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5 juillet 2018
Cour de cassation
Pourvoi n°
17-13.262
SOC.
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 juillet 2018
Rejet non spécialement motivé
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10927 F
Pourvoi n° S 17-13.262
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Sophie Y…, domiciliée […] ,
contre l’arrêt rendu le 15 décembre 2016 par la cour d’appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société MJ Sinergie, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est […] , prise en la personne de M. Z…, en qualité de liquidateur judiciaire de la SA Ruedelor,
2°/ au CGEA Chalon-sur-Saône, dont le siège est […] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 6 juin 2018, où étaient présents : M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Basset, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, M. Weissmann, avocat général référendaire, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme Y…, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société MJ Sinergie, ès qualités ;
Sur le rapport de Mme Basset, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme Y….
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif d’AVOIR débouté Mme Y… de ses demandes tendant à ce que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et que la société Ruedelor soit par conséquent condamnée à lui payer les sommes de 1 881,96 euros à titre d’indemnité de préavis outre 188,19 euros au titre des congés payés afférents, 5 619,74 euros à titre d’indemnité de licenciement, 23 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QU’il est de jurisprudence constante que le salarié peut obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement grave de l’employeur à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Concernant les faits de harcèlement sexuel :
Qu’il n’est pas démontré par Madame Y… que Monsieur C…, son directeur de magasin, lui a offert un bijou, que ce dernier l’a invité à se rencontrer dans un cadre extra-professionnel ou encore lui a adressé un appel téléphonique obscène ; qu’en revanche, selon correspondance à l’entête de l’entreprise du 29 décembre 2007, Monsieur C… s’est engagé envers Madame Y… à cesser de l’importuner par ses « avances amoureuses insistantes et non réciproques ». A l’encontre de ce courrier, la SA Ruedelor ne fournit aucune explication suffisamment convaincante et ne verse aux débats aucun élément de nature à rapporter la preuve de la fausseté de cette reconnaissance de ces avances amoureuses par le supérieur hiérarchique de Madame Y… ; qu’il est en conséquence établi que Madame Y… a fait l’objet, courant 2007, de faits de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique.
Concernant les faits de harcèlement moral :
Que l’article 1152-1 du code du travail prévoit qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que par ailleurs, l’article L 1154-1 du même code édicte que lorsque survient un litige relatif à l’application des L 1152-1 à L 1152-3 et L 1153-1 à L 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; que cependant, les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d’établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu’elle présente au soutien de l’allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail ; que Madame Y… a été sanctionnée d’un avertissement disciplinaire le 18 juillet 2011 motivés par 7 retards injustifiés pour un détail cumulé de lh25 entre le 03 juin et le 09 juillet 2011 ; que par ailleurs, elle a de nouveau été sanctionnée d’un avertissement le 10 novembre 2011 en raison du non-respect des procédures internes sur les achats de produits à titre personnel, le non-respect de la procédure relative aux réservations, l’exécution de gravures à titre gratuit à son profit et parfois pour des tiers ainsi que des retards injustifiés ; qu’il ressort du courrier adressé le 24 novembre 2011 par la SA Ruedelor à Madame Y… que, courant février 2011, cette dernière a saisi la direction de la SA Ruedelor de difficultés avec son directeur de magasin, que Madame Y… a été reçue par son directeur régional le 03 avril 2011, que par ailleurs, Monsieur C…, interrogé séparément par sa direction, a fait part de sa lassitude en raison du manque de ponctualité de Madame Y…, aurait reconnu qu’il en faisait oralement la remarque à celle-ci, qu’il souhaitait uniquement la cessation de ses nombreux retards fréquents et qu’il lui avait été conseillé de cesser les reproches aux l’encontre de Madame Y…, de soumettre à sa direction tout manquement professionnel concernant cette dernière et de constater scrupuleusement chaque retard sur le logiciel de gestion des temps afin de pouvoir en faire le reproche à Madame Y… dans des conditions incontestables ; que courant novembre 2011, Madame Y… s’est plaint à sa direction de fait de harcèlement commis à son encontre ; que ces accusations ont donné lieu à une saisine du CHSCT ainsi qu’à une enquête interne ; que par ailleurs, le 04 juillet 2012, Madame Y… a saisi l’inspection du travail de fait de harcèlement commis à son encontre ; que cette dernière a clos ses opérations le 16 septembre 2013 qu’enfin, le conseil de prud’hommes a ordonné une mission de conseillers rapporteurs au terme de laquelle le rapport a été déposé le 13 mars 2013 ; qu’au terme de son procès-verbal du 16 septembre 2013, l’inspection du travail a estimé que Madame Y… avait été victime de faits de harcèlement moral ; que cependant, ces conclusions ne constitue que l’appréciation formée par l’administration en considération des actes d’investigations qu’elle a réalisés et ne peuvent en conséquence lier la juridiction ; que, dans le cas d’espèce, la copie du procès-verbal établi par l’inspection du travail versée aux débats par Madame Y… ne comprend que les témoignages de Monsieur D…, délégué du personnel suppléant, et de Madame E…, délégué du personnel, datés respectivement des 19 décembre et 18 février 2011 et les pièces afférentes aux procédures disciplinaires diligentées à l’encontre de Madame Y… ; que cette copie ne comprend pus les annexes XVI et suivantes mentionnées dans le procès-verbal ; que, par ailleurs, les éléments soumis à l’appréciation de l’inspection du travail ne permettent pas de retenir à l’encontre de Madame Y… des faits constitutifs d’un harcèlement moral ; qu’en effet, il ne ressort pas de l’audition de Monsieur D… (Annexe IV, soit une page) que Monsieur C… aurait proféré à l’encontre de Madame Y…, qui se trouvait au service après-vente, les propos suivants « virez-moi Sophie de là, elle n’a rien à faire ici ». De même, il ne ressort pas de l’audition de Madame E…, à qui Monsieur C… aurait fait remarquer que Madame Y… n’avait pas enregistré sur une vente de bijou le paiement de l’écrin, que Monsieur C… aurait ainsi remis en cause, de manière implicite la qualité du travail de Madame Y… ; qu’enfin, il en résulte que la demande de congés formée par Madame Y… le 16 septembre 2011 a été refusée le 30 septembre 2011 en raison de l’absence et de la maladie de trois autres collègues de Madame Y… ; que les conclusions de l’inspection du travail sont en conséquence insuffisante pour caractériser des faits de harcèlement moral à l’encontre de Madame Y… ; que l’enquête interne réalisée par la SA Ruedelor au sein du magasin dans lequel Madame Y… était employée a été close le 08 décembre 2011 ; qu’elle a relevé l’existence de tensions au sein du magasin à compter de la période 2010/2011 mais n’a pas permis de mettre en lumière l’existence de faits constitutifs d’un harcèlement moral à l’égard de Madame Y… ; qu’en revanche, certains salariés ont indiqué que Madame Y… arrivait souvent en retard, que Monsieur C… avait dû intervenir suite à des plaintes de l’équipe, que Madame Y… utilisait également son téléphone sur le lieu de travail, qu’il lui avait été fait interdiction de discuter avec Monsieur D… en cas d’affluence des clients, que Monsieur C… était un bon manager et qu’il était trop gentil ; que par ailleurs, le CHSCT, à l’issue de ses investigations, a conclu à l’absence de harcèlement sexuel et moral de Monsieur C… à l’égard de Madame Y… ; qu’il en ressort cependant que le CHSCT n’a pas conduit ses opérations avec toute la rigueur nécessaire puisque Monsieur C…, délégué syndical, a siégé au sein du CHSCT à cette occasion, qu’il a été interrogé mais qu’en revanche Madame Y… n’a pas été entendue. ; que néanmoins il ne peut en être tiré aucune conséquence dans le cadre de la présente instance dès lors qu’il appartient à Madame Y… d’établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants tondant sa prétention au titre du harcèlement moral ; qu’il a été retenu que la SA Ruedelor avait refusé à Madame Y… de lui accorder des congés en raison de l’absence ou de la maladie de trois autres collègues ; que par ailleurs, seul Monsieur F…, ancien salarié de la SA Ruedelor, témoigne du comportement injurieux et colérique de Monsieur C… alors que les autres anciens salariés, tant dans le cadre de l’enquête interne que de la mission de conseillers rapporteurs, attestent de la gentillesse de ce dernier ; que la réalité de ce grief n’est en conséquence pas rapportée ; que d’autre part, il n’est pas démontré que la SA Ruedelor a dénigré la qualité du travail de Madame Y… ou encore dénaturé son emploi ou son activité dans l’entreprise ; qu’enfin, les seuls bulletins de salaires versés aux débats par Madame Y…, soit du mois .de janvier à mars 2012, ne comprennent aucune retenue pour absence ; que par ailleurs, Madame Y… ne démontre pas que la SA Ruedelor a fait usage de la vidéo-surveillance pour contrôler ses heures d’arrivée au magasin ni modifié les règles d’un concours interne pour l’évincer ; qu’il résulte de ce qui précède que Madame Y… ne peut alléguer à l’égard de la SA Ruedelor pour soutenir sa demande au titre du harcèlement moral que les avertissements disciplinaires des 18 juillet et 10 décembre 2011 ; qu’il ressort de la réponse adressée le 19 juillet 2011 par Madame Y… à la SA Ruedelor suite à l’avertissement du 18 juillet 2011 que la salariée a expliqué que ses dépassements horaires compensaient très largement ses retards occasionnels dans la mesure où elle était la dernière vendeuse à assurer la fermeture du magasin ; qu’elle a ainsi admis la matérialité des faits reprochés de ce chef ; que par ailleurs, il n’est pas démontré qu’en raison des horaires de travail imposés par l’employeur, elle quittait tardivement son lieu de travail le midi ; que cette sanction disciplinaire apparaît en conséquence justifiée ; que, concernant la sanction du 10 novembre 2011, motivée par le non-respect de procédures internes et des retards injustifiés, la SA Ruedelor ne produit pas à l’instance les relevés horaires permettant de s’assurer du non-respect par Madame Y… des horaires de travail ; que de même, la Selarl MJ Synergie ès qualités ne produit pas aux débats les éléments de preuve permettant de remettre en cause la réponse de Madame Y… du 27 novembre 2011 faisant état d’un usage au sein du service, connu du directeur, autorisant de déroger aux procédures internes ; qu’il existe en conséquence un doute sur la réalité de ce grief qui devra profiter à Madame Y… ; qu’en conséquence, cet avertissement disciplinaire apparaît injustifié ; qu’il est de jurisprudence constante qu’un seul fait ne peut caractériser un harcèlement moral ; que Madame Y… ne peut en conséquence valablement soutenir avoir fait l’objet de la part de la SA Ruedelor d’un harcèlement moral ; qu’il ressort de ce qui précède que Madame Y… a fait l’objet de faits de harcèlement sexuel en 2007 au sein du magasin dans lequel elle était employée et que le 10 novembre 2011, elle a fait l’objet d’un avertissement disciplinaire injustifié : que d’autre part, suite aux plaintes de Madame Y…, l’employeur a adopté les mesures adéquates dans les délais suffisants, en premier lieu, en invitant Monsieur C… à cesser de reprocher oralement ses retards à Madame Y… mais à constater chaque retard sur le logiciel de gestion des temps afin de pouvoir en faire le reproche à Madame Y… dans des conditions incontestables et, en second lieu, en saisissant le CHSCT et en diligentant une enquête interne ; que compte tenu des conclusions négatives des investigations menées par le CHSCT et de l’enquête interne et faute pour la salariée de rapporter la preuve d’un harcèlement moral dans le cadre de la présente instance. Il ne peut lui être reproché d’avoir adopté d’autres mesures ; que Madame Y… ne peut par conséquent lui faire grief d’avoir manqué à son obligation de sécurité de résultat à son égard ; qu’enfin, l’ancienneté des faits commis en 2007, dont il est admis qu’ils ne se sont pas poursuivis postérieurement à cette date, et l’unique sanction injustifiée prononcée le 10 novembre 2011, ne permettent pas de retenir à l’encontre de la SA Ruedelor l’existence de faits actuels et suffisamment graves permettant de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu’il conviendra en conséquence d’infirmer en sa totalité le jugement déféré et de condamner Madame Y… à restituer à la Selarl MJ Synergie ès qualités les sommes perçues au titre de l’exécution provisoire du jugement en question
1°/ ALORS QU’il appartient aux juges du fond d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié pour déterminer si celui-ci établit la réalité de faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer un harcèlement moral ; qu’en s’abstenant d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par Mme Y… au soutien de ses allégations de harcèlement moral, et notamment ceux tirés du refus de son supérieur hiérarchique de la laisser effectuer des gravures et d’un traitement différent des autres salariés concernant les retards ou l’organisation des plannings, la cour d’appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°/ ALORS QU’il appartient aux juges du fond de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments avancés par le salarié laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral ; que pour affirmer que les faits de harcèlement moral n’étaient pas avérés, la cour d’appel a étudié un à un les éléments soumis à son examen par Mme Y… ; qu’en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par la salariée, la cour d’appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
3°/ ALORS QUE le juge a l’interdiction de dénaturer les conclusions des parties ; qu’en retenant qu’il n’était pas établi que la société Ruedelor avait fait usage de la vidéosurveillance pour contrôler les heures d’arrivée de Mme Y… au magasin quand ce fait était expressément reconnu par l’employeur dans ses conclusions, la cour d’appel a dénaturé les conclusions des parties et violé l’article 4 du code du procédure civile ;
4°/ ALORS enfin QUE le salarié peut obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur à ses obligations empêchant la poursuite du contrat de travail ; que la qualification de manquement suffisamment grave ne saurait dépendre de la seule ancienneté des manquements imputés par le salarié à son employeur ; qu’en se bornant, pour considérer que le harcèlement sexuel dont avait été victime Mme Y… ne constituait pas un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, que ce harcèlement était ancien, la cour d’appel a violé l’article 1184 du code civil.