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21 juin 2018
Cour de cassation
Pourvoi n°
17-16.027
SOC.
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 juin 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X…, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10854 F
Pourvoi n° X 17-16.027
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Faure Savoie, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 28 février 2017 par la cour d’appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. Jean-Paul B… , domicilié […] ,
2°/ à Pôle emploi Agence Albertville, dont le siège est […] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 23 mai 2018, où étaient présents : M. X…, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Y…, conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Faure Savoie, de la SCP Boullez, avocat de M. B… ;
Sur le rapport de Mme Y…, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Faure Savoie aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Faure Savoie et la condamne à payer à M. B… la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Faure Savoie
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir dit que licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’avoir condamné l’employeur à payer au salarié les sommes de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, abusif et vexatoire, 6 732,18 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 673,21 euros au titre des congés payés afférents, 11 532,22 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, 865,81 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire, outre 86,58 euros au titre des congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QU’ « en l’espèce, M. Jean-Paul B… a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 avril 2015 pour les motifs suivants : refus de prendre en charge le 31 mars 2015 à 17h45 le véhicule de M. Z…, conducteur de la société, constat le 2 avril 2015 d’une très forte odeur de fumée de tabac dans l’atelier par le directeur des ressources humaines alors qu’il est interdit de fumer par le règlement intérieur, consommation d’alcool sur le lieu de travail et découverte de nombreuses bouteilles de pastis et de vin blanc dans le frigo de l’atelier, alors que la consommation d’alcool est interdite dans l’entreprise, grand désordre dans l’atelier entraînant un risque pour la sécurité des personnes, ce qui a été constaté non seulement par le directeur des ressources humaines mais aussi confirmé par la visite du CHSCT du 7 avril 2015 sur le dépôt d’Albertville ; que concernant le premier grief, la société Faure Savoie produit le courrier de M. Z… (pièce 13) qui déplore ne pas avoir été pris en charge suite à une panne de démarrage le 31 mars 17h45 alors que le chef d’atelier, M. Jean-Paul B…, prenait l’apéro dans le bureau de l’atelier ; que cependant, M. B… qui était présent dans l’atelier ce soir-là avec d’autres salariés, produit les attestations de ces derniers qui précisent qu’au moment de l’arrivée de M. Z…, ils réparaient le véhicule de M. A…, conducteur qui venait de perdre la trappe de son toit, que M. Z… est arrivé à 18h30 dans l’atelier (confirmé notamment par l’examen du disque chrono-tachygraphe), soit après l’heure de fermeture de celui-ci et qu’il a cependant bien été pris en charge et a pu redémarrer son véhicule pour le garer, et que M. B…, n’a tenu aucun propos déplacé ou agressif à l’encontre de M. Z… ; qu’au regard de ces éléments, il n’y a pas lieu de retenir l’existence d’une faute de M. B… ; que, concernant le deuxième grief, il est reproché à M. B… de fumer dans son bureau, alors que cela est interdit, ce qui est bien précisé dans le règlement, et que, de plus, fumer dans l’atelier constitue un danger pour la sécurité des salariés au regard des substances qui y sont entreposées ; qu’il est pas contesté que le salarié a déjà fait l’objet d’un avertissement en 2009 concernant notamment l’interdiction de fumer dans les locaux de l’entreprise ; que M. B… affirme que tout le monde fume dans l’atelier sans en rapporter la preuve ; que cependant, il résulte de la lecture de la lettre de licenciement que le salarié fume uniquement dans son bureau et que pourtant la société Faure Savoie ne justifie pas lui avoir fait de nouveaux rappels depuis plusieurs années ; qu’au regard de ces éléments, le comportement fautif de M. B… est établi ; que concernant le troisième grief, il est reproché à M. B… de consommer de l’alcool sur son lieu de travail et notamment d’avoir pris l’apéritif avec deux autres collègues le 31 mars 2015, mais aussi d’avoir été trouvé en état d’ébriété le 2 avril 2015, l’employeur lui ayant fait passer un test d’alcoolémie qui a révélé un taux de 0,11 mg par litre d’air expiré, et encore d’apporter de nombreuses bouteilles dans l’atelier ; que, d’une part, le règlement intérieur ne prévoit l’utilisation de l’alcootest que pour les salariés roulants (pièce 31), que d’autre part, M. B… a expliqué qu’il sortait du repas lors duquel il avait pris deux verres de vin rouge, qu’enfin l’employeur ne démontre pas qu’il était en état d’ébriété, qu’il y a donc lieu de considérer que le test d’alcoolémie est inopérant et de l’écarter des débats ; que concernant l’apéritif pris le 31 mars 2015 avec deux collègues sur son lieu de travail, mais en dehors de ces horaires de travail, il apparaît que ces derniers ont fait l’objet d’un avertissement pour l’un et d’aucune sanction pour l’autre ; que concernant la présence de nombreuses bouteilles cachées dans l’atelier, il convient de rappeler qu’ainsi qu’en témoignent plusieurs salariés de l’entreprise, l’atelier faisait l’objet de travaux depuis plusieurs mois, qu’il était accessible à tout le monde et que, d’autre part, M. B… qui a été en arrêt de travail depuis le 22 mai 2014 jusqu’au 2 février 2015 ne peut être tenu pour responsable de la présence de ces nombreuses bouteilles d’alcool dans un atelier accessible à tous les salariés ; qu’ainsi, l’employeur établit l’existence d’un fait fautif commis par M. B… qui a consommé de l’alcool sur son lieu de travail le 31 mars 2014 après ses heures de travail ; qu’il est reproché au salarié dans le cadre du quatrième grief évoqué par l’employeur d’avoir laissé l’atelier dans un désordre indescriptible alors que celui-ci avait été rangé courant 2014 ; que cependant l’employeur n’apporte aucun élément susceptible d’établir que le rangement intégral de l’atelier ait été fait courant 2014 ; qu’il convient de rappeler que M. B… a été en arrêt de travail depuis le 22 mai 2014 jusqu’au février 2015 ; qu’il a été remplacé par trois personnes pendant son absence ; qu’il a repris son emploi à condition de n’effectuer que des tâches administratives ; que dès le 7 février 2015, le CHSCT a fait remarquer qu’il manquait un rangement pour désencombrer les zones de passage, que certains produits comme les batteries n’étaient pas stockées à l’endroit défini en février 2014, que le sol était gras et poussiéreux, etc. (pièce 35) ; qu’il résulte de ces éléments qu’il n’est pas possible d’imputer à M. B… l’important désordre constaté dans l’atelier moins d’une semaine après son retour, ce d’autant plus qu’ainsi qu’il a été rappelé l’atelier faisait à l’époque l’objet d’importants travaux avec notamment le perçage d’ouverture, et la présence d’ouvriers en charge de ceux-ci ; qu’il ne peut là encore qu’être constaté que l’employeur ne rapporte pas la preuve de la responsabilité ni d’une quelconque faute de M. B… concernant l’état de l’atelier, étant rappelé que le salarié n’a par ailleurs fait l’objet d’aucune remarque préalable de son employeur à ce titre ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société Faure Savoie établit que M. B… a fumé dans son bureau, ce qui est interdit, notamment au regard du danger que cela peut représenter pour les autres salariés puisque celui-ci est situé à proximité de l’atelier où sont entreposées des substances inflammables et qu’il a pris l’apéritif le 31 mars 2015, après ses heures de travail, avec deux autres salariés, dont un a été sanctionné par un avertissement, l’autre n’ayant pas reçu de sanction ; que ces deux reproches qui peuvent être faits à un salarié qui a déjà été rappelé à l’ordre en 2009 ne constituent pas une faute grave susceptible de justifier son licenciement ; que celui-ci a donc été prononcé sans cause réelle et sérieuse ainsi que l’a retenu le conseil de prud’hommes dans sa décision » ;
1°/ ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu’en l’espèce, l’employeur reprochait au salarié, au titre de la faute grave, les griefs suivants : refus de prendre en charge la panne d’un véhicule pour prendre l’apéritif sur lieu de travail, non-respect de l’interdiction de fumer, présence d’alcool dans l’atelier le 2 avril 2015 imprégnation alcoolique le même jour, mauvaise état de l’atelier et non-respect des procédures internes ; qu’en n’examinant que les griefs relatifs au refus de prise en charge d’un véhicule, à la consommation de tabac et de l’alcool et au désordre de l’atelier, sans examiner le grief relatif au non-respect des procédures internes, la cour d’appel a méconnu les limites du litige telles que fixées par la lettre de licenciement, et ainsi violé l’article L. 1232-6 du code du travail ;
2°/ ALORS QUE constitue une faute grave le fait, pour un salarié en charge d’un atelier de réparation et de maintenance de véhicules contenant des substances inflammables, de fumer à proximité ; qu’en retenant le contraire, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et ainsi a méconnu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9, ensemble l’article L. 4122-1du code du travail ;
3°/ ALORS QU’il est permis à l’employeur, dans l’intérêt de l’entreprise et dans l’exercice de son pouvoir d’individualisation des mesures disciplinaires, de sanctionner différemment des salariés qui ont participé à une même faute ; qu’en se fondant en l’espèce, pour dire dépourvue de gravité la faute du salarié auquel il était notamment reproché d’avoir bu du pastis sur le lieu de travail et d’avoir fumé à proximité de l’atelier de réparation et de maintenance de véhicules contenant des substances inflammables, que s’agissant de l’apéritif, il avait été pris avec deux autres salariés, dont un avait été sanctionné par un avertissement, l’autre n’ayant pas reçu de sanction, la cour d’appel a méconnu le pouvoir d’individualisation de l’employeur et n’a ainsi pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9, ensemble l’article L. 4122-1 du code du travail ;
4°/ ALORS QUE si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués et, en particulier, de rechercher si les faits dénoncés dans la lettre de licenciement pour motif disciplinaire ne constituent pas, si ce n’est une faute grave, une faute simple de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement ; qu’en se bornant en l’espèce à retenir que la faute grave visée dans la lettre de licenciement n’était pas établie, pour en déduire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans rechercher, ainsi qu’elle y était pourtant expressément invitée, si les faits visés dans la lettre de licenciement ne constituaient pas une cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail.