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23 novembre 2016
Cour de cassation
Pourvoi n°
15-18.441
SOC.
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 novembre 2016
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVET, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Décision n° 11043 F
Pourvoi n° E 15-18.441
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la Banque populaire des Alpes (BPA), société coopérative de banque à forme anonyme et capital variable, dont le siège est [Adresse 2],
contre l’arrêt rendu le 19 mars 2015 par la cour d’appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. [X] [Y], domicilié [Adresse 4],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1], pris en sa direction régionale de Rhône-Alpes, [Adresse 3],
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 26 octobre 2016, où étaient présents : M. Chauvet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Banque populaire des Alpes, de la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat de M. [Y] ;
Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, l’avis de M. Petitprez, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Banque populaire des Alpes aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la Banque populaire des Alpes (BPA)
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société BPA à payer à [X] [Y] la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU’ « aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que la lettre de licenciement doit comporter l’énoncé des motifs invoqués par l’employeur, cette lettre fixant ainsi le cadre du litige ; que la lettre de licenciement du 26 juillet 2011, adressée par la Banque Populaire des Alpes à [X] [Y] fait grief au salarié d’entretenir des relations commerciales à titre privé avec la société Auto 19 et son dirigeant, M. [P] ainsi que l’indiquent 3 opérations : le 5 octobre 2010, un virement de 3.000 euros du Livret A du fils mineur de [X] [Y] au profit de la SARL Auto 19, opération effectuée par le salarié lui-même ; le 20 octobre 2010, un virement de 1.000 euros du compte personnel de [X] [Y] au profit de la SARL Auto 19, opération effectuée par un collaborateur ; le 19 avril 2011, un virement de 400 euros du compte personnel de [X] [Y] au profit de M. [P], opération également effectuée par un collaborateur ; que la Banque Populaire des Alpes précise que, d’une part, [X] [Y] s’est placé dans une situation de conflit d’intérêts et a manqué à son obligation de loyauté et de transparence et que, d’autre part, ces opérations sont intervenues en contravention avec les procédures internes qui imposent un ordre écrit du client pour effectuer tout virement et que ces opérations soient réalisées par le collaborateur gestionnaire du compte ; que deux fautes sont donc imputées à [X] [Y] : le non-respect des procédures internes et la situation de conflit d’intérêts existant avec un client ; qu’en préliminaire, il convient de constater que les 3 opérations relevées par la Banque n’ayant été portées à sa connaissance que par un rapport établi le 10 juin 2011 par son service Conformité, le délai de deux mois prescrit par l’article L. 1332-4 du code du travail pour engager des poursuites disciplinaires contre leur auteur a bien été respecté ; Sur le non-respect des procédures internes ; que les opérations effectuées par [X] [Y] consistent en 3 virements effectués de son propre compte ou du livret A de son fils mineur au profit du compte de la société Auto 19 ou de celui de son dirigeant M. [P] ; que le virement entraîne l’appauvrissement du compte à partir duquel les sommes sont débitées et lorsque ce virement est effectué à partir d’un compte client, il nécessite naturellement l’ordre du titulaire de ce compte ; que la banque doit pouvoir rapporter la preuve de l’existence de cet ordre et l’exigence d’un écrit, surtout si le titulaire du compte sur lequel les sommes sont transférées est un collaborateur de la Banque, est légitime ; qu’en revanche, lorsque le virement est effectué à partir du compte du collaborateur de la Banque vers le compte d’un autre client, il ne peut être considéré comme une source sérieuse de risques pour la Banque ; qu’aucun ordre écrit n’est exigé du titulaire du compte et si la charte de déontologie recommande à ce dernier de faire exécuter toute opération sur compte propre par son gestionnaire de compte ou l’attaché commercial de l’agence, elle indique qu’il peut également utiliser les autres canaux de distribution : GAB, Cyberplus, minitel, etc ; que le salarié peut donc comme n’importe quel client de la Banque effectuer des virements de son compte vers d’autres comptes en utilisant les systèmes informatiques mis à la disposition des clients sans en informer son gestionnaire de compte ; qu’il en résulte que les opérations de virement effectuées les 5 et 20 octobre 2010 et 9 avril 2011 ne peuvent être considérées comme fautives puisque c’est le compte de [X] [Y] qui était débité, qu’il n’entraînait aucun risque pour la Banque et que pour finir, les deux derniers virements n’ont pas été effectués par lui-même mais par un collaborateur, conformément aux procédures internes ; Sur l’existence d’un conflit d’intérêt ; que la charte de déontologie indique que le conflit d’intérêt se produit lorsque le collaborateur a un intérêt personnel ou est engagé dans une activité susceptible d’affecter sa capacité à s’acquitter de ses fonctions de manière objective, impartiale et efficace ; qu’elle précise que lorsqu’un des collaborateurs d’une agence exerce des fonctions d’administration, de gestion ou de direction dans une société commerciale ou s’il est associé dans une SCI ou responsable d’administration, le compte de la structure concernée doit être gérée dans une autre agence ; que [X] [Y] n’exerce aucune fonction de gestion ou d’administration dans une structure externe quelconque mais la Banque prétend tirer de l’existence même des 3 virements effectués les 5 et 20 octobre 2010, et 19 avril 2011 la preuve des relations commerciales entretenues avec la société Auto 19 et son dirigeant, M. [P] ; qu’elle produit à cet effet un mail adressé le 18 mai 2011 par [X] [Y] à la société Auto 19 ainsi libellé : « Bonjour [I] [P], j’ai besoin de pièces se rapportant à tout ce qui est renault peugeot R 21, R 19, super 5, megane, traffic, kangoo, clio, R 11, R 25, express, camion berliet, 405, 406, 309, 306, 407, 206, 205, 307, etc, etc, demande lui aussi tout ce qui est pièces de Mercedes, BMW, Opel ainsi que les 4/4, pour conclure ce sont les pièces usuelles dont j’ai besoin : cadrans, amortisseur, pare-choc, etc ; qu’un tel mail laisse envisager l’existence d’une véritable activité à temps complet de commerce de pièces détachées qui établirait l’implication de [X] [Y] si elles lui étaient destinées ; mais qu’il comporte la mention « mail transféré » et les échanges versés aux débats démontrent que le message ci-dessus retranscrit provenait en réalité de [N] [C] qui avait envoyé le 14 mai 2011 à [X] [Y] pour qu’il transmette le message à la société Auto 19 ; que ces échanges ont d’ailleurs été réalisés à partir d’adresses mail privées et ne sont pas passées par la messagerie de la Banque ; qu’en tout cas ils n’établissent pas l’implication personnelle de [X] [Y] dans un commerce de vente de pièces détachées automobiles et d’ailleurs, la lettre de licenciement n’en fait pas état ; que dès lors la seule existence de 3 virements s’étalant sur 7 mois et s’élevant au total à 4.400 euros est insuffisante à établir que [X] [Y] et M. [P] étaient engagés dans une relation d’affaires impliquant la conclusion de manière habituelle d’actes commerciaux et surtout pas dans le commerce d’envergure de pièces détachées résultant du mail du 18 mai 2011 ; que dans ces conditions, il convient de constater que la Banque Populaire des Alpes n’apporte pas la preuve de l’existence d’un conflit d’intérêt entre [X] [Y] et M. [P] ; que les deux fautes invoquées par la Banque Populaire des Alpes n’étant pas constituées, il y a lieu de déclarer le licenciement de [X] [Y] sans cause réelle et sérieuse ; Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu’aux termes de l’article L. 1235-3 du code du travail, le salarié peut prétendre en cas de licenciement abusif, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois ; que [X] [Y] travaillait pour la société depuis 3 ans et 10 mois et percevait un salaire mensuel moyen de 2.675,43 euros ; qu’il n’a pas trouvé d’emploi après son licenciement ; qu’eu égard à ces éléments, il y a lieu de lui allouer la somme de 25.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse »;
1°) ALORS QUE constitue une faute la violation d’une procédure interne s’imposant au salarié ; qu’au cas présent, la société BPA alléguait au soutien du licenciement trois virements opérés par M. [Y] au mépris des procédures prescrites au sein de la banque, spécialement par la charte de déontologie ; que pour dire le licenciement injustifié en l’absence de faute constituée, la cour d’appel a retenu que deux des opérations litigieuses avaient été opérées par un collaborateur de l’entreprise ; qu’en statuant ainsi, quand il ressortait de ses constatations qu’au moins un virement litigieux avait été opéré par M. [Y] au mépris des procédures internes, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l’article L. 1235-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; que dans ses conclusions d’appel, la société BPA invoquait précisément de précédentes sanctions disciplinaires du salarié motivées par la violation des procédures internes en vigueur au sein de la Banque ; qu’en retenant pourtant l’absence de justification du licenciement notamment motivé par une telle violation, sans répondre à ce chef déterminant des conclusions de l’exposante, la cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le juge du fond ne peut procéder par voie de simple affirmation, en sorte qu’il doit à tout le moins préciser sur quel élément de preuve il se fonde pour se déterminer et donner à ses constatations de fait une précision suffisante pour permettre de vérifier qu’il a rempli son office ; qu’en l’espèce, en affirmant péremptoirement, pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, que les virements faits en violation des procédures internes ne faisaient encourir aucun risque à la Banque, sans aucunement expliquer d’où elle déduisait cette assertion, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU’interdiction est faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ; que la lettre de licenciement en date du 26 juillet 2011 motivait notamment la rupture du contrat de travail par l’existence de « relations commerciales à titre privé » entretenues par M. [Y] avec un client de la banque « pouvant altérer [sa] capacité à [s’]acquitter de [ses] fonctions d’une manière impartiale et objective » ; qu’en affirmant néanmoins, pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, que la lettre de licenciement ne faisait pas état d’une implication personnelle de [X] [Y] dans un commerce de vente de pièces détachées automobiles, la cour d’appel a violé le principe faisant interdiction aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ;
5°) ALORS QUE le salarié qui se place en situation de conflit d’intérêt au titre de son activité commet une faute qu’il appartient à l’employeur de sanctionner, y compris par un licenciement ; en l’espèce, la société BPA alléguait au soutien du licenciement le fait que M. [Y] était personnellement impliqué, à titre privé, dans un commerce de pièces détachées automobiles avec un client de la banque et avait usé de ses prérogatives professionnelles pour oeuvrer à ce commerce ; que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse en l’absence de faute constituée à ce titre, la cour d’appel a retenu que M. [Y] n’était intervenu qu’en qualité d’intermédiaire dans les opérations commerciales litigieuses ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à démentir la matérialité de la faute du salarié, la cour d’appel a violé l’article L. 1235-1 du code du travail ;
6°) ET ALORS enfin QUE la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une des parties ; que, pour accueillir les demandes du salarié, la cour d’appel a considéré que la société BPA ne rapportait pas la preuve de l’existence d’un conflit d’intérêt justifiant le licenciement pour faute ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si le salarié pouvait démentir le conflit d’intérêt allégué au soutien du licenciement, la cour d’appel a fait peser entièrement la charge de la cause réelle et sérieuse du licenciement sur l’employeur, et violé l’article L. 1235-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR ordonné, en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par la société BPA aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par [X] [Y] dans la limite de 6 mois et dit qu’à cette fin une copie certifiée conforme du présent arrêt serait adressée à Pôle Emploi ;
ALORS QUE la cassation de l’arrêt sur le fondement du premier moyen en ce qu’il a jugé que licenciement était sans cause réelle et sérieuse entraînera automatiquement en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile la cassation de l’arrêt en ce qu’il a condamné la société BPA à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage perçues par [X] [Y] dans la limite de 6 mois.