son intention d’accroître le volume des ventes avec ce distributeur.
Aucune pièce telle que catalogues, ou attestations ne démontre que la
société AER vende en France des produits concurrents de ceux fabriqués et commer-cialisés par la société Domoteck Gmbh dans le domaine de la climatisation, chauffage et de la gestion technique centralisée, ainsi que le soutient l’appelante.
Dès lors qu’elle est défaillante dans l’administration de la preuve d’une violation de la clause de non-concurrence, la société Domoteck Gmbh doit verser à M. [X] pendant toute la durée de l’interdiction une somme égale à un tiers de sa rémunération mensuelle moyenne des trois derniers mois de présence dans l’entreprise.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a
condamné la société à payer à M. [X] la somme de 12 x 7.320 x 1/3 = 29.280 € outre les congés payés afférents, soit la somme de 2.928 €.
Dès lors que le principe et le montant de cette créance résultent du contrat de travail et non de l’appréciation du juge, les intérêts au taux légal courent à compter du 17 juin 2010, date de la saisine du conseil de prud’hommes, valant sommation de payer, conformément aux dispositions de l’article 1153 alinéa 2 du code civil.
La société sera déboutée de sa demande en paiement de la somme
équivalente à huit mois de salaire de référence pour violation de la clause de non-concurrence ; faute pour elle de démontrer la réalité de cette violation.
Sur la demande formée au titre du droit individuel à la formation (DIF) :
Selon les dispositions de l’article L.6323-17 du code du travail, en cas de
licenciement non consécutif à une faute lourde, et si le salarié en fait la demande avant la fin du préavis, la somme correspondant au solde du nombre d’heures acquises au titre du droit individuel à la formation et non utilisées, multiplié par le montant forfaitaire visé au deuxième alinéa de l’article L.6332-14, permet de financer tout ou partie d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation. À défaut d’une telle demande, la somme n’est pas due par l’employeur.
En l’espèce, le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité d’exercer son droit
individuel à la formation, du fait du comportement de l’employeur qui est à l’origine de la résiliation judiciaire du contrat.
M. [X] est donc fondé à solliciter réparation de la perte de chance de
faire liquider ses droits acquis en matière de droit individuel à la formation.
En l’espèce, compte tenu des droits acquis (120 heures) et de la rapidité
avec laquelle M. [X] a pu retrouver un emploi salarié correspondant à ses compétences et à son expérience professionnelle, le préjudice subi sera justement réparé par une indemnité de 100 €.
Sur la demande de délivrance des documents de fin de contrat :
Dans son ordonnance du 22 octobre 2010, le bureau de conciliation du Conseil de Prud’hommes de Bordeaux avait ordonné à la société Domoteck Gmbh de remettre à M. [X] un certificat de travail établi en conformité avec l’article L.1234-19 du code du travail, ainsi qu’un solde de tout compte établi en conformité avec l’article L.1234-20 du code du travail.
La société ne démontre pas avoir remis ces documents en original à M. [X] et ce dernier n’a produit au débat que les photocopies.
M. [X] indique n’avoir été destinataire d’aucun certificat de travail, ni d’aucune attestation Pôle Emploi, si ce n’est les photocopies produites devant le bureau de conciliation en octobre 2010.
En toute hypothèse, l’attestation pôle emploi est erronée puisqu’elle mentionne comme motif de la rupture du contrat de travail de l’existence d’une faute grave.
Il convient en conséquence de confirmer la décision qui a condamné la
société à remettre au salarié ces documents de rupture.
Il est nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte dès lors que
la société n’a pas déféré à l’ordonnance du bureau de conciliation.
Sur la demande de liquidation de l’astreinte :
La condamnation prononcée par le bureau de conciliation, concernant la
remise des documents de rupture, était assortie d’une astreinte de 100 € par jour calendaire après un délai de 15 jours dont le premier se situerait au jour de la notification de la décision.
L’ordonnance du bureau de conciliation a été notifiée le 27 octobre 2010
et la société Domoteck Gmbh ne justifie d’aucun motif légitime expliquant le défaut de remise en original de ces documents de rupture.
Il convient, en conséquence, de liquider l’astreinte ayant couru du 12
novembre 2010 jusqu’à la date du présent arrêt à la somme de 10.000 €.
Sur les demandes formées par la société Domoteck Gmbh
Sur la demande de restitution formée par la société :
L’article 10 du contrat de travail oblige M. [X], en cas de résiliation du contrat pour quelque cause que ce soit, à restituer à la société, dans la huitaine de la cessation de ses fonctions, tous biens, documents, tarifs, programmes et instructions qui lui auraient été remis pour l’accomplissement de sa mission.
Lors de l’audience devant le bureau de conciliation le 22 octobre 2010, M.
[X] a reconnu tenir en sa possession des documents et clefs appartenant à l’entreprise, et notamment des chéquiers et carte bancaire.
Dans son ordonnance, le conseil lui a fait injonction de remettre à la
société ces documents et clefs.
Dans ses conclusions, la société Domoteck Gmbh reconnaît que lors de
l’audience de référé du 20 janvier 2011, le conseil de M. [X] lui a remis un certain nombre de biens et de documents lui appartenant à savoir un relevé de compte en date du 9 septembre 2010, une facture France Telecom en date du 23 août 2010, une facture émanant de la société Gestrimelec en date du 2 septembre 2010, le boîtier de télépéage ASF, et carte bancaire paiement de la société un téléphone portable et sa carte Sim ainsi qu’un câble USB, un jeu de quatre clefs, un carnet de formules de chèques de la banque populaire, un carnet de remise de chèque de la banque populaire.
La société indique que néanmoins, M. [X] conserve toujours par
devers lui du matériel informatique (ordinateur, imprimante, disque dur, logiciel), les dossiers clients et du mobilier de bureau.
Elle produit à cet égard les factures d’achat, libellées soit à son nom, soit au nom de Décoragroup, soit au nom de M. [X], mais qui toutes comportent l’adresse du local commercial dans lequel travaillait le salarié, [Adresse 5].
Se fondant sur l’attestation de Mme [O] [F], M. [X]
soutient que les matériels ont été repris par un technicien de la société, à la suite de sa mise à pied.
Toutefois, par cette attestation, M. [X] ne rapporte pas la preuve que
la société ait récupérée les biens réclamés, et Mme [F], secrétaire de la société AE 33 Aquitaine sis [Adresse 2], indique seulement avoir reçu dans son bureau M. [R], technicien support de la société Domoteck, ainsi qu’une personne d’un certain âge qui souhaitaient entrer dans le local [Adresse 4] et qui lui ont demandé si elle disposait des clés ou des coordonnées de M. [X].
Elle ajoute qu’elle n’avait aucun de ces éléments en sa possession et que les deux personnes sont restées plusieurs heures sur le site avant de revenir le 22 octobre 2010 au local de Décoragroup.
Cette attestation ne démontre nullement que la société ait pu récupérer la totalité des biens actuellement réclamés, dont le salarié n’avait que la détention précaire dans le cadre de son contrat de travail.
Il convient, en conséquence, par voie d’infirmation du jugement entrepris,
d’enjoindre à M. [X], sous astreinte de restituer ces éléments à la société Domoteck Gmbh.
Sur la demande de condamnation à dommages et intérêts formés par la société au titre de la faute lourde :
La société Domoteck Gmbh indique avoir subi un préjudice important du
fait de l’attitude de son ancien salarié qui a gardé en sa possession, dans l’intention de lui nuire, des matériels, objets et documents commerciaux ou confidentiels de sorte que des clients mécontents de l’absence de réponse à leurs courriers ou à leurs télécopies ont procédé au déréférencement de produits Domoteck.
Au vu des éléments produits au débat, la Cour dispose des éléments
suffisants pour chiffrer à 10.000 € la réparation du préjudice subi par la société Domoteck Gmbh du fait de la conservation indue des matériels, objets et documents nécessaires à la poursuite normale de l’activité commerciale.
Il y a lieu d’ordonner la compensation judiciaire entre les créances
réciproques.
Sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
La Cour confirmera la condamnation au paiement de la somme de 500 €
prononcée à ce titre par le Conseil de Prud’hommes.
Il est équitable d’allouer en outre à M. [X] une indemnité
complémentaire de 1.000 € au titre des frais de procédure irrépétibles engagé en cause d’appel.
La société Domoteck Gmbh sera en équité déboutée de la demande
formée de ce chef.
Les dépens de première instance et d’appel seront supportés à concurrence des trois quart par la société Domoteck Gmbh, et à concurrence d’un quart par M. [X].
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort :
‘Confirme le jugement, sauf en en ses dispositions relatives à l’indemnité de
congés payés, au montant des dommages-intérêts consécutifs au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, aux dommages et intérêts consécutifs à la perte du droit individuel à formation et au rejet de la demande de restitution formée par la société Domoteck Gmbh.
Statuant de nouveau de ces seuls chefs :
‘ Condamne la société Domoteck Gmbh à payer à M. [N] [X] la somme
de 60.000 € (soixante mille euros) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur, qui produit les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
‘ Rejette la demande formée par M. [N] [X] au titre de l’indemnité de
congés payés.
‘
Condamne la société Domoteck Gmbh à payer à M. [N] [X] la somme de 100 € (cent euros) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la perte de chance de faire liquider ses droits acquis en matière de droit individuel à la formation.
‘ Condamne M. [N] [X] à restituer à la société Domoteck Gmbh, dans
le délai de 10 jours à compter de la signification du présent arrêt, puis sous astreinte de 20 € (vingt euros) par jour de retard durant une période de trois mois, la totalité des matériels, mobilier et documents appartenant à la société Domoteck Gmbh et encore en sa possession, dont la liste figure en pièce numéro 9 du dossier de la société.
Y ajoutant :
‘ Liquide à la somme de 10.000 € (dix mille euros) le montant de l’astreinte ayant couru à l’encontre de la société Domoteck Gmbh entre le 12 novembre 2010 et le jour du présent arrêt.
‘ Condamne la société Domoteck Gmbh à payer cette somme de 10.000 €
(dix mille euros) à M. [N] [X].
‘ Condamne M. [N] [X] à payer à la société Domoteck Gmbh la somme
de 10.000 € (dix mille euros) en réparation du préjudice occasionné par la rétention de documents pièces, documents et mobiliers.
‘ Dit que les intérêts courent au taux légal à compter du 16 juin 2010 sur les
créances de nature salariale (indemnité compensatrice de préavis, congés payés y afférents, indemnité légale de licenciement, primes variables de 2009 et 2010, indemnité au titre de la clause de non-concurrence et congés payés y afférent); à compter du 20 décembre 2011 pour ce qui concerne les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (à concurrence de 10.000 €) et à compter de la date du présent arrêt pour ce qui concerne le surplus des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (soit 50.000 €), et la liquidation de l’astreinte (10.000 €).
‘ Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.
‘ Condamne la société Domoteck Gmbh à payer à M. [N] [X] la somme
de 1.000 € (mille euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile.
‘ Rejette le surplus des demandes.
‘ Ordonne la compensation entre les créances réciproques.
‘ Dit que les dépens de première instance et d’appels seront supportés pour les
trois quarts par la société Domoteck Gmbh, et pour un quart par M. [N] [X].
Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A-M Lacour-Rivière M. Vignau